• « A quoi bon reconnaître le Bien si c'est pour l'ignorer ? »

     

    Couverture La Morte dans le labyrinthe

     

     

      Publié en 2008 en Angleterre 

     En 2016 en France 

     Titre original : The Death Maze

     Editions 10/18 (collection Grands détectives)

     Deuxième tom de la saga Adelia Aguilar

     

     

     

     

     

    Résumé :

    La maîtresse favorite d'Henri II, Rosemonde Clifford, aurait été empoisonnée au moyen de champignons vénéneux. Aliénor d'Aquitaine aurait-elle pu commanditer son assassinat ? Si Henri croyait à ces rumeurs, l'Angleterre serait déchirée par une lutte meurtrière entre le Roi et sa Reine. Chargée de prouver l'innocence d'Aliénor, Adelia Aguilar, médecin spécialisé dans l'étude des cadavres, devra percer le mystère du labyrinthe enserrant la tour où repose Rosemonde... 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    La maîtresse du roi d'Angleterre, Rosemonde Clifford, vient de mourir dans sa tour d'argent de Wormhold, protégée par un labyrinthe et cette mort n'est pas loin de déclencher une véritable guerre civile quand des lettres trouvées dans la chambre de la défunte pourraient bien accuser la reine Aliénor d'avoir commis le crime !
    Adelia Aguilar, enquêtrice de choc qui a déjà résolu une enquête compliquée lorsque des meurtres d'enfants ont eu lieu à Cambridge est alors mandatée par le roi pour faire la lumière sur la mort de sa maîtresse favorite.
    Adelia, si vous n'avez pas lu La Confidente des morts, est un personnage assez atypique, d'autant plus quand on connaît l'époque dans laquelle elle vit : le XIIème siècle. Adelia est un médecin légiste, elle fait, comme elle le dit elle-même, parler les morts pour découvrir ce qui a causé le trépas, une notion extrêmement contemporaine et qui évoque immanquablement pour nous la police scientifique, qui ne se développera réellement qu'à partir de la fin du XIXème siècle, sous l'impulsion d'un Français, Alphonse Bertillon.
    Originaire de Sicile, formée à l'école de médecine de Tarente qui, au Moyen Âge, accepte les femmes, ce qui n'est pas le cas dans les autres facultés de médecine en Occident, Adelia est donc un personnage assez étrange et très moderne dans ses réflexions et ses cheminements de pensée, un médecin spécialisé dans l'étude des cadavres et notamment des personnes décédées dans des conditions criminelles.
    S'il y'eut des femmes médecins au Moyen Âge, elles ne sont pas ou peu connues (hormis la fameuse Trotula de Tarente ou encore dame Hersent, médecin à la cour de Louis IX) et à mon avis, il n'y avait pas vraiment de médecins légistes à l'époque mais nous sommes dans un roman, alors pourquoi pas ? Et il y'eut certainement des scientifiques médiévaux en avance sur leur temps donc, pourquoi pas des médecins qui auraient compris que l'étude des corps pouvaient non seulement guérir les vivants mais aussi aider à élucider des crimes ?
    Donc, comme dans le premier tome, nous suivons Adelia et ses acolytes, notamment Mansur et Gyltha, dans l'enquête qu'elle mène sur la mort de la pauvre Rosemonde, vraisemblablement empoisonnée par des champignons. Une enquête sous haute tension quand on sait qu'elle se déroule dans un contexte déjà tendu entre le couple royal, Henri II Plantagenêt devant faire aux rébellions de son épouse qui pousse leurs fils contre lui. Si en plus Aliénor s'est rendue coupable de la mort de la maîtresse préférée du roi, c'est un coup à lancer l'une contre l'autre les factions de la reine et du roi et c'est le spectre de la guerre civile entre le roi Stephen de Blois et Mathilde l'Emperesse qui se profile de nouveau sur l'Angleterre. Autant dire que la tâche d'Adelia ne s'avère pas aisée et qu'elle marche sur des œufs, à plus forte raison quand la neige l'isole des jours entiers dans un prospère couvent des bords de la Tamise !!

    John William Waterhouse - Fair Rosamund.jpg

     

    Fair Rosamund (la belle Rosemonde) représentée par John William Waterhouse (1916)


