• « La douleur peut paraître insurmontable, insupportable, mais tout cela prendra fin. Aussi sûr que l'aube succède toujours à la nuit la plus noire, le bonheur est assuré après le malheur. »

    Couverture Quand soufflera le vent de l'aube

     

     

     Publié en 2013 au Royaume-Uni 

     En 2018 en France (pour la présente édition) 

     Titre original : When the dawn breaks

     Editions Pocket 

     608 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé : 

    Île de Skye, 1903. Jessie, fille de métayers, et Isabel, fille du médecin de l'île, grandissent ensemble sur cette terre pauvre du nord de l'Ecosse. Jessie rêve de devenir infirmière et Isabel de prendre la succession de son père. Mais la disparition mystérieuse du jeune héritier de l'une des familles les plus importantes de la région vient contrarier le destin des deux amies, bientôt obligées de se séparer. 
    De l'archipel des Hébrides à Edimbourg puis, durant la Première Guerre mondiale, de France en Serbie, leurs routes ne vont toutefois pas tarder à se croiser de nouveau. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Je verrais bien ce roman adapté en costume drama par la BBC ! Quand soufflera le Vent de l'Aube est une grande fresque historique qui se déroule sur plus de dix ans et nous fait traverser l'un des conflits les plus meurtriers de ces derniers siècles, la Grande Guerre, dans le sillage de personnages forts, déterminés et pleins de courage.
    En 1903, sur l'île de Skye, Jessie, fille de métayers de l'île rencontre à l'école Isabel McKenzie, la fille du nouveau médecin de Skye. Leur différence de condition les empêche de se lier d'amitié, pourtant Isabel et Jessie ne le savent pas encore mais elles ne cesseront jamais plus de se croiser et de se retrouver au cours des années qui suivront...les deux jeunes filles nourrissent qui plus est un rêve commun plutôt original en ce début de XXème siècle : Isabel veut suivre les traces de son père et rêve de devenir médecin, à une époque où les facultés de médecine sont encore fermées aux femmes. Quant à Jessie, elle souhaiterait devenir infirmière mais les études coûtent cher et elle devra faire bien des sacrifices avant de parvenir à toucher son rêve du doigt.
    Quand la guerre de Quatorze éclate, les conflits sanglants et meurtriers placent les médecins et les infirmières en première ligne. Isabel et Jessie ayant réussi à devenir ce qu'elles souhaitaient le plus être, elle se jettent à corps perdu dans ce nouveau combat destiné à sauver des vies et faisant fi de leurs propres épreuves et mettant leurs propres vies en danger.
    Du littoral de Skye jusqu'aux rues populeuses de l’Édimbourg du début du XXème siècle en passant par les champs de bataille serbes et les montagnes du Monténégro, Emma Fraser nous transporte dans un récit historique, épique et plein de souffle.
    Je n'ai pas tout aimé dans ce roman et le début, que je n'ai pas trouvé très évident et m'a empêchée d'entrer pleinement dans le récit dès les premières pages, m'a fait frôler le coup de cœur sans que je ne l'éprouve toutefois. Mais ce livre m'aura ceci dit très agréablement surprise, peut-être parce que je ne m'attendais pas à un récit de cette teneur en en démarrant la lecture, je ne m'attendais pas à être plongée aussi brutalement dans les marasmes et les horreurs de la Première Guerre en plein cœur des Balkans. Et pourtant, c'est bien ce qui va arriver : loin des théâtres habituellement décrits du conflit, notamment les tranchées de l'est et du nord de la France, ici, on suit nos infirmières et nos médecins dévouées en Serbie, où s'affrontent plusieurs armées et où les soignants et les brancardiers de la Croix-Rouge risquent chaque jour leur vie. On assiste à la mort des soldats, faute de moyens ou parce que des épidémies se déclarent ou bien encore parce que les armes ennemies leur ont infligé de trop terribles blessures et on partage l'angoisse et le découragement de Jessie, Isabel et leurs consœurs devant une telle horreur.

    Les oeuvres et les infirmières - Femmes et guerre

    Les infirmières de 1914-1918 furent surnommées « les Anges Blancs » ou encore « la Quatrième Armée » : celles qui œuvrèrent près des champs de bataille le payèrent parfois de leur vie.


    Si Emma Fraser a pris quelques libertés avec l'Histoire et la chronologie - Isabel est étudiante en médecine au début des années 1910 alors que les portes de la faculté ne s'ouvriront aux femmes qu'en 1916, par exemple-, son récit reste cohérent et c'est le plus important. Certains chapitres m'ont paru un peu superflus sans apporter toutefois de longueurs à la narration, qui reste dynamique et n'ennuie pas une seule seconde.
    Roman historique, roman d'amour et, en quelque sorte, manifeste féministe, Quand soufflera le Vent de l'Aube m'a rappelé bien d'autres romans que j'aie pu lire sur cette période : Un Amour Dérobé de MacKenzie Ford par exemple ou celui que j'ai lu dernièrement, de la Française Jeanne-Marie Sauvage-Avit, Perline, Clémence, Lucille et les autres...En 1914, des millions de femmes se retrouvent seules, parfois avec une famille, des enfants, de vieux parents à prendre en charge alors que les hommes s'en vont au loin. A la campagne, il faudra s'occuper de la maison et de la ferme, à la ville, de nombreuses femmes travailleront dans les usiles textiles ou d'armement, à préparer les munitions. Et puis il y'aura les soignantes : elles sont peut-être minoritaires mais n'en sont pas moins importantes. On retient par exemple la figure de l'infirmière Edith Cavell, qui sera finalement accusée d'espionnage par l'ennemi, jugée et condamnée à mort. Chacune de ces femmes ayant fait le choix d'aider son prochain ne se posera pas de questions et agira, parfois au mépris de sa propre existence. Dans un tourbillon qui les emporte, Isabel, Jessie et les autres infirmières et médecins expérimentent un autre aspect de leur métier et montrent un courage au moins égal sinon supérieur à celui des hommes. Je les ai admirées pour leur courage et leur combativité qui ne faiblit jamais.
    Quand soufflera le Vent de l'Aube met du temps à se mettre en place. Mais les événements décrits dans la première partie du roman permettront aussi de comprendre ceux de la seconde et comment, notamment, nos choix personnels ou les secrets que l'on choisit de garder pour soi ou de partager peuvent parfois influer sur plusieurs vies et infléchir leur cours.
    Si vous aimez les récits de guerre et les portraits de femmes fortes, nul doute que vous aimerez le roman d'Emma Fraser et ses personnages dignes et pleins de courages, malgré leurs failles et leurs limites qui en font des héros résolument humains et donc proches de nous et dans lesquels on se plaît à se retrouver. 

    En Bref :

    Les + : un récit épique et plein de souffle, digne du meilleur costume drama, des personnages humains, divers, courageux et déterminés.
    Les - :
    à part le début un peu lent et quelques chapitres superflus, je n'ai rien trouver à redire à propos de ce roman. J'ai frôlé le coup de coeur et ne l'ai raté que de peu.

    Les soeurs Brontë : la Force d'Exister ; Laura El Makki

    Thème de mai, « Sous les drapeaux », 5/12


    2 commentaires
  • #28 : Il y'a 250 ans, le mariage de Louis-Auguste dauphin de France et Marie-Antoinette

    Feu d'artifice fatal lors du mariage du futur Louis XVI et de ... 

    Feu d'artifice lors du mariage de Marie-Antoinette et du Dauphin Louis-Auguste (mai 1770)

     

    Au printemps 1770, l'Europe est en fête : en effet, la France et l'Autriche célèbrent l'union de leurs enfants, entérinant la toute nouvelle alliance entre ces deux puissances ennemies depuis plusieurs siècles.
    Du 19 avril au 16 mai 1770, des fêtes sont données à Vienne comme à Paris ou à Versailles et la petite Antoine, quatorze ans et demi, dont le nom a été francisé en Marie-Antoinette quitte la cour de sa mère, l'impératrice Marie-Thérèse, pour celle de Versailles.

    * Le renversement des alliances

    Le mariage du dauphin de France, Louis, avec une archiduchesse autrichienne ne va pas de soi. La seule reine de France autrichienne a vécu au XVIème siècle : il s'agit d'Elisabeth d'Autriche (1554 - 1592), épouse de Charles IX. Après la mort du roi, elle rentra en Autriche et la fille qu'elle avait eue du roi, Marie-Elisabeth de France, mourut à l'âge de six ans. Elisabeth reste aujourd'hui largement méconnue en France et, pourrait-on dire, oubliée. 
    L'Autriche et la France sont des puissances ennemies depuis longtemps et cette inimitié remonte notamment aux rivalités qui opposèrent les Valois aux très puissants Habsbourg.
    Mais au XVIIIème siècle, c'est la tendance inverse qui s'amorce et décide du sort des futurs Louis XVI et Marie-Antoinette : en 1756 a lieu la Révolution diplomatique aussi appelée le renversement des alliances. Ces alliances de longue date, qui se voient tout naturellement entérinées au moment de la guerre de succession d'Autriche sont finalement brusquement modifiées à la veille de la guerre de Sept Ans (1756 - 1763). Ainsi, l'alliance entre la France et la Prusse contre la Grande-Bretagne et l'Autriche devient l'alliance de la France et de l'Autriche contre la Grande-Bretagne et la Prusse.
    Ce coup de force diplomatique est l'oeuvre du chancelier Kaunitz, qui fut ambassadeur en France de 1750 à 1753. Marie-Thérèse prend l'initiative, en août 1755, de contacter Louis XV par l'intermédiaire de sa favorite, Madame de Pompadour, même si l'impératrice n'est pas sans savoir les réticences que cette nouvelle alliance engendre chez les ministres français. Les négociations, d'abord tenues secrètes puis associant certains ministres tels Machault d'Arnouville, Moreau de Séchelles ou encore Saint-Florentin aboutissent à la signature d'un premier traité franco-autrichien, le 1er mai 1756. Un an plus tard, en pleine guerre de Sept ans, un traité offensif est signé après l'invasion de la Saxe, alliée de l'Autriche, par la Prusse de Frédéric II.

    Le mariage entre l'une des filles de Marie-Thérèse et le dauphin de France est envisagée dès 1766. La France est sortie très affaiblie de la guerre de Sept ans perdant une grande partie de ses colonies au profit de la Grande-Bretagne. Ce mariage permettrait de consolider l'alliance autrichienne. Louis XV se montre favorable à ce projet et, dès le mois de mai 1766, l'ambassadeur d'Autriche à Paris écrit à Marie-Thérèse qu'elle peut de ce moment regarder comme décidé et assuré le mariage du dauphin avec Marie-Antoinette.
    Seulement la mère du dauphin se montre réticente à ce mariage et fait suspendre le projet, dans le but avoué de tenir la cour de Vienne entre la crainte et l'espérance. Marie-Josèphe de Saxe meurt cependant le 13 mars 1767 et le projet est remis sur table.

    14 mai 1770: Marie-Antoinette à Compiègne

    Marie-Antoinette rencontre la famille royale à Compiègne, le 14 mai

     

    * De longues négociations qui aboutissent à un mariage

    Les négociations durent plusieurs années et, au printemps 1770, c'est une petite archiduchesse à peine adolescente, formée en hâte par ses précepteurs effarés de ses lacunes (à dix ans, elle peine à lire et écrire l'allemand et ne pratique que très peu l'italien et le français, deux langues utilisées au sein de la famille impériale( qui quitte pour toujours l'Autriche après son mariage par procuration célébré à Vienne le 19 avril 1770, en l'église des Capucins.
    Marie-Thérèse a eu de nombreux enfants qu'elle considère comme des pions politiques à installer dans les différentes cours d'Europe. Évidemment ils n'ont pas voix au chapitre et ne peuvent choisir leurs époux ou épouses : seule l'archiduchesse Marie-Christine, une soeur aînée de Marie-Antoinette se verra autorisée à se marier selon son cœur. Marie-Amélie épousera le duc de Parme et Marie-Caroline le roi de Naples, toutes deux contre le gré. Le mariage de la benjamine avec le dauphin de France est vu comme étant le plus prestigieux.

    Après les cérémonies viennoises Marie-Antoinette part vers sa nouvelle patrie. Le convoi de la future petite dauphine atteint Strasbourg le 7 mai. Ce n'est pas moins de 57 voitures qui composent le cortège et véhiculent le 132 personnes de sa suite. Au milieu du Rhin, sur l'île aux Epis, un pavillon a été dressé, matérialisant la frontière entre la France et l'Autriche. Marie-Antoinette y entre du côté autrichien accompagnée par l'ambassadeur autrichien, Starhemberg, qui la remet à la comtesse de Noailles, sa première dame d'honneur. Comme le veut la tradition, la jeune fille entre en archiduchesse dans le pavillon, vêtue à l'autrichienne. On la dépouille de tous ses vêtements pour la rhabiller à la française, cette fois. Quittant le pavillon, elle est devenue la Dauphine de France et doit dire adieu à sa suite autrichienne. On dit qu'au moment de la quitter, la jeune fille a fondu en larmes. Sa détresse sauve cependant son petit chien, Pek, destiné à retourner lui aussi en Autriche : on l'autorise finalement à le conserver près d'elle.
    Sa peur et son chagrin surmontés, c'est une jeune fille sereine qui arrive à Compiègne où, le 14 mai, elle est accueillie par la famille royale. Louis XV est séduit immédiatement par la légèreté de cette petit princesse qui se jette à ses genoux en l'appelant Papa. Son futur époux, un grand garçon de quinze ans, timide et un peu gauche reste cependant paralysé devant elle et l'embrasse prudemment sur la joue. D'ailleurs il ne lui adressera plus la parole jusqu'à leur retour à Versailles ! Il notera d'ailleurs dans son carnet un bref « Entrevue avec Madame la Dauphine » somme toute assez lapidaire.
    Pendant ce temps Marie-Antoinette fait la conquête des courtisans qui vantent sa fraîcheur et sa grâce même si Louis XV regrette qu'elle n'ait pas plus de gorge.

    Au matin du 16 mai, un soleil printanier brille sur Versailles où se pressent près de six mille privilégiés venus assister aux noces du Dauphin. À 13 heures, Louis et Marie-Antoinette quittent le grand appartement du roi. Derrière eux viennent les princes du sang entourés de leurs officiers ainsi que les jeunes frères du Dauphin, les comtes de Provence et d'Artois. Entouré de ses filles, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, non mariées, Louis XV fait ensuite son apparition. Les princesses du sang ferment la marche.

    Le mariage a lieu dans la chapelle royale de Versailles où officie Mgr de La Roche-Aymon, archevêque de Reims et grand aumônier de France. Celui-ci s'apprête à transformer le mariage par procuration de Vienne en une union véritable et consacrée, sur le sol de France. Les deux jeunes mariés, engoncés dans de lourdes tenues d'apparat faites de brocart et constellées de résilles d'or et pierres précieuses s'avancent vers l'autel en se tenant la main. On note la mine peu réjouie du Dauphin particulièrement mal à l'aise. Au contraire la petite autrichienne dans sa robe à paniers de brocart blanc semble rayonner et si sa beauté n'est pas parfaite (on a noté sa lèvre un peu forte, héritage des Habsbourg, son front un peu trop bombé et l'ovale de son visage un peu long) elle séduit avec son teint lumineux, ses beaux yeux bleus et ses cheveux blond vénitien. Le roi lui-même, grand connaisseur et amateur de femmes dira : « Elle est incomparable » !
    La cérémonie, longue et solennelle, se termine par l'échange des anneaux. Le Dauphin glisse ensuite entre les mains de sa jeune femme treize pièces d'or, symbolisant la prospérité de leur futur foyer. Ensuite les deux jeunes gens doivent signer l'acte de mariage juste après le roi. Jusque là, madame de Brandeis, gouvernante de Marie-Antoinette, traçait au crayon les lettres sur lesquelles l'adolescente devait repasser. La signature au bas de son acte de mariage se termine par un gros pâté d'encre tandis qu'on voit nettement son hésitation au moment de tracer les dernières lettres de son prénom francisé : son premier élan a été de signer Antoine, nom qu'on lui donnait à la cour de sa mère. Certains voient dans cette signature manquée un mauvais présage.
    Cependant, l'heure est à la fête ! Dans le parc de Versailles, les fontainiers se démènent pour donner le spectacle des grandes eaux, et les Parisiens venus en masse attendant avec impatience les feux d'artifices prévus à la tombée de la nuit. Hélas un violent orage se déclare en soirée et noir illuminations et fusées.
    La fête se poursuit dans le palais où brillent des milliers de bougies et chandelles. Des tables de jeu sont installées dans la Galerie des Glaces où la Dauphine s'initie au lansquenet. Elle brille des mille feux des diamants offerts le matin même par le roi, en plus de la cassette de sa défunte belle-mère, Marie-Josèphe de Saxe. D'autres cadeaux somptueux notamment un précieux cabinet conçu par Bélanger les accompagnent.

    Illustration.

     

    La grande Marie-Thérèse d'Autriche (1717 - 1780), mère d'une large famille (15 enfants) : il se servira de sa progéniture et notamment de ses filles, comme de pions politiques, les plaçant dans toutes les cours d'Europe pour servir sa politique...

    Le banquet des noces est présidé par Louis XV, sous les ors du théâtre en bois doré achevé en hâte, quelques jours auparavant par l'architecte Ange-Jacques Gabriel. La famille royale y dîne sous les yeux de la cour. La Dauphine mange à peine des innombrables plats de poissons, viandes, volailles et autres entremets qui leur sont présentés. Le Dauphin au contraire, s'empiffre. Attentif, Louis XV lui conseille de ne pas trop se charger l'estomac pour cette nuit s'attirant cette candide réponse du Dauphin : Pourquoi ? Je dors toujours mieux quand j'ai bien soupé !
    Conduits ensuite vers la chambre nuptiale par leur suite, les deux jeunes mariés se plient au cérémonial du coucher. L'archevêque de Reims vient en personne bénir leur lit. Le roi tend lui-même sa chemise à son petit-fils tandis que l'honneur de remettre celle de la Dauphine est destiné à la duchesse de Chartres, princesse du sang ayant le rang le plus élevé. Les rideaux du lit sont tirés et les deux suites se retirent...
    On sait que le mariage des futurs Louis XVI et Marie-Antoinette ne sera pas consommé avant plusieurs années. Cette nuit-là, Louis s'est contenté de souhaiter une bonne nuit à sa femme avant de se tourner et de s'endormir bientôt. Le lendemain, Louis écrit un laconique : « Rien » dans son journal intime. Vrai ou non, cela reflète bien comment le futur Louis XVI a vécu sa journée de mariage...

    A Paris, les festivités battent aussi leur plein pour le mariage du Dauphin. Des festivités qui se termineront tragiquement et seront vues, rétrospectivement, comme un mauvais présage concernant l'union de Louis XVI et Marie-Antoinette. Le 30 mai, la municipalité de Paris a décrété un jour chômé et un feu d'artifice tiré sur la place Louis XV est promis aux Parisiens. Il faut alors s'imaginer un Paris aux rues sales, tortueuses, étroites et dangereuses. La rue Royale, qui conduit à la place est alors en travaux, jonchée de trous et autres ornières, dans laquelle se massent bientôt carrosses et gens à pieds, venus assister au feu d'artifice. Le spectacle se déroule correctement jusqu'à ce que le bouquet final, tiré trop tôt, n'embrase l'estrade depuis laquelle il est tiré : faite de stucs et toiles peintes, cette dernière prend feu en quelques minutes. Un mouvement de foule se crée et reflue vers la rue Royale dans laquelle s'engagent des carrosses et deux voitures-pompes venues en sens inverse pour éteindre l'incendie. La foule se trouve piégée, des gens trébuchent sur des poutres et sont piétinés, certains chutent dans les tranchées ouvertes dans la chaussée. La fête se transforme en chaos et le duc de Crouÿ qui y assistait, fera dans ses mémoires un récit circonstancié de la tragédie, décrivant des scènes d'horreur. La Dauphine, venue de Versailles pour assister à la fête, doit rebrousser chemin à l'annonce du drame qui se joue à Paris. Profondément choqué, le couple décidera d'aider financièrement le peuple de Paris après cet horrible événement dont Louis et Marie-Antoinette se sentent un peu coupables. Les festivités du mariage, commencée dans la liesse, se terminent dans la tristesse. 


    Le mariage de Marie-Antoinette et du Dauphin ne commence donc pas sous les meilleurs auspices et, dans le privé, et le jeune couple met du temps à s'apprivoiser : le mariage ne sera consommé qu'en 1777, probablement après une visite de Joseph II, frère aîné de la reine dépêché sur place par Marie-Thérèse, particulièrement inquiète, craignant notamment la répudiation de sa fille.
    Finalement, le jeune Louis XVI s'attachera profondément à sa femme une fois leur mariage consommé et on ne lui connait pas de maîtresses, chose rare pour un Bourbon ! Et cet attachement tardif se concrétisera tragiquement dans le soutien sans faille de la reine à son époux pendant la tourmente révolutionnaire.

    Marie Antoinette GIF - Marie Antoinette Dance - Descubre ...

     

     

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.

    Pour en savoir plus : 

    - Correspondance de Marie-Antoinette (1770 - 1793), dirigé par Evelyne Lever. Recueil de correspondance.
    - C'était Marie-Antoinette, Evelyne Lever. Biographie. 
    - Marie-Antoinette : le voyage, Antonia Fraser. Biographie. 
    - Louis XVI, Evelyne Lever. Biographie. 
    - Marie-Antoinette l'insoumise, Simone Bertière. Biographie. 

    Et bien d'autres ouvrages... 

     


    4 commentaires
  • « Si tu dois commettre des crimes mortels, fais-le pour toi seul, pas pour quelqu'un d'autre, ni pour sa foi, ni pour sa couronne, ni ses faveurs. Comme ça, au moins, nous pourrons être damnés en tant qu'hommes, pas en tant que putain. »

     

    Couverture Les Douze enfants de Paris 

    •    

          Publié en 2013 en Angleterre 

       En 2015 en France (pour la présente édition)

       Titre original : Tannhauser trilogy, book         2, The twelve children of Paris

       Editions Pocket

       1053 pages 

       Deuxième tome de la saga Trilogie                 Tannhauser

     

     

     

     

    Résumé :

    Août 1572. Un cavalier s'avance aux portes de Paris. Sur sa chemise : la croix de Malte. Mattias Tannhauser, chevalier de l'Ordre, se perd bientôt dans les ruelles putrides, à la recherche de sa femme. Quelle folie a pu conduire Carla, seule et enceinte, à accepter l'invitation au mariage de Marguerite de Valois et d'Henri de Navarre ? Dans cette cité fébrile, déchirée entre protestants et catholiques, où tout indique l'imminence d'un massacre, Mattias est plongé dans un océan d'intrigues et de violences, et ne dispose que de quelques heures pour lui éviter un funeste destin...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     Au printemps 2017, sans grande conviction, je démarre la lecture de La Religion, un bon gros pavé dont j’avais beaucoup entendu parler et que j’hésitais à lire. Un swap avec une copinaute a fini de me décider, deux ou trois ans plus tôt, puisque j’ai découvert ce roman dans le paquet : cela dit, l’hésitation est encore là et je vais mettre un petit moment à le lire. Ce roman me faisait peur et je m’y suis lancée en me disant qu’il y’avait de fortes chances que je n’aime pas.
    Au final, j’ai été surprise par le livre autant que par moi-même : moi qui n’aime pas la violence, le sang, la baston, je me retrouvais face à ce roman qui contenait tout ça. Il partait donc avec un gros handicap. Mais finalement, la richesse de La Religion, c’est que ce n’est pas que ça, justement. Et heureusement, d’ailleurs… En fait, c’est un roman historique mené tambour battant, qui ne vous laisse pas une minute de répit, vous retourne et vous secoue et, clairement, on ne sort pas de cette lecture indemne. C’est le genre de roman dont on ne dit pas, quelques années plus tard, en s’en souvenant : « Ah oui, je l’ai lu, mais je m’en rappelle mal… » Non. Quand vous avez lu La Religion, vous ne l’oubliez pas.
    Il m’a semblé évident, donc, de lire la suite, Les Douze Enfants de Paris, qui se passe sept ans après le siège de Malte, théâtre de l’intrigue du premier tome. Nous sommes en août 1572, à Paris : vous voyez où je veux vous emmener ? Mattias Tannhauser arrive débarque dans la capitale pour chercher son épouse, Carla, invitée aux festivités du mariage royal qui a eu lieu le 18 août entre Marguerite de Valois et Henri de Navarre. Il arrive dans une atmosphère électrique et dangereuse, alors que les protestants menacent de se révolter suite à l’attentat perpétré contre l’un de leurs chefs de file, l’amiral Gaspard de Coligny. Sans le vouloir, il va se retrouver pris dans la nasse, au milieu d’un massacre qui échappe à ses instigateurs et va ensanglanter les derniers mois de l’années 1572, rallumant une guerre de religion alors que le mariage de Marguerite et Henri était justement censé entériner la paix entre catholiques et protestants. Ce massacre, c’est celui de la Saint-Barthélemy, véritable déchaînement de violence et de folie dans un Paris tentaculaire et labyrinthique où Dédale lui-même ne retrouverait pas ses petits ! Peu à peu surtout, Mattias va comprendre qu’une force plus puissante encore que l’hostilité des catholiques envers les huguenots le poursuit, ainsi que Carla, enceinte, près d’accoucher et perdue dans une ville inhospitalière et inconnue, dans laquelle s’engage une véritable course contre la montre : Mattias va défier les institutions parisiennes, tuer et semer la terreur mais aussi rencontrer des êtres aux belles âmes et des soutiens là où il ne les attendait pas.
    Les Douze Enfants de Paris ne m’a pas dépaysée et j’ai retrouvé presque immédiatement l’ambiance de La Religion, peut-être même en pire : c’est ultra-violent et je dirais même, n’ayons pas peur des mots, franchement dégueulasse. Mattias, au fil du récit, sème la mort derrière lui, tel un ange vengeur et c’est très sanglant. Pour autant, si parfois je me suis sentie un peu nauséeuse devant certaines descriptions, à aucun moment je n’ai eu envie de reposer le livre en me disant : non, c’est trop, je ne peux pas. Les Douze Enfants de Paris est un vrai bon roman historique, on ne s’ennuie pas une seconde et on est rapidement emportés dans un tourbillon dont il est difficile de sortir. Malgré des scènes parfois difficilement soutenables, on tourne les pages, on s’enfonce dans le marasme du massacre, dans le noir des ruelles parisiennes sur les portes desquelles sont dessinées des croix blanches marquant l’emplacement des demeures huguenotes, dans les remous de la Seine transformée en fleuve de sang, dans l’hostilité des Cours, les fameuses cours des Miracles où s’entassent mendiants, pauvres et estropiés, dans des zones de non-droit où même la police parisienne ne s’aventure pas… J’ai trouvé que l’auteur avait bien su saisir ce Paris de la Renaissance, ville immense, véritable pieuvre insatiable qui ne cesse de grandir et de dépasser ses propres faubourgs, une ville encore médiévale, ramassée en un entrelacs étourdissant de rues et de venelles sombres, portes ouvertes à tous les crimes. Les derniers Valois, enfermés dans le Louvre, qui nous apparaît bien sinistre sous la plume de Willocks, sont des Atrides dominés par la puissante figure tutélaire de la mère, la reine Catherine, gouvernant un roi instable et déséquilibré mentalement, Charles IX. Une famille dangereuse et avide qui manœuvre les Parisiens comme des marionnettes. L’auteur force-t-il le trait ? Peut-être…et en même temps on se dit, et c’est cela finalement qui est le plus inquiétant, que peut-être n’exagère-t-il pas autant qu’on ne pourrait le croire. La seconde moitié du XVIème siècle français est extrêmement violent et met définitivement fin à la Renaissance glorieuse et italianisante de Louis XII ou François Ier, dans un déluge de sang et un déchaînement de violence, quand les conflits religieux deviennent trop importants pour être contenus. La Saint-Barthélemy, on le sait, est un fait avéré. Dix ans plus tôt, les Guerres de Religion avaient été allumées par un premier massacre, instigué par le duc de Guise, François de Lorraine, à Wassy. Plusieurs autres phases de conflits vont se succéder jusqu’aux années 1590, jusqu’à la fin des Valois et l’avènement d’Henri IV qui ramènera une paix fragile et qui ne durera pas. Des années 1560 aux années 1600, la France se gorge de sang et se déchire elle-même dans des guerres intestines et qui semblent ne pas devoir finir. Cette violence, que les livres d’Histoire et les romans plus soft taisent pudiquement, Tim Willocks lui en fait son instrument, sa base, sa matière… loin de la dissimuler, au contraire, il l’exacerbe, la met en scène sous toutes les coutures. Et en même temps, ce livre n’est pas dénué d’espoir, comme l’était La Religion, aussi. Le bien, parfois, peut se cacher dans la noirceur, c’est ce qu’on lit entre les lignes de ce pavé de plus de mille pages. Mattias comme son épouse Carla ne vont pas rencontrer qu’ennemis et embûches sur leur chemin mais parfois, l’aide ne viendra pas de ceux dont on serait en droit de l’attendre. Willocks créé des personnages cabossés, bosselés, absolument pas aseptisés mais qui sont tous de bons représentants, des symboles de cette société où il faut batailler pour survivre, où la vie, parfois, offre plus de gifles que de caresses et endurcit, sans pour autant annihiler entièrement toute humanité. La rédemption peut parfois se trouver au cœur de la plus sombre des nuits, au centre de la plus laide des violences : ce roman prouve clairement qu'elles ne sont pas antinomiques et que ce sont parfois dans les êtres dont on n'attend rien et à qui on ne croit rien devoir que l'on trouvera ce que l'on cherche et même plus encore. Voilà finalement ce qu’on retire d’un livre comme celui-là.

    Une scène de la Saint-Barthélemy : L'assassinat de Briou, gouverneur du prince de Conti, 24 août 1572 par Joseph Nicolas Robert-Fleury (XIXème siècle)


