• Madame de Sévigné ; Stéphane Maltère

    « Je ne pourrais pas vivre en repos si je quittais de vue un seul instant ma chère Providence. »

    Madame de Sévigné ; Stéphane Maltère

    Publié en 2013

    Editions Folio (collection Biographies)

    352 pages 

    Résumé :

    « Je suis une biche aux bois, éloignée de toute politesse. »

    Marie de Sévigné (1626-1696) est un écrivain sans le savoir : rien ne préparait le millier de lettres qu'elle a écrites à voir le jour sous le nom d'oeuvre. Mais l'épistolière la plus célèbre de France est une femme au destin particulier : orpheline de bonne heure, elle échappe au couvent pour recevoir une éducation dont elle tirera tout le profit dans la société du XVIIe siècle au sein de laquelle elle brille par son esprit et son naturel. Témoin privilégié de son temps, de la Fronde au règne de Louis XIV, elle est surtout, lettre après lettre, l'historienne de sa propre vie, partagée entre son devoir et sa passion maternelle. Roger de Bussy-Rabutin, auteur féroce, ne s'y est pas trompé, qui écrit au sujet de sa cousine : « Rien n'est plus beau que ses lettres ; l'agréable, le badin et le sérieux y sont admirables ; on dirait qu'elle est née pour chacun de ces caractères. »

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Madame de Sévigné fut, comme la Palatine un peu plus tard, une figure marquante du XVIIème siècle littéraire. Elle n'est pourtant pas écrivaine, au sens propre du terme, elle n'a pas écrit de roman comme son amie Madame de La Fayette ni même de mémoires, comme son cousin Bussy-Rabutin. Mais sa formidable correspondance est aujourd'hui admiré comme un véritable travail littéraire de qualité, tant par les historiens que par les amateurs de lettres. Madame de Sévigné, pour les premiers, fait en effet partie des sources historiques de premier plan puisqu'elle est contemporaine d'un siècle riche et dont elle voit, de ses propres yeux, tous les événements majeurs. Pour les seconds, elle ne peut être qu'une source d'une admiration non feinte car sa correspondance, bien que pas vraiment réfléchie en soi mais par conséquent éminemment sincère et percutante, servi par un style parfait et qui s'ignore peut-être, touche presque à la perfection.
    Née en 1626, sous le règne de Louis XIII, à Paris, la future madame de Sévigné, naît Marie de Rabutin-Chantal. Sa grand-mère paternelle n'est autre que la célèbre Jeanne de Chantal, qui sera canonisée au siècle suivant et qui a, de son vivant, a fondé l'Ordre de la Visitation de Sainte-Marie, conjointement avec François de Sales.
    La famille maternelle de la petite Marie sent plus la routure : sa mère, Marie de Coulanges, est issue d'une noblesse de robe récente mais qui a de l'argent. L'enfant la perd à l'âge de trois ans, elle perdra aussi son père dans l'enfance. Elle est fille unique, confiée à un conseil de famille qui s'occupe de son éducation, regardée de près notamment par sa grand-mère, Jeanne de Chantal, depuis son couvent. Elle sera élevée avec ses cousins dans la famille de son oncle Philippe de Coulanges qui veillera à ce que la petite fille, au même titre que ses propres enfants, reçoive la meilleure éducation possible.
    A dix-huit ans, Marie de Rabutin épouse Henri de Sévigné, de bonne noblesse bretonne. L'union, bien assortie au premier abord mais décevante pour la jeune marquise quand elle s'apercevra que son époux la trompe, est couronnée par deux naissances : celle de Françoise, d'abord, la future madame de Grignan, idole de sa mère vieillissante et Charles, qui reprendra le titre paternel à la mort d'Henri... Veuve de bonne heure, madame de Sévigné ne se remarie pas pour se consacrer d'abord à elle-même puis à ses enfants, dont elle prend grand soin.
    Le reste de la vie de madame de Sévigné se déroule entre les cercles mondains de la capitale, la Cour, où elle est reçue de temps en temps et où elle aura même le bonheur d'applaudir sa fille dans les ballets dansés par la toute jeune famille royale -le roi, son frère, Henriette d'Angleterre etc...-, et son château breton des Rochers, son havre de paix, où elle aime à se ressourcer. Plus tard, sa vie s'organisera aussi autour d'un lieu plus méridional, le château de Grignan, en Provence, où elle retrouvera sa fille, mariée à François Adhémar Castellane de Monteil de Grignan, de bonne noblesse provençale.

    Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (tableau de Claude Lefebvre, XVIIème siècle)


    Madame de Sévigné est aussi un formidable témoin du temps. Née en 1626 et morte en 1696 elle est un témoin de premier plan du règne de Louis XIV. Elle assiste ainsi à la Fronde, pendant laquelle ses proches se retrouvent parfois dans des camps antagonistes. Elle est aux premières loges quand Fouquet, un ami proche, est arrêté à la suite de sa somptueuse fête donnée à Vaux-le-Vicomte au mois d'août 1661. Elle assiste aussi à la naissance de Versailles, à la monarchie absolue et solaire de Louis XIV et, en même temps, aux bouleversements qui ébranlent le pays : les guerres extérieures, les révoltes intérieures, la révocation de l'Edit de Nantes en 1685. En parallèle, madame de Sévigné, qui vieillit, voit arriver de nouvelles générations, celle de ses petit-enfants et notamment les enfants de Françoise, sa fille adorée, objet presque unique de son amour maternel qui virerait à l'obsession. Toute sa correspondance, ou presque, est adressée à Françoise...quelques lettres le sont aussi à son cousin Bussy-Rabutin mais une grande partie de son travail d'épistolière est en effet destiné à la fille qui est loin d'elle et qu'elle aime à en mourir. Pour autant, malgré le caractère privé et intime de ces lettres, Marie de Sévigné reste un témoin d'un temps révolu au regard aigu et sans concession.
    Tout ceci transparaît parfaitement bien dans cette biographie inédite de la grande épistolière. Stéphane Maltère a su cerner le personnage et, en émaillant son propos d'un grand nombre d'extraits de lettres de la marquise, restituer ce qu'elle était, ce qu'elle avait de plus instinctif...la personnalité de cette femme morte depuis plusieurs siècles est presque palpable...on la sent près de nous, proche de nous, comme un témoin bienveillant de notre lecture. Elle est vive et devient rapidement captivante grâce à une certaine complexité qui exclut toute fadeur. Le style de l'auteur, sobre sans être trop simple, allant droit au but, se marie qui plus est parfaitement avec celui, plus pêchu, de la marquise
    On s'attache à madame de Sévigné, on s'attache à ses pas...qui pourrait dire ensuite que les figures historiques féminines ne sont pas intéressantes ?
    Lisez cette biographie, vous verrez que ce n'est pas le cas.

    Françoise de Sévigné, comtesse de Grignan, l'unique fille et adorée de la marquise 

     

    En Bref :

    Les + : une bonne biographie facile d'accès ; le sujet est inédit mais n'en est pas moins intéressant.
    Les - :
    Aucun.
     


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  • Commentaires

    1
    Mardi 2 Février 2016 à 18:18

    J'avais adoré lire ses Lettres qui sont d'une saveur sans pareil... mais je ne m'étais penchée que très succinctement sur sa biographie. Une erreur à réparer ? smile

      • Mardi 2 Février 2016 à 23:44

        Une erreur à réparer au plus tôt ! ! yes Je ne savais pas trop dans quoi me lancer pour découvrir Madame de Sévigné autrement que par ses lettres et cette biographie m'a semblé être une bonne alternative. Effectivement, ça l'a été... :) Donc franchement je ne peux que te la conseiller ! ! cool

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    2
    Samedi 27 Février 2016 à 19:23

    J'avais noté ce titre suite à l'émission Secrets d'Histoire qui était consacré à Madame de Sévigné. Sa vie est passionnante. Ton article est bien écrit ! :-)

      • Samedi 27 Février 2016 à 19:50

        Je te remercie beaucoup !! cool Le livre y est aussi pour quelque chose...mes chroniques sont toujours mieux écrites et détaillées quand le livre m'a fait une forte impression !  

        En tous cas, je ne regrette pas d'avoir lu ce livre : j'avais été très attirée par la couverture et le contenu est à la hauteur de cette première impression, je dois dire ! Par ton blog, je commence à connaître un peu tes goûts, je sais qu'ils se rapprochent pas mal des miens et je pense donc pouvoir te conseiller ce livre sans avoir peur que tu ne l'aimes pas !!! sarcastic

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