• Lucie de La Tour du Pin (1770-1853), marquise courage ; Madeleine Lassère

    « Il n'y a rien qui me soit plus antipathique que les cœurs froids. »

    Lucie de La Tour du Pin (1770-1853), marquise courage ; Madeleine Lassère

    Publié en 2014

    Editions Sud-Ouest

    204 pages

     

    Résumé : 

    Lucie Dillon, marquise de La Tour du Pin, est une femme exceptionnelle, tant par sa personnalité que par les péripéties de l'Histoire qu'elle a connues. Cette châtelaine du Bouilh (Gironde) se révèle d'un courage et d'une audace peu communes, traversant les tempêtes de la Révolution, de l'Empire et des régimes qui ont suivi avec un force de caractère admirable, aussi bien à Bordeaux qu'en Angleterre, aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, en Belgique ou...dans la campagne de Saint-André-de-Cubzac !
    Avec la marquise, on vit, on s'émeut, on voyage, on s'instruit...Madeleine Lassère propose avec ce récit, historiquement rigoureux et d'un style alerte, des « retrouvailles » avec la marquise, célèbre mémorialiste.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    On dit que, parfois, la réalité dépasse la fiction, en livrant des destins hors du commun et romanesques à souhait. Si l'on ne devait en garder qu'un, ce serait bien celui de Lucie Dillon, marquise de La Tour du Pin, que Madeleine Lassère fait revivre dans ce livre.
    Née en 1770, l'année même du mariage de la jeune Marie-Antoinette et du Dauphin Louis, futur Louis XVI, Henriette Lucy (ou Lucie) Dillon est d'origine anglaise, irlandaise plus précisément. Jacobites -c'est-à-dire qu'ils soutenaient les droits des Stuarts sur le trône anglais-, les Dillon émigrèrent en France à la fin du XVIIème siècle et y firent souche. Fille d'Arthur Dillon et de sa cousine Thérèse Lucy de la Rothe, la petite Henriette Lucy perd sa mère alors qu'elle a une dizaine d'années et est confiée à sa grand-mère maternelle tandis que son père se trouve au loin, dans son gouvernement colonial des Antilles -il fut notamment, entre autres, gouverneur de Saint-Christophe et Tobago. La grand-mère de Lucy ou Lucie, une femme très dure, le sera autant avec sa petite-fille qu'elle l'a été, plus jeune, avec ses propres enfants et la jeune fille connaîtra une fin d'enfance et une adolescence sinon très malheureuse, du moins relativement morose et pas particulièrement chaleureuse.

    Lucie de La Tour du Pin (1770-1853), marquise courage ; Madeleine Lassère

    Gravure représentant la marquise de La Tour du Pin, Lucie Dillon (XIXème siècle)


    Elle a dix-sept ans lorsqu'elle épouse Frédéric-Séraphin, comte de Gouvernet, futur marquis de La Tour du Pin. Mais la France se prépare à connaître des heures sombres et bouleversantes. La Révolution menace...moins de deux ans plus tard, ce sont les Etats-Généraux, la prise de la Bastille, le retour de la famille royale dans la capitale à l'issue des Journées d'Octobre 1789...Le père de Lucie, Arthur Dillon, qui fut notamment député de la noblesse aux Etats-Généraux puis à l'Assemblée constituante, sera guillotiné en 1794, tandis que sa fille, retirée dans la propriété de son mari en Gironde, le Bouilh, reçoit contre toute attente le soutien de Thérésia Cabarrus et de Tallien, pour fuir en Amérique, où elle restera quelques années. Les Gouvernet s'établissent alors comme fermiers dans le comté d'Albany, sur les rives de l'Hudson, près de New York. Auparavant, son époux avait été également ministre plénipotentiaire à La Haye. Les La Tour du Pin de Gouvernet connaîtront, après la Révolution, une vie nomade, entre l'Angleterre, la Suisse, l'Italie, la Belgique actuelle et toujours, la chère propriété du Bouilh, à Saint-André-de-Cubzac, que Lucie et son époux se verront obligés de vendre à la fin de leur vie. Lucie de La Tour du Pin, qui meurt en 1853, aux tout débuts du Second Empire, aura connu bien des bouleversements. Toute jeune encore, elle fréquenta les salons dorés de Versailles, quand sa mère était au service de la reine Marie-Antoinette, elle affronta avec courage les bouleversements de la Révolution, qui virent la famille de son époux ruinée, son père et son beau-père mourir sur l'échafaud, à quelques jours de différence, en avril 1794. Elle reviendra à l'époque du Directoire, quand Merveilleuses et Incroyables se partageaient le haut du pavé. Par la suite, les La Tour du Pin surent se faire estimer de Napoléon Ier -c'est lui, d'ailleurs, qui nomma l'époux de Lucie préfet du département de la Dyle, la Belgique actuelle. Après la seconde abdication de Napoléon, à la suite des Cent-Jours et du désastre de Waterloo, les La Tour du Pin surent se maintenir sous la Restauration et c'est finalement la Monarchie de Juillet, à laquelle Frédéric de La Tour du Pin refusa de se rallier, reconnaissant comme roi légitime Henri V, le comte de Chambord et unique petit-fils de Charles X, qui verra la disgrâce de la famille. La forte et exaltée Lucie n'aura pas été à l'abri des malheurs publics mais aussi privés, perdant plusieurs de ses enfants, dont Humbert, son aîné, en 1816, la jeune Cécile, l'année suivante et sa fille Alix-Charlotte en 1822. Des six enfants qu'elle mit au monde, il ne lui en resta qu'un au soir de sa vie, son benjamin Aymar, qui se maria un an après la mort de sa mère. 

