• Meurtres au Potager du Roy ; Michèle Barrière

    « Les merveilles de la nature sont telles qu'on peut en jouer indéfiniment. »

    Amazon.fr - Meurtres au potager du Roy - Barrière, Michèle - Livres

    Publié en 2010

    Editions Le Livre de Poche (collection Policier)

    379 pages

    Résumé :

    Château de Versailles, mai 1683. La mode est aux jardins. Louis XIV raffole des légumes primeurs : asperges, petits pois, melons...
    Au Potager du Roy, puis chez un maraîcher du quartier de Pincourt à Paris, des champs de melons sont vandalisés, des jardiniers assassinés. L'existence d'un complot ne fait aucun doute. 
    Benjamin Savoisy -premier garçon jardinier du Potager-, mène l'enquête dans les coulisses de Versailles, où officient cuisiniers et maîtres d'hôtel. Elle l'entraînera jusqu'en Hollande, grande puissance coloniale réputée pour son commerce. Saura-t-il déjouer les manœuvres de séduction, percer à jour les traîtrises ? 
    Dans ce quatrième tome des aventures de la famille Savoisy, Michèle Barrière mêle une fois encore avec bonheur histoire, gastronomie et intrigue policière. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1683, Benjamin Savoisy est garçon jardinier au Potager de Louis XIV, à Versailles, sous les ordres du célèbre Jean-Baptiste La Quintinie, qui s'illustra dans l'adaptation de nouvelles techniques de culture des fruits, légumes et arbres du verger. A la Cour on adore les fruits et les légumes et Louis XIV leur voue un amour certain, on pourrait donc presque dire que le génie de La Quintinie égala celui de Le Nôtre !
    Les travaux du potager, en parallèle de celui du château et des jardins à la française, se déroula de 1678 à 1683. Il vient juste d'être terminé ou est en passe de l'être à l'époque où Michèle Barrière situe l'intrigue de son roman noir et gastronomique. Aujourd'hui le potager existe encore, c'est un jardin urbain de 9 hectares ouvert à la visite ; il produit encore également fruits et légumes qui sont proposés à la vente. On peut ainsi trouver, notamment dans des boutiques de Paris, des jus préparés à partir des productions du potager.
    A l'époque, cependant, le pari était difficile à relever et un peu fou, pourrait-on dire : comme le site de Versailles, entouré de marécages, l'endroit choisi pour aménager le futur potager royal n'avait rien d'exceptionnel, loin s'en faut et n'était, surtout, pas adapté à la culture des fruitiers et autres légumes. On fit ainsi venir de la bonne terre des coteaux proches de Versailles (notamment de Satory) et on draina les eaux stagnantes pour que les cultures n'en souffrent pas : il n'y a pas besoin de s'y connaître en fleurs ou en légumes pour savoir que les marais ne sont en effet pas un terrain propice au développement de beaux jardins ou de bons produits. En quelques années cependant, grâce aux soins du chef jardinier et de ses employés, le Potager du roi produisit de très bons fruits et d'excellents légumes grâce aux techniques novatrices de La Quintinie : on connaît tous, aujourd'hui, ses manières de tailler les arbres fruitiers afin qu' ils donnent plus, par exemple.
    C'est dans cette ambiance que travaille Benjamin Savoisy, garçon jardinier au service du chef jardinier. Il est marié avec Ninon, une jeune versaillaise qui travaille à la Cour comme bouquetière et fournit notamment en fleurs La Palatine, la belle-sœur du roi.
    Avec Benjamin c'est la première fois que je fais connaissance avec la famille Savoisy que l'on retrouve en fait, depuis le Moyen Âge, dans chaque roman de Michèle Barrière. Arrivé quelques années auparavant en France, Benjamin est en fait natif de Genève, où il a laissé le reste de sa famille : on comprend donc rapidement que la famille Savoisy est protestante, car à l'époque, Genève et huguenots sont intimement liés et certaines familles françaises trouveront d'ailleurs refuge là-bas après la révocation de l'Edit de Nantes, en 1685. Benjamin est plus ou moins brouillé avec les siens, d'ailleurs, parce que les Savoisy sont protestants et Benjamin a, pour épouser Ninon qui est catholique, abjuré.
    Une fois n'est pas coutume, je lis une saga dans le désordre, d'une part parce qu'elle s'y prête mais aussi parce que je ne possède pas les premiers volumes. Pour autant, ils semblent suffisamment bien différenciés les uns des autres pour être considérés comme des romans indépendants. Il est sûr qu'après avoir découvert Meurtres au Potager du Roy, je pense lire les autres romans de cette saga pour le moins originale et novatrice, qui mêle enquête policière et gastronomie. J'ai aussi trouvé très intéressant le carnet de recettes d'époque disponible en fin de volume ; il nous permet en effet de comprendre encore mieux les évolutions de la cuisine. Surtout que le XVIIème siècle est justement une période d'émulation en ce qui concerne la grande cuisine : les produits découverts en Amérique commencent à faire leur apparition sur les tables (pas toutes cependant et pas tous les produits non plus), la nourriture devient un véritable art au même titre que la peinture ou l'accommodement des jardins. Les sauces épaisses et très épicées des siècles précédents laissent place à des mets moins gras et plus savoureux. Le goût est mis en avant, on aime consommer les produits de la terre et la notion de bons produits est déjà bien présente à l'époque. Les cuisiniers commencent à faire preuve d'imagination et de créativité : la cuisine française prend doucement ses galons à l’époque et ne cessera plus, ensuite, d'évoluer.
    Quant à l'enquête policière, elle tourne, gastronomie oblige, autour des melons. C'est un fruit produit par La Quintinie dans son potager et que le roi adore. Afin de satisfaire le palais de son Royal client, le jardinier a mis en place une race de melons suffisamment résistante pour produire dès le début du printemps. Mais voilà que les melons du Potager royal sont saccagés ainsi que les plantations parisiennes. Que se passe-t-il donc et qui donc en veut ainsi aux melons de Sa Majesté ? L'affaire se complique quand, à la mise à sac des melonnières s'ajoute la mort de plusieurs personnes et notamment d'un jardinier du Potager... Benjamin va alors mener l'enquête, une investigation qui ne sera pas sans danger et l’emmènera jusqu'en Hollande, une contrée pour le moins dépaysante et en Angleterre, où il semblerait que les habitants n'aient pas exactement la même conception de la bonne chère que de l'autre côté de la Manche ! Il va se rendre compte alors qu'il a alors lamentablement été trompé par une vénéneuse séductrice et échappe de peu au bannissement perpétuel dans une lointaine colonie néerlandaise en Asie !

