• Mémoires d'outre-tombe Livres XXV à XXXIII ; François-René de Chateaubriand

    «  Des événements nous séparent du monde ; la politique fait des solitaires comme la religion fait des anachorètes. Quand l'homme habite le désert, il trouve en lui quelque lointaine image de l'être infini qui, vivant seul dans l'immensité, voit s'accomplir les révolutions des mondes. »

    Mémoires d'outre-tombe Livres XXV à XXXIII ; François-René de Chateaubriand

     

     

       Publié en 2002

      Date de publication originale : 1848

      Editions Le Livre de Poche (collection Les            classiques de Poche)

      671 pages 

      Troisième tome des Mémoires d'Outre-Tombe 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Ce troisième tome s'ouvre sur la Restauration et nous conduit jusqu'à la Révolution de 1830. Nommé pair de France en 1815, Chateaubriand devient ambassadeur dans plusieurs capitales d'Europe et surtout ministre des Affaires étrangères de 1822 à 1824. Mais le mémorialiste reste silencieux sur ces mois de gouvernement, soudainement impuissant à se représenter pleinement comme acteur de l'Histoire. L'écrivain aborde d'emblée la Restauration sur le ton du désenchantement : Retomber de Bonaparte et de l'Empire à ce qui les a suivis, c'est tomber de la réalité dans le néant, du sommet d'une montagne dans un gouffre.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Cette année, j'ai décidé de lire le troisième volume des Mémoires d'outre-tombe, qui dormaient dans ma PAL depuis plusieurs années. J'ai d'abord voulu en faire un petit challenge de printemps, en me disant que je lirais ce volume (quand même assez conséquent) sur tout le mois de mars, voire peut-être sur avril aussi. C'était aussi prendre le risque d'arrêter ma lecture et de la mettre sur pause pendant une période indéfinie : j'ai souvent du mal à lire plusieurs livres de front et cela ne m'arrive pas souvent, ou alors, c'est toujours au détriment de l'un ou l'autre des livres.
    Finalement, je me suis attelée à la lecture de ce tome-ci la semaine dernière et...sept jours plus tard, il est déjà terminé.
    Ce troisième tome, qui regroupe les livres XXV à XXXIII des Mémoires initiaux, se concentre essentiellement sur la carrière politique de Chateaubriand et le premier mot qui me viendrait à l'esprit pour le qualifier, là, tout de suite, c'est : ardu. Oui, on est clairement (pour le moment) sur le tome le plus complexe de ces Mémoires qui, dans leur forme contemporaine, sont composées de quatre volumes. Après les souvenirs d'enfance et le récit de la Révolution française et de l'errance qui en résulte pour l'auteur, après la relation de ses voyages qui l'emmènent de Londres jusqu'aux grandes plaines sauvages des Amériques à la fin du XVIIIème siècle, place donc à l'autre vie de François-René Chateaubriand, homme de plume mais homme politique, aussi.
    Issu de la petite noblesse bretonne, Chateaubriand va rallier la contre-Révolution et l'Armée des Princes dans les années 1790. Le deuxième volume de ses Mémoires s'achève d'ailleurs sur une charge en règle de l'Empire, après le choc causé par l'exécution sommaire du duc d'Enghien en 1804. Ce troisième tome s'ouvre dix ans plus tard et aborde de plain-pied la Restauration et les débuts de Chateaubriand comme homme politique, sous les deux derniers Bourbons, Louis XVIII et Charles X : il est ainsi nommé Pair de France en 1815, ainsi que Ministre d'Etat, puis obtient le portefeuille des Affaires étrangères de 1822 à 1824. Il sera également ambassadeur près le Saint-Siège ainsi qu'à Londres, avant de regagner la France où il se trouvera aux premières loges pour voir tomber ces Bourbons qu'il a soutenus pendant la Révolution mais dans lesquels il ne croit plus vraiment. L'avènement de « l'usurpateur » Orléans, Louis-Philippe Ier, met un terme à la carrière politique de Chateaubriand et à ce troisième volume des Mémoires. Ironie du sort, il mourra la même année que cette monarchie qu'il décrie tant, en 1848.
    Ce tome est assez complexe à aborder car émaillé de textes diplomatiques, de dépêches, de notes qui sont relativement opaques pour nous, lecteurs néophytes du XXIème siècle. Cela n'empêche pas Chateaubriand de céder aux envolées lyriques typiques du romantisme naissant et de se livrer à un examen de conscience parfois bien pessimiste, comme il a su déjà si bien le faire dans les précédents livres de ces Mémoires ! Cela dit, je vous rassure : même si l'auteur est sans nul doute influencé par le courant romantique, alors en vogue en Europe et si toutefois vous y étiez hermétiques, cela ne gênera pas pour autant votre lecture, du moins je ne le pense pas. Je ne me considère pas spécialement comme une fan du courant romantique, surtout en littérature et si je n'ai pas manqué de le reconnaître au premier coup d'oeil chez Chateaubriand, je n'en ai pas été gênée pour autant. Si les descriptions qui tiennent des pages et des pages vous donnent des palpitations, vous ne trouverez pas cela ici, même si l'auteur cède non sans plaisir à un portrait circonstancié de la société romaine, de la campagne italienne ou encore, de la bonne société britannique qu'il fréquente lors de son ambassade (il faut ce qu'il faut, quand même). J'ai d'ailleurs souri parfois devant ces portraits quelque peu désabusés de sociétés déjà fréquentées auparavant et qui ne sont décidément plus ce qu'elles étaient...j'ai eu l'impression que Chateaubriand se livrait au « que voulez-vous, ce n'est plus ce que c'était, ma bonne dame » avec le recul parfois dépouillé de toutes ses illusions que peut donner l'âge ! 