    Un peu plus haut, je parlais des personnages et justement, ils sont une grande force du récit. J’ai retrouvé avec plaisir Mattias, personnage charismatique dont le caractère s’est forgé tout au long des pages de La Religion. Celui que l’on a découvert adolescent, blessé par la vie, dans un petit village de l’Europe de l’Est des années 1530/1540 puis qui est devenu janissaire, au service de l’empereur ottoman, est un homme campé dans la vie, amoureux d’une épouse rencontrée dans les horreurs du siège de Malte et qui porte leur enfant. Un homme qui n’hésitera pas, malgré les embûches qui ne manqueront pas d’apparaître sur sa route au cours de cette nuit fatale et des journées qui suivront. En même temps, il fait des rencontres, des personnes placées sur sa route et qui marqueront sa vie à leur manière. Du précédent récit, on retrouve Mattias et Carla, le duo central et Orlandu, le fils de Carla. Les autres personnages sont tous nouveaux et, comme je le disais, assez symboliques : que ce soient les jumelles prostituées à peine sorties de l’enfance, livrées à elles-mêmes et aux appétits de maquereaux à peine plus vieux qu’elles mais déjà vénaux, les jeunes protestants qui se trouvent confrontés à l’anéantissement de leurs familles dans l’horreur la plus complète, les enfants abandonnés et maltraités par la vie. On est dans un tableau de Jérôme Bosch, on a peur, on frissonne, on se retrouve face à face avec des personnages qui ont toute leur place dans ces rues sales et qu’on n’aimerait vraiment pas rencontrer au détour d’un bois et puis contre toute attente on s’attache à ceux qui, de prime abord, semblent être les pires, les plus dangereux, ceux pour qui l’absolution semble absolument impossible et montre en fait la plus belle grandeur d’âme.
    Comme en 2017 avec La Religion, il est clair que je ne vais pas ressortir indemne de cette lecture, elle risque de marquer durablement mes souvenirs de lectrice. Pour autant, je ne peux que la conseiller, comme je recommande La Religion. D’ailleurs, si vous lisez Les Douze Enfants de Paris, c’est que vous aurez sûrement lu avant La Religion et que vous l’aurez aimé… vous saurez donc à quoi vous attendre et vous aurez déjà eu un petit aperçu de l’univers de Tim Willocks. Mais, parce que je pense que c’est tout à fait possible pour la compréhension de l’intrigue, si vous choisissez de ne lire que Les Douze Enfants de Paris, préparez-vous : ce n’est pas une promenade de santé. Préparez-vous à être légèrement secoués et parfois dégoûtés par des descriptions assez gores. Préparez-vous surtout à vivre une expérience unique et à vous plonger dans un livre unique qui, pour moi, n’a pas encore trouvé de véritable concurrence. Un critique a dit que Tim Willocks signe là son « grand œuvre » et je ne peux que lui donner raison. Je ressors de cette lecture soulagée et en même temps, j’ai l’impression de descendre d’un grand huit, d’avoir vécu quelque chose d’absolument…grandiose et cela tient surtout au style de l’auteur, toujours fin, toujours ciselé -desservi par quelques partis-pris de traduction ceci dit mais vraiment rien de grave. Oui je crois pouvoir dire que j’ai vraiment aimé ce roman, je n’ai ressenti aucun ennui et ce pavé ne contient aucune longueur. Il est mené tambour battant, c’est une véritable épopée qui prend corps dans une époque qui s’y prête. A lire, si vous aimez les romans historiques qui ne laissent aucun répit, de ses premiers jusqu’à ses derniers mots. Un monument du genre.

    Un tableau très connu, intitulé Un matin devant la porte du Louvre, du peintre Edouard Debat-Ponsan (1880) et illustrant l'un des épisodes les plus célèbres de la Saint-Barthélemy : Catherine de Médicis se penchant au-dessus des massacrés, entérinant sa culpabilité devant l'Histoire. 

    En Bref :

    Les + : une intrigue de qualité, menée tambour battant, qui n'ennuie pas une seule seconde. On est littéralement emporté dans ce Paris en proie aux haines religieuses, dans le sillage de Tannhauser et de ses acolytes.  
    Les - :
     
    pour moi, absolument aucun.


    votre commentaire
  • « Frida peint d'un seul tenant, comme on recouvre un petit mur blanc d'une fenêtre en trompe-l'oeil. Elle commence par le haut et déroule son tissu en vagues comme pour ajuster au regard des autres ce qu'elle voit dans sa tête. »

     

    Rien n'est Noir ; Claire Berest 

     

       Publié en 2019  

      Editions Stock (collection La Bleue) 

      250 pages 

     

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « A force de vouloir m'abriter en toi, j'ai perdu de vue que c'était toi, l'orage. Que c'est de toi que j'aurais dû vouloir m'abriter. Mais qui a envie de vivre abrité des orages ?

    Et tout ça n'est pas triste, mi amor, parce que rien n'est noir, absolument rien. 

    Frida parle haut et fort, avec son corps fracassé par un accident de bus et ses manières excessives d'inviter la muerte et la vida dans chacun de ses gestes. Elle jure comme un charretier, boit des trempées de tequila, et elle ne voit pas où est le problème. Elle aime les manifestations politiques, mettre des fleurs dans les cheveux, parler de sexe crûment, et les fêtes à réveiller les squelettes. Et elle peint. 

    Frida aime par-dessus tout Diego, le peintre le plus célèbre du Mexique, son crapaud insatiable, fatal séducteur, qui couvre les murs de fresques gigantesques. »

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     Frida et Diego. Diego et Frida. Dans ce roman d'un peu plus de deux cents pages, le couple est au centre du récit. Il est le récit. Couple hors norme et destructeur que se propose de nous raconter ici Claire Berest, l'arrière-petite-fille du peintre Francis Picabia qui avait déjà narré dans un précédent récit la vie passionnante et surréaliste (c'est bien le mot) de Gabriële Buffet, la muse et l'épouse de Francis, cette arrière-grand-mère qu'elle n'a jamais connue.
    Ici, on la retrouve dans le monde de la peinture. Encore, toujours et sans surprise, j'ai envie de dire, comme si raconter l'art pictural faisait écho à l'art bien réel de l'écrivain, que Claire Berest exerce avec brio. Je n'ai pas été surprise, l'an dernier, quand j'ai vu que son nouveau roman traitait de Frida Kahlo et si sa peinture ne m'a jamais spécialement parlé et que je ne connaissais que vaguement sa vie, ce roman s'est aussitôt retrouvé dans ma Wishlist puis dans ma PAL parce qu'il me semblait impensable de passer à côté. Mais, me direz-vous, si je n'ai pas spécialement d'intérêt pour Frida Kahlo, pourquoi avoir envie de lire ce livre à tout prix ? Déjà, pour en apprendre plus sur elle, d'une part. Et ensuite, parce qu'après avoir lu Gabriële en août dernier, il était assuré que je lirai de nouveau Claire Berest. Et le coup de foudre littéraire s'est vraiment confirmé avec Rien n'est Noir. Mon seul regret en terminant ce roman c'est qu'il soit déjà fini, j'en aurais encore lu des pages et des pages. Ils sont rares les auteurs qui maîtrisent si bien la langue et ne se laissent pas mener par elle mais l'emmènent bel et bien là où eux veulent en venir. Le style, la manière d'écrire de Claire Berest sont particuliers et surtout uniques. Si j'avais déjà aimé sa prose dans Gabriële, ici, mon plaisir de lectrice a été particulièrement contenté : ça saute, ça bondit, ça percute, ça redescend, ça chute et ça remonte, et ça re-pétille et ça sautille... Si le personnage de Frida Kahlo est indéniablement le gros point fort du livre -on n'a jamais autant parlé d'elle ni utilisé son image que ces dernières années-, la plume de l'auteure n'est pas en reste et fait de ce livre non pas un roman ordinaire mais un roman extraordinaire et particulièrement formidable, auquel j'ai adhéré dès le premier mot et jusqu'au dernier.
    Parlons maintenant du deuxième point fort du livre, Frida donc. Frida Kahlo dont le nom évoque immédiatement quelque chose à chacun d'entre nous : le physique particulier, la peinture tourmentée, la liaison avec Diego Rivera ou la Casa Azul, au choix.
    Pour moi, Frida Kahlo, c'est l'accident. L'Accident, d'ailleurs, avec un grand A dans le roman, cet accident de bus qui à dix-huit ans la détruit et détruit sa vie. Etudiante en médecine à La Preparatoria de Mexico, jeune femme ordinaire, Frida ne sera jamais plus la même et conservera toute sa vie des douleurs liées à cet accident dont elle ne se remettra jamais vraiment malgré les longs séjours à l'hôpital et les corsets qu'elle devra porter. Brisée, Frida, comme sa peinture ou du moins comme ce qu'elle insuffle dans sa toile et qui transpire profondément le désespoir, l'horreur, le corps prison et souffrant. Plus que sa peinture qui m'a toujours un peu dérangée, j'associais immédiatement Frida Kahlo à cet accident qui finalement la définit beaucoup parce qu'il impliquera sa vie d'artiste.
    Pour le reste, j'ai pas mal appris sur sa vie et notamment sur son union houleuse avec Diego Rivera, peintre mexicain et communiste spécialiste des murales, de grandes fresques qui caractérisent la peinture mexicaine du début du XXème siècle : Rivera reste d'ailleurs le chef de file de ce mouvement que l'on appelle le muralisme mexicain, à l'instar de José Clemente Orozco ou encore, David Alfaro Siqueiros. Ses oeuvres sont indissociables de ses convictions communistes et de son intérêt pour les civilisations du Mexique de l'époque pré hispanique, qu'il partage avec Frida.

    Le couple photographié en 1932


    Beaucoup plus jeune que lui, celle-ci est née en juillet 1907. Plus tard, elle changera sa date de naissance en 7 juillet 1910 pour la faire coïncider avec le début de la révolution au Mexique. Frida est mexicaine par sa mère, Matilde Calderón y González et allemande par son père, Guillermo Kahlo né Carl Wilhelm Kahlo, qui changera de nom à son arrivée au Mexique à l'âge de dix-neuf ans. Une fois adulte, Frida hispanise le prénom germanique Frieda en enlevant le e et utilise aussi son deuxième prénom, Carmen. Elle grandit au milieu d'une fratrie uniquement féminine, composée de quatre autres sœurs. A six ans, Frida est victime de la poliomyélite, qui la laisse boiteuse d'une jambe. Douze ans plus tard, le terrible accident de bus qui faillit lui coûter la vie la laisse handicapée à vie : multiples fractures, abdomen percé d'une barre de fer qui entraînera plus tard un syndrome d'Asherman se traduisant par des adhérences utérines qui l'empêcheront de mener à terme ses grossesses...
    Frida est un corps et une âme souffrants. Mais paradoxalement, ces blessures vont la nourrir et nourrir sa peinture. Son accident est quasi omniprésent dans son oeuvre, elle se représente cassée, cabossée comme dans La Colonne Brisée, où sa poitrine ouverte révèle une colonne antique brisée qui sert de colonne vertébrale : c'est éloquent, non ? Sa relation houleuse et chaotique avec Rivera dont elle divorcera avant de l'épouser une seconde fois la nourrit aussi tout en la détruisant : l'amour qu'elle porte à Diego est fou, passionnel, jaloux alors que lui continue à papillonner et à accumuler les conquêtes. Cette relation est au centre du récit de Claire Berest comme elle est au centre de la vie de Frida, comme elle lui devient nécessaire au fil des années malgré l'amertume qu'elle en tire, plus que de la satisfaction d'ailleurs. Consubstantielle à son existence, cette relation qui semble fragile durera jusqu'au bout, jusqu'à la mort de Frida. La solidité dans la fragilité. Consubstantialité aussi de la peinture et de l'âme torturée de l'artiste...et cela nous donne un récit brillant, lumineux et coloré comme les titres des chapitres choisi avec à-propos par Claire Berest.
    Vous l'aurez sûrement compris, j'ai beaucoup aimé ce roman. Je suis presque déjà à attendre le prochain roman de Claire Berest, car finalement plus que Frida Kahlo, c'est vraiment la plume de l'auteure que j'ai aimée dans ce roman, une plume merveilleuse et que j'ai envie de suivre.
    Pour ce qui est du personnage de Frida Kahlo, j'ai apprécié d'en savoir un peu plus sur elle, c'est sûr, même si sa peinture ne m'attire toujours pas et me dérange même un peu. Décalée, affranchie des normes de son époque, un peu à part, excentrique, Frida Kahlo dans Rien n'est Noir m'a fait penser à La Casati, par exemple où à ces femmes extravagantes du début du XXème siècle. J'ai compris pourquoi elle est une icône pour beaucoup de gens, même si en ce qui me concerne, je n'arrive pas à me retrouver en elle. Une icône féministe aussi. Claire Berest a réussi la prouesse de me passionner pour un destin qui, au départ, ne m'intéressait pas plus que ça. Bref, je termine ce roman totalement enchantée par ma lecture

    The Broken Column.jpg

    La Colonne Brisée (1944) l'une des œuvres les plus connues de Frida Kahlo

     

    En Bref :

    Les + : merveilleuse évocation de la vie d'une artiste hors normes, servie par le style unique et absolument parfait d'une auteure talentueuse et que je ne vais pas cesser de suivre de sitôt !
    Les - :
    absolument aucun ! Ce roman a été un coup de cœur, un coup de foudre.

