• Marion des Pierres, tome 2, La Captive de l'Hiver ; Serge Brussolo

    « Il y'avait une certaine perversité à sculpter tant de beauté dans un matériau voué à l'anéantissement. »

    Marion des Pierres, tome 2, La Captive de l'Hiver ; Serge Brussolo

    Publié en 2001

    Editions Le Livre de Poche (collection Thriller)

    315 pages

    Second tome de la saga Marion des Pierres 

    Résumé :

    Pourquoi les Vikings ont-ils traversé les mers pour enlever Marion, l'ymagière qui sculpte des vierges de pierre au fond d'une abbaye de la côte normande? Pourquoi les guerriers de la mer sont-ils terrifiés par cette jeune femme, au point de lui emprisonner les mains dans des gantelets d'acier ?
    C'est un univers gouverné par d'étranges superstitions qui attend Marion au-delà des glaciers. Là, elle doit veiller sur les divinités du clan au péril de sa vie, et se défier des intrigues que la jalousie fait naître autour d'elle. Car certains détestent cette « sorcière » venue de France, et multiplient les complots pour ruiner son crédit. Marion triomphera-t-elle des rites barbares du peuple des neiges, ou bien finira-t-elle par succomber aux dangereux secrets qu'elle a commis l'erreur de mettre au jour ?

