• «  Il serait beau, s’il n’avait pas les yeux fermés.
    Un visage sans yeux, c’est un palais sans fenêtres.  »

    Lucrèce Borgia ; Victor Hugo

    Publié en 2011

    Date de publication originale : 1833

    Editions Pocket

    160 pages 

    Résumé : 

    Indifférente à la haine de l'Italie entière, Lucrèce Borgia parade au carnaval de Venise. Qui pourrait inquiéter cette femme de pouvoir qui baigne dans l'adultère, l'inceste et le crime ? Elle a peur cependant, et tremble pour un simple capitaine qu'elle cherche parmi la foule. Il se nomme Gennaro. Il est amoureux d'elle, lui qui tient les Borgia en aversion et insulte leur blason. Or Gennaro n'est autre que son fils, né de ses amours incestueuses avec son propre frère, et le jeune homme ignore tout de son passé et de ses origines. Lucrèce est un monstre, mais aussi une femme et une mère. Comment protéger son enfant, comment le soustraire à la fureur d'un mari qui le croit son amant ? 
    En 1833, ce mélodrame tragique surpasse tous les triomphes de Victor Hugo. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1832, Victor Hugo écrit cette pièce, Lucrèce Borgia, qui est un drame en prose. Elle est jouée pour la première fois au théâtre de La Porte-Saint-Martin le 2 février 1833 -et, pour la petite anecdote, c'est lors d'une des lectures publiques de cette pièce que Hugo va rencontrer l'amour de sa vie, Juliette Drouet. 
    Même si vous n'aimez pas l'Histoire, vous ne pouvez pas ne pas avoir entendu parler de Lucrèce Borgia, personnages central de la pièce et qui lui donne même son nom.
    Lucrèce, de son vrai nom Lucrezia Borgia, est née à Rome vraisemblablement en 1480. Elle est la fille de Rodrigo Borgia, alors cardinal et de Vanozza Cattanei. Elle a deux frères aînés, les célèbres Juan et César. Elle aura un frère puiné, Goffredo et elle est la seule fille de la fratrie. Lucrèce est une toute jeune fille de douze ans quand son père devient pape, sous les nom d'Alexandre VI. Un pape qui, en cette fin de XVème siècle, est plus un chef d'Etat temporel qu'un homme d'Eglise et qui va utiliser sa fille unique comme un pion politique, mariable à l'envi, pour s'assurer le soutien de telle ou telle famille. Elle sera mariée trois fois, d'abord avec Giovanni Sforza, seigneur de Pesaro : leur mariage sera annulé. Ensuite, elle se marie avec Alfonso d'Aragon, duc de Bisceglie, qui sera assassiné par son beau-frère César. Enfin, elle épousera Alphonse d'Este, duc de Ferrare dont elle aura plusieurs enfants. Elle mourra en couches en 1519, à l'âge de trente-neuf ans et emportera dans la tombe sa vérité. Qui est Lucrèce Borgia ? Peut-on accorder foi à la légende noire qui lui colle à la peau depuis le XVIème siècle ? Ou au contraire doit-on nuancer son propos ? Aujourd'hui, les historiens s'accordent pour dire que Lucrèce n'a certainement pas été aussi sulfureuse ni scandaleuse qu'on veut bien le croire. A-t-elle eu des amants ? Peut-être, mais en cela, elle n'est pas si différente d'autres femmes de l'époque, à commencer par Giulia Farnese, la maîtresse d'Alexandre VI, à la limite autrement plus scandaleuse que la petite Lucrèce ballottée au gré des intérêts paternels. La plupart de ses biographes réfutent l'inceste qu'on lui prête avec ses frères et même son père ! Lucrèce, comme le reste de la fratrie Borgia, de part sa naissance, vient au monde avec une tâche scandaleuse contre laquelle elle ne peut rien, certes. Cela ne veut pas dire pour autant qu'elle est une criminelle incestueuse, un monstre femelle comme elle a été souvent dépeinte. Aujourd'hui on découvre une Lucrèce mécène, installée dans une vie harmonieuse, au milieu de sa famille à Ferrare. Elle a été une femme cultivée et lettrée qui personnifie assez bien les débuts de la Renaissance et de l'humanisme.
    Nuancer un peu le portrait d'une femme qui certainement le mérite ne veut pas dire tout nier en bloc pour autant et on sait que l'Église à l'époque est corrompue et pleine de vices mais finalement, les Borgia ne se comportent ni plus ni moins que les grandes familles qui tiennent alors les différentes villes et provinces italiennes.
    Autant vous dire que Victor Hugo, influencé par l'Histoire très partiale telle qu'on la pratique au XIXème siècle, une Histoire souvent empreinte de légende et de romanesque, n'y va pas avec le dos de la cuillère et sa Lucrèce est un personnage cruel, monstrueux, sulfureux à qui il insuffle un peu d'humanité via la maternité -ce qui sera aussi son drame.
    De Victor Hugo, je connaissais le romancier et le poète. C'est via ses poésies et notamment le très beau et très poignant Demain dès l'aube que j'ai découvert Hugo quand j'avais une dizaine d'années. Ensuite j'ai lu Les Misérables, une saga formidable et que j'ai beaucoup aimée. Et il y'a presque dix ans j'ai lu Notre-Dame de Paris qui est un chef d'oeuvre monumental.
    Lire ses pièces ne faisait cela dit pas forcément partie de mes objectifs ni de mes envies. Comme pour la poésie, le théâtre est un domaine que je connais peu et qui ne me passionne pas. Au collège, j'avais pris plaisir à découvrir certaines oeuvres de Molière par exemple mais c'est un genre littéraire que j'ai délaissé par la suite.
    Du coup, lire Lucrèce Borgia n'allait pas de soi et j'ai d'ailleurs hésité entre cette pièce et le Lorenzaccio d'Alfred de Musset. Et puis finalement c'est Lucrèce qui l'a emporté parce que je la trouve fascinante, cette femme. Et elle le devient d'autant plus sous la plume de Hugo, qui en fait un monstre de perversion et en même temps une femme et une mère comme les autres, protectrice et combative pour sa progéniture, preuve que l'humanité est forte et peut se manifester même chez ceux qu'on croyait en être dépourvus. L'humanité fait partie de notre essence à tous. On sent le drame de Lucrèce se nouer, l'étau qui se resserre et on pressent l'issue fatale. Le drame, le tragique sont très présents dès le début de la pièce et même s'ils ne sont pas forcément tangibles, ils sont là, on les sent. J'ai lu ces cent-soixante pages avec intérêt et attention. Le Hugo dramaturge ne détrône pas le Hugo romancier pour moi mais c'est une question de goût : je préfère les romans, donc forcément ceci explique cela. Mais je suis très contente d'avoir lu cette pièce, encore jouée et mise en scène par de très talentueux artistes comme, dernièrement, Marina Hands, Guillaume Gallienne ou encore Denis Podalydès (pour la mise en scène). Si vous connaissez Victor Hugo vous le retrouverez dans cette oeuvre, dans les phrases qui tombent comme des couperets, dans la musicalité et l'harmonie des mots.
    Pour moi une lecture agréable et une belle découverte !

    En Bref :

    Les + : une pièce pleine de souffle et de vie, où le drame côtoie la légèreté, l'humanité la monstruosité la plus grande. Ce n'est pas très fiable historiquement mais c'est assez jubilatoire à lire. 
    Les - : Aucun. Victor Hugo est décidément un auteur talentueux quel que soit le genre qu'il utilise. 

     

    Les Enquêtes de Quentin du Mesnil, Maître d'Hôtel à la Cour de François Ier, tome 1, Le Sang de l'Hermine ; Michèle Barrière 

    Thème de septembre, « Didascalies », 9/12


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  • « La vie n'était souvent que la répétition des mêmes gestes dans un ordre différent, selon le jour qu'on était et l'endroit où on se trouvait. »

    A l'Orée du Verger ; Tracy Chevalier

     

    Publié en 2016 aux Etats-Unis ; en 2018 en France (pour la présente édition) 

    Titre original : At the Edge of the Orchard 

    Editions Folio 

    400 pages 

    Résumé :

    En 1838, la famille Goodenough s'installe sur les terres marécageuses du Black Swamp, dans l'Ohio. Chaque hiver, la fièvre vient orner d'une nouvelle croix le bout de verger qui fait péniblement vivre ces cultivateurs de pommes. Quinze ans et un drame plus tard, leur fils Robert part tenter sa chance dans l'Ouest et sa sœur Martha n'a qu'un rêve : traverser l'Amérique pour lui confier un lourd secret. 
    Des coupe-gorge de New York au port grouillant de San Francisco, A l'Orée du Verger nous plonge dans l'histoire des pionniers et dans celle, méconnue, des arbres, de la culture des pommiers au commerce des arbres millénaires de Californie. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     A l'Orée du Verger fait partie de ces romans que je voulais lire depuis leur sortie, ce que finalement je ne fais pas, pour tout un tas de raisons, mais qui restent là, ancrés dans un coin de ma tête. Quand il a été édité en poche, je n'ai pas hésité et un peu plus d'un an après l'avoir ajouté à ma PAL, ça y'est, je l'en sors. Sa jolie couverture avec le bras de cette jeune femme tenant une pomme rouge et brillante m'évoque immanquablement la fin de l'été et le début de l'automne, quand les pommes mûrissent et commencent à tomber. Donc, logiquement, j'ai eu envie de lire A l'Orée du Verger en automne et c'est chose faite.
    Tracy Chevalier est de ces auteurs qui ne me déçoivent jamais : un peu comme Kate Morton, par exemple. Si, parfois, j'ai préféré certains romans à d'autres, ce qui est normal, en général, je n'ai jamais été franchement déçue. Chez Chevalier, ce que j'aime, c'est le côté un peu atypique des intrigues, l'impression que ce sujet n'aurait pu être traité que par elle, n'aurait pu germer que dans son esprit à elle.
    Comme beaucoup d'autres lecteurs, je l'ai découverte avec son fameux La Jeune Fille à la Perle, qui s'intéresse au célèbre tableau éponyme de Vermeer, en imaginant une identité et une existence au modèle -inconnu- du tableau. Ce roman a eu beaucoup de succès et a participé à faire connaître ce superbe tableau d'un des plus grands maîtres de la peinture néerlandaise. En ce qui me concerne, depuis que j'ai lu le roman, je ne peux m'empêcher d'appeler cette jeune fille inconnue Griet : Tracy Chevalier lui a redonné une existence, même si celle-ci est imaginaire. Par la suite, j'ai aussi beaucoup aimé La Dame à la Licorne, qui s'attache cette fois à un autre chef-d'oeuvre de notre patrimoine : la fameuse tapisserie du même nom et à ses commanditaires. Même bonne surprise avec Prodigieuses Créatures, La Vierge en Bleu ou, en 2017, avec La Dernière Fugitive, où il est question du Chemin de Fer Clandestin et des Quakers.
    Je me doutais que ce serait pareil avec A l'Orée du Verger et effectivement, je n'ai pas été déçue. Ce que j'aime avec Tracy Chevalier, c'est qu'on dirait qu'elle peut traiter de tous les sujets facilement, inventer des histoires toutes différentes les unes des autres mais qui ont toujours l'air d'être liées par un fil ténu mais bien présent, qui vous fait dire quand vous démarrez une lecture : « Ah oui, ça, c'est du Tracy Chevalier ! »  Dans ce roman, par exemple, j'ai beaucoup retrouvé La Dernière Fugitive, comme j'avais retrouvé La Jeune Fille à la Perle dans La Dame à la Licorne.
    Ici, elle nous emmène en 1838, dans l'Ohio, à la rencontre de la famille Goodenough. Plus précisément, nous sommes dans le Black Swamp, une région qui s'étend aux abords de la ville de Perrysburg et du lac Erié. Le Black Swamp, c'est une région aussi marécageuse qu'hostile et mortifère où Sadie et James Goodenough sont venus s'installer avec leurs enfants après avoir quitté le Connecticut. Seuls, isolés, ils doivent se battre pour domestiquer une nature rétive et dangereuse, où les marais, omniprésents, sont porteurs de maladies et de mort. Chaque année, les habitants du Black Swamp sont assaillis par les moustiques qui transmettent la fièvre des marais. Certains ont la chance de s'en sortir, d'autres en meurent irrémédiablement, surtout les enfants. Et, chaque année, le fond du verger des Goodenough se voit doté d'une petite croix de plus, une petite croix qui surmonte la tombe sommaire de l'un des enfants. Alors que le père, James, se jette à corps perdu dans la culture des pommiers, taillant, greffant, récoltant, domptant la terre, essayant d'en tirer le maximum comme pour s'en venger, la mère, Sadie, à l'esprit embrumé par l'alcool, parle à ses enfants morts et rudoie ceux qui lui restent. La vie est dure et rugueuse à l'image des habitants des marais.
    Après un drame, le benjamin, Robert s'enfuit et gagne l'ouest, encore sauvage en ces années 1840-1860 et fait la connaissance d'un agent horticole anglais, William Lobb qui prélève en Californie graines et plants de ces arbres millénaires et si impressionnants, les Redwoods et les séquoias, qu'il achemine ensuite vers l'Europe. Dans ce pays où tout est possible, où tout est à construire, où les Indiens côtoient les nouveaux arrivés, où l'on cherche l'or et où les villes poussent comme des champignons, dans ce Far West digne des plus grands westerns, Robert tente d'échapper à son passé et à ses meurtrissures d'enfant tandis que sa sœur Martha le recherche désespérément.
    A l'Orée du Verger est un grand roman, où les arbres ont autant de place que l'humain. Ils sont des personnages à part entière du récit, des petits pommiers des Goodenough qui, dans le Black Swamp, leur assurent une subsistance plutôt régulière, mais que, pour ça, il faut garder en vie quitte à se tuer à la tâche, jusqu'aux grands séquoias de Californie, témoins naturels des siècles passés, gardiens d'une terre encore préservée, patrimoine universel au même titre que nos plus beaux édifices.
    Si les premiers chapitres, par leur aspérité, leur rugosité, leur rudesse en un mot, m'ont un peu déroutée et parfois un peu choquée, ils sont cependant révélateurs de ce que peut être une vie qu'on n'a pas choisie, sur une terre inhospitalière où l'on ne se sent pas chez soi. Les Goodenough sont monstrueux et touchants à la fois, abandonnés dans un isolement qui les déshumanise peu à peu. A l'exception de Martha et Robert, chez qui l'on sent une humanité débordante, l'espoir malgré tout et chez le père James, que sa passion des pommiers maintient en vie, la famille plonge petit à petit dans une vie presque animale, violente, sournoise et dénuée de sentiments.
    Par la suite, après avoir été centré essentiellement sur les parents -Sadie, la mère, est d'ailleurs l'une des narratrices directe-, le récit se resserre sur Robert, le seul de la fratrie à avoir pu s'émanciper et s'extraire de la vie misérable dans le Black Swamp. Parti vers l'ouest, il a voyagé, découvert de nouvelles terres où tout est possible, expérimenté l'orpaillage puis, plus tard, la prospection horticole, qui, d'une certaine manière, le relie à son ancienne vie et à la passion qu'il partageait, enfant, avec son père, pour les pommiers.

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    Les superbes séquoias géants de Californie au Sequoia National Park 


    Certains lecteurs ont trouvé Robert un peu fade à la longue, alors que je l'ai apprécié de bout en bout : j'ai trouvé qu'il gagnait en teneur et en relief à mesure que l'on avance dans le roman. Enfant, il est trop mature pour son âge. Adulte, on sent chez lui une fêlure, une cassure qui le pousse à fuir en avant et sans jamais s'attacher, en le faisant jamais se sentir à sa place nulle part, mais la vie aura tôt fait de le rattraper et de le faire ralentir. Pour moi, il est un personnage intéressant et plein de courage, un être un peu cassé comme il y'en a tant et qu'on a envie de voir réparé. Finalement, les personnages féminins hormis Sadie, en début de roman -Sadie, pour laquelle j'ai oscillé entre répulsion et parfois compréhension, devant la détresse terrible que ce personnage cache sous sa violence et son comportement- sont peu présents. On suit longtemps Robert sans que ses relations avec les femmes ne soient vraiment présentes dans le récit. Puis on rencontre Molly, Molly qui sera en quelque sorte sa rédemption, sa guérison. On retrouve Martha, devenue adulte. On rencontre les femmes de San Francisco, une ville encore pleine de l'effervescence de la nouveauté, pleine de mineurs et d'orpailleurs où les femmes, à l'exemple de madame Bienenstock, sont obligées de se comporter comme les hommes.
    A l'Orée du Verger, c'est un portrait de ce grand ouest encore si sauvage au milieu du XIXème siècle. Comme Autant en Emporte le Vent a pu être un portrait du Grand Sud américain, Tracy Chevalier, elle, s'attache à nous faire traverser, dans les pas des pionniers et notamment de Robert, les grandes plaines et les déserts après les Rocheuses que l'on découvre alors avec émerveillement mais où la vie est rude et ne fait pas de cadeau.
    J'ai été captivée par ce roman. J'y ai retrouvé une Tracy Chevalier très en forme et toujours aussi talentueuse, j'y ai retrouvé un sujet plutôt passionnant -oui oui, même pour moi qui ne sais pas garder une plante en vie, même un cactus, ces Redwoods californiens ont quelque chose de fascinant et d'impressionnant- et je me suis laissée porter par ce récit formidablement porteur d'espoir. Si je ne m'attendais pas forcément à la dureté des premiers chapitres -qui m'ont notamment évoqué La Terre, de Zola ; tout du moins j'ai ressenti, en lisant A l'Orée du Verger, la même chose qu'en lisant La Terre, cette horreur mêlée d'une certaine fascination-, j'ai trouvé que la lumière pointait dans la deuxième partie comme au bout d'un tunnel, avec l'idée que, quoiqu'on traverse, il y'a toujours une place pour nous quelque part et que la lumière ne s'éteint jamais vraiment. Déshérités, les personnages de ce roman n'en perdent pas pour autant leur combativité et l'envie de s'en sortir. En un mot, ils gardent quoi qu'il arrive leur optimisme et l'envie d'aller de l'avant.
    J'ai refermé le roman un peu triste de quitter ces personnages, avec l'envie d'en avoir encore un peu plus. Le roman s'achève sur une note plutôt positive et laisse carte blanche à notre imaginaire : on est libre d'imaginer la suite de l'histoire et de bâtir pour Robert l'avenir qu'on lui souhaite. Pour ma part, je l'ai souhaité très positif et plein de bonheur.
    Je recommande très chaleureusement ce roman. 

    En Bref :

    Les + : une intrigue atypique, parfois dure mais toujours humaine et révélatrice. J'ai retrouvé avec plaisir le style inimitable de l'auteure.  
    Les - :
    aucun point négatif à soulever pour ma part ! C'était, encore une fois, un très bon Tracy Chevalier.


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  • « Une enquête est comme un jeu d'emboîtement de pièces en bois. Éparpillons les pièces, recomposons-les différemment et posons-nous de nouvelles questions. »

    Une Enquête du Commissaire aux Morts Étranges, tome 2, Messe Noire ; Olivier Barde-Cabuçon

    Publié en 2014

    Editions Babel (collection Noir)

    464 pages 

    Deuxième tome de la saga Une Enquête du Commissaire aux Morts Étranges

     

    Résumé :

    Une nuit de décembre 1759, le corps sans vie d'une jeune fille est retrouvé sur la tombe d'un cimetière parisien. Pas de suspect, et pour seuls indices : une hostie noire, un crucifix, des empreintes de pas. Sartine, le lieutenant général de police, craint une résurgence des messes noires sous le règne du très contesté Louis XV. La tension est à son comble dans la capitale. 
    Volnay et le moine hérétique sont contraints de s'allier à une enquêtrice aussi sublime que manipulatrice, et se trouvent rapidement confrontés à des forces obscures...toujours aussi mal vu du pouvoir en place, le duo ne pourra compter que sur lui-même pour démasquer les ordonnateurs du rituel satanique. 
    Dans ce deuxième volet des aventures du chevalier de Volnay, commissaire aux morts étranges, Olivier Barde-Cabuçon reconstitue un Paris pittoresque et inquiétant. A quelques lieues de là, Versailles dissimule les troubles pulsions de ses prestigieux locataires. Entre ces deux pôles opposés se noue une intrigue diabolique au royaume du détraquement et de l'inversion des règles établies. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Avec Messe Noire, je reprends la lecture d'une saga découverte l'an dernier : Les Enquêtes du Commissaire aux Morts Étranges, d'Olivier Barde-Cabuçon. Chaudement conseillée par plusieurs blogueuses, j'ai malgré tout hésité avant de me lancer même si j'avais beaucoup d'intérêt pour cette série qui se passe au cœur de ma période historique préférée entre toutes : le XVIIIème siècle.
    En fait, je suis une fan inconditionnelle des romans de Jean-François Parot et de leur héros, Nicolas Le Floch et je craignais de comparer et de ne pas apprécier les romans d'Olivier Barde-Cabuçon... Il est vrai que Parot, dans chacun de ses romans, restitue parfaitement l'époque et ce fut un véritable plaisir de le lire.
    Chez Barde-Cabuçon, c'est plus glauque et torturé, beaucoup plus noir. Beaucoup plus critique envers la monarchie, aussi. Du coup, il m'a été impossible d'établir un quelconque parallèle entre les deux sagas. Je crois que ma préférence va à Nicolas Le Floch et lui restera : peut-être parce que la vision du XVIIIème siècle de Jean-François Parot est plus en accord avec la mienne, je ne sais pas...
    Toujours est-il que j'ai apprécié d'emblée Volnay, le commissaire aux morts étranges d'Olivier Barde-Cabuçon et je l'ai retrouvé, ainsi que son assistant le moine, avec plaisir dans ce deuxième opus qui s'ouvre en décembre 1759 dans un cimetière parisien où tout porte à croire qu'une messe noire était en préparation avant qu'elle ne soit brusquement interrompue. Dans le cimetière recouvert de neige, deux corps sont retrouvés : celui du gardien de cimetière et celui d'une jeune fille probablement utilisée par les satanistes pour leurs rituels.
    Moins de cent ans après le scandale de l'Affaire des Poisons, qui a terni le règne de Louis XIV et dans laquelle la propre favorite du roi, Madame de Montespan, était impliquée, voilà que la magie noire et les adorateurs de Satan jettent à nouveau un voile noir sur la capitale, mettant son lieutenant général de police, Sartine, dans une position assez délicate.
    Cette deuxième enquête démarre bien et dans une ambiance aussi tendue, étrange et poisseuse que la première, Casanova et la femme sans visage. La messe noire, qui est le point de départ de l'enquête de Volnay et du moine, les emmène forcément à s'intéresser à tout ce que Paris compte encore de superstitieux : astrologues, voyants, sorciers et magiciens de tout poil. Car si le XVIIIème siècle est connu pour être le siècle des Lumières, paradoxalement c'est une époque encore pétrie de croyances diverses et de religiosité. Naviguant à vue dans le brouillard d'un univers confidentiel où l'on pratique autant les plantes médicinales que les sortilèges, nos deux enquêteurs vont avoir du pain sur la planche !
    J'ai mis un peu de temps à lire cette deuxième enquête et je pense que cela a un peu émoussé mon intérêt en cours de lecture. J'ai beaucoup aimé, attention et je n'ai maintenant qu'une envie : ajouter le troisième tome à ma PAL et le lire ! Mais c'est vrai que j'ai été moins captée par ce deuxième opus, peut-être aussi parce que la vision très critique du pouvoir par Volnay mais aussi par le moine, qui est un esprit libre et épris de philosophie n'est pas la mienne. Pour autant, elle personnifie bien ce désamour de la monarchie sous le règne de Louis XV et des critiques de plus en plus ouvertes à l'encontre du monarque, qui font le lit d'une violente Révolution qui éclatera exactement trente ans plus tard.
    Messe Noire aborde finalement des sujets très vastes et c'est une analyse de la société de ce XVIIIème siècle français pétri de contradictions mais qui en fait une époque si passionnante et tellement riche. Dans le roman, on navigue des sphères occultes parisiennes bien plus nombreuses qu'on pourrait le croire et qui évoquent le Moyen Âge ou l'époque de Catherine de Médicis, aux dorures de Versailles qui incarnent la richesse la plus ostentatoire. On découvre une époque qui se cherche et a du mal à se trouver, hésitant entre tradition et modernité, entre émancipation spirituelle et religiosité rigoureuse, entre Dieu et Satan, entre la magie blanche et la magie noire. On découvre aussi le peuple de Paris, où se bousculent les plus riches comme les plus pauvres dans une ville tortueuse et encore médiévale et où l'on a de moins en moins peur d'affirmer haut et fort ce que l'on pense de la royauté et de son titulaire qui a perdu toute la faveur de son peuple et qui, après avoir été le Bien Aimé devient le Bien Haï.
    J'ai aussi apprécié de retrouver Volnay, moins lisse que Nicolas Le Floch, plus torturé et plus mystérieux aussi. On ne sait pas grand chose de lui et on n'en apprend d'ailleurs pas plus dans ce deuxième tome. Mais ses talents de policier et de déduction se confirment et on découvre qu'il est un très bon enquêteur. Il reste malgré tout un électron libre sur qui personne n'a de prise, ni le lieutenant général de police, ni les femmes, ni le pouvoir dont il dépend mais qu'il ne craint pas. Volnay est un peu comme ces chevaliers du Moyen Âge -souvent légendaires d'ailleurs, soit dit en passant- qui veulent rétablir la justice pour la justice et seulement pour elle. Il est désintéressé et en cela presque parfaitement libre. Bref, ce fut encore une fois un plaisir de le suivre dans une enquête compliquée et entortillée qui nous fait parfois tourner en rond et nous perd en conjecture avant que la vérité ne se fasse enfin jour.
    Je quitte Messe Noire avec le sentiment d'avoir lu un excellent roman policier bien ficelé et maîtrisé par son auteur avec en plus une base historique passionnante. Que demander de plus ?

    En Bref :

    Les + : une intrigue policière habilement menée et efficace, où messes noires et sorcellerie apportent du piquant au récit, qui en devient alors assez fascinant. 
    Les - :
    un peu comme pour le premier tome, des longueurs en milieu de récit...


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  • INTERMEDE XXV

     

    Lady with unicorn by Rafael Santi.jpg

    Dame à la licorne, tableau de Raphaël dont Giulia Farnese aurait été le modèle (vers 1505)

    Giulia Farnese, probablement née à Canino en 1474 était une femme d'une extraordinaire beauté, qui subjugua d'ailleurs le pape Alexandre VI Borgia. C'est cette liaison avec le souverain pontife qui va rendre la jeune femme célèbre.
    Elle voit le jour dans une propriété de sa famille, à Canino en 1474. On ne connaît pas la date exacte de sa naissance. Elle est la fille de Pierre Louis Farnese et de Giovanella Caetani, descendante de la dynastie de Sermoneta, ce qui apparente Giulia au pape Boniface VIII. Son frère aîné, Alessandro, deviendra, au siècle suivant, pape sous le nom de Paul III : il est connu pour avoir été le pape du Concile de Trente, par exemple. Elle aura ensuite une sœur cadette, Gerolama ainsi qu'un autre frère, Angelo. On n'a que peu d'informations sur l'enfance de Giulia Farnese...il est très vraisemblable qu'elle ait grandi dans une propriété de la famille Farnese près du lac de Bolsena et, comme c'était la règle pour les jeunes femmes nobles à l'époque, elle a dû être éduquée dans un couvent de Rome. A treize ans, en 1487, elle perd son père.
    Deux ans plus tard, à l'âge de quinze ans, Giulia entre dans l'aristocratie romaine, grâce à son mariage avec Orso Orsini, dit aussi Orsino Orsini. Il appartient à la famille des ducs de Bassanello, l'une des familles plus importantes du Latium. Orsini est le fils de Lodovico Orsini et Adriana de Mila, cousine de Rodrigo Borgia. Il est comte de Nola. Il a un physique peu attirant et est même surnommé Le Borgne ou encore Monuculus Orsinus, à cause de ce handicap. Les noces sont célébrées à Rome le 21 mai 1489, dans la demeure même du cardinal Borgia, dont Adriana de Mila, mère du marié, est la gouvernante. Quelques années plus tard, ce dernier va devenir le pape Alexandre VI Borgia et faire de Giulia sa maîtresse. A l'époque du mariage de La Bella avec Orsini, le futur pape a déjà quatre enfants -Cesare, Lucrezia, Juan et Goffredo- de sa maîtresse Vanozza Cattanei, qu'il reconnaîtra par la suite, mais certainement d'autres rejetons, nés de femmes restées inconnues.
    Giulia, comme son devoir conjugal l'exige, va suivre son époux à Bassanello. Mais, rapidement, le moindre prétexte est bon pour éloigner son mari qu'elle n'aime pas et Giulia se rend souvent dans la résidence romaine des Orsini, à Monte Giordano ou, carrément au palais romain, Santa Maria in Portico, à deux pas de la Basilique Saint-Pierre, où Adriana vit avec Lucrezia, la fille de Rodrigo Borgia.
    Lorsqu'il rencontre Giulia, le cardinal Borgia, futur pape Alexandre VI, a près de soixante ans, mais c'est un véritable coup de foudre qu'il ressent pour la belle jeune femme. Il veut à tout prix en faire sa maîtresse. Giulia, qui n'a même pas encore quinze ans, est littéralement offerte au cardinal. Ceux qui tirent avantage de cette liaison se lient alors en un pacte tacite et silencieux, tandis que le cardinal, lui, peut rajouter cette magnifique créature à son long tableau de chasse. La propre mère de Giulia, Giovanella, et Adriana de Mila, sa belle-mère, vont d'ailleurs profiter de la faveur de la jeune femme pour obtenir pour leurs fils respectifs, Alexandre Farnese (futur pape Paul III) et Orsino Orsini des honneurs et des privilèges.
    Le 11 août 1492, après un conclave sous tension, Rodrigo Borgia accède à la fonction suprême. Il devient pape sous le nom d'Alexandre VI. Trois mois plus tard, Giulia accouche, à l'âge de 18 ans, de son unique fille, prénommée Laura. Mais l'enfant n'est pas présentée comme étant celle du nouveau pape. Légalement, la fille d'Alexandre VI et de Giulia est celle d'Orsino Orsino, le mari de sa mère. D'ailleurs, dans une lettre à Giulia, le pape nie complètement sa paternité...! L'enfant porte donc le nom d'Orsini et devient l'héritière d'Orsino, comme s'il était son véritable père.
    Le pontificat d'Alexandre VI ne met aucunément fin à sa relation avec la belle Farnese. Ils continuent de se rencontrer souvent et Giulia n'est d'ailleurs plus une simple maîtresse : elle est la concubine officielle du pape. On comprendra donc que sa position suscite alors quelques médisances. Les Romains l'appellent ainsi perfidement « concubina papae » ou « sponsa Christi ».
    Dès son arrivée sur le trône de saint Pierre, Alexandre VI commence à distribuer des largesses à ses fidèles, parmi eux, les Farnese, qui sont d'une certaine manière récompensés pour les bonnes grâces de Giulia envers le pape. Ainsi, en 1493, Alexandre VI nomme le frère de sa maîtresse, Alexandre, cardinal, alors que celui-ci n'a que 25 ans, ce qui ne manque pas d'attiser l'ironie des Romains, qui surnomment le nouveau cardinal il cardinale della Gonnella, en référence aux résultats évidents obtenus par les faveurs de sa jeune soeur.
    Le mari bafoué, Orsino Orsini, n'est pas non plus oublié. En 1494, pour le remercier en quelque sorte de fermer les yeux et de se montrer conciliant, le pape lui fait don du fief de Carbognano.
    Mais, dès 1493, la vie de la Bella commence à changer. Cette année-là, en juin, la jeune fille d'Alexandre VI, Lucrezia, alors âgée de treize ans, épouse, selon la volonté de son père, Giovanni Sforza, seigneur de Pesaro. Elle quitte Rome pour gagner la ville de son époux. Giulia l'y suit en qualité de dame d'honneur et elles sont accompagnés par la belle-mère de Giulia, Adriana de Mila. Mais le pape ne supporte pas cet éloignement et commence à réclamer la présence de sa concubine à Rome.
    De plus, l'Italie, à ce moment-là, est particulièrement troublée. Le roi de France Charles VIII, accompagné de ses armées, envahit l'Italie pour récupérer le royaume de Naples, sur lequel il prêtent avoir des droits. Alexandre VI ordonne à Giulia de rentrer à Rome. Mais, au même moment, Giulia apprend que l'un de ses frères, Angelo, est au plus mal, à Capodimonte. Bravant l'interdit du pape, la jeune femme se rend au chevet de son frère mais arrive trop tard. Elle passe ensuite l'été avec son autre frère, Alexandre, dans les propriétés de la famille. Mais, à l'automne, la situation se fait de plus en plus menaçante et Alexandre VI réitère son ordre : Giulia doit rentrer à Rome. D'autre part, Orsino Orsini exige aussi d'avoir sa femme à ses côtés, à Bassanello. Furieux, le pape écrit des mots très durs à Giulia ainsi qu'à Adriana de Mila, les menaçant d'excommunication si elles ne rentrent pas. Des lettres similaires sont adressées à Alexandre Farnese à Orsino Orsini.
    Le pape a gagné. Giulia décide de revenir à Rome avec sa belle-mère et sa soeur Gerolama. Mais, à la hauteur de Viterbe, le convoi des dames, escortés par des cavaliers envoyés par le pape, est intercepté par l'avant-garde de l'armée française. Les trente cavaliers pontificaux, bien plus décoratifs que combattants, ne tentent aucune résistance. Les Français, découvrant dans le convoi la maîtresse du roi décident de séquestrer les trois femmes dans le château de Montefiascone et en profitent pour demander une rançon à Alexandre VI, de 3000 ducats, ce qui n'est pas rien. Soucieux de revoir sa maîtresse, dont il s'inquiète du sort, le pape paie immédiatement. Après trois jours à Montefiascone, où elles ont plus été traitées comme des invitées que comme des prisonnières, les trois femmes, Giulia, Adriana et Gerolama, peuvent reprendre le chemin de Rome, escortées cette fois de soldats dignes de ce nom. Finalement, Giulia est rendue à Rome le 1er décembre. Elle passe la nuit au Vatican, où elle reçoit le pardon du pape.
    Pour autant, il semble que ce soit le dernier acte des relations entre Alexandre VI et sa favorite...de plus, la situation politique est toujours instable. Les armées de Charles VIII ne cessent d'avancer en Italie et une peur croissante envahit Rome. Le pape n'a pas l'intention de quitter le Saint-Siège comme on le lui conseille et Giulia craint pour sa vie et celle de sa petite fille, Laura. Elle souhaite quitter Rome le plus rapidement possible. Elle demande alors de l'aide à son frère, le cardinal Farnese, pour quitter la ville au plus vite. Deux semaines avant l'arrivée du roi de France à la tête de ses armées, Giulia quitte Rome sans avoir revu le pape : ils ne se reverront d'ailleurs jamais. Le lieu de la fuite de la Bella n'est pas connu : il est possible qu'elle ait gagné la ville de son époux, Bassanello ou bien, le fief de Carbognano, accordé à Orsini par le pape. Toujours est-il que c'est là qu'elle se trouve plusieurs années plus tard. En 1500, Giulia devient veuve, Orsini vient de mourir et toutes ses possessions vont à Laura, reconnue par lui. On retrouve ensuite la trace de l'ancienne maîtresse pontificale à la fin de l'année 1503. Le 18 août de cette même année, le pape Alexandre VI est mort, à la suite d'un repas où il aurait été empoisonné. Le soleil des Borgia commence à décliner, la gloire, à les quitter. Pour les Farnese, il est donc temps de confier leur fortune à d'autres hommes forts. Encore une fois, c'est Giulia qui est utilisée par sa famille pour mettre en place cette ascension. Après le bref pontificat de Pie III, élu après Alexandre VI, c'est l'ancien rival de ce dernier, Giuliano della Rovere, qui est monte sur le trône de Pierre, sous le nom de Jules II. Giulia est âgée de trente ans. Elle rentre à Rome pour y organiser les noces de sa fille Laura, âgée de douze ans. La famille de Jules II, les della Rovere, sont à leur apogée et Giulia comprend très vite l'intérêt qu'il y'aurait à marier sa fille dans cette maison. Le 15 novembre 1505, Laura, qui a treize ans, épouse Niccolò della Rovere, neveu de Jules II.
    Pour Giulia, la vie rangée, ce n'est pas pour maintenant. Après avoir entretenu des liaisons avec des amants dont la postérité n'a pas retenu le nom, Giulia finit par se remarier en 1506, à 32 ans, avec Giovanni Capece di Bozzuto, membre de la petite noblesse napolitaine. Cette même année, Giulia prend en main le fief de Carbognano et s'établit dans le château qui domine la petite ville. Sur le portail du château, d'ailleurs, elle fera graver son nom. Les chroniques racontent que Giulia fut une habile administratrice et qu'elle sut gérer ses terres avec énergie, et d'une main de maître tandis que son frère continue, à Rome, une brillante carrière ecclésiastique, qui aboutira d'ailleurs au pontificat. En 1517, à 43 ans, Giulia est veuve une seconde fois.
    Giulia Farnese reste à Carbognano jusqu'en 1522. Elle quitte ensuite la région pour revenir à Rome, où elle passe les deux dernières années de sa vie. Le 23 mars 1524, à l'âge de 50 ans, Giulia meurt, dans cette ville, dans le grand palais du cardinal Farnese, son frère. La raison de sa mort est inconnue. Giulia ne verra pas son frère sur le trône de Pierre, puisqu'Alexandre ne deviendra le pape Paul III que dix ans plus tard, en 1534. Sa fille, Laura, eut trois enfants de son mariage, qui héritèrent des possessions des Orsini.
    La beauté de Giulia Farnese est passée à la postérité. Elle est décrite comme une femme de taille moyenne, ni très grande, ni petite non plus. Elle était bien proportionnée, avait de beaux et grands yeux noirs ainsi qu'un visage rond et une belle chevelure. Cette description nous est parvenue grâce à des fragments de lettres écrites par ses contemporains, par exemple, dans l'une écrite par Cesare Borgia, il est question de « niger oculos ». Son beau-frère, Lorenzo Pucci, époux de sa sœur Gerolama, écrit à son propre frère : « elle a la plus belle chevelure que l'on puisse imaginer ». Les dames de son entourage racontent également que Giulia, soucieuse de son apparence même pendant son sommeil, dort dans des draps noirs pour mettre en évidence sa carnation claire (un peu plus tard, la reine Margot usera elle aussi de cette technique).
    Pour autant, de cette si fameuse beauté, il ne reste aussi aujourd'hui que peu de témoignages...souvent, ce sont des témoignages picturaux. Ainsi, Giulia Farnese fut représentée par Raphaël, mais par aussi par le Pinturricchio, dans la Sala dei Santi (Salle des Saints), de l'appartement Borgia, au Vatican. Dans cette même peinture, Lucrezia Borgia est représentée également. Certains affirment que la disparition de la majeure partie des images de Giulia viendrait de la volonté du pape Paul III, pour qui le souvenir de sa soeur, maîtresse affichée d'un pape, était d'un grand embarras...