    Chateaubriand en tenue de pair de France en 1828


    On le sait, des mémoires sont des sources historiques à manipuler avec précaution et, en même temps, des documents précieux car souvent écrits au plus près des événements. Au vu de ce que l'on sait du contexte général (sociétal, politique, géopolitique) de ce début du XIXème siècle, entre la chute de l'Empire de Napoléon et la Monarchie de Juillet, j'ai trouvé que Chateaubriand parvenait à faire preuve de nuances. S'il défend bien évidemment sa vérité, celle d'un homme d'Etat qui a parfois participé à la prise de décisions impopulaires, sa vision de la Restauration est finalement assez clairvoyante : les premiers chapitres de ce troisième tome n'ont pas laissé de me surprendre, d'ailleurs, car je me souvenais de ceux, très violents contre l'Empire et Bonaparte, qui achevaient le deuxième volume. Et là, justement, la Restauration de ces Bourbons qu'il a soutenus dans la contre-Révolution ne semble pas soutenir, à ses yeux, la comparaison avec l'Empire ! Finalement, par conviction intime et politique, Chateaubriand a soutenu un régime dont il sentait les failles depuis longtemps et dont il a vu la lente déréliction. Pour autant, il ne cessera d'être fidèle à la cause légitimiste, défendant le jeune comte de Chambord (Henri V) contre l'usurpation de son cousin Orléans, qui se fait impunément à la faveur des journées insurrectionnelles de juillet 1830.
    Depuis le départ, Chateaubriand semble céder à des accès de mélancolie et de noirceur plus ou moins violents : je l'avais déjà relevé dans les deux précédents volumes. C'est aussi le cas ici. Désabusé, le vieil homme qui écrit alors, trait d'union entre le nouveau monde et l'ancien monde, porte un œil froid sinon indifférent sur les années qui viennent de s'écouler et ont emporté le trône d'un Empereur et celui de deux rois dans leur chute. Sa plume se fait souvent critique et il n'a pas assez de mots pour décrire la catastrophe qui semble inscrite dans l'ADN même dans la Restauration, comme un régime voué à l'échec, comme une parenthèse nécessaire mais déjà condamnée entre l'Empire et autre chose.
    Si ce document porte immanquablement une part de subjectivité, ce qui est bien évidemment normal, il reste malgré tout une source précieuse pour tous ceux qui s'intéressent à l'Histoire du XIXème siècle. Sous la plume de Chateaubriand, les événements reprennent de la teneur, de la consistance : de la chute de Napoléon à Waterloo en passant par l'assassinat du duc de Berry par Louvel et la révolution de juillet 1830 (les Trois Glorieuses), rien n'est laissé de côté et tout est relaté et analysé. Ajoutez à cela une analyse personnelle mais finalement assez fine des sociétés londonienne et romaine des années 1820 et vous obtenez un document particulièrement riche, parfois compliqué et qui nécessite une bonne concentration mais qui vous laisse l'impression d'avoir été, l'espace d'une lecture, au plus près des événements et ça, ça n'est pas de prix.

    27-29 juillet 1830 - Les ordonnances de Juillet et la révolution des « Trois  Glorieuses » - Herodote.net

     

    L'insurrection des Trois Glorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830) qui coûte son trône à Charles X. Ce tableau représente les combats de la rue de Rohan (Hippolyte Lecomte). 

     

    En Bref :

    Les + : le sentiment d'être au plus près d'événements absolument marquants, car on les voit au travers des yeux d'un témoin privilégié.  
    Les - :
     
    des passages très politiques et compliqués à comprendre, il faut s'accrocher ! Après, ça fait partie du jeu et il faut l'accepter !


    Mémoires d'outre-tombe Livres XXV à XXXIII ; François-René de Chateaubriand

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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