• «  Ne perds pas ton temps avec le passé ou à t'inquiéter pour l'avenir. Fais confiance au présent. Crois-moi, ma chère petite, Dieu a tracé ton futur bien mieux que je ne pourrais le lire. »

     

     

        Publié en 2017 aux Etats-Unis 

      En 2018 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Proof of Providence

      Editions Pocket

      384 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Hallie Erminie, issue d'une famille de planteurs du Kentucky, est une jeune femme de caractère. A l'hiver 1897, du haut de ses 20 ans, la romancière en herbe part à New York, son manuscrit sous le bras, pour y chercher la gloire. Elle y fera la connaissance de Post Wheeler, jounaliste arrogant et farouche célibataire. Libres et indépendants, chacun à sa manière, ils s'aimeront sans se plaire, fuiront pour se trouver, dans un chassé-croisé où le destin aura son mot à dire... 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Dans le Kentucky des années 1880, Hallie Erminie est une petite fille passionnée par l'écriture. Elle noircit des carnets entiers qu'elle garde ensuite précieusement dans des malles. La petite fille le sait déjà : un jour, elle sera romancière.
    Plusieurs années plus tard, alors qu'elle se trouve à New York à la recherche d'un éditeur, elle rencontre un journaliste du nom de Post Wheeler. Originaire de Pennsylvanie, ce dernier s'est notamment illustré en publiant un essai faisant l'éloge du célibat masculin, ce qui a choqué la bonne société américaine de cette fin du XIXème siècle.
    Les années qui vont suivre vont les réunir ou les séparer : Hallie Erminie va connaître un grand succès avec ses romans qui font scandale tandis que Post voyage jusqu'en Alaska et au Yukon, où il expérimente la fièvre de l'or, dans des paysages immaculés et un environnement hostile. Ils se retrouveront dans les grandes plaines du Kentucky, un état rural où les souvenirs de la guerre de Sécession sont encore douloureux, dans la ferveur de New York, une ville qui vit à cent à l'heure, dans le Londres victorien où Hallie Erminie écrira un roman sur les amours contrariées de lord Byron.
    Le souffle des Feuilles et des Promesses est un roman qui raconte une histoire vraie. Je ne le savais pas en commençant ma lecture, ne connaissant ni d'Ève ni d'Adam Hallie Erminie Rives et George Post Wheeler. Ce sont notamment les opinions très sudistes de l'héroïne qui m'ont fait m'en douter : un auteur oserait-il aujourd'hui, me suis-je demandé, mettre dans la bouche de son héros, fut-il de fiction, des propos favorables à la pratique du lynchage, par exemple, qui s'apparente à une justice expéditive et qui était courante dans les États du Sud, contre quelle communauté en priorité, on le comprend aisément ?
    Alors attention ! Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! Hallie Erminie Rives n'est pas du tout présentée dans le roman comme raciste ou pro-esclavage, mais il ne faut pas oublier qu'elle est néanmoins née dans une Amérique où la guerre de Sécession est terminée depuis quelques années seulement et où les États du Nord peinent à s'imposer face à un Sud qui représente presque une nation à lui tout seul.
    Bref, c'est donc cela qui m'a emmenée à me demander si l'histoire qui sert de trame à ce roman ne serait pas vraie. Et oui, effectivement, c'est le cas. Nés respectivement en 1869 en 1874, Post Wheeler et Hallie Erminie Rives se sont mariés en 1906. Ancien étudiant de Princeton, journaliste puis diplomate, sa mère Mary Sparkes fut elle-même écrivaine et poète. Wheeler s'illustre notamment par sa carrière internationale au service des États-Unis : il voyagera du Japon à la Suède en passant par le Brésil, le Paraguay ou encore l'Albanie. Il meurt dans le New Jersey le 23 décembre 1956, à l'âge de 87 ans. Au début des années 1950, il rédige avec son épouse Dome of Many-coloured Glass, sur son expérience au sein du Service Extérieur des États-Unis (United States Foreign Service). Ce document a servi de base à Sarah McCoy pour la rédaction de son roman.