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Après être revenue vivante du pèlerinage maudit, c'est en Normandie que Marion, la jeune ymagière talentueuse, a trouvé refuge. Elle taille désormais des vierges de pierre au cœur d'une abbaye du littoral mais la paix va être de courte durée. En effet, voilà qu'un raid viking pille la région, saccage l'abbaye et en repart avec des prisonniers, et parmi eux, Marion, qui semble être justement l'objet d'une grande convoitise de la part de ces hommes du Nord. Commence alors un long périple vers les glaces de la Scandinavie : flanquée de Svénia, née française mais capturée dès son plus jeune âge par le clan, Marion apprend peu à peu que les Vikings la prennent pour une sorcière, une magicienne qui pourrait venir à bout de tous leurs problèmes. Et ils sont tellement persuadés que ses mains sont miraculeuses qu'ils les ont enfermées dans des moufles de fer...
    Marion, au contact du clan, va peu à peu apprendre à les connaître, se familiariser aux coutumes nordiques, à la langue norroise et apprendre progressivement qu'un terrible secret pèse sur la tribu de Rök, le troublant mais non moins terrifiant chef.
    J'ai acheté La Captive de l'Hiver avant Pèlerins des Ténèbres et j'avoue m'être arrêtée rapidement au résumé : il y était question de Vikings et j'ai donc pensé tout de suite, sans forcément chercher plus loin, que ce roman se situait donc au Haut Moyen Âge, justement au temps des invasions vikings, entre les VIIème et IXème siècles. En fait, ça n'est pas du tout le cas ! Il n'y a pas plus de repères spatio-temporels dans ce tome-ci que dans le premier, hormis peut-être une référence à la Guerre de Cent Ans, ce qui nous permet donc de situer l'intrigue au milieu du XVème siècle. Du coup, j'ai été très surprise de retrouver des Vikings à cette époque-là ! En effet, quand on parle des Vikings, on pense aussitôt aux premiers siècles du Moyen Âge, on a du mal à les imaginer existant encore, tels qu'ils pouvaient être huit cents ans plus tôt, à l'aube de la Renaissance. En effet, à cette date, la plupart des tribus vikings avaient été fédérées en véritables entités politiques, en royaumes : le Danemark existait déjà depuis longtemps, au même titre que la Suède ou la Norvège. Des liens s'étaient d'ailleurs établis entre les monarques du Nord et ceux du Sud : n'aura-t-on pas, à la fin du XIIème siècle, une reine venue du Danemark ?
    Mais il existait encore des tribus, non christianisées, qui continuaient d'honorer les anciens dieux du panthéon germanique et de vivre dans des clans organisés de manière tribale. Tel est du moins le postulat de départ du roman, sans forcément qu'il y'ait de véracité historique là-dedans dans la mesure où, dès le XIème siècle déjà, on ne parle plus vraiment de Vikings. Mais l'idée que des peuplades aient résisté à la christianisation en s'arc-boutant sur des rites, des croyances et des mœurs pluri-séculaires marche bien et est exploitée avec justesse par l'auteur, même si, bien sûr, une appréhension rationnelle de l'Histoire et de la chronologie ne peut nous amener qu'à la conclusion suivante : la christianisation des pays scandinaves ayant commencé dès le Haut Moyen Âge, on peut estimer qu'au XVème siècle, malgré la résistance qui n'a certainement pas manqué d'advenir, une certaine forme d'acculturation, découlant de l'habitude et de l'imprégnation avait bien fini par se mettre en place... Quoi qu'il en soit, si Marion était arrivée dans une peuplade du Nord, christianisée, animée des meilleures intentions, aurait-on trouvé un intérêt au livre ? Certainement, non. Du coup, que l'histoire soit authentique ou non importe peu. Pour continuer à exploiter le filon fertile de la superstition et des vieilles croyances, exploitation amorcée dans Pèlerins des Ténèbres il fallait effectivement pouvoir situer l'intrigue dans une terre suffisamment lointaine de la France pour que Marion y connaisse -et nous avec-, un véritable dépaysement, assorti d'une découverte d'une culture ô combien éloignée de la sienne. L'écart peut-il en effet être plus grand que celui qui oppose l'ymagière, dont le peuple commence à se tourner vers la lumière de la Renaissance et ces tribus du Nord, qui vivent dans une nuit éternelle et adorent des Dieux aussi violents et qu'Odin ou Thor ? Car c'est en effet dans un pays où l'on évoque le Vallhala, les Valkyries et le Ragnarök -la fin du monde- à tout va qu'atterrit Marion, particulièrement secouée ! ! Et de ce fossé qui sépare les deux civilisations naît rapidement la tension qui habite tout le livre...même si l'auteur n'a aucune volonté de comparaison : les Francs ne sont pas présentés comme supérieurs aux Vikings et ceux-ci, malgré leur violence naturelle, n'en restent pas moins des hommes comme les autres, avec des croyances, des peurs, des superstitions. Il n'en sont pas moins de vraies menaces pour la jeune ymagière qui ne les comprend pas comme elle-même, en tant que sorcière, suscite la peur chez les guerriers, pourtant réputés pour n'avoir peur de rien ! C'est finalement une approche ethnologique plutôt juste, impartiale et intéressante.
    La Captive de l'Hiver reste cependant un peu en-dessous de Pèlerins des Ténèbres, bien plus effrayant. On n'est pas moins captivé dans ce second tome mais l'intrigue est moins prenante, même si elle présente des analogies avec la première. Je n'ai pas retrouvé l'ambiance angoissante et menaçante du premier tome mais j'ai aimé voyager en Scandinavie aux côtés de Marion, découvrant ces pays tellement différents du sien à travers ses propres yeux, ses propres sensations. J'ai aimé l'intrigue tournant autour de la magicienne Wanaa, la montagne et le froid ayant encore une place prépondérante dans le récit, symbolisant à nouveau l'hostilité et l'adversité pour les hommes, quels qu'ils soient. Encore une fois, j'ai apprécié le style. Il est moins question de sexe dans ce tome-là même si, pour la première fois, Marion s'éveille à un sentiment amoureux vrai et sincère et j'ai trouvé cela...rafraîchissant ! ! On finissait par s'en lasser dans le tome un ! Le personnage de Marion gagne aussi en teneur : la jeune femme, connue jusque là pour son talent de sculptrice, s'avère avoir aussi un esprit très logique d'enquêteur. 
    Même si j'ai été moins emballée que pour le premier tome, je dois avouer que La Captive de l'Hiver est un bon roman historique, atypique à bien des égards mais très agréable à lire. Cette saga fut une bonne découverte : a priori, il n'y aura pas de troisième tome, et pourtant...La Captive de l'Hiver se termine à l'aube de ce qui semble être une nouvelle vie et une nouvelle aventure pour Marion...

    En Bref :

    Les + : une plongée intéressante dans le monde des Vikings, un style qui tient toujours la route.
    Les - : une intrigue un peu moins palpitante que dans le premier tome.


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