    L'enquête de ce deuxième volume est peut-être moins enlevée que la première, mais Adelia y est un peu accessible et attachante (plus humaine) et c'est un bon point. Disons que l'enquête se dilue dans des considérations plus vastes notamment politiques et je peux comprendre que des lecteurs qui s'attendaient à une intrigue purement policière aient pu se sentir un peu déçus. Pour ma part, j'ai trouvé cette lecture agréable, même si Adelia y fait moins preuve de son art et que j'ai eu l'impression qu'elle tâtonnait plus que dans le premier tome (mais les circonstances peuvent l'expliquer). Et en même temps cela lui donne un côté plus humble, moins sûr d'elle...
    La Morte dans le Labyrinthe met en lumière le contexte compliqué des années 1170, quand la reine Aliénor d'Aquitaine entre ouvertement en révolte contre son mari et y entraîne successivement ses fils, notamment Henri le jeune et plus tard, Richard Cœur-de-Lion.
    Selon les informations que l'on a, Rosemonde Clifford (surnommée Fair Rosamund par les Anglais, la Belle Rosemonde) devient maîtresse officielle du roi vers 1174, après que la reine soit entrée en rébellion contre lui. Toutefois elle ne profitera pas beaucoup de la situation puisqu'elle meurt l'année suivante ou en 1176. Elle sera inhumée dans l'enceinte du couvent de Godstow, non loin d'Oxford. Rien ne nous laisse penser que sa mort fut criminelle, imputable à la reine et ses partisans (hormis les légendes du folklore anglais), ni même que ce décès menaça l'Angleterre d'une guerre civile (les soulèvements d'Aliénor et ses fils touchèrent finalement peu l'Angleterre et se concentrèrent surtout dans leurs possessions continentales). Mais parce que Ariana Franklin est une romancière, elle a brodé autour de ce que l'on sait et utilisé les lacunes des sources médiévales et cela donne un bon roman, peut-être pas totalement policier mais qui fait aussi la part belle à l'Histoire et j'ai trouvé ça bien sympathique ! Un contenu cohérent et efficace se cache sous la magnifique couverture des éditions 10/18 et si comme moi vous aimez les enquêtes policières fortement imprégnées d'histoire, vous risquez d'aimer l'univers d'Ariana Franklin.

    En Bref :

    Les + : au-delà de l'enquête policière, ce roman est aussi une bonne description des années troubles qui ont opposé Henri II Plantagenêt à son épouse et leurs fils... le style d'Ariana Franklin et son humour font le reste. 
    Les - :
    quelques longueurs à la moitié du roman...


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  • « A présent, je m'aperçois que tout homme est un faiseur de rois. Un trône n'est jamais sûr tant que quelqu'un est jugé digne de la couronne. »

    Couverture La fille du faiseur de rois

     

     

     

      Publié en 2012 en Angleterre

      En 2020 en France (pour la présente édition)

      Titre original : The Cousin's War, book 4: The        kingmaker's daughter 

      Editions Archipoche

      472 pages 

         Quatrième tome de la saga La Guerre des Cousins

     

     

     Résumé :

    1471. Mariée à 14 ans, Anne Neville -la fille du comte de Warwick, surnommé le « faiseur de rois » - perd successivement son époux et son père. 

    Elle ne doit son salut qu'au futur Richard III, le frère du roi, qu'elle épouse deux ans plus tard, même si elle devra pour cela affronter la puissante famille royale...dont la reine. 

    Cet épisode de la Guerre des Deux-Roses est ici raconté avec brio par l'une des plus talentueuses romancières du genre, qui choisit de faire parler les femmes que l'Histoire a trop souvent tendance à oublier. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    À la fin des années 1460, Anne et Isabelle sont deux jeunes sœurs d'une dizaine d'années mais n'ont jamais connu la réelle insouciance de l'enfance. Elles sont les filles du comte Richard de Warwick, surnommé le faiseur de roi. Elles sont nées et ont grandi dans le contexte violent et trouble de la guerre des Deux-Roses, que l'on appelle encore la guerre des Cousins et qui déchire depuis plusieurs années l'Angleterre, entre les Lancastre et les York : ils luttent à mort pour la possession du trône et tous les coups sont permis.
    La plus jeune des sœurs, Anne, est la narratrice de ce récit. On la suit sur plus de dix ans, de la cour d'Elizabeth Woodville, en passant par Calais et les châteaux du nord, avant de revenir dans son sillage à la cour de Londres où elle ceint à son tour une couronne pour laquelle son père s'est battu, pour laquelle il est même mort et, surtout une couronne qu'il aurait tant voulu voir sur la tête de l'une de ses deux filles. Anne sera reine d'Angleterre, mais une reine méconnue dont on se souvient peu : reine de 1483 à 1485, sans héritier, elle n'a pas laissé de traces ou si peu, éclipsée par les figures flamboyantes d'Édouard IV et de son épouse Elizabeth Woodville et par celle, plus sinistre, de son époux Richard III, que l'histoire retient comme un usurpateur et un tueur d'enfants. Sa sœur Isabelle n'a pas laissé non plus de souvenirs ou si peu, une dame de la noblesse parmi d'autres, comme il y'en avait tant à l'époque et qui furent progressivement englouties par les limbes de l'Histoire.
    Dans ce roman, Philippa Gregory renverse le prisme : alors qu'elle met en scène dans La reine clandestine et La princesse blanche Elizabeth Woodville (l'un de ses personnages historiques favoris, nous dit-elle dans la postface du livre) et sa fille, Elizabeth d'York (la mère du futur Henry VIII), elle prête ici sa plume à l'une des ennemies d'Elizabeth Woodville, Anne Neville qui, ironie du sort, lui succédera sur le trône. Et pourtant, au départ, Warwick n'est pas un ennemi des York. C'est même lui qui a renversé Henry VI, le roi fou, pour mettre à sa place son cousin et pupille Édouard d'York, lui valant le surnom révélateur de « faiseur de rois ». Mais quand Édouard s'entiche d'une veuve du parti Lancastre, Elizabeth Woodville, la fille d'un obscur baron anglais et que son ambition ne semble plus connaître aucune borne, Warwick retourne sa veste, entraînant dans sa rébellion sa femme et ses filles. Isabelle et sa cadette Anne seront des pions politiques, ni plus ni moins : Isabelle épouse Georges, le turbulent et influençable frère d'Édouard que Warwick retourne contre le roi. Anne, elle, sera mariée au fils d'Henry VI, Édouard, dont elle devient la veuve après le désastre de Tewkesbury en 1471. Quant à son mariage d'inclination avec Richard, le duc de Gloucester, il lui permettra d'accéder à la fonction suprême dont son père rêvait, mais à quel prix ?
    Pas évident d'écrire un roman dans lequel on met en scène de manière négative un personnage qu'on aime pourtant et pour lequel on éprouve de l'intérêt ! En cela, Philippa Gregory tire vraiment son épingle du jeu, prêtant sa plume souple à l'un ou l'autre parti, avec le même brio !

    Illustration.

    Représentation médiévale de Richard III et de son épouse Anne Neville


    Enfin, La Fille du Faiseur de Rois redonne une voix à une femme, à une reine que l'on a oubliée et qui s'est pourtant trouvée au centre d'une époque qui marque la charnière en Angleterre, entre l'époque médiévale des Plantagenêt et la Renaissance Tudor. Anne Neville a-t-elle eu exactement la vie que Philippa Gregory décrit dans ce roman ? On peut en douter dans la mesure où on ne sait quasiment rien d'elle. Fut-elle réellement considérée comme une opposante par la reine Woodville comme l'affirme l'auteure ? Son mariage avec Gloucester a-t-il bien été un mariage d'amour ? On n'en sait rien. Et c'est justement parce qu'on ne le sait pas que les romanciers peuvent se permettre de broder. Tant que c'est cohérent, moi, ça me va !!
    J'ai passé un excellent moment avec ce roman, je ne voulais plus le lâcher ! Alors que La reine clandestine et La princesse blanche (qui chronologiquement lui font suite, mais les romans peuvent être lus dans le désordre) m'avaient moins convaincue, par rapport à Deux sœurs pour un roi ou L'Héritage Boleyn que j'avais trouvés très bons, j'ai retrouvé ici la souffle épique et romanesque qui caractérise en général les livres de Philippa Gregory ! Ce roman, vous le commencez et vous tombez dedans ! Alors que l'utilisation peut-être un peu superflue du fantastique dans les deux romans consacrés à Elizabeth Woodville et à sa fille m'avait gênée, ici, rien de tout cela (la sorcellerie de la reine est évoquée mais de manière plus parcimonieuse et totalement en accord avec une époque qui croit encore aux sorcières, aux envoûtements et à la magie). J'ai eu l'impression de lire un roman historique comme je les aime : riche, dense, plein d'informations mais qui se lit avec une aisance folle. Ce roman, c'est l'envers de La reine clandestine, c'est l'autre côté qui est mis en lumière, celui qui s'oppose à la trop grande influence d'une reine et à l'ascendant d'une femme sur son mari, parfois jusqu'au point de non-retour, pour Warwick ou pour Georges de Clarence. C'est le roman de l'ambition et de batailles épiques. C'est aussi le roman de deux sœurs ballottées dans un monde démesurément grand pour elles, trop vaste et qui va les engloutir. Ni Isabelle ni Anne ne connaîtront jamais leur bonheur et leurs vies n'auront jamais été faites que de sacrifices et de peur. Il y'a franchement mieux comme destin, non ? Au moins Philippa Gregory nous permet-elle de les redécouvrir un peu et, peut-être, de ne pas les oublier.
    Ce roman, comme souvent chez Philippa Gregory, c'est un roman de femmes : ces femmes d'antan qui ne sont pas moins ambitieuses que les hommes, ces femmes qui n'hésitent pas à se battre pour ce qui leur tient à cœur, avec leurs propres armes, mais tout aussi bien que les hommes. Un roman sans concession, violent et tranchant comme le fil de l'épée !
    Anne Neville, comme sa soeur Isabelle d'ailleurs, eut un destin digne sacrifié d'une tragédie classique. Elle vécut à une époque qui n'était tendre pour personne et où l'adage préféré est certainement celui-ci : « la fin justifie les moyens ».
    Si vous aimez Philippa Gregory et l'histoire de l'Angleterre avant les Tudor, nul doute que vous aimerez ce roman très visuel et qui se déroule sous nos yeux comme un film.

    The white queen - La Reine blanche - Les Chroniques de l'Histoire

    Faye Marsay et Aneurin Barnard incarnent Anne Neville et Richard III dans la mini-série The White Queen

     

    En Bref :

    Les + : un récit au souffle épique qui met en scène des femmes dans la tourmente d'une guerre civile violente et dont seul les plus forts sortiront vainqueurs.
    Les - :
    pas vraiment de points négatifs à soulever, même les petits arrangements avec la vérité ne m'ont pas dérangée !


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  • « A la place considérable qu'elle occupait de son vivant s'est substitué le trou noir de l'oubli. Son activité surabondante a nui à sa visibilité, et l'a fait classer dans la catégorie des dilettantes. »

    Amazon.fr - La comtesse Greffulhe : L'ombre des Guermantes - Hillerin,  Laure - Livres

     

     

         Publié en 2014

      Editions Flammarion (collection Biographie)

      571 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Je n'ai jamais vu de femme aussi belle », écrit à son propos le jeune Marcel Proust. Véritable légende vivante dans le Paris incandescent de la Belle Époque, la comtesse Greffulhe, née Elisabeth de Caraman-Chimay (1860-1952), ensorcela pendant plus d'un demi-siècle le Tout-Paris et le gotha européen avant de s'effacer des mémoires, dévorée par l'ombre des Guermantes qu'elle avait inspirés. Laure Hillerin la ressuscite ici dans sa véritable dimension à travers l'étincelant portrait d'une personnalité d'exception - originale, élégante, mais aussi généreuse, artiste et visionnaire- qui, transgressant nombre d'interdits, eut sur son époque une influence aussi réelle que méconnue. Car Elisabeth Greffulhe joua un rôle de premier plan dans le renouveau de la création musicale au tournant du siècle, lança les Ballets russes, et apporta un soutien décisif à Marie Curie ou Édouard Branly. Courageuse et sans préjugés, la comtesse prit le parti de Dreyfus, tint un salon politique et diplomatique influent, agit pour l'émancipation des femmes. Rien ne laissera jamais percevoir le mystère et la douloureuse solitude d'une épouse otage d'un mari volage et manipulateur, amoureuse écartelée entre la passion et la raison.
    Cette biographie remarquablement documentée se lit comme un roman, et culmine dans une dernière partie qui enchantera les proustiens: à travers la comtesse Greffulhe, l'auteur apporte un éclairage nouveau sur la genèse de la Recherche, et nous révèle un texte inédit de Proust que l'on croyait disparu.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Après s'être intéressée, dans une biographie très documentée, à la duchesse de Berry, l'intrépide belle-fille du roi Charles X, c'est à une figure nettement moins connue que Laure Hillerin consacre cette biographie dont le titre, certainement, risque d'attirer l'attention des amoureux de Proust. Et pour cause : c'est ici le destin d'une des muses, si ce n'est LA muse de Marcel Proust que l'historienne et journaliste Laure Hillerin se propose de retracer.
    Ironie du sort, c'est grâce à celui dont elle disait, dans sa vieillesse, qu'elle ne l'avait jamais aimé, qu'on se souvient encore un peu d'Elisabeth de Caraman-Chimay, comtesse Greffulhe, née sous les ors du Second Empire et morte au début des années 1950, à l'aube de la modernité grandissante qui est encore la nôtre aujourd'hui. Elle a été immortalisée dans la monumentale oeuvre de Marcel Proust, A la Recherche du Temps Perdu, sous les traits de plusieurs de ses personnages mais c'est surtout en Oriane de Guermantes que se concentre le plus le personnage d'Elisabeth Greffulhe.
    Très belle femme, Oriane épouse son cousin Basin, prince de Laumes, qui devient duc de Guermantes à la mort de son père. Trompée dès le début de leur union par un mari volage qui collectionne les conquêtes, elle fait bonne figure auprès de son entourage qui ne réalise peut-être pas les avanies qu’elle subit dans le privé. Une vie conjugale chaotique qu'elle partage avec son modèle, Elisabeth Greffulhe, mondaine riche et cultivée mais malheureuse en amour.
    Celle qui, plus tard, inspirera Proust, nait en juillet 1862, dans une éminente famille franco-belge, installée à Paris. Sa lignée paternelle, les Riquet de Caraman-Chimay, puissante famille dont les racines remonte à l'ancien Saint-Empire romain germanique, s'est distinguée depuis le Moyen Âge et possède le château de Chimay, en Belgique. Du côté de sa mère, Marie de Montesquiou-Fézensac, Elisabeth fait partie de la bonne noblesse française et plus particulièrement, gasconne. Elle descend, rien que ça, de Pierre-Paul Riquet, concepteur du canal du Midi mais aussi de Teresa Tallien et de Napoléon Ier ! Autant dire qu'Elisabeth naît racée, avec un éminent pedigree mais à une époque à la naissance ne fait plus tout et où la noblesse n'est pas une panacée.
    Mariée jeune au comte Henry Greffulhe, avec lequel elle ne s'entend pas, qui s'avère être volage et lui fait subir vexations sur vexations, la belle comtesse ne connaîtra jamais le bonheur dans sa vie privée mais s'étourdira de fêtes grandioses, de mécénat et s'investira tête baissée dans l'effort de guerre, quand les canons de la Grande Guerre mettent brutalement fin à cette époque bénie que l'on a appelée la Belle Epoque. 
    Morte au début des années 1950, nonagénaire, dans un monde qui n'est plus le sien, Elisabeth Greffulhe aurait pu disparaître de l'Histoire, engloutie dans l'oubli, comme bon nombre de ces mondains de la fin du XIXème et du début du XXème siècles dont on ne se souvient plus. Érudite et cultivée, elle a pourtant favorisé des artistes, danseurs, compositeurs ou musiciens (elle contribuera à populariser Wagner à Paris et à y faire donner des représentations des ballets russes, à la fin du XIXème siècle) mais ce n'est pas cela qui immortalisera cette femme au regard noir étrange et impénétrable, pas vraiment belle aujourd'hui lorsqu'on regarde les photographies en noir et blanc qui la figent dans une pose artificielle mais qui, selon ses contemporains, possédait un charme puissant et magnétique. Ce qui nous permet de nous souvenir encore d'Elisabeth aujourd'hui, soixante-dix ans après sa mort, c'est Proust. Mort en 1922, Marcel Proust a laissé une oeuvre conséquente, gigantesque, qui le fit entrer rapidement au panthéon des auteurs classiques, dont il n'est plus sorti. Son oeuvre, A la Recherche du Temps Perdu, fait partie de ses trésors de la littérature française et internationale, traduites en une multitude de langues et dans divers pays. 

    Parce qu'il n'était pas issu du monde qu'il décrivait, celui de la mondanité française de la fin du XIXème / début XXème, parce qu'il n'était pas issu de ce monde qui se croyait grand mais n'était pas exempt de ses petitesses, on l'accusa de snobisme. Aujourd'hui, son oeuvre colossale, qui l'occupa une grande partie de sa vie et consuma probablement le peu de santé qu'il avait, est un rare témoignage d'un monde disparu dont les bouleversements et les progrès du XXème siècle ont précipité la chute. Proust s'est surtout avéré un très bon observateur, qui a immortalisé sur papier, comme l'ont fait les photographes sur pellicule, les portraits de ces femmes aux chapeaux à plumes qui peuplaient les rues du vieux Paris, les baignoires de l'Opéra et les grandes réceptions de cette époque-charnière qui oscille entre Histoire et modernité. 
    Elisabeth Greffulhe m'a rappelé une autre mondaine, la Casati, l'excentricité en moins. Mais elles évoluent dans un monde semblable, tourbillonnant et étourdissant, qui vous broie ou vous distingue, c'est selon. Cette Elisabeth à l'ascendance plus qu'illustre, qui n'a jamais connu le besoin et fréquente les plus grands de son temps, des présidents de la République française au tsar de Russie en passant par le roi d'Angleterre, s'avère être une philantrope, une mécène, une amoureuse des arts et des lettres (même si elle n'a jamais lu Proust, au grand désespoir de ce dernier) qui s'intéresse aussi aux sciences en finançant par exemple les travaux de Pierre ou Marie Curie qui, au début du XXème siècle fonderont l'Institut du Radium. On retrouve Elisabeth Greffulhe, papillonnante, là où l'attend mais aussi où l'on ne l'attend pas. Elle m'a parfois évoqué un peu l'impératrice Sissi, également, qui avait la bougeotte pour échapper à un quotidien qui ne la satisfaisait pas. 

    Épinglé sur Proust Composites

    Plusieurs clichés immortalisent la jeune Elisabeth Greffulhe dont cette fameuse photo d'Otto Wegener (1899) qui, grâce à un travail sur négatif, nous présente deux Elisabeth, l'une en noire, l'autre en blanc, comme deux versions d'une même femme. 


    Mal mariée, Elisabeth dut supporter, jusqu'à sa mort au début des années 1930, un mari volage et violent, qui lui imposait ses maîtresses et la manipulait selon son bon plaisir : le comte Henry Greffulhe, dont le nom est tout aussi brutal que son comportement. Contraste criant entre la flamboyance de la vie mondaine, la position de premier plan, l'adulation d'amis que l'on pourrait presque considérer comme des sujets et la noirceur d'une vie privée plus qu'insatisfaisante, auprès d'un homme qu'elle s'est efforcée d'aimer mais dont elle était si différente et qui, par sa perversité narcissique, lui a fait vivre un véritable enfer conjugal, Elisabeth est un personnage mixte, hybride, une sorte de Janus qui présente deux visages différents, selon qu'on la voit comme le point de mire d'une société privilégiée et nantie ou bien comme une épouse déçue et amère, enterrée dans l'austère et triste propriété de Bois-Boudran, en Seine-et-Marne, où la très parisienne petite Caraman-Chimay aura le sentiment d'être enterrée vivant auprès d'une belle-famille qui ne la comprend pas, au début de son mariage, alors qu'elle n'a pas vingt ans. Si Proust ne s'est pas inspiré que d'elle pour élaborer l'un de ses personnages les plus emblématiques, la jolie duchesse de Guermantes, nul doute qu'elle partage avec Oriane bien des points communs et bien des secrets
    J'ai été un peu moins emballée par cette biographie que par celle de la duchesse de Berry, je l'ai trouvée plus longue, pas toujours captivante, je dois bien l'avouer. Peut-être parce que je connaissais moins le personnage, parce que je ne fais pas partie des lecteurs avertis de Marcel Proust : j'ai pour le moment lu uniquement Du côté de chez Swann, le premier tome d'A la Recherche du Temps Perdu et je dois bien avouer que, si ne pas louer les talents littéraires de Proust serait hypocrite, je me suis quand même souvent ennuyée. 
    Cela dit, l'idée de combiner une biographie chronologique (assez rapide) à une autre, plus thématique, réunies en un seul volume, est assez intéressante ! Laure Hillerin nous brosse d'abord à grands traits le portrait de cette femme dont on se rend compte que la figure est encore entourée de bien des zones d'ombre. L'Histoire n'a finalement pas retenu grand chose d'Elisabeth Greffulhe, la reléguant dans des limbes dont Laure Hillerin la sort patiemment. Puis elle rentre un peu plus dans le vif du sujet, présentant une Elisabeth mélomane, mécène, mondaine, avide de fêtes et de représentation, une femme de son temps, qui s'éveille aussi au sentiment féministe quand la France de la IIIème République se trouve confrontée à l'horreur du Bazar de la Charité (1897). Elle nous présente aussi les phases de la création littéraire, qui ont progressivement amené Proust à élaborer cette oeuvre romanesque qu'on pourrait presque aujourd'hui considérer comme un témoignage : et la saga, A la Recherche du Temps Perdu, n'a jamais aussi bien porté son nom. On assiste au processus de cristallisation, qui transforme Elisabeth Greffulhe, de femme de chair et de sang, en une muse figée à jamais dans les pages d'un roman mais qui revit par procuration à chaque fois qu'un lecteur curieux en entrouvre les pages. Curieux destin que celui de cette femme qui fit tant de son vivant mais dont on ne se souvient pas, ou si peu et qui ne vit aujourd'hui que par une oeuvre qu'elle s'est toujours refusée de lire.
    Bien documentée, cette biographie est précise, mêle avec habileté Histoire et littérature. On croise dans ces pages toutes les sommités de la Belle Epoque française mais pas que...le destin d'Elisabeth Greffulhe est, en soi, un véritable condensé d'Histoire. Rien que pour cela, il mérite sans nul doute d'être redécouvert comme il se doit : c'est-à-dire pour ce qu'il est et pas qu'au travers du prisme littéraire, toutefois ô combien éclairant. Oriane et Elisabeth se confondent aujourd'hui en un personnage unique et qui s'émancipe tant de son modèle que de son auteur. Redécouvrir la muse de Proust et la replacer dans son contexte était, somme toute, plutôt intéressant pour la passionnée d'Histoire que je suis. J'avoue, les derniers chapitres très proustiens m'ont un peu ennuyée mais globalement j'ai aimé en apprendre plus sur cette mystérieuse Elisabeth Greffulhe. Immortalisé par Philip Alexius de Laszlo sur une huile sur toile de 1907, son regard pénétrant et fuyant à la fois, qui semble passer comme un coup de vent, orne la couverture de ce livre conséquent et nous donne aussitôt envie d'aller voir ce qui se cache en-dessous, dans les tréfonds d'une époque disparue et dont on est parfois encore un peu nostalgique sans se l'avouer.

    En Bref :

    Les + : biographie qui redonne un peu de consistance à une femme très active de son vivant, mondaine mais aussi mécène et artiste, qui inspira les peintres, les romanciers et les photographes mais n'a finalement laissé d'elle que peu de souvenirs.
    Les - :
    les derniers chapitres un peu longs, pour moi qui ne suis pas une fan de Proust.


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  • « L'amour est omniprésent. Souvent, il n'est pas particulièrement noble, ni digne d'être mentionné, mais il est toujours présent. Il suffit d'un peu d'attention pour s'en rendre compte...  »

    Love Actually ; Philip O'Connor

     

     

     

      Publié en 2003

      En 2020 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Love Actually

      Editions Archipoche 

      214 pages 

     

     

     

     

    Résumé :

    Quel point commun entre un Premier Ministre britannique installé depuis peu au 10, Downing Street, un garçon de 11 ans, une working girl excentrique, un rocker qui tente son come-back et un romancier exilé dans le Sud de la France pour oublier que son amie le trompe avec son propre frère ? 

    Réponse : l'amour. Ou plutôt, l'Amour, qui à l'approche des fêtes de fin d'année occupe tous les esprits.

    Dans cette comédie romantique à l'humour so britsh, les chassés-croisés amoureux se multiplient. Des couples se forment, d'autres se cherchent. Heureusement, un ange veille...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Une fois n'est pas coutume, c'est ici l'adaptation (la novélisation) d'un film que l'on va lire. Philip O'Connor s'était déjà attelé à l'adaptation d'un classique de la comédie romantique so british : 4 Mariages et un enterrement, avant de s'intéresser à Love Actually, film choral sorti en 2003 et qui réunit à l'écran Hugh Grant, Keira Knightley, Colin Firth, Liam Neeson, Rowan Atkinson, Alan Rickman, Emma Thompson, entre autres... Love Actually, c'est une chanson aussi, la fameuse Love is all around du groupe Wet wet wet qui devient Christmas is all around et nous transporte aussitôt dans l'ambiance des fêtes, aussi bien que le All I want for Christmas is you de Mariah Carey ou le Last Christmas de George Michael (avouez que je vous les ai toutes mises dans la tête...ne me remerciez pas, c'est cadeau, histoire de se mettre dans l'ambiance de Noël un peu avant l'heure !). La chanson est d'ailleurs devenue culte pour tous les amoureux de Noël, un peu comme le film !
    Ca fait un petit moment que je n'ai pas vu Love Actually mais c'est vraiment le petit film doudou qu'on aime regarder pelotonné sous sa couette, avec un chocolat chaud à la cannelle et le sapin qui clignote pas très loin. Ce fut donc un plaisir de se plonger dans le roman, qui est court mais retranscrit bien l'ambiance du film. En le lisant, je me suis souvenue de certaines scènes et, évidemment, c'était un plaisir de retrouver tel ou tel personnage (comment ne pas se souvenir de Hugh Grant dans le rôle de David Farley, Premier Ministre fraîchement nommé et un peu dépassé ?) et de l'associer à son acteur ! J'avoue que mes souvenirs datent peu et que j'ai un peu triché en consultant la distribution sur internet : par exemple, je ne me souvenais pas d'Emma Thompson ni d'Alan Rickman dans les rôles de Karen et Harry... Je me souvenais aussi très vaguement de Keira Knightley. Disons que ce roman m'a rafraîchi la mémoire et m'a donné envie de revoir le film.

    Téléchargez notre carte des lieux de tournage de "Love actually" à Londres.  - Films de Lover, films d'amour et comédies romantiques.


    Alors d'accord, ce n'est pas de la grande littérature, si vous vous attendez à un grand roman, vous risquez d'être déçu. Mais la question est : est-ce que réellement, c'est ce que l'on attend en ouvrant un tel livre ? Pas moi, en tout cas. Pour autant, c'est efficace, c'est doudou, c'est chaleureux, ça donne le sourire (situations improbables ou personnages truculents comme le fameux Colin, persuadé qu'il n'est pas né au bon endroit et qu'il lui suffirait de partir aux Etats-Unis pour trouver enfin une copine) et on ressort de cette lecture acidulée comme un petit bonbon avec le sentiment d'avoir lu un roman feel-good réconfortant. Bon, si vous êtes totalement hermétiques aux comédies romantiques, surtout aux comédies romantiques anglaises, évidemment vous allez vous ennuyer ou lever les yeux au ciel souvent ! Mais si vous aimez l'ambiance de Noël et les petites histoires qui ne payent pas de mine mais qui redonnent le sourire et de l'espoir, alors pourquoi pas ? C'est parfois un peu improbable ? Oui, c'est vrai...mais c'est aussi parfois criant de vérité et qui y'a-t-il de mal finalement à croire que l'amour est partout présent ? Si ça peut nous faire nous échapper un petit peu, alors moi, je suis pour ! 
    Ce livre ne fait clairement pas partie des lectures que j'ai l'habitude de lire. On en est même loin et pourtant, j'ai pris un grand plaisir à le découvrir. Bourré d'humour mais pas que, ce roman est une adaptation fidèle du film et c'était franchement bien sympa de se replonger dans l'ambiance de cette comédie qui est devenue un réel classique depuis sa sortie en 2003 !

    En Bref :

    Les + : une ambiance feel-good qui sent bon la cannelle et les biscuits de Noël ! Idéal pour se mettre dans l'ambiance des fêtes de fin d'année. 
    Les - : un roman un peu court mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit de l'adaptation d'un scénario. 

     


    (Allez, on se fait plaisir avec la bande-annonce !)

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  • « J'aimerais tant être là, avec vous. Ou que vous soyez là, à mes côtés. Cette guerre est si injuste de nous séparer des êtres que nous aimons, à la fois sur le sol américain et au-delà des mers. Puis j'ai pensé à nos braves petites lettres qui voyagent, les miennes vers vous et les vôtres vers moi, en rythme, comme pour entretenir le fil d'une conversation pressante et nécessaire. »

    Couverture Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles

     

     

         Publié en 2013 aux Etats-Unis 

      En 2015 en France (pour la présente édition) 

      Titre original : I'll Be Seeing You

      Editions Pocket 

      416 pages 

     

     

     

     

    Résumé :

    Etats-Unis, années 1940. Glory, enceinte et déjà mère d'un petit garçon, souffre de l'absence de son mari, parti au front, de l'autre côté de l'Atlantique. A des centaines de kilomètres d'elle, Rita, femme et mère de soldat également, n'a pour compagnie que la fiancée de son fils. 
    Une lettre, envoyée comme une bouteille à la mer, va les réunir. Entre inconnues, on peut tout se dire. Les angoisses, l'attente des êtres aimés, mais aussi les histoires de voisinage, les secrets plus intimes et les recettes de cuisine. Les petites joies qui font que, dans les temps les plus difficiles, le bonheur trouve son chemin. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1943, Glory et Rita deviennent correspondantes. Elles ne se connaissent pas et vivent à des kilomètres l'une de l'autre. Gloria Whitehall, surnommée Glory, est une jeune mère et épouse du Massachusetts, enceinte de son deuxième enfant. Elle a vu partir son mari Robert à la guerre.
    Marguerite Vincenzo (dite Rita, comme Rita Hayworth) vit à Iowa City. Elle a une quarantaine d'années et se retrouve seule après le départ de son mari, Sal, en Europe et celui de son fils Toby, engagé dans l'US Navy et qui se trouve quelque part dans le Pacifique sud.
    Une correspondance régulière s'établit alors entre elles et petit à petit, les lettres se font plus confiantes, plus intimes, Glory et Rita apprennent à se connaître et à s'apprécier sans s'être jamais vues. Elles se réconfortent mutuellement, se soutiennent, partagent leurs craintes et leurs angoisses mais aussi ces petites recettes de bonheur quotidiennes qui émaillent leurs correspondances : conseils, astuces en tous genres et de vraies recettes de cuisine que l'on retrouve au fil des lettres, ces recettes en temps de rationnement qui ont rendu les cuisinières très inventives !
    Le lecteur est aussitôt immergé dans cette correspondance, j'ai vraiment eu l'impression de faire partie intégrante de cette histoire qui évolue et s'étoffe au fil des mois. On voit les changements de ton à mesure que les liens se tissent entre Gloria et Rita, les confidences de plus en plus intimes, le partage de souvenirs et de conseils de plus en plus fort.
    J'ai remarqué qu'on parlait beaucoup de l'arrière pendant la Première guerre mondiale nettement moins pour la seconde alors que bien des femmes, épouses, mères, sœurs, fiancées ont vécu ces années dans la même angoisse, la même inquiétude, la même terreur de recevoir l'affreux télégramme de l'armée, comme leurs aînées... En cela, Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles est un roman très universel et qui peut parler à tout le monde : Suzanne Hayes et Loretta Nyhan sont américaines et ont choisi de mettre en scène leurs héroïnes dans le Massachusetts et l'Iowa mais Glory et Rita pourraient tout aussi bien être canadiennes, italiennes, françaises, britanniques, allemandes... ce que partagent ces deux femmes fut le lot commun des millions de personnes restées à l'arrière, partout dans le monde.
    Ce roman est extraordinaire, vraiment. Il est chaleureux, réconfortant comme un sourire échangé avec un inconnu dans la rue mais ne nous épargne rien pour autant. Le deuil n'en est pas absent, l'angoisse non plus... Rita et Glory ont appris à vivre avec, avec la peur permanente de recevoir le message qui leur annoncera la mort d'un mari, d'un fils... étrange époque où la vie quotidienne continue, en apparence inchangée mais tellement différente... Glory doit affronter la tentation, se poser les bonnes questions concernant les relations qu'elle entretient avec un ami d'enfance, Rita doit accepter que son fils Toby n'est plus un enfant et peut tomber amoureux, peut-être pas de celle qu'elle aurait souhaitée pour lui mais qu'il a choisie et c'est tout ce qui compte. Et puis il y'a la solitude, l'immense et terrible solitude qui s'ajoute à tout cela, la lassitude aussi...
    J'ai vraiment apprécié cette lecture, pour tout un tas de raisons : j'ai souvent souri, parfois je me suis attendrie aussi et j'ai ressenti beaucoup d'émotion en lisant les mots de Rita ou de Glory. Rien n'est jamais simple, la vie est infiniment complexe, mais elle nous surprend toujours, voilà ce qui ressort de ce roman : au milieu de l'horreur d'une guerre sans précédent, il y'a malgré tout la vie, qui vaut d'être vécue.
    Les auteures ont probablement mis beaucoup d'elles dans ce roman et c'est peut-être ce qui le rend si sincère et authentique : Suzanne Hayes et Loretta Nyhan ont écrit un roman à quatre mains sans jamais se rencontrer dans la vraie vie ! Elles se sont connues par le biais du blog de Loretta Nyhan mais il faut savoir qu'au moment de la sortie du livre, elles ne s'étaient encore jamais rencontrées. Peut-être cette propre expérience leur a permis d'écrire si facilement celle de Rita et Glory !
    Ces dernières années, un roman épistolaire qui se passe d'ailleurs un peu à la même époque a rencontré un franc succès, c'est même devenu un best-seller mondial : il s'agit du fameux Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows. Ce roman avait été un coup de cœur pour moi, d'ailleurs. En commençant Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles cela dit, je n'ai pas voulu tomber dans l'écueil de la comparaison : certes il y'a des points communs (l'écriture à quatre mains, l'époque choisie, sensiblement identique) mais ça reste deux œuvres, deux livres totalement différents et qui méritent tous deux d'être lus pour ce qu'ils sont. Le roman de Suzanne Hayes et Loretta Nyhan n'est pas un pendant américain ni une copie du roman de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows. Il y'a des ressemblances mais ce n'est pas du tout la même chose : un peu comme quand vous goûtez une recette préparée par deux personnes différentes. Chacune mettra sa patte, sa touche...eh bien là c'est pareil.
    C'est avec de la nostalgie que je quitte les personnages de ce roman, Glory et Rita en premier lieu mais pas seulement elles...il y'a aussi tous les personnages qui gravitent autour d'elles et qu'on apprend à connaître au fil de cette correspondance qui s'étire sur plus de deux ans.
    Vraiment une belle découverte, une bonne surprise pour ce roman qui peut nous parler à tous et évoquer des souvenirs finalement pas si lointains, ceux de nos grand-mères ou arrières-grand-mère !
    À lire si vous aimez les romans historiques qui se passent pendant la Seconde guerre mondiale et les romans feel-good car oui, je crois qu'on peut dire que ce livre a un petit côté feel-good plutôt bienvenu en cette période très morose. 

    En Bref :

    Les + : sans nous épargner l'angoisse, la tristesse, le deuil, les deux auteures sont parvenues à créer, avec cette correspondance fictive, une atmosphère réconfortante et chaleureuse. On s'attache vraiment beaucoup à Rita comme à Glory et on fait corps avec elles pendant toute notre lecture.
    Les- :
    aucun point négatif, vraiment. C'est juste extra, à savourer sans modération.

     

    Les soeurs Brontë : la Force d'Exister ; Laura El Makki

    Thème de novembre, « Je prends la plume », 11/12


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