• Lou Andreas-Salomé ; Dorian Astor

    « La proximité spirituelle entre deux êtres aspire à s'exprimer physiquement, mais l'expression physique engloutit la proximité spirituelle. »

    Couverture Lou-Andrés Salomé

     

    »

     

     

         Publié en 2008

      Editions Folio (collection Biographie)

      400 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Être seule, vivre intérieurement pour soi, est pour moi un besoin aussi impérieux que le contact et la chaleur humaine. Besoins aussi forts et passionnés l'un que l'autre, mais séparés et sujets au changement et à l'alternance, et c'est précisément cela qui paraît infidèle et inconstant. »

    Romancière, essayiste, psychanalyste, Lou Andreas-Salomé (1861-1937) est avant tout un esprit libre. A vingt ans, elle fait le pari d'une amitié philosophique avec Nietzsche, et joue avec le feu de son amour. A trente, compagne de Rilke, elle le guide sur la voie de la création, et se dérobe à sa passion. A quarante, elle est accueillie par Freud comme sa disciple la plus intelligente, et lui fait accepter ses hérésies. Femme parmi les hommes, elle a rêvé d'un « monde de frères », de mariage sans sexualité, de maternité sans procréation, d'inconscient sans pulsion de mort. Philosophie, poésie et psychanalyse ont été les instruments d'une seule grande affirmation : le lien indissoluble entre l'individu et la vie, tout entière. Lou Andreas-Salomé n'aura eu qu'une obsession - qui est aussi le titre d'une de ses nouvelles : « le Retour au Tout ». 

     

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Lou Andreas-Salomé...voilà un nom qui nous évoque vaguement quelque chose, sans qu'on puisse forcément le resituer. Personnellement, il m'évoquait la photographie d'une jeune femme au regard pénétrant. Elle a un demi-sourire et des mèches folles sur les oreilles et semble regarder l'objectif sans le voir. Elle n'est pas spectaculairement belle mais semble porter en elle une autre beauté, plus profonde et moins palpable.
    Lou, je la connaissais comme amie de Nietzsche, muse et amante de Rainer Maria Rilke, comme disciple de Freud. J'ai eu envie de savoir ce qui se cachait derrière tout cela. L'Histoire est cruelle avec les femmes parce qu'elle les oublie ou les ternit, même les plus puissantes, les plus savantes ou les plus fascinantes. Si vous étudiez l'Histoire de l'Art, par exemple, on vous parlera plus volontiers du Caravage que d'Artemisia Gentileschi, qui sont pourtant presque contemporains. Si vous abordez la science, on vous parlera sûrement plus spontanément d'Einstein ou de Pierre Curie que de l'épouse de celui-ci (quoique Marie Curie ait réussi à conquérir une notoriété qui transcende son sexe) ou de Lise Meitner.
    Il en est de même pour Lou Andreas-Salomé, présentée comme le faire-valoir de trois hommes : muse, disciple, amie, elle est finalement réduite à une petite partie de ce qu'elle fut vraiment.
    Cette biographie de Dorian Astor, philosophe, musicologue et germaniste spécialiste de Nietzsche tend justement à redonner une place plus propre à Lou, qui traversa toute la fin du XIXème siècle et mourut à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale, passant ses dernières années dans une Allemagne nazie qui surenchérit en violence.
    Née en 1861, Lou von Salomé ou Lioulia von Salomé (en russe) voit le jour à Saint-Pétersbourg mais elle n'est pas russe. Son père Gustav von Salomé est allemand et a même de lointaines origines huguenotes et provençales : ses ancêtres ont quitté la France après la révocation de l'Edit de Nantes, partant vers l'est de l'Europe où ils se fixent, entre l'Allemagne et les pays baltes. Sa mère, Louise Wilm, est d'origine allemande et danoise. La famille von Salomé est donc très cosmopolite et Lou, dans sa jeunesse, a la bougeotte, sillonnant l'Europe de long en large, de Paris à Saint-Pétersbourg, en passant par l'Allemagne, l'Italie et la Suisse.
    Très tôt, la jeune femme montre un certain intérêt pour les lettres, l'écriture puis la philosophie. Elle est très jeune encore quand elle rencontre Nietzsche, brillant penseur mais torturé, qui terminera sa vie dans la folie. Probablement amoureux de Lou, il s'en consumera tandis que la belle cruelle (sans le vouloir peut-être) continue de papillonner et de se refuser. Elle sera une épouse peu conventionnelle pour Friedrich-Carl Andreas qu'elle épouse en 1887, refusant profondément l'acte sexuel et la maternité biologique. Elle sera l'amie et la compagne de Rainer Maria Rilke, poète allemand presque maudit qui aurait eu sa place en pleine époque romantique. La fin de sa vie sera marquée par l'étude et la pratique de la psychanalyse dans le sillage de Sigmund Freud, dont elle sera d'ailleurs la disciple peut-être la plus assidue et la plus proche.

    Image dans Infobox.

    La photographie la plus célèbre de Lou, prise à la fin du XIXème siècle


    Lou Andreas-Salomé est aussi une femme de lettres, une romancière et une poète. Autrement dit, une intellectuelle complète, mais dont l'oeuvre et l'apport sont peu à peu tombés dans l'oubli : quand on parle philosophie, la cite-t-on nommément ? Idem pour la psychanalyse, dont la figure tutélaire reste Freud.
    Cette biographie n'a pas pour prétention d'expliquer Lou Andreas-Salomé mais apporte quelques éclairages afin de mieux la comprendre. Elle reste quand même relativement mystérieuse et impénétrable.
    Evidemment, de part l'activité de l'auteur, ce livre est empreint de philosophie et de notions parfois abstraites. J'avoue que la philosophie n'est pas le domaine où je me sens le plus à l'aise et je me suis sentie parfois un peu perdue. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette biographie est costaud et, peut-être n'est-elle pas forcément à recommander en introduction, quand on ne connaît rien au personnage. Oui, elle est ambitieuse et riche, passionnante par bien des aspects mais pas forcément facile d'accès. Au moins, si vous voulez vous lancer, vous voilà prévenus.
    Malgré tout, cette plongée dans un siècle (ou fin de siècle) plein d'émulation intellectuelle et artistique dont l'âge d'or prend brutalement fin avec les deux conflits mondiaux, est intéressante. Lou Andreas-Salomé a vécu à une époque où tout semblait possible, fréquenté pléthore de personnages qui, à leur manière, ont marqué l'histoire du monde, des arts, de la littérature, des sciences. Elle-même a mis son formidable esprit au service d'une théorisation et conceptualisation du monde et de la société, réfléchissant, écrivant, philosophant.
    Par bien des aspects de sa personnalité, Lou Andreas-Salomé est un personnage un peu hybride : née dans une bonne société, la société pétersbourgoise dans la révolution, elle est aussi bohème et marginale, menant une vie des plus condamnables aux yeux de ses contemporains. Parce que le XIXème siècle n'est pas encore complètement débarrassé de ces traditions corsetées et empreintes de religion qui condamnent et jugent sans appel. Lou Andreas-Salomé mènera sa vie comme elle l'entend, régentant ses relations avec les hommes, se livrant non pas aux tâches notoirement attribuées aux femmes : elle ne sera ni une bonne épouse au sens sociétal du terme ni une mère, car elle refusera la maternité.
    Pour autant, Lou Andreas-Salomé, bien que les fréquentant, n'est pas féministe. Elle ne prend jamais position et ne sera jamais militante. A son grand regret, elle ne se retrouve pas dans le système matrimonial de son temps ce qui la conduit à rejeter le mariage par défaut mais pas réellement par choix. La non-maternité ne se caractérise pas non plus chez elle par un absence de désir mais plus par une aversion instinctive de l'acte sexuel ce qui pousse encore aujourd'hui ses biographes à se poser la question de sa virginité : si Lou eut probablement des amants, il est très possible qu'elle ne découvrit la facette charnelle de l'amour que tardivement et que celle qui fut, dans sa jeunesse, présentée comme une femme fatale, menant les hommes à la baguette et prenant plaisir à les voir à ses pieds, n'était en fait qu'une jeune vierge surtout avide de comprendre le monde et de dénouer les liens complexes des relations homme-femme. Tout au long de sa vie, elle fut surtout un être de savoir et d'intelligence, accumulant les cordes à son arc et qui s'intéressa à maints domaines différents avant de se consacrer presque uniquement à la psychanalyse, qu'elle apprit consciencieusement avant de l'exercer.
    Parce que j'aime les biographies fortement ancrées dans le contexte, peut-être cela m'a manqué un peu ici mais je comprends la démarche de l'auteur qui, en tant que philosophe a évidemment mis l'humain au premier plan. Evidemment, Dorian Astor n'a pas pu faire l'impasse sur le contexte historique mais celui-ci n'est pas aussi présent que je l'espérais. Cela dit, la biographie est cohérente et implacablement logique (comme l'esprit de Lou, même si sa logique ne fut pas toujours celle des autres). On découvre un destin littéralement anti-conformiste, qui n'entre dans aucune case et sur lequel on ne peut poser aucune étiquette formatée. Lou Andreas-Salomé est un concept à elle toute seule et une femme prodigieusement intelligente qui resta jusqu'à la fin de sa vie pilotée par son esprit. Elle a connu le meilleur comme le pire de l'humanité et disparaît alors que la tragédie de la Seconde Guerre Mondiale se profile déjà à l'horizon en nuages menaçants : elle aura par exemple eu la tristesse d'assister à la récupération de la philosophie nietzschéenne par le régime nazi, aidé en cela par la propre sœur de Nietzsche qui fut l'une des plus irréductibles adversaires de Lou Andreas-Salomé.
    La vie de Lou est aussi riche que ce livre qui a le mérite de se concentrer uniquement sur elle, en faisant passer justement, le temps de 300 pages, les hommes en arrière-plan pour lui laisser le devant de la scène. Parce que Lou n'est pas qu'une disciple, une muse, une inspiratrice, une maîtresse ou une amie. Elle est avant tout une femme de lettres, une essayiste, une philosophe et une psychanalyse. Pas comme un homme : juste comme toutes les femmes devraient être présentées dans l'Histoire, pour ce qu'elles font. 

    Rilke à Lou Andreas-Salomé - Lettre du 12 mai 1904 | OLIVIER DOUVILLE

    Lou et Rainer Maria Rilke, qui fut un ami de longue date après avoir été un amoureux transi

    Bref :

    Les + : une biographie qui explique sans tout dévoiler, préservant le voile de mystère dans lequel Lou Andreas-Salomé, de son vivant, s'était dissimulée volontairement, un travail qui, surtout, la remet sur le devant de la scène pour ses travaux intellectuels et non pas pour sa féminité ou sa relation aux hommes.  
    Les - :
    je ne sais pas si l'on peut dire que l'aspect très philosophique de cette biographie est un point négatif. Pas vraiment car il est logique et cohérent de le retrouver ici mais j'avoue que certains notions m'ont totalement échappé.


    Lou Andreas-Salomé ; Dorian Astor 

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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