    Hallie Erminie Rives et Post Wheeler au début du XXème siècle : ils se sont mariés en 1906

     
    Quant à Hallie Erminie, née en 1874 à Hopkinsville dans le Kentucky, elle est la fille d'un ancien soldat confédéré, qui passa deux années prisonnier dans le Nord. Elle est connue pour avoir abordé dans ses romans des sujets brûlants comme la race, l'amour et les relations charnelles. Dans son premier roman Buisson ardent, relativement controversé, publié en 1897 elle s'empare d'une affaire qui eut lieu quelques années plus tôt et impliqua un homme noir dans l'agression d'une femme blanche ; la cour chargée de juger l'affaire avait été déboutée car suspectée de racisme et l'agresseur avait été acquitté avant d'être victime de la justice expéditive de la foule.
    Difficile, plus de cent ans plus tard, de savoir exactement ce qu'a voulu démontrer l'auteure dans son livre : Buisson ardent est-il un pamphlet ouvertement raciste ou simplement un texte engagé pour la défense et la reconnaissance d'une victime, peu importe la couleur de sa peau ?
    Plutôt anticonformiste, Hallie Erminie est présentée dans le roman comme une femme libre, aux opinions bien arrêtées, soutien de la cause des femmes et n'hésitant pas à aborder des sujets relativement peu abordés par les femmes à l'époque, à plus forte raison dans des romans ! Entre 1892 et 1952, elle publiera 18 productions, dont la dernière écrite à quatre mains avec son époux. Elle meurt en août 1956, quatre mois seulement avant Post, à l'âge de 82 ans.
    Franchement, quel couple ! Ils sont peu connus en Europe (du moins je le pense : personnellement, je n'en avais jamais entendu parler) et j'ai pris grand plaisir à découvrir cette histoire qui au final aurait très bien pu être une fiction mais a été d'autant plus savoureuse quand j'ai su que c'était une histoire vraie.
    Bon, cette lecture fait suite à un gros coup de cœur pour Le bruissement du papier et des désirs, lu en octobre dernier. C'est une place assez mal commode quand on y pense parce que c'est quitte ou double : ça passe ou ça casse. Sarah McCoy m'a moins enchantée ici qu'avec Le bruissement du papier et des désirs qui m'a tellement plu et donné envie de découvrir l'œuvre de Lucy Maud Montgomery. Mais Le souffle des feuilles et des promesses n'a pas été une déception, loin de là. J'ai pris un grand plaisir à lire ce roman et à suivre Hallie Erminie comme Post dans leurs pérégrinations... la description des paysages du Yukon et de l'Alaska est de toute beauté et la détermination d'Hallie Erminie force le respect : peut-être a-t-elle pris position pour des opinions contestables qui aujourd'hui nous choqueraient à raison. Mais il ne faut pas oublier qu'elle est née il y'a près de 150 ans dans un monde bien différent du nôtre. D'ailleurs ce n'est finalement pas ça le plus important dans le roman mais plus sa valse hésitation avec Post Wheeler : dès lors qu'ils se rencontrent, ils ne se quitteront jamais vraiment.
    Bien sûr, quasiment dès le début du roman, on comprend que quelque chose va se passer entre ces deux-là. Honnêtement je ne vous révèle pas le scoop du siècle en vous disant cela. Finalement plus que sur le dénouement c'est vraiment sur le développement de leur histoire hors du commun que Sarah McCoy s'est attardée.
    Ce que j'aime avec cette auteure c'est qu'elle a un petit côté Tracy Chevalier : un univers assez unique et personnel. Quand vous lisez du Tracy Chevalier, vous savez aussitôt que c'est elle, parce qu'elle a le don d'aborder des sujets originaux et qui n'auraient pu inspirer qu'elle ! Eh bien, Sarah McCoy c'est un peu pareil. D'ailleurs dans Le souffle des Feuilles et des Promesses, il y'a un peu de Chevalier : ce roman m'a par exemple rappelé La Fugitive ou encore À l'orée du verger.
    La magie n'a donc pas opéré avec ce roman comme avec Le bruissement du papier et des désirs mais n'en est pas moins une bonne lecture ! Si tous les livres qui ne sont pas des coups de cœur devaient être des déceptions, la vie des lecteurs serait bien pauvre !
    Le souffle des Feuilles et des Promesses a été une lecture simple, efficace, sans prise de tête. Un bon moment, qui ne s'est pas transformé en coup de cœur mais a eu le mérite de me faire découvrir la vie hors des sentiers battus de deux personnages aux trajectoires intéressantes.  