    Lucie de La Tour du Pin (1770-1853), marquise courage ; Madeleine Lassère

    Le corps-de-logis du château du Bouilh (Gironde) vu depuis le parc : le château appartint aux La Tour du Pin jusqu'en 1835


    Dans ce livre, qui n'est pas vraiment une biographie, Madeleine Lassère établit le portrait de son héroïne à l'aide de faux mémoires basés cependant sur les vrais, puisque la marquise de La Tour du Pin fut une mémorialiste relativement renommée, dont l'oeuvre est parue, récemment, au Mercure de France, en 1979, dans la collection Le Temps Retrouvé. Mêlant récit de son invention et passages issus des véritables écrits de Lucie Dillon, l'historienne et biographe nous livre un portrait nerveux, exalté et foisonnant, à l'image de ce que fut la vie de la marquise de La Tour du Pin, une femme au destin, nous l'avons déjà dit, complètement fou et digne d'un roman d'aventures. Si le style de l'auteure ne parvient pas, parfois, à égaler celui de la marquise -on ressent assez nettement les différences entre les styles respectifs de Madeleine Lassère et de Lucie Dillon, même si la volonté de l'auteure était de nous livrer un récit linéaire dans lequel ses interventions se mêlent étroitement à celles tirées des mémoires de Lucy-, il n'empêche que ce récit relativement court -à peine 200 pages-, ne nous laisse pas le temps de nous ennuyer, bien au contraire. Il est enlevé, captivant et touchant puisqu'au soir de sa vie, alors que Lucie, déjà âgée et vivant dans le dénuement, s'adresse à sa petite-fille Cécile, la fille d'Alix-Charlotte, l'un des rares membres de sa famille à ne pas être mort. Tandis qu'elle a vu mourir cinq de ses enfants puis son mari, en exil -Frédéric-Séraphin de La Tour du Pin sera d'ailleurs enterré en Suisse-, Lucie revient sur son destin pour se raconter à la jeune Cécile, qui vient tout juste de se marier et entre doucement dans sa vie tandis que celle de sa grand-mère s'achève, dans l'amertume mais pas dans les regrets. Témoin d'un monde aujourd'hui disparu, la marquise fait revivre, pour les yeux de sa petite-fille, des yeux résolument tournés vers l'avenir et les bouleversements du XIXème siècle, les fastes de l'Ancien Régime, les avancées mais aussi les horreurs de la Révolution, que Lucie affronta courageusement alors qu'elle était chargée de famille et n'avait pas trente ans. C'est aussi une belle histoire d'amour que la vraie-fausse marquise nous relate ici puisque son union avec Frédéric de La Tour du Pin, bien qu'arrangée, se révéla particulièrement heureuse. Profondément unis par les épreuves qu'ils traversèrent ensemble, les époux s'aimèrent et s'estimèrent sincèrement et il est touchant de voir ce couple vivre si conjointement et si harmonieusement jusqu'à la mort du marquis, en 1837 -Lucie survivra tout de même seize ans à son mari, avant de mourir à son tour, dans son exil italien, à Pise, en 1853, à l'âge relativement avancé pour l'époque de quatre-vingt-trois ans.

    Lucie de La Tour du Pin (1770-1853), marquise courage ; Madeleine Lassère

    Louis-Philippe, duc d'Orléans, nommé lieutenant général du Royaume, arrive à l'Hôtel de Ville de Paris (tableau de Féron, 1837)


    Je ne marquerai sûrement pas ce livre d'une pierre blanche, pour autant, il m'aura appris pas mal de choses sur une femme au destin flamboyant, que je ne connaissais absolument pas mais qui mérite, je crois, de l'être. Je dois dire que j'ai été assez déroutée par la forme du livre -mais finalement j'ai trouvé le parti-pris assez original après la surprise du départ-, et même si parfois je n'ai pas été convaincue par le style de Madeleine Lassère -comment pourrait dire Lucie, notre franco-anglaise ? certaines tournures sont un peu...too much sarcastic-, eh bien je dois dire que j'ai trouvé cette lecture tout à fait plaisante et, qui plus est, servie par la rigoureuse recherche d'une historienne de formation, ce qui ne fait pas de mal. En bref, une bonne lecture.

    En Bref :

    Les + : un livre enlevé et captivant, sur un destin hors du commun et qui n'a rien à envier à celui d'une héroïne de roman.
    Les - : 
    quelques passages, écrits de la main de l'auteure, qui jurent avec les passages écrits par la marquise.

     


    Tags Tags : , , , , ,
  • Commentaires

    1
    Jeudi 4 Décembre 2014 à 16:15
    Comme tu le peux le déviner : JE VEUX absolument le lire ^^
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :