• « Devant chaque reine se dresse sa jolie remplaçante, et derrière elle, un fantôme. »

    Couverture La dernière reine

     

     

     Publié en 2015 en Angleterre 

     En 2019 en France (pour la présente édition)

     Titre original : The Taming of the Queen

     Editions Milady

     648 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Il veut que je meure. L'unique raison pour laquelle il m'accuse d'un crime passible de la peine de mort est qu'il veut me tuer. Henri, qui a fait exécuter deux de ses femmes et qui attendit qu'on lui annonce la mort de deux autres, entend désormais me faire subir le même sort. »

    À trente et un ans, Catherine Parr est une jeune veuve et vie l'idylle parfaite avec Thomas Seymour. Mais lorsque Henri VIII, le souverain d’Angleterre qui a conduit quatre de ses femmes au tombeau, l’invite à l’épouser, elle doit se résigner à un choix qui n'en est pas un. Brillante et indépendante d'esprit, elle est une cible toute désignée pour ses adversaires politiques qui l’accusent d’hérésie, crime puni par le bûcher et dont l’ordre d’exécution est signé… par le roi. Catherine devra déjouer les pièges de la Cour si elle veut un jour retrouver son amant.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1543, Katherine Parr est une jeune veuve de trente-et-un ans. Amoureuse de Thomas Seymour, elle pense qu'elle va pouvoir vivre avec lui au grand jour mais c'est sans compter sur le roi Henry VIII qui, ayant conduit sa cinquième épouse Katherine Howard sur l'échafaud un an plus tôt, se cherche une nouvelle épouse et jette son dévolu sur la belle Katherine. Impossible de refuser quand c'est le roi d'Angleterre qui vous demande en mariage et la jeune femme se retrouve donc l'épouse d'un homme à bout de souffle, bien loin de l'image chevaleresque qui était la sienne au début de son règne : le beau jeune homme athlétique amateur d'équitation s'est transformé en un vieillard obèse et dégoûtant, avalant des repas pantagruéliques et dont une vieille blessure reçue lors d'une joute lui gangrène petit à petit une jambe, l'empêchant de marcher. Katherine doit faire le deuil de sa liberté nouvellement retrouvée pour devenir l'épouse de ce barbon de vingt ans son aîné qui n'a plus rien de séduisant et s'est, au fil des années, transformé en tyran. Surtout, Katherine prend la place de cinq reines successives : la première, Catherine d'Aragon, a été évincée et est morte dans un château éloigné faute de soins ; la deuxième, Anne Boleyn, a été exécutée après avoir fait une énième fausse-couche et été accusée d'adultère et de sorcellerie par le roi ; Jane Seymour, la troisième épouse, la mère de son unique fils, est morte de fièvre puerpérale dix jours après la naissance du petit Edward ; Anne de Clèves a été répudiée sans aucune autre forme de procès au bout de quelques mois de mariage, sauvant sa tête de peu ; la cinquième, Katherine Howard, est montée sur l'échafaud pour avoir eu un amant... Autant dire que la place de reine d'Angleterre, à cette époque, n'est pas de tout repos et surtout, n'est pas sans danger.
    Katherine se retrouve donc à la merci d'un homme versatile et violent, dont elle doit se méfier sans cesse. Elle ne devra d'ailleurs qu'à la mort du roi, survenue en janvier 1547, de sauver sa propre tête mise à prix par les conseillers catholiques du roi...
    Car lorsque Katherine devient reine, en 1543, l'Angleterre est en proie à des agitations religieuses de plus en plus vives, en réaction aux hésitations du roi. Celui-ci avait divorcé de Rome en même temps que de Catherine d'Aragon pour épouser Anne Boleyn. Celle-ci, favorable à la Réforme, avait poussé le roi dans cette voie puis il a fait volte-face. Au début des années 1543, la situation est particulièrement compliquée parce qu'Henry VIII ne cesse de louvoyer d'un parti à l'autre, favorisant tantôt l'un tantôt l'autre, renvoyant dos à dos ses prélats, Cranmer pour le parti de la réforme, Gardiner pour le parti catholique et qui n'hésitent pas à s'écharper comme de beaux diables.
    Katherine Parr est une érudite. Intellectuelle, aimant l'écriture et la lecture, cet intérêt va tout naturellement la mener vers l'étude des textes religieux. Elevée dans la foi catholique, elle penche toutefois de plus en plus pour le parti réformé, la possibilité de lire la Bible pour chacun, la suppression des indulgences, la reconnaissance de l'aspect symbolique de l'Eucharistie, en opposition à la sacro-sainte transsubstantiation catholique.
    On sait que Katherine Parr a publié plusieurs ouvrages : probablement, pendant son règne, un livre intitulé Psalms or Prayers, qui est un recueil de traductions des textes de l'évêque Fisher, confesseur de Catherine d'Aragon. Ce texte est publié anonymement. Prayers or Meditation est publié en 1545, cette fois sous son propre nom. Enfin, après la mort du roi, paraîtra The Lamentation of a Sinner, écrit entre l'automne 1546 et l'automne 1547.

    43 Little Known Facts About Catherine Parr, the Last Wife of Henry ...

     

    Portrait de la reine Katherine Parr (fin du XVIème siècle, artiste inconnu)


    Ce trop grand intérêt pour la réforme et la religion, son investissement personnel vont vite la faire apparaître comme suspecte auprès des conseillers d'obédience catholique du roi qui vont tout faire pour s'en débarrasser. Katherine Parr survivra à Henry VIII mais de justesse : en 1546, elle se trouve dans une très mauvaise passe et manque de peu d'être incarcérée à la Tour de Londres pour hérésie et pour trahison, comme Anne Boleyn et Katherine Howard avant elle. Elle ne sauvera sa tête qu'à force d'intelligence et de finesse, parvenant à déjouer les complots des différentes coteries qui font alors de la cour d'Angleterre un brulôt religieux où les violences sont exacerbées par les nombreux revirements du roi.
    Dans ce roman, tout est vrai ou presque. J'ai retrouvé ici du grand Philippa Gregory après avoir lu La Reine Clandestine et La Princesse Blanche, en 2017 et 2018, qui sont bons mais n'égalent pas Deux Soeurs pour un Roi, par exemple... Avec La Dernière Reine, j'ai retrouvé ce que j'avais tant aimé dans Deux Sœurs pour un Roi et L'Héritage Boleyn, qui lui fait immédiatement suite. Le roman est très historique, très riche, il y'a énormément d'informations et l'auteure brosse un portrait fidèle et précis de l'époque. C'est bien simple, on s'y croirait ! Parce que je ne suis pas anglaise et que je n'ai pas une aussi fine connaissance de l'Histoire du Royaume-Uni que de la France, j'ai parfois été un peu perdue au milieu de ce conflit religieux dans lequel le roi jette son royaume comme à plaisir et dans lequel surtout il semble se complaire, dans les dernières années de sa vie. Henry VIII n'a cessé de faire machine arrière à partir du moment où l'Angleterre s'est séparée de Rome religieusement et les débuts de l'Eglise anglicane ne furent pas évidents, penchant sans arrêt vers la réforme puis de nouveau vers le catholicisme, dans des querelles infinies entre les prélats et les prédicateurs, comme Anne Askew, très présente dans le roman d'ailleurs et qui est présentée comme l'élément déclencheur de la chute de Katherine Parr. D'ailleurs, pour écrire cette chronique j'ai relu le résumé du roman et je le trouve bien trop orienté sur la romance, alors que le roman est bien plus riche que cela : si vous connaissez Philippa Gregroy vous savez qu'elle ne privilégie jamais la romance à l'Histoire
    Pour le reste, j'ai trouvé que l'auteure décrivait aussi très finement la vie quotidienne dans une cour au souverain malade et moribond. Henry VIII n'est pas très vieux au début des années 1540, mais c'est un homme affaibli par la maladie et par l'obésité. Pour parler crûment, il n'en finit pas de mourir et les courtisans guettent comme des chiens affamés. Quand Katherine Parr devient reine, on est loin des années flamboyantes des règnes de Catherine d'Aragon ou encore Anne Boleyn... L'atmosphère est sinistre et la jeune veuve qui se croyait enfin libre se retrouve sous la coupe d'un mari qui n'a plus rien de séduisant mais entend bien continuer de coucher avec sa femme. L'intimité du roi et de Katherine ne nous est pas épargnée et l'on se met aisément à la place de cette femme qui va devoir mettre de côté son propre dégoût et feindre d'aimer le roi alors que son cœur est pris ailleurs...Et en même temps, la nouvelle reine va s'attacher à Henry, sans véritable amour mais comme une fille envers un père malade et diminué, un peu tyrannique mais pour lequel on ne peut s'empêcher d'avoir de la pitié et un peu de tendresse parce que derrière le vernis de la mégalomanie que le roi se plaît à cultiver apparaît parfois la désarmante solitude d'un homme qui depuis l'enfance a été élevé pour être roi, subit la flatterie cauteleuse des courtisans mais n'a jamais vraiment été aimé pour lui-même. Henry VIII est un personnage ambivalent et qui fait peur, imprévisible et on comprend ce qu'a pu être l'état d'esprit de Katherine Parr, sixième reine d'un homme qui en a fait exécuter deux et en a répudié deux. Elle arrive dans une atmosphère où planent les fantômes des reines qui l'ont précédée, dormant dans le lit de Jane Seymour, portant les fourrures de Katherine Howard, vivant dans leurs appartements où flottent encore leur souvenir comme un vieux parfum.
    La Dernière Reine a des relents d'encens et de mort. On sent que la fin est proche et si l'on connaît un minimum d'histoire anglaise, on sait que la reine ne se sauvera qu'à la faveur de la mort du roi...Alors évidemment, on voit les mois s'égrener, puis les années qui nous rapprochent de la date fatidique, cet été 1546 où tout bascule pour elle et manque de basculer irrémédiablement. On les voit s'égrener avec une angoisse grandissante pour elle même si on sait qu'elle survivra.
    Ce roman m'a vraiment passionnée...j'ai retrouvé ce côté très visuel qui fait que les romans de Philippa Gregory sont idéaux pour être adaptés à la télévision ou au cinéma : ils portent déjà en eux ce côté très cinématographique qui découle de l'écriture fine et maîtrisée de l'auteure.
    Bref, j'ai passé un très bon moment de lecture même s'il m'a fallu parfois revenir en arrière parce que j'avais mal compris tel ou tel événement, ou interrompre ma lecture pour faire une ou deux recherches. J'ai vraiment été transportée dans cette Renaissance Tudor que j'aime beaucoup et que je trouve passionnante et évocatrice à bien des égards...
    Si vous connaissez Katherine Parr ou si vous souhaitez la découvrir, ce roman est sûrement fait pour vous. Comme le souligne l'auteure, étrangement cette femme érudite, qui a laissé des écrits, qui s'intéressa aux langues et à la théologie n'a pas laissé beaucoup de souvenirs...En dehors de l'Angleterre, qui connaît Katherine Parr ? Son souvenir est éclipsé par celui, plus tragique, d'Anne Boleyn ou encore celui de Jane Seymour qui conserva toujours la préférence du roi d'ailleurs, au-delà de la mort. J'ai découvert un personnage très subtil, plus complexe que l'on ne pourrait croire et vraiment, j'ai dévoré ce roman. A conseiller chaleureusement.

    En Bref :

    Les + : le roman est riche, bien documenté, bien écrit également. On découvre sous la plume de Philippa Gregory une jeune femme qui devra sauver sa vie à force d'intelligence et de finesse dans une atmosphère sinistre de fin de règne. C'est passionnant ! 
    Les - :
    quelques choix de traduction qui ne m'ont pas paru judicieux mais dans l'ensemble, rien à redire.