    En Bref :

    Les + : les personnages, sans nul doute, leurs trajectoires (diplomatie, écriture etc...), leur histoire commune. Le fait que ce soit une histoire vraie m'a aussi beaucoup plu.
    Les - :
    pas vraiment de bémol à soulever même si je n'ai pas eu de coeur de cœur. 


    Le Souffle des Feuilles et des Promesses ; Sarah McCoy

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « Simon de Montfort s'interrogeait sur Guilhem d'Ussel, et la façon dont il pourrait l'éloigner du roi. Les révélations de son cousin lui avaient apporté des informations confirmant combien cet individu était dangereux, bien plus qu'il ne l'avait imaginé. »

    Couverture Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour : Béziers, 1209

     

     

       Publié en 2017

       Editions J'ai Lu

       608 pages

       Septième tome de la saga Les Aventures de Guilhem     d'Ussel, chevalier troubadour

     

     

     

     

     

    Résumé :

    1208 : Guilhem d'Ussel a laissé son fief de Lamaguère sous tutelle pour venir s'installer à Paris. Devenu prévôt de l'Hôtel de Philippe Auguste, il est chargé de découvrir les meurtriers d'une prostituée égorgée dans l'église Saint-Gervais. 

    Mais qui tente de l'éloigner du roi alors que le pape Innocent III exerce une pression de plus en plus forte sur le royaume afin que ses barons se rassemblent dans une croisade contre les hérétiques albigeois ? Guilhem parviendra-t-il à identifier ses ennemis et à préserver Lamaguère ? 