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus : 

    - Les Borgia, Ivan Cloulas. Biographie, Essai historique. 
    - Borgia : n'ayez pas foi en eux, Tom Fontana. Roman. 
    - Le Serpent et la Perle / La Concubine du Vatican, Kate Quinn. Romans. 
    - Les Borgia : enquête historique, Guy Le Thiec. Essai historique. 
    - Lucrèce et les Borgia, Geneviève Chastenet. Biographie. Essai historique. 
    - Empoisonneuse à la cour des Borgia / La trahison des Borgia / Maîtresse de Borgia, Sara Poole. Romans.


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  • « Tel est le paradoxe du Temps : nous croyons qu'il avance ou se déroule, quand il se borne à être simultanément, passé, présent et futur éternellement confondus. C'est au demeurant sa seule borne. »

    Le Chemin de Nostradamus ; Dominique et Jérôme Nobécourt

     

    Publié en 2007

    Editions JC Lattès

    523 pages 

    Résumé : 

    En 1533, à tout juste trente ans, Michel de Nostradame est un médecin et astrologue réputé. Suspecté d'hérésie, il doit trouver refuge à Saint-Rémy-de-Provence auprès de son grand-père Jean, maître en sciences occultes. Le répit est de courte durée : Ochoa, un inquisiteur, parvient à les rattraper et à blesser mortellement Jean. Avant de mourir, ce dernier révèle à Michel l'origine de sa famille : ils descendent de la Tribu d'Issachar, gardienne des arcanes de la destinée humaine. Leur nom secret témoigne de cette mission : Nostra Damus, « nous donnons ces choses que nous possédons». 
    Michel se rend à Paris où il perfectionne ses connaissances en sciences occultes et légales. Il se lie avec Jacques de Saint-André, proche de la famille royale, qui l'introduit auprès des puissants, notamment de la toute jeune Catherine de Médicis. Il tombe aussi éperdument amoureux de Marie, fille du baron d'Hallencourt qui mène la chasse aux hérétiques. Cependant, fort de sa passions et de ses précieux soutiens, Michel ne voit rien des périls qui le guettent. Il ignore que c'est seul, blessé, et en fuite, que toute la puissance de son don se manifestera. Après de longues années d'errance, il reviendra à Paris, auréolé de gloire. 
    Une très belle fresque historique sur le plus grand mage de tous les temps et l'auteur des fameuses Centuries et Pronostications

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1533, le pape lance contre Michel de Saint-Rémy un inquisiteur fanatique. Contraint de fuir la Provence, Michel s'enfuit avec son grand-père Jean, un mage puissant et détenteur d'un savoir millénaire.
    Ancien médecin, celui qui n'est pas encore Nostradamus trouve refuge à Paris, où il devient un parfumeur renommé et apprécié des dames. Il profiter de cette couverture pour parfaire ses connaissances et devenir à son tour un grand magicien comme son aïeul, qui n'a pas survécu à leur échappée mais lui a révélé tout son savoir avant de mourir.
    À Paris, Michel découvre la flamboyante Cour de François Ier : la France connaît alors une émulation sans précédent, nous sommes en pleine Renaissance et si le basculement religieux menace, il n'a pas encore eu lieu. En 1533, le Roi-Chevalier est au sommet de sa gloire et vient de marier son cadet, Henri d'Orléans, à la jeune nièce du pape, Catherine de Médicis. Michel découvre un autre monde, où luttes, rivalités et hypocrisie sont legion et où chacun se cache derrière un masque de fausseté pour mieux frapper.
    De là va alors se dérouler une grande fresque dans laquelle se mêlent grande et petite Histoire. Alors que le royaume, après l'Affaire des Placards (1534), bascule petit à petit dans le fanatisme et la rigueur religieuse et que les relations au sein même de la famille royale se dégradent doucement, opposant de plus en plus le Dauphin François à son jeune et ambitieux frère Henri, Michel de Saint-Rémy, appelé aussi Michel de Nostredame est devenu un véritable magicien, médium et maîtrisant autant la médecine, la science des plantes que l'alchimie ou l'astrologie. Tombé amoureux fou d'une jeune femme, il doit en même temps échapper une nouvelle fois à l'Inquisition et quitter Paris et ceux qu'il aime.
    Le roman en lui-même est intéressant quoique pas du tout fiable historiquement. Si vous cherchez un roman qui colle au plus près à la vie de Nostradamus, passez votre chemin. Si les auteurs sont partis d'un point de départ vraisemblable et authentique, s'ils ont mis en scène des personnages ayant existé, en première lieu Nostradamus, Catherine de Médicis, François Ier ou encore Henri II, les auteurs ont brodé autour de ça une intrigue complètement romanesque. Passé le premier moment de surprise où je n'ai pas pu m'empêcher de penser : « mais qu'est-ce que c'est que ça ? » finalement j'ai trouvé que l'intrigue se tenait et que même si tout ou quasiment tout n'est pas vrai, ça fonctionne. J'aurais peut-être souhaité que les auteurs en fin de volume expliquent leur démarche. C'est peut-être une déformation d'ancienne étudiante en Histoire mais il est vrai que quand on joue avec les faits, si je ne suis pas foncièrement contre, j'aime bien qu'on explique pourquoi. Manque de sources ? Manque d'informations ? Ou alors, l'envie simple de laisser le romanesque et l'imaginaire prendre le pas, ce qui n'est pas, en soi, plus injustifiable qu'autre chose, surtout quand ça marche. Je préfère encore cela à un roman qui se veut historique mais s'avère bourré d'erreurs.
    Bref, si j'ai parfois trouvé que les auteurs forçaient un peu le trait, dans l'ensemble, j'ai été assez convaincue par cette histoire, entre thriller, science occultes et froideur politique.
    Cela dit, je n'ai pas réussi à me sentir pleinement convaincue. J'ai trouvé les premiers chapitres assez hermétiques et j'ai parfois décroché. Ma lecture n'a pas été fluide et je la décrirais comme ayant été en dents de scie ou en montagnes russes. Parfois j'ai été happée par ma lecture, mon intérêt remontait en flèche avant de dégringoler à nouveau et tout aussi en flèche ! J'ai mis du temps à lire ce roman parce que je n'ai pas réussi à me plonger intensément dans cette lecture. Parfois, il m'est arrivé de lire des passages mécaniquement et de devoir revenir en arrière ce que je déteste parce que cela est un signe pour moi de mon manque d'intérêt.
    Je ressors donc de cette lecture assez mitigée. D'un côté, j'ai trouvé que ce récit a beaucoup de qualités mais en même temps, il y'a trop de longueurs. Trop de longueurs pour ne pas lasser, trop de longueurs pour se sentir intéressé du premier chapitre au dernier et je le regrette parce que ça démarrait tellement bien ! Ce récit tournant autour de sujets fascinants comme la magie, l'alchimie, les sciences occultes mais aussi une science cartésienne en développement contre l'obscurantisme d'une Église toute puissante mais corrompue et indigne avait tout pour me plaire, j'ai trouvé le résumé vraiment intéressant. Dommage que le récit n'ait pas réussi à me convaincre.
    En tout cas, c'est bien la preuve que Nostradamus n'a pas fini de nous fasciner et que son aura a traversé les siècles. Il n'y a qu'à taper Prophéties de Nostradamus sur n'importe quel moteur de recherche et vous verrez que l'une des requêtes les plus demandées est : prévisions de Nostradamus pour l'année en cours. Il est finalement, dans l'imaginaire collectif, plus qu'un simple astrologue au service de Catherine de Médicis : après tout, les autres mages et astrologues de la reine n'ont pas marqué l'Histoire. Chez Nostradamus, le mage, le sorcier, le médium, le médecin se fondent les uns dans les autres pour créer un être un peu fou et fascinant, un personnage d'une puissance rare et un peu terrifiante.
    Si je ressors de cette lecture assez mitigée, malgré tout Jérôme et Dominique Nobécourt m'ont donné envie d'en savoir plus sur ce personnage qui fait partie de notre Histoire et qui est très familier mais qu'au final on ne connaît pas réellement : quel était l'homme derrière le mage ? Voilà une question qui me taraude maintenant et que je vais chercher à résoudre...  

    En Bref :

    Les + : une intrigue intéressante et plutôt bien menée, entre thriller, roman historique et alchimie, sciences occultes et magie. 
    Les - :
    une histoire un peu trop romanesque par moments et surtout, trop inégale. Je n'ai pas réussi à me sentir captivée.


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