    Le Potager du Roy (gravure d'époque, issue de l'émission Le Grand Tour diffusée sur France 3 le 30 janvier 2013)

    Dans ce roman il y'a du bon comme du moins bon. Aborder la Cour de Louis XIV (qu'on aperçoit très peu au demeurant) à travers une intrigue tournant autour du Potager du Roy est vraiment une idée originale et intéressante d'autant plus que l'auteure s'est beaucoup renseignée, tant sur les rouages du Potager où les jardiniers travaillaient dur afin de satisfaire leur très royal premier client que sur ceux de la Maison royale, composée d'une foule d'officiers et de petites mains qui œuvraient dans le plus grand secret pour contribuer à la gloire universelle de Louis XIV.
    Le personnage de Benjamin est sympathique quoiqu'un peu naïf. Il n'est pas exceptionnellement attachant mais on apprécie en tous cas de le suivre dans ses pérégrinations et les aventures qui lui arrivent au cours de l'action nous font, nous lecteurs, nous sentir plutôt concernés. Il en naît donc un certain intérêt pour le personnage principal même si certains de ses choix nous font grincer des dents et envie de lui donner des baffes tant la tromperie est là, évidente, sous ses yeux et qu'il ne la voit pas !
    Quant à l'intrigue policière, elle ne m'a pas vraiment convaincue : elle est assez intéressante, certes, mais desservie par certains rebondissements pas forcément très crédibles et souffre d'un léger manque de relief. Comme le personnage de lord Chasclith, qui semble être présent juste pour accumuler les traductions littérales d'expressions populaires anglaises, ce qui donne d'ailleurs un langage fantaisiste et truculent, l'intrigue policière semble n'être qu'un prétexte et surtout, elle est quand même au service de l'intrigue culinaire qui reste au centre du récit et la plus importante. L'auteure s'est d'ailleurs énormément renseignée sur les inventions de l'époque, les scientifiques qui se piquaient d'horticulture, sur les cuisiniers à la mode et leurs écrits. L'intrigue policière manque peut-être un peu de teneur, c'est dommage, mais Meurtres au Potager du Roy reste un bon moment qui m'a beaucoup surprise et assez agréablement d'ailleurs, je dois dire : l'alliance de la cuisine à l'enquête policière n'a pas manqué, qui plus est, de me faire penser à la fameuse saga de Jean-François Parot, Nicolas Le Floch où l'on trouve aussi ce subtil mélange ! Et surtout ce roman m'a donné envie de m'intéresser plus sérieusement aux autres aventures de la famille Savoisy donc je pense que le défi est relevé et plutôt positivement ! !

     

    En Bref : 

    Les + : une idée originale et novatrice, une vision du XVIIème siècle et du règne de Louis XIV à travers un prisme inattendu mais intéressant, une intrigue aux bases historiques solides et fouillées. 
    Les - : 
    une intrigue policière qui manque un peu de teneur et de relief, dommage mais pas catastrophique non plus. 

     

     


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