    Entre fidèles amitiés et trahisons, pièges et coups du sort, il traversera la France pour élucider un mystère plus obscur qu'il n'y paraît. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     Hier soir, avant de rédiger cette chronique, je me demandais depuis quand je n'avais pas lu un Guilhem d'Ussel et je ne m'en souvenais pas ! Vraiment pas. Ensuite, j'ai réfléchi que je n'en avais jamais parlé sur mon compte Instagram que j'ai commencé en février 2016...ma dernière lecture de l'une de ses aventures remontait donc à avant février 2016 et effectivement : j'ai lu Rouen, 1203, en janvier 2016 et rien depuis. Entre temps, j'ai continué la saga Louis Fronsac, que j'ai aussi mise en pause depuis quelques temps maintenant et surtout, découvert les nouveaux héros médiévaux de Jean d'Aillon, Gower Watson et Edward Holmes. Guilhem d'Ussel est donc un peu passé à la trappe et c'est avec d'abord, je dois bien l'avouer, un sentiment d'obligation que j'ai sorti ce livre de ma PAL (parce que quand même, plus de cinq ans à dormir dans la PAL, c'est un peu exagéré) puis avec un grand plaisir quand j'ai eu lu les premiers chapitres. 
    Oui, j'ai été très heureuse retrouver Guilhem en 1208, soit cinq ans après la fin de la précédente aventure. Des tomes hors-série viennent parfois s'intercaler, chronologiquement, entre les tomes de la saga proprement dite mais je ne les ai pas lus. Cela dit, cela ne m'a pas gênée, même s'il est fait référence ici au roman (la nouvelle ?) Le Grand Arcane des Rois de France.
    Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre, nous ne retrouvons pas Guilhem dans le Midi mais bien à Paris, en 1208. Alors titulaire d'une charge royale relativement importante, proche du roi Philippe II Auguste et du fils de celui-ci, le prince Louis, Guilhem est chargé de résoudre une enquête particulièrement délicate : le corps sans vie d'une prostituée a été retrouvé dans une église de Paris et le roi lui demande de faire la lumière sur cette affaire, surtout quand il s'avère que la victime fréquentait un cercle qui ressemble fortement à une secte religieuse et semble réunir de nombreux adeptes dans la capitale autour d'un prédicateur appelé Guillaume d'Aire ou Guillaume l'Orfèvre. 
    Mais si ce meurtre faisait partie d'une machination plus vaste visant en fait Ussel, le trop écouté prévôt de l'Hôtel du roi ? Car en ce début de XIIIème siècle, certains barons français, appuyant les supplications du pape Innocent III, poussent le roi à participer à une grande croisade destinée à aller châtier les hérétiques du Midi, les cathares mais aussi les seigneurs occitans et languedociens un peu trop laxistes envers l'hérésie, à commencer par le plus puissant d'entre eux, le comte Raymond de Toulouse.
    Envoyé sur de fausses pistes, retenu séquestré de longs mois puis échouant dans une ville de Béziers en alerte, après être passé par son fief de Lamaguère cible des croisés et d'une bande de ribauds dont les intentions sont plus vengeresses que véritablement religieuses, Guilhem d'Ussel va connaître, entre le mois d'avril 1208 et la fin du mois de juillet 1209, tout un tas d'aventures dont il ne va pas sortir indemne. Mais cela va lui permettre de faire la lumière sur une vaste machination bien plus motivée par l'appât du gain et l'ambition que par une quelconque ferveur religieuse et qui dépasse même le roi de France ou le pape. Et tandis que la France sombre dans une guerre civile déguisée en guerre sainte, Guilhem d'Ussel, qui n'a pas été épargné par la vie et a même connu de douloureuses épreuves privées, se remet en question ainsi que ses choix...
    Si seule la fin du roman se situe à Béziers en 1209, tout le roman ne tourne finalement qu'autour de cela : la fameuse croisade contre les Albigeois, prêchée par le pape pour éliminer l'hérésie cathare, particulièrement puissante dans le Midi depuis le XIIème siècle. Surtout, le catharisme s'est développé à l'ombre bienveillante et protectrice des seigneurs méridionaux, à commencer par le comte de Toulouse ou le vicomte Raymond-Roger Trencavel. Lointains parents des vaudois, des bogomiles ou des manichéens, les cathares défendent la thèse que le monde matériel est le fruit de Satan donc, par essence, mauvais, tandis que le royaume du Bien se trouve auprès de Dieu. Les hauts dignitaires du catharisme sont appelés Parfais, Bonshommes ou Bonnes Femmes et reçoivent le sacrement du consolamentum. Vivant dans une relative austérité et même pauvreté, réfutant l'Ancien Testament mais révérant les Evangiles, les cathares sont donc des chrétiens contre lesquels la papauté enverra d'autres chrétiens. La reddition des hérétiques du Sud aura lieu réellement en 1244, sous le règne de Louis IX, quand tombe la forteresse de Montségur, où les derniers cathares du Midi s'étaient réfugiés. Refusant la conversion, ils se jettèrent dans un immense bûcher dressé dans une prairie au pied du château, qui porte encore aujourd'hui le nom occitan de Prat del Cramats.

    22 juillet 1209 : siège et massacre de Béziers - France Focus

    Les croisés devant Béziers, juillet 1209

    En 1208, alors qu'il sillonne les terres du Toulousain et du Languedoc, le légat du pape Pierre de Castelnau est assassiné, ce qui provoque l'ire d'Innocent III et le pousse à harceler le roi de France afin de lever l'ost. Des barons du royaume orientent alors Philippe Auguste en ce sens car derrière l'écran de la croisade, c'est surtout des terres riches et fertiles qui s'offrent à eux et peut-être le moyen de se tailler un fief à l'épée sous couvert d'aller extirper une horrible hérésie. A cette époque-là, la France n'existe pas encore comme aujourd'hui et le Nord et le Sud du royaume sont radiclalement différents l'un de l'autre : les barons d'Île-de-France, de Bourgogne et de Picardie se bercent alors d'illusions sur les richesses dignes du royaume de Saba qu'ils trouveront en allant piller les terres des seigneurs occitans.
    La Croisade contre les Albigeois se signale par des épisodes particulièrement sanglants et notamment le sac de la ville de Béziers, en juillet 1209 : le 22, jour de la sainte Madeleine, les croisés penètrent dans la ville pourtant réputée imprenable, bien protégée derrière ses immenses murailles. De nombreux habitants furent passés au fil de l'épée tandis que femmes, enfants et vieillards, enfermés en l'église Sainte-Madeleine, y furent brûlés vifs. Encore aujourd'hui, les chiffres précis des victimes n'est pas connu : le pape lui-même parle d'environ 20 000 victimes, d'autres contemporains de 60 000 personnes exterminées ce jour-là par les armées croisées menées par Simon de Montfort, l'archevêque de Bordeaux, les ducs de Bourgogne et de Nevers et le légat et abbé de Cîteaux, Arnaud Amaury. C'est lors de cette prise de la ville de Béziers, qui s'achève en une véritable boucherie que le légat aurait prononcé cette terrible sentence : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les Siens ! » condamnant ainsi toute la population bitteroise, qu'elle soit catholique ou cathare.
    Dans ce tome-ci des Aventures de Guilhem d'Ussel, la grande Histoire et la petite se rencontrent et s'entremêlent étroitement. Même si Guilhem n'arrive à Béziers que quelques jours avant le siège fatal, on le vit de l'intérieur et on asiste avec horreur aux exactions dont vont se rendre coupables les croisés et on ne peut s'empêcher de se demander si la croisade ne fut pas finalement plus motivée par l'appât du gain, l'or et les terres que par une véritable ferveur religieuse ? Mais celle-ci est bien commode quand elle permet de couvrir les pires agissements commis au nom de Dieu.
    Guilhem d'Ussel est un personnage assez intemporel et appartenant à toutes les époques à la fois : incroyant à une époque où la religiosité confine à la superstition et au fanatisme, il a aussi une incroyable capacité de jugement et un cynisme qui lui permettent de survivre dans un monde gangréné et corrompu, jusqu'à l'Eglise qui n'hésite pas à se montrer d'une froideur, d'un calcul et d'un machiavélisme absolument assumé.
    Ce tome est relativement conséquent (un peu plus de 600 pages) mais j'ai pris plaisir à retrouver les personnages, à les suivre dans leurs pérégrinations qui finissent par nous emmener vers le dénouement fatal et ce fameux siège de Béziers, événement historique avéré et qui marque l'Histoire du Midi.
    Une bonne lecture pour l'amoureuse des romans historiques que je suis, notamment pour la qualité des recherches de Jean d'Aillon. Il n'est pas historien de formation et il y'a d'ailleurs quelques petites erreurs ou approximations mais, dans l'ensemble, on ne peut que louer le travail solide réalisé en amont et qui donne lieu à des romans efficaces, divertissants mais riches également de nombreuses informations historiques et sur la vie quotidienne. Il m'aura fallu du temps mais je ne suis pas mécontente d'avoir renoué avec Guilhem d'Ussel ! 

    En Bref :

    Les + : un roman historique contemporain qui s'inspire autant de Walter Scott que des romans de chevalerie et mêle habilement aventures, enquête policière et événements historiques authentiques. 
    Les - :
    quelques petites erreurs et des approximations historiques. 


    Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour, tome 7, Béziers 1209 ; Jean d'Aillon

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « C'était le destin des philosophes que d'être pendus puis célébrés le moment suivant, avant d'être pendus de nouveau, peut-être, le lendemain. Cet ensemble d'effets et de causes avait de quoi les pousser à chercher la sécurité au coeur du péril, à se constituer des rentes pour l'avenir, et à prendre la vie avec la sérénité qu'apporte la pratique de la raison. »

    Couverture Crimes et condiments

     

     

          Publié en 2016

      Editions Le Livre de Poche

      288 pages

      Quatrième tome de la saga Voltaire mène l'Enquête

     

     

     

     

     

    Résumé :

    En pleine révolution culinaire, Voltaire enquête sur les traces d'un assassin qui sème derrière lui tartes au cyanure et ragoûts à l'arsenic. L'aide de la brillante marquise du Châtelet, experte en recherches scientifiques, et de l'abbé Linant, fin gourmet, ne sera pas de trop pour l'appétit aux gastronomes ! 
    Après La baronne meurt à cinq heures (prix Historia, prix Arsène-Lupin et prix du Zinc de Montmorillon), Meurtre dans le boudoir et Le diable s'habille en Voltaire, une nouvelle aventure du philosophe truffée d'humour. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Ce quatrième tome de notre cher ami Voltaire démarre en 1734, alors que l’ombre de la Bastille n’a jamais été aussi menaçante au-dessus de l’auteur des Lettres philosophiquesVoltaire a quarante ans mais ne s’est pas assagi pour autant. Sa plume de philosophe continue d’irriter le pouvoir et la police parisienne, qui le tient à l’œil. Alors, le jour où on lui propose de résoudre une énigme, contre sa liberté, difficile de refuser sa requête à Hérault, le lieutenant de police. Donnant, donnant : Voltaire enquête discrètement et en échange se voit lâcher un peu la bride sur le cou par les séides du politiquement correct. D’autant plus que le philosophe à perruque Régence s’est lancé dans un fructueux commerce quelque peu illicite et qui pourrait fort fâcher l’Espagne de Philippe V si l’on venait à apprendre qu’un écrivain français quelque peu contestataire marche sur les plates-bandes des commerçants espagnols : autrement dit, le commerce avec la riche Amérique.
    Voilà donc Voltaire, toujours flanqué de sa marquise du Châtelet (Emilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet a réellement existé ; mathématicienne et physicienne de talent, elle est connue pour avoir été la traductrice, en France, des travaux de Newton) et de son inénarrable abbé Linant (lui aussi est un personnage authentique) qui enquête sur la disparition de bijoux de la princesse de Lixen… Régalé par elle d’un banquet digne de Lucullus ou de Gargantua, Voltaire n’est pourtant pas au bout de ses peines et son enquête risque de prendre un tour aussi inattendu qu’indigeste.
    De la couverture au titre du roman, tout nous indique rapidement le contenu du livre : on va parler nourriture, eh oui. Mais ne salivez pas trop : au XVIIIème siècle, la haute cuisine n’est pas celle que l’on connaît et si cette époque nous a donné les bouchées à la reine ou encore les madeleines de Commercy, il ne faut pas oublier que l’on y mange encore des plats aux saveurs plutôt surprenantes. Alors que le peuple crève souvent de faim, dans les hautes sphères on se repaît de repas particulièrement longs, où les plats se suivent sans se ressembler. On mange du sucré, du salé, parfois les deux ensemble. La viande est évidemment un mets très recherché et l’estomac fragile de notre héros, qui ne s’accommode jamais mieux que d’un bon plat de lentilles, va être mis à rude épreuve lors de cette enquête qui va l’emmener de Paris en Bourgogne, en passant par Cirey en Lorraine et même jusqu’au champ de bataille de Philipsburg en Allemagne.
    Dans ce quatrième tome, l’enquête policière, qui sert toujours de trame aux aventures de notre cher philosophe emperruqué, se déroule de manière si subtile qu’on ne la distingue presque pas. Pour utiliser une métaphore culinaire (on est dans le thème), on peut imaginer un ingrédient mélangé à d’autres, qui semble disparaître mais ressort subtilement lorsque l’on goûte le plat et libère alors sa saveur. Il s’en passe, des choses, dans ce tome-ci, depuis que Voltaire reçoit sur la tête, dans le parc des Lixen, un pigeonnier qui semble avoir été légèrement poussé pour tomber droit sur la tête des philosophes un peu fouineurs ! Notre ami quitte ainsi son cher Paris pour aller assister en Bourgogne aux noces de son ancien camarade de collège le duc de Richelieu qui, en 1734, épouse Elisabeth Sophie de Lorraine. Entre-temps, la parution inopinée de ses Lettres philosophiques, qui donnent des envies de meurtre au lieutenant de police, le pousse à aller se réfugier au fin fond de la campagne de Lorraine, au château de Cirey…propriété du marquis du Châtelet, autrement dit le mari d’Emilie, sa coéquipière et surtout, sa maîtresse depuis 1733 ! Enfin, parce que Voltaire a eu vent d’un complot familial qui vise la personne de Richelieu, le voilà qui n’écoutant que son courage (et son intérêt) galope jusqu’aux tranchées inhospitalières de la guerre de Succession de Pologne pour sauver le duc.