     

     

    Coup de cœur 

     

     

     

     


    2 commentaires
  • « Dans toute cette histoire, mon cher vicomte, nous n'aurons été finalement que des pantins dont plus malin et plus puissant que nous maniait les fils. »

     

    Couverture La vengeance du Roi-Soleil  

     

     

      Publié en 2013

     Editions JC Lattès 

     441 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé : 

    Alors qu'elle était restée sage durant la Fronde, la bouillante Marseille prend feu dix ans plus tard contre le jeune roi Louis XIV. La noblesse, qui tient la cité, suscite une révolte populaire, mettant la ville à feu et à sang. 
    Venu assister au départ de la galère que commande son frère, le jeune Guillaume de Montmirail se trouve pris dans le tourbillon des événements qui bouleversent la ville. Amoureux fou d'une jeune Marseillaise enlevée sous son nez, pourchassé par une bande de malfrats qui a juré sa perte, le chevalier prendra le parti des insurgés, jusqu'à ce que le destin consente à réunir enfin les amants séparés par l'Histoire. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    A l’été 1659, après s’être tenue tranquille pendant la Fronde, Marseille prend feu et se soulève contre le pouvoir royal. La ville se rebelle violemment, contestant le pouvoir du duc de Mercœur, gouverneur de Provence et des consuls marseillais. C’est dans ce contexte bien trouble que Guillaume de Montmirail, jeune noble champenois venu dire adieu à son frère s’embarquant dans le port de la cité phocéenne, arrive dans cette cité inconnue mais qu’il va apprendre à connaître et à aimer. Se prenant d’amitié pour un pêcheur du quartier Saint-Jean, lou Rousset, surnommé ainsi du fait de sa flamboyante chevelure rousse, partisan notoire de Gaspard de Glandevès, meneur de la contestation marseillaise, Guillaume va finalement embrasser la rébellion et si c’est en plus pour les beaux yeux verts de l’une de ses habitantes, alors là, il n’hésitera plus.
    Ce roman est un véritable roman de cape et d’épée, comme on les aimait au XIXème siècle ! Face à Dumas ou Paul Féval, Jean Contrucci soutient la comparaison sans rougir et nous livre un roman finement écrit et très bien documenté qui captive dès les premières pages. On retrouve l’ambiance aventureuse des Trois Mousquetaires, les senteurs provençales du Comte de Monte-Cristo, les fines lames du Bossu. On est là dans l'un de ces romans qui font si bien revivre le XVIIème siècle de Louis XIII ou Louis XIV, mêlant habilement fiction et réalité.
    Ici, l’histoire privée de Guillaume de Montmirail, personnage fictif, se mêle à celle, plus grande, de la ville de Marseille. Car cette fronde, que Louis XIV écrasera finalement de toute sa grandeur naissante, faisant plier la ville, a bel et bien existé. Le personnage de Glandevès, déjà cité plus haut, aussi. Né en 1620 et mort en 1714, Glandevès reste pour toujours associé à cette opposition marseillaise, défendant bec et ongles ses privilèges contre la mainmise royale. Elle pliera l’échine devant la volonté du roi et on peut presque considérer que l’assujettissement de Marseille est l’un des premiers coups de force de celui qui deviendra un jour aussi incomparable que le Soleil, comme l’amorce de son règne personnel qui doit prendre son envol un an plus tard (les événements de Marseille ont lieu en 1659 et au début de 1660, un an avant la mort de Mazarin et l’annonce du roi de gouverner par lui-même, sans premier ministre).
    J’ai aimé suivre le déroulé de ce roman qui n’ennuie pas une seule seconde. Le style est riche, alternant gravité et humour. Le duo au centre du récit, Guillaume et son ami lou Rousset, le pêcheur, m’a rappelé celui formé par Louis Fronsac et Gaston de Tilly dans Les Enquêtes de Louis Fronsac et, justement, La Vengeance du Roi-Soleil, transposé, avec une touche d’enquête policière en plus, chez Jean d’Aillon, autre auteur provençal que j’apprécie particulièrement, ne déparerait absolument pas, bien au contraire !
    J’ai passé un excellent moment, d’autant plus, je crois, que je ne m’y attendais pas. Entendons-nous bien, je ne pensais pas en démarrant ce roman que je n’allais pas aimer…mais je ne m’attendais pas à un roman d’un tel potentiel, si intéressant historiquement et vraiment servi par une histoire parallèle qui reprend tous les codes des romans historiques dont on a un peu perdu le goût et la maîtrise : aventures rocambolesques, histoire d’amour passionnée, duels et autres combats entre de fins bretteurs et j’en passe… Oui, clairement, La Vengeance du Roi-Soleil est un très bon roman, qui nous transporte hors des dorures de la Cour du Louvre ou de Saint-Germain : découvrir l’Histoire ailleurs qu’à Paris nous change un peu, je trouve, des parti-pris habituels qui mettent la capitale au centre de tout. Ici, on découvre une cité jalouse de son indépendance, née du fait de sa situation particulière et de son avantage indéniable, lui permettant de tenir la dragée haute au pouvoir royal et ne s'en privant pas, d'ailleurs : sa situation sur la mer, à une époque où la monarchie française cherche à dominer la Méditerranée (comme le dit Jean Contrucci, à en faire un « lac français »), fait de Marseille une place stratégique. Mais rétive et bouillonnante, l’ancienne cité des Phocéens n’est pas prête à se soumettre et il faudra toute l’autorité d’un monarque dont le caractère est en train de s’affirmer et en passe de devenir le grand souverain que l’on connaît, pour l’y contraindre. L’histoire de la province est tout aussi édifiante et éclairante que l’histoire parisienne et c’est un peu réducteur, d’ailleurs, de n’aborder l’Histoire de France qu’au travers le prisme parisien. Certes, c’est la capitale qui fut la première secouée par la Fronde mais celle qui agita Marseille à la fin des années 1650 n’est pas en reste. J’ai apprécié ce voyage provençal qui n’a rien d’un voyage touristique fleurant bon la lavande, au contraire. Vraiment, j’ai été plus qu’agréablement surprise et si vous aimez les romans historiques haletants et bien menés, si vous avez lu Dumas avec intérêt et tremblé avec Paul Féval décrivant les exploits de Lagardère et du duc de Nevers, alors sans nul doute, vous aimerez le roman de Contrucci et ses personnages qui n'ont rien à envier à d'Artagnan et aux Mousquetaires !!

    En Bref :

    Les + : Digne successeur des romans de cape et d'épée, La vengeance du Roi-Soleil m'a agréablement surprise. Je crois qu'on peut dire que Jean Contrucci est sans nul doute l'héritier littéraire des grands auteurs classiques de romans de cape et d'épée... Si vous aimez les romans historiques pleins d'aventures, vous aimerez celui-ci, qui nous transporte en pleine révolte marseillaise, en 1660. 
    Les - :
    Aucun, pour moi !


    votre commentaire