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  • « Ce livre retrace l'histoire de sept aristocrates dont la jeunesse coïncida avec le dernier moment de grâce de la monarchie française. »

     

    Couverture Les derniers libertins

     

     

     

     Publié en 2016

     Editions Flammarion(collection Au fil de l'histoire)

     636 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Ceci n'est pas un livre d'histoire, et pourtant tout y est avéré. C'est le roman vrai des derniers feux de la monarchie, la chronique d'une civilisation au raffinement inégalé, et que 1789 emportera à jamais. Le roman vrai de sept destins, chacun emblématique et unique à la fois. Des aristocrates de haut lignage, dotés des vertus dont tout noble doit s'enorgueillir : fierté, courage, raffinement, culture, esprit, art de plaire. Ils se connaissent, sont cousins ou rivaux, libertins dans une société où l'on veut aimer à sa guise, puisque le mariage y est de convenance. Maîtresses officielles ou secrètes, liaisons épistolaires et enflammées, dépit, faveur, puis disgrâce... Jamais l'art de conquérir ne fut porté à cette incandescence. Chacun d'eux, en même temps, veut se forger un destin. Prétendant aux plus hautes fonctions au service du Roi, ils devront composer avec la cour où les alliances se font et se défont au gré d'intrigues savantes et souvent cruelles. On croisera Talleyrand, Laclos, Marie-Antoinette dans la légèreté de ses vingt ans, les chroniques savoureuses du prince de Ligne ou de la comtesse de Boigne, les billets, les poèmes que cette élite lettrée et cosmopolite s'échange à chaque heure du jour. Ils sont aussi les enfants des Lumières, et accueillent avec d'autant plus d'intérêt les idées nouvelles qu'ils croient possible de les concilier avec leurs propres privilèges. Mais la Révolution balayera cet espoir. Certains prendront les armes, d'autres le chemin de l'exil ; ce sera la ruine, la guillotine pour deux d'entre eux. Pour tous, la fin d'un monde. Avec une plume enjouée et complice qui rappelle les meilleurs mémorialistes, Benedetta Craveri a composé ici un magnifique hommage à cette génération perdue qui incarna, plus qu'aucune autre, une certaine douceur de vivre. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Les Derniers Libertins raconte la fin d'un monde et le début d'un nouveau, à travers les portraits de plusieurs hommes qui symbolisent cette fin du XVIIIème siècle français : la fin de la monarchie, ses derniers feux puis les débuts de la fureur révolutionnaire.
    Connus ou moins connus, ils sont tous des fers de lance de cette fin de siècle, de ce XVIIIème siècle des Lumières qui va donner naissance à une révolution à laquelle, contrairement à ce que l'on pourrait penser, la plupart ne seront pas hostiles.
    Lauzun, Narbonne, Boufflers, Ségur...des noms qui peut-être vous évoquent quelque chose, ou pas. En ce qui me concerne, je connaissais bien le duc de Lauzun, parce que je l'ai souvent croisé dans des biographies de Marie-Antoinette et parce que le titre qu'il portera à la fin de sa vie, duc de Biron, est originaire de ma région et que son superbe château y est très connu. Je connaissais aussi le duc de Vaudreuil, amant de la duchesse de Polignac, favorite de la reine, pour l'avoir aussi régulièrement croisé dans les livres et biographies consacrés à Marie-Antoinette et le duc de Brissac parce que sa liaison avec Madame du Barry et les livres que j'aie pu lire sur elle me l'avaient fait connaître. Pour les autres, ce fut une véritable découverte.
    Pour autant que leurs destins soient différents, ils sont cependant tous liés par un (ou des) dénominateur (s) commun (s) : la naissance illégitime pour certains d'entre eux -Lauzun, Ségur, Narbonne- qui portent le nom d'un père qui ne l'est pas, l'appartenance à l'aristocratie, les idées, le mode de vie, la carrière militaire...Ces derniers libertins, ce sont de purs produits de la fin du XVIIIème siècle, amoureux du plaisir et des femmes, élevés dans des familles pas forcément très conventionnelles, où les maris ont des maîtresses et les épouses des amants sans que cela ne choque personne. Ce sont aussi des idéalistes, aux idées libérales, biberonnés aux philosophes des Lumières et qui appellent de leurs vœux une Révolution qui, faisant l'effet d'un tsunami, paradoxalement, les balaiera tous. Lauzun se battit ainsi en Amérique aux côtés de La Fayette et Rochambeau, aidant un peuple à se libérer de son roi, n'imaginant pas que dix ans plus tard, l'agitation révolutionnaire gagnerait la France et le sacrifierait. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les nobles ne furent pas tous des émigrés ni même des monarchistes comme le peuple n'a pas été entièrement sans-culottes. La mauvaise image de la monarchie, véhiculée dans l'opinion, vient avant tout de Versailles et des courtisans ou de nobles critiques, comme la marquise de Coigny, bonne amie de Lauzun et qui détestait la Cour.

    Armand-Louis de Gontaut, duc de Biron, général en chef de l'armée du Rhin 1747-1793  (Georges Rouget, 1834).

    Certains choisiront toutefois la monarchie mais seront partisans d'un changement et d'une monarchie constitutionnelle à l'anglaise, témoin de cet intérêt croissant que l'on avait eu dans la seconde moitié du siècle pour tout ce qui venait d'Outre-Manche, malgré les relations diplomatiques calamiteuses entre les deux pays : l'équitation à l'anglaise, les jardins à l'anglaise, les courses hippiques, la redingote... et surtout les idées politiques qui font leur chemin petit à petit. Par faiblesse ou peut-être par indécision, la monarchie française ne sut pas se réinventer et sombra dans l'abyme, sacrifiant son roi et sa reine mais aussi son aristocratie. Toujours est-il que c'est dans les rangs de ceux qui étaient nés pour la défendre et leurs ancêtres avant eux, que la monarchie absolue trouva en premier lieu le plus de détracteurs.
    Cela n'empêchait pas ces hommes bien nés, souvent riches -même si certains connurent des revers financiers relativement importants- de mener grand train, consommant les femmes et le champagne dans un joyeux tourbillon. Ces derniers libertins ont aimé la vie et l'ont brûlée par les deux bouts tandis que l'échéance s'approche de plus en plus dangereusement.
    Ce livre de Benedetta Craveri avait tout pour me plaire et, d'ailleurs, je ne serais pas honnête si je vous disais que ce n'était pas le cas : je l'ai trouvé intéressant et j'ai apprécié de découvrir une époque qui me passionne autrement qu'au travers des figures traditionnellement analysées (Marie-Antoinette la première). Ces destins m'ont tous plu, parce que si chacun va son chemin, leurs vies parallèles se télescopent par moments et surtout présentent d'étranges similitudes. La fin de l'Ancien Régime et la Révolution française sont décidément des époques bien plus compliquées que l'on ne pourrait le croire et qui sont malheureusement ramenées au rang d'un manichéisme réducteur et trop facile dans les livres scolaires, nous donnant une vision biaisée de cette époque fondatrice. Si j'avais eu besoin d'en être convaincue, nul doute que ce livre y serait parfaitement parvenu, nous montrant de grands nobles embrassant à bras-le-corps un changement bienvenu et qui, pourtant, les touchaient en premier lieu.

    Louis Marie de Narbonne-Lara

    Louis Marie de Narbonne-Lara, militaire et amant de la célèbre Mme de Staël dont il eut deux enfants et considéré comme un enfant naturel de Louis XV 


    Pour autant, je l'ai trouvé extrêmement compliqué à lire, d'où un sentiment assez partagé en fin de lecture. Je ne sais pas si c'est le style de l'auteure ou la traduction mais je ne l'ai pas trouvé facile d'accès. Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé mais j'avais la désagréable impression d'oublier à mesure que je lisais, étant obligée de revenir en arrière parce que j'avais oublié le paragraphe précédent ! ! Il y'a énormément de choses dedans, beaucoup d'informations, beaucoup de noms, beaucoup de dates. Parce que le prisme utilisé par l'auteure est différent de celui dont j'ai l'habitude, peut-être aussi ai-je eu besoin de plus de temps pour bien me resituer...toujours est-il que ce sentiment qui m'est apparu quasiment dès les premières pages m'a poursuivie jusqu'à la fin. Globalement, j'ai évidemment retenu ce que j'ai lu sinon je ne serais pas en train de vous parler de ce livre, mais...j'avoue que cette impression de manque de concentration, de difficulté n'est pas agréable.
    Mais le XVIIIème siècle me passionne toujours autant et ce n'est pas ce petit bémol qui va m'empêcher de lire les autres livres de Benedetta Craveri, notamment celui qu'elle consacre à Madame du Deffand, célèbre salonnière de l'époque et épistolière, qui correspondit notamment avec Voltaire, d'Alembert ou encore Horace Walpole.
    Pour en revenir aux Derniers Libertins si, comme moi, vous aimez le XVIIIème siècle, nul doute que vous y trouverez votre content, même si vous ressentez peut-être la même impression de difficultés à sa lecture. Le propos n'en est pas moins passionnant et ces derniers libertins sont décidément assez attachants, tous à leur manière. Libertins de mœurs, libertins d'esprit, ils personnifient parfaitement cette époque moribonde mais qui ne le sait pas encore et continue de s'étourdir dans les ors jusqu'à plus soif. Plus dure sera la chute : pour certains sur la paille des prisons de la République et pour d'autres, ce sera l'assurance de l'amertume de la perte et la désillusion jusqu'à la fin. Avec Louis XVI qui cesse de régner, c'est aussi toute la noblesse française, ciment de la monarchie qui, faute d'avoir su ou d'avoir pu tirer son épingle du jeu, sera engloutie pour toujours dans les limbes d'un monde nouveau qui n'est pas écrit par elle ni pour elle.

    Fastes. "Serenade au Petit Trianon", gravure d'adrien Moreau en hommage a la reine Marie-Antoinette, avant 1789.

    Sérénade au Petit Trianon (gravure d'Adrien Moreau en hommage à Marie-Antoinette, avant 1789)

    En Bref :

    Les + : une analyse du XVIIIème siècle intéressante et innovante parce que centrée sur des figures que l'on ne fait en général que croiser. 
    Les - : le livre est extrêmement riche et je l'ai, de fait, trouver assez compliqué à lire, je l'ai trouvé relativement laborieux.


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  • « Quand le hasard lui fait rencontrer cette moitié de lui-même, son complément, l'amoureux est saisi d'un sentiment d'amitié, de familiarité, d'amour, et ne veut plus le quitter. »

     

    Un An Après ; Anne Wiazemsky

     

     

     

     Publié en 2016

     Editions Folio 

     232 pages 

     

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « La traque des étudiants se poursuivait boulevard Saint-Germain et rue Saint-Jacques. Des groupes de jeunes, garçons et filles mélangés, se battaient à mains nues contre les matraques des policiers, d’autres lançaient différents objets ramassés sur les trottoirs. Parfois, des fumées m’empêchaient de distinguer qui attaquait qui. Nous apprendrions plus tard qu’il s’agissait de gaz lacrymogènes.
    Le téléphone sonna.
    C’était Jean-Luc, très inquiet, qui craignait que je n’aie pas eu le temps de regagner notre appartement. "Écoute Europe numéro 1, ça barde au Quartier latin!" Nous étions le 3 mai 1968. »


    Anne Wiazemsky. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Un An Après se passe chronologiquement juste après Une Année Studieuse, dans lequel Anne Wiazemsky nous racontait sa rencontre avec Godard, de dix-sept ans son aîné, leur idylle puis leur mariage.
    Dans Un An après, nous sommes en 1968, Anne a vingt-et-un ans, c'est une jeune mariée qui découvre la vie de couple et la vie en général. Ancienne étudiante en philosophie à la Sorbonne, elle a laissé tomber ses études juste avant l'examen final pour se consacrer au cinéma et a déjà joué dans quelques films, notamment La Chinoise, de Godard justement. Par son mariage, elle fréquente le beau monde du cinéma français, acteurs, réalisateurs, producteurs et découvre un univers particulier tandis qu'elle-même est issue d'une famille où l'émulation créatrice et les convictions se transmettent de génération en génération : pour moi, les Wiazemsky-Mauriac, c'est une famille bourgeoise mais pas que, elle est un peu artiste, un peu bohème aussi -ou disons qu'elle le devient. Il y'a le grand-père, François Mauriac, écrivain bourgeois et quelque peu conservateur installé dans sa propriété du Bordelais ; il y'a la mère, Claire, qui s'est engagée comme ambulancière en 1945 et a rencontré son futur époux dans les décombres de Berlin ; il y'a Pierre, le frère qui, en 1968 passe son bac et se mariera, onze ans plus tard, avec une romancière à la bibliographie plutôt sulfureuse, Régine Deforges, avec qui il aura une fille, Léa. Pierre qui, aujourd'hui, est connu sous le surnom de Wiaz est un dessinateur de presse reconnu. Il y'a Jean-Luc, le mari, déjà un cinéaste de renom, ami de Truffaut et de la star montante française, Jean-Pierre Léaud, artiste et créateur, on pourrait même dire, inventeur d'un nouveau genre. C'est surtout une famille terriblement attachante, dont Anne est un représentant pudique et tendre et je crois que c'est pour cela qu'elle a su capter mon intérêt tout de suite avec ses livres autobiographiques dans lesquels elle se dévoile sans trop en dire, racontant plus une époque à travers son expérience que le contraire.
    Quelques mois seulement après son mariage, Anne demande à Jean-Luc de déménager et de quitter la proximité de la place Beauvau pour le Quartier Latin. Sa raison est simple, la proximité du ministère de l'Intérieur et de l'Elysée pèse à la jeune femme qui en a marre de voir tous ces flics partout. Direction la rue Saint-Jacques, dans le quartier des étudiants, non loin de la Sorbonne. Elle ne sait pas que quelques semaines plus tard, le quartier sera cerné par des cordons de CRS et en proie à une véritable guérilla urbaine, menée par les étudiants du Quartier Latin, en révolte ouverte contre le pouvoir du général de Gaulle et qui vont bientôt entraîner tout un pays dans leur colère : on retiendra par exemple les ouvriers des usines Renault de Boulogne-Billancourt et de Flins, très présents dans les manifestations, ainsi que les nombreux syndicats, qui s'emparent à leur tour de la cause.

    Décès d'Anne Wiazemsky, romancière et actrice, ex-épouse de Jean ...

    Anne Wiazemsky et Jean-Luc Godard


    Mai-68 est un événement fondateur de notre Histoire contemporaine, c'est un événement important, qu'on le cautionne ou pas. Ces manifestations qui ont jalonné le mois de mai et paralysé la France (Anne Wiazemsky décrit bien le pays à l'arrêt, faute de carburant, de transports, de ravitaillement dans les supermarchés) ont marqué toute une époque...elles ont donné le coup d'envoi des mouvements hippies et libertaires des années 70, elles ont entériné et donné de l'élan aux revendications des femmes. Encore aujourd'hui, et ce n'est sûrement pas un hasard, on associe souvent les revendications populaires à celles de mai-68, c'est une référence familière et qui parle à tout le monde, qu'on l'ait vécue ou non.
    Découvrir ce qu'une jeune femme de vingt ans en 1968, menant déjà une vie bien remplie et pas forcément conventionnelle est intéressant. Anne Wiazemsky a été un témoin de premier plan de l'époque, déjà parce que les fenêtres de son appartement ouvrait sur ce Quartier Latin qui va s'embraser le premier, avec en point de mire la faculté de la Sorbonne. Pendant ses études à Nanterre, autre foyer de la contestation, elle avait croisé un futur leader de mai-68, Daniel Cohn-Bendit, avec lequel elle avait sympathisé, d'ailleurs. De part son mariage avec Godard, qui profite de l'agitation pour tenter de révolutionner le monde du cinéma, elle découvre une autre lutte, celles des artistes, des cinéastes, des acteurs tandis que son jeune frère Pierre, avec l'exaltation de ses dix-huit ans, se jette à corps perdu dans les manifestations avec ses amis lycéens.
    Plusieurs fois, la femme qu'elle est devenue et qui écrit à la fin de sa vie, se souvient de la peur qui a été celle de la jeune femme qu'elle était alors, devant une situation sans précédent. Comment imaginer de véritables scènes de violence guerrière dans un Paris de la fin des années 1960, les rues dépavées, les voitures incendiées, les vitrines cassées...? Anne, à vingt ans, découvre l'envers pas toujours très beau, d'une vie qu'elle a menée jusqu'ici de manière relativement protégée.
    En parallèle, ses premiers pas dans le monde du cinéma continuent et elle accompagne souvent son mari sur certains de ses projets : ainsi, au printemps 1968, elle rencontre les Beatles dans leurs fameux studio d'Abbey Road, à Londres puis assiste au tournage de Godard avec les Rolling Stones, rencontre Marianne Faithfull et Anita Pallenberg, leurs muses...en Italie, la petite Française se fait un nom, en tournant notamment avec Bertolucci. Doucement aussi, les liens amoureux avec Godard évoluent, se détendent : les accrochages dans le couple se font plus nombreux, l'incompréhension aussi. Avec une lucidité criante et les aspirations libertaires qui sont bien de son temps, Anne, à l'ombre d'un mari d'une autre génération se rend bien compte qu'aimer et se marier, c'est perdre un peu de son indépendance...Récit d'une vie et d'une carrière, récit historique aussi parce que l'auteure fixe sur papier son témoignage sur un événement exceptionnel et qui bouleversa la fin des années 60 français, Un An Après est un livre complet et de qualité.
    Parce qu'Anne Wiazemsky sait se raconter sans trop en dire, sans se dévoiler impudiquement, parce qu'elle nous fait partager, au-delà de sa vie sociale et professionnelle bien remplie et bien différente de celle des jeunes femmes de son temps et de son âge, les préoccupations qui sont celles d'une jeune femme de vingt ans, qu'elle soit mariée ou pas, en couple ou pas, les questions qu'une jeune femme de vingt ans se posera de toute façon, qu'elle les ait en 1968 ou en 2020. Cette proximité la rend attachante et petit à petit, au cours de notre lecture, un étrange transfert se crée et ses mots deviennent les nôtres.
    Je ne saurais pas dire d'où vient ma tendresse pour l'oeuvre littéraire d'Anne Wiazemsky, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'elle est là, elle est bien présente et qu'Un An Après n'aura pas déçu mes attentes. Après avoir découvert Mon Enfant de Berlin puis son histoire avec Godard, je pense que je lirais le récit de son adolescence, Jeune Fille

    Ja, Godard” [RECENZJA]: pstryczek w nos. Hazanavicius wszedł z ...

    Dans le film Le Redoutable, de Michel Hazanavicius, Louis Garrel et Stacy Martin interprètent Godard et Anne

    En Bref :

    Les + : Malgré son aspect autobiographique, l'auteure a su préserver son intimité et sa vie privée, nous la livrant presque comme un roman. J'ai préféré Mon enfant de Berlin mais Une année studieuse et cette suite auront su me séduire. 
    Les - :
    Aucun. Ma tendresse pour l'oeuvre d'Anne Wiazemsky est intacte.


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  • « C'était bien l'incohérence du monde moderne que de pourchasser les penseurs géniaux et de couver les exaltés. »

     

     

     

     

     Publié en 2014

     Editions du Masque (collection Poche)

     316 pages 

     Troisième tome de la saga Voltaire mène l'Enquête

     

     

     

     

     

     

    Résumé : 

    Voltaire a enfin trouvé un adversaire à sa mesure : le diable en personne ! Belzébuth sème des cadavres à travers Paris, au point que l’Église, soucieuse d’éviter tout scandale, fait appel au célèbre philosophe pour mener une enquête discrète en cachette de la police. Dans un Paris des Lumières encore très empreint de croyances irrationnelles, où vampires, démons et morts-vivants semblent se promener à leur gré, qui d’autre envoyer sur leurs traces qu’un philosophe connu pour ne croire à rien ? En échange, le cardinal de Fleury, qui gouverne la France, autorisera la publication des Lettres philosophiques, ce brûlot sulfureux. Il ne reste plus à Voltaire qu’à montrer ce que peut la philosophie contre la superstition. Et aussi à découvrir qui sème des morceaux de corps humains jusque dans le bain de l’écrivain, à percer le secret d’un mystérieux jupon convoité par un assassin, sans oublier de faire jouer sa nouvelle tragédie à la Comédie-Française, afin de révolutionner un art théâtral poussiéreux !
    À la fois roman policier historique et conte voltairien, Le diable s’habille en Voltaire est écrit dans un style jubilatoire aussi ciselé que l’était le langage des Lumières.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Dans cette troisième enquête, le philosophe le plus insupportable de la Création nous entraîne dans une étrange sarabande -une véritable danse macabre, pourrait-on dire !
    En 1733 à Paris, on embastille les philosophes mais l'on croit encore au diable et autres démons et vampires. Alors quand le vicaire d'une vénérable institution parisienne sollicite notre cher Voltaire pour faire la lumière sur la mort mystérieuse de l'un de ses prêtres, vraisemblablement assassiné par un être démoniaque muni de pieds de bouc, cela ne choque personne : c'est bien connu après tout que le diable existe et il n'y a bien que les philosophes athées et les marquises scientifiques pour dire le contraire et opposer la Raison aux superstitions des prêtres et du peuple !!
    Le Diable s'habille en Voltaire, troisième tome de la série Voltaire mène l'Enquête et qui pastiche le titre d'un célèbre roman américain, nous emmène pour une course endiablée dans les rues de Paris où l'on croise pêle-mêle un carrosse tout de noir vêtu qui semble tout droit sorti des bouches de l'Enfer, une comtesse désœuvrée et un peu folle qui dépèce les cadavres du cimetière des Innocents, des comédiens exigeants et qui mettent peu de volonté à bien jouer du Voltaire, un nécromant venu d'outre-Rhin qui arrose les philosophes d'eau bénite et brandit des crucifix à tout bout de champ et enfin, un larron qui poursuit un but bien mystérieux en se cachant dans les anciennes carrières de Paris et se déplace sur deux pattes diaboliques...
    Le début du XVIIIème siècle n'est pas encore débarrassé de ces peurs irraisonnées héritées des temps les plus anciens : Voltaire dans sa correspondance au début des années 1730 parle même de cette psychose du vampire dont souffrent plusieurs pays européens à ce moment-là. En 1733 encore, partout en France et en Europe, on a peur du diable et des démons et il ne viendrait à l'esprit de personne de dire que cela n'est qu'une vaste machination, en un mot, une supercherie montée de toutes pièces par un esprit humain. Alors, derrière l'ironie et la truculence du propos, c'est un beau portrait que nous brosse Lenormand de cette époque si paradoxale, oscillant sans cesse entre le savoir et la raison d'un côté et la superstition et l’idolâtrie obscurantistes de l'autre.
    J'ai apprécié de retrouver notre philosophe enquêteur, dans une aventure pétillante et sautillante où se croisent tous les personnages qui font de cette saga une oeuvre littéraire à part : la marquise Emilie du Châtelet, mathématicienne et traductrice de Newton, qui eut effectivement une liaison avec Voltaire -qu'elle rencontre en réalité en 1734-, l'abbé Linant, qui fut le secrétaire du grand homme et qui, dans la saga, est aussi sot qu'un panier et donne lieu à tout un tas de situations cocasses.
    Ce qui fait la force de cette saga, où tout n'est pas vrai mais où l'époque est cependant très bien restituée par un auteur spécialiste du XVIIIème siècle et qui ne se prive pas d'en décrire les travers et les paradoxes, c'est bien la plume de Lenormand. Je l'ai découverte en ce qui me concerne dans un court roman centré sur la figure de Chon du Barry, la belle-sœur de la fameuse comtesse, intitulé Mademoiselle Chon du Barry ou les surprises du destin que j'avais beaucoup aimé. Et cela a bien fonctionné avec La Baronne meurt à Cinq Heures, premier opus des aventures de notre cher Voltaire, dépeint comme un petit gnome surmonté d'une perruque, bête noire de la police parisienne et du pouvoir en place, qui ne rêve que de l'embastiller ( « C'est que, mon cher, vos lettres ont du cachet » lui dit mine de rien le lieutenant de police Hérault, au détour d'un chapitre). Comme cette citation, le roman est truffé de petites références subtiles à l'époque, qui font sourire et qui sont toujours glissées là avec à-propos. Certains lecteurs ont déploré qu'il y'avait trop d'ironie...Certes, mais pour moi, c'est elle justement qui fait la force de cette saga décidément pas comme les autres. Lenormand prend le contre-pied d'auteurs comme Jean-François Parot, qui cisèle un portrait extrêmement précis et parfait autour de son enquêteur du Châtelet, Nicolas Le Floch, dans le respect des règles et des institutions des règnes de Louis XV et Louis XVI, ou Olivier Barde-Cabuçon, qui met en place dans ses Enquêtes du Commissaire aux Morts Étranges une ambiance noire et poisseuse, presque gothique, dans laquelle évolue son commissaire, Volnay, flanqué de son accolyte, le moine défroqué. Ce sont trois sagas, trois personnages liés cependant par une époque passionnante et dans laquelle je me retrouve parfaitement, que je lise Parot, Lenormand ou Barde-Cabuçon. C'est une autre manière d'envisager le roman policier, en y instillant un aspect un peu burlesque qui peut surprendre de prime abord mais au final fonctionne parfaitement. Après les libertins et les livres érotiques du second tome, ici l'auteur s'attaque à un autre sujet favori d'une époque qui se cherche : les sorciers et les démons et...c'est diablement réussi si je peux m'exprimer ainsi !


    Si je peux vous donner un conseil, c'est bien d'aller vous jeter sur cette saga truculente et pleine de vie et, comme le dit Gilbert Collard, c'est pétillant comme du champagne ! Même si vous n'aimez pas ce breuvage, nul doute que Lenormand vous réconciliera avec lui !

    En Bref : 

    Les + : Jubilatoire et sautillante, la plume de Lenormand me séduit de livres en livres ! Cette enquête policière burlesque distrait et fait rire sans oublier la description précise quoique ironique d'une époque. Sillonner le Paris superstitieux de 1733 dans les pas de Voltaire et Emilie de Châtelet m'a divertie comme jamais
    Les - : pour moi, il n'y en a pas, mais je ne suis pas objective !  


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  • « C'est la vérité vraie. Un seul cœur, ça suffit largement, du moment qu'on l'utilise sans avoir peur de le casser en mille morceaux. »

     

    Couverture Lavina / Le refuge des souvenirs

     

     

     Publié en 2014 aux Etats-Unis 

     En 2018 en France (pour la présente édition)

     Titre original : Lavina 

     Editions Charleston (collection Poche) 

     496 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Au cours de l'été brûlant de 1963, la ségrégation fait rage dans la petite ville de Murpheysfield. Mary Jacob, douze ans, mal aimée par sa famille, trouve refuge auprès de Lavina, la cuisinière noire, qu'elle considère comme sa mère. Mais lors d'incidents raciaux, la domestique est tuée. Mary Jacob, choquée, oubliera tout de cette période de sa vie. 

    Des décennies plus tard, apprenant que son père est mourant, Mary Jacob retourne dans sa Louisiane natale. Partie sur les traces de son passé, la jeune femme retrouvera-t-elle la mémoire de son enfance brisée ? Pourra-t-elle faire la paix avec sa propre histoire et avec Billy Ray, le fils de Lavina, blessé par le silence et les non-dits ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au début des années 1990, Mary Jacob quitte New York où elle vit avec mari et enfants pour rentrer en Louisiane où son père, mourant, demande de venir le voir. Direction Murpheysfield, sa ville natale, où elle a passé son enfance jusqu'à ses douze ans, en 1963, date à laquelle on l'a envoyée en pension. Cette année-là, une émeute avait eu lieu dans les rues de Murpheysfield, suite à une manifestation en faveur des droits civiques. Au cours de cette émeute, la cuisinière de la famille de Mary Jacob, Lavina, dont la petite fille avait été très proche, est tuée. Dans les années qui suivent, loin de Murpheysfield, Mary Jacob a occulté ce terrible été tout en gardant un certain mal-être en elle, qu'elle ne peut expliquer.
    Au même moment, le fils de Lavina, Billy Ray, chanteur reconnu mais qui connaît alors une longue traversée du désert, revient se produire en Louisiane où il espère renouer le succès. Lui n'a rien oublié de ce qui s'est passé ce jour d'août 1963 et, trente ans plus tard, il veut des réponses et comprendre pourquoi sa mère se trouvait là, dans cette manifestation qui lui a coûté la vie.
    En alternant les époques on découvre pourquoi Mary Jacob entretient des relations aussi houleuses avec sa famille, pourquoi Billy Ray a quitté Murpheysfield en catastrophe à l'âge de quinze ans et enfin pour quelle raison exactement Lavina est morte au cours de cet étouffant été 1963...
    Ce n'est pas vraiment un roman à secrets parce que finalement, il n'y en a pas, de secret. On ne découvre pas la mort de Lavina, on l'apprend dès les premières pages. Finalement ce que l'on découvre au fur et à mesure que le récit se déroule, c'est ce qui s'est passé cet été-là, un peu comme une enquête policière que l'on reprendrait 30 ans plus tard. Et au centre de cette enquête il y'a deux personnes meurtries par cet événement dont elles ont gardé un souvenir à leur manière : Mary Jacob en l'occultant entièrement et Billy Ray en en faisant au fil des années une question lancinante, avivée par son besoin de savoir à tout prix ce qui va le pousser à retrouver Mary Jacob qu'il n'a pas vue depuis trente ans.
    Globalement j'ai apprécié ce roman même si ce n'était pas gagné parce que j'ai eu beaucoup de mal avec les premiers chapitres. En le commençant je m'attendais à un livre extrêmement proche de La Couleur des Sentiments le lumineux roman de Kathryn Stockett ou éventuellement de La Colline aux Esclaves de Kathleen Grissom que j'ai aussi beaucoup aimé. Au final je crois qu'on survend un peu trop ces points communs entre le livre de Mary Marcus et celui de Kathryn Stockett... certes il y'a des similitudes entre les deux : l'époque, le contexte, le sujet mais ça s'arrête là. Et je crois que beaucoup de lecteurs ont été déçus parce qu'ils se sont convaincus qu'ils liraient un récit presque jumeau de celui de La Couleur des Sentiments alors que ce n'est pas du tout le cas : disons qu'en fait de jumeaux les deux livres sont des...cousins germains.
    Ceci dit le roman de Mary Marcus a ses qualités. Ce n'est pas un mauvais récit, ce n'est pas mal écrit. Personnellement, ce qui m'a manqué c'est l'attachement aux personnages qui est arrivé trop tard. Si je n'arrive pas à aimer les personnages d'un livre, fatalement mon avis général va s'en ressentir. Et c'est vrai que les premiers chapitres m'ont fait douter mais j'ai persévéré parce que le sujet me plaisait et parce que j'avais ressenti de l'intérêt pour Lavina qui est l'un des narrateurs et qui avec sa simplicité pas dénuée d'une certaine lucidité m'a plu tout de suite : heureusement d'ailleurs et cela a compensé le peu d'attachement que j'avais pour Mary Jacob et sa famille.
    Finalement Mary Jacob m'a plus plu en jeune fille de douze ans délaissée, pas aussi jolie que sa sœur aînée qu'elle déteste et envie à la fois, trouvant refuge auprès de la cuisinière qu'elle considère comme sa vraie mère. Dans une société encore profondément raciste et où les riches familles blanches acceptent volontiers que les cuisinières et domestiques noires préparent leurs repas et repassent leur linge mais n'iraient jamais ô grand jamais s'asseoir au même endroit qu'eux, l'adolescente est la seule vraiment sincère, parce que pour elle la couleur de peau n'existe tout simplement pas et de fait elle ne comprend pas les barrières sociales dressées par son entourage. J'ai par exemple trouvé assez édifiante la condescendance de la sœur aînée, Kathryn qui dit qu'elle aime Lavina et que bien sûr elle n'irait jamais lui dire qu'elle est une négresse mais qu'enfin, il ne faut pas se voiler la face et c'est ce qu'elle est. Édifiante et éclairante aussi parce que finalement elle dépeint bien la société de l'époque qui ne se pose pas de questions : la ségrégation fait partie de la vie de chacun. Certains n'en pensent rien, c'est comme ça et d'autres détestent vraiment les Afro-américains les considérant comme des citoyens de seconde zone voire à peine comme des hommes -et cela il y'a un peu plus de cinquante ans, tout au plus. J'ai retrouvé ce que Yaa Gyasi dépeint si bien dans No Home : cette marque indélébile de la couleur de peau qui vous poursuit quoi que vous fassiez, dans un Sud encore aux prises avec ses vieux démons. La Louisiane du Refuge des souvenirs n'est pas l'état riant auquel on pense quand on l'évoque, avec des chanteurs de jazz à tous les coins de rue et une population métissée. C'est une Louisiane bien sombre que l'auteure nous donne à voir ici.
    À part ces personnages assez antipathiques au départ et une fin un peu abrupte je n'ai pas grand-chose à reprocher à ce roman. Dommage qu'on le survende en le comparant à un monument, parce que très franchement il est difficile à mon sens d'atteindre le niveau de Stockett dans La Couleur des sentiments mais ça ne veut pas dire pour autant que Le Refuge des souvenirs n'est pas bon, au contraire. Il faut persévérer et ne pas forcément se laisser rebuter par les premiers chapitres qui ne sont pas évidents. En ce qui me concerne c'est vrai que j'ai préféré la deuxième partie qui se concentre sur les années 60 mais globalement le roman est cohérent. L'auteure a choisi de raconter un pan de l'histoire de son état natal et on s'y voit : cette Louisiane ségrégationniste écrasée par un été qui n'en finit pas se transforme en ce mois d'août 1963 en véritable poudrière.
    Je ne garderai pas un mauvais souvenir de cette lecture au contraire et je ne peux que vous encourager à vous lancer en gardant à l'esprit, si vous avez lu La Couleur des Sentiments, que ces deux romans malgré un sujet similaire sont diamétralement opposés. Vous apprécierez sûrement bien mieux ainsi. 

    En Bref :

    Les + : l'histoire, belle et touchante, de l'amitié réelle qui unit Mary Jacob, petite fille de douze ans en mal d'amour et Lavina la cuisinière noire, qui pose un regard profondément lucide et sans illusion sur la société dans laquelle elle vit. 
    Les - :
    des personnages peu attachants et c'est dommage, parce qu'ils sont intéressants dans leur diversité et une fin un peu abrupte pour moi.


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