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    Le déjeuner d'huîtres deFrançois de Troy (XVIIIème siècle)

    Dans Crimes et Condiments, Voltaire voyage et nous avec. Voltaire mange et parfois un peu trop richement car il finit par souffrir d’indigestion… et nous avec ! Ah non, pardon. Là, pour le coup, ce n’est pas le cas. Léger et aérien comme une crème chantilly, Crimes et Condiments se déguste comme un bonbon. On ouvre parfois de grands yeux devant les recettes qui étaient prisées au XVIIIème siècle, on se dit que celle-ci ne devait pas être trop mal tout compte fait, tandis que celle-ci dégoûte carrément les palais très XXIème que nous sommes ! Mais surtout, qu’est-ce qu’on rit ! Quand je parle de bonbon, c’est vraiment cela que je veux dire : on lit une petite merveille de roman historique acidulé et tendre à souhait. A dessein, je ne parle pas vraiment de roman policier ici : de toute façon, si vous aimez les bons polars ou les thrillers, il vaut mieux que vous passiez votre chemin. Ce n’est pas cela que vous trouverez ici, l’enquête policière étant finalement assez anecdotique. Mais la forme ne cesse de me séduire : une lectrice a écrit que l’univers de Frédéric Lenormand est inclassable et c’est bien vrai. C’est un savant mélange de diverses influences et je pense que c’est ça qui me plaît, dans cette saga comme dans Au service secret de Marie-Antoinette, sa saga de cosy mystery que j’ai découverte en janvier dernier. Les romans de Lenormand sont légers, très drôles, bourrés de références et parfois même d’anachronismes qui nous font sourire quand on tient la référence et qui donnent ainsi à ses romans ce je-ne-sais-quoi qui a quand même un bon petit goût de reviens-y.
    Surtout, il ne faut pas oublier que derrière des romans que l’on pourrait qualifier de « faciles » au premier abord, se cachent les solides connaissances d’un auteur qui maîtrise son sujet à la perfection et ne manque pas de pointer tous les petits travers de cette époque si passionnante à bien des égards : on pourrait presque considérer que le XVIIIème siècle est une époque qui se cherche, une époque dont les deux bras sont tirés à gauche et à droite par, d’un côté le XVIIème siècle flamboyant de Louis XIV et de l’autre, par un XIXème qui annonce notre propre époque. Le XVIIIème siècle est une époque double, une époque de libertinage physique et intellectuel mais aussi de raidissement religieux, de recherche de la connaissance mais aussi de crainte face à elle, qui se manifeste alors par la censure des œuvres philosophiques. Alors que l’on croit moins, que pour certains les loges de la franc-maçonnerie remplacent la religion, l’Eglise n’a pourtant jamais été aussi puissante ni aussi corrompue et pétrie de paradoxes (elle qui prêche la continence voire l’abstinence et cache des cochonnailles dans ses placards en pleine période maigre par exemple). Le pouvoir royal, quant à lui est, en ces années 1730, un pouvoir presque fantoche, abandonné entre les mains d’un ex-mentor de jeunesse devenu principal ministre, l’abbé de Fleury. C’est subtil mais la dénonciation est là : évidemment, dans l’article, je force le trait mais pour peu que l’on connaisse assez bien l’époque, on percevra ce que l’auteur veut discrètement pointer du doigt. Travers d’une époque certes mais aussi travers humains qui, eux, ne changent pas vraiment en 250 ans. Voilà pourquoi Voltaire mène l’enquête n’est pas (ou n’est pas que) une saga de feel-good historique qui fait juste rire. Le propos va quand même un peu plus loin.
    Cela dit, il est vrai que je retrouve cette saga toujours avec plaisir parce que je sais que je vais passer un bon moment et que la plume incisive de l’auteur va toujours faire mouche : je sais que je vais forcément rire en lisant une enquête de Voltaire et cela tient autant au style, vraiment très agréable à lire, qu’aux personnages et surtout Voltaire, dont les défauts sont poussés à l’extrême ! Si le vrai Voltaire était comme cela, on comprend que ses contemporains aient voulu s’en débarrasser en le flanquant de temps en temps à la Bastille, ne serait-ce que pour respirer un peu ! Hypocondriaque, parfois légèrement hystérique, sans aucun goût pour la mode ni la bonne chère (ce qui en fait un OVNI dans ces cercles où le paraître et la bonne bouffe sont deux piliers essentiels), mourant au moins dix fois par an (voire plus), sans-gêne, il est un concentré des défauts humains mais tournés en ridicule, ce qui les rend finalement assez attachants. On a de l’indulgence pour ce Voltaire de théâtre, de vaudeville, qui nous ravit à chaque fois. On a de l’indulgence pour ses tours pendables.
    Ce quatrième tome était à l’image des précédents. J’imagine que les suivants seront à son image…est-ce que je m’en lasse ? Absolument pas, c’est bien trop jubilatoire.

    En Bref :


    Voltaire mène l'Enquête, tome 4, Crimes et Condiments ; Frédéric Lenormand

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • «  Nous avons gagné, mais à quel prix. Un père tué par ses fils. Le coup de grâce asséné par le favori. Et vous, mère, enfermée tant d'années. Existe-t-il des victoires ourlées de regrets ? Ou bien faut-il toujours se montrer digne d'une certitude ? Et si je n'étais pas digne ? »

     

     

     

         Publié en 2019

      Editions Le Livre de Poche 

      224 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Sa robe caresse le sol. A cet instant, nous sommes comme les pierres des voûtes, immobiles et sans souffle. Mais ce qui raidit mes frères, ce n'est pas l'indifférence, car ils sont habitués à ne pas être regardés : ni non plus la solennité de l'entretien - tout ce qui touche à Aliénor est solennel. Non, ce qui nous fige, à cet instant-là, c'est sa voix. Car c'est d'une voix douce, pleine de menaces, que ma mère ordonne d'aller renverser notre père. »

    En 1173, Aliénor d'Aquitaine pousse trois de ses enfants à la rébellion contre le roi d'Angleterre, son époux. La voici racontée par son fils, Richard Cœur de Lion, dans une oeuvre pétrie de poésie et de cruauté. Un regard qui révèle deux personnages pleins d'amour, d'honneur et de violence, et tiraillés par leurs passions - ambition, haine, loyauté. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :


    Au début des années 1170, Aliénor d’Aquitaine pousse ses trois fils, Henri, Geoffroy et Richard, à se rebeller contre leur père, le roi Henri II d’Angleterre. On connaît le dénouement de l’histoire : la défaite des fils, leur amende honorable et l’emprisonnement de la mère. Aliénor restera en captivité pendant plus de quinze ans, pour avoir osé inciter ses fils à la rébellion.
    Malgré le titre, le roman ne tourne pas qu’autour de cette fameuse révolte, qui éclate en 1173 et sera si durement matée par Henri Plantagenêt. C’est un point de départ : le point de départ qui va permettre à Richard Cœur de Lion de raconter sa reine, sa mère. Aliénor.
    Née au début des années 1120 (probablement en 1122), morte en 1204, elle a presque connu un siècle. Surtout, elle l’a marqué d’une trace indélébile. Aliénor d’Aquitaine et son image restent consubstantielles à ce XIIème siècle flamboyant, le Moyen Âge central des troubadours et de la fin’amor. Fille du duc d’Aquitaine Guillaume X, elle hérite de ses terres alors qu’elle est encore adolescente. L’Aquitaine de l’époque est un immense territoire, qui s’étend du Poitou à la Bigorre et jusqu’en Limousin. Alors que la France n’est encore qu’une vague idée, un royaume morcelé dont le souverain a parfois moins de pouvoir et de richesses que ses vassaux, le duc d’Aquitaine joue dans la cour des grands. Son héritière devient donc un parti très convoité : en 1137, elle épouse le fils du roi de France, Louis. Ils quittent Bordeaux pour Paris, où ils arrivent fraîchement intronisés : le roi Louis VI est mort entre-temps. Aliénor d’Aquitaine et Louis VII sont les nouveaux souverains. La jeune femme va dicter les nouvelles modes de la Cour : elle va choquer, scandaliser. Aliénor d’Aquitaine a le sang du sud qui coule jusqu’au bout des ongles. Elle ne sera pas comprise par ses nouveaux sujets et ils lui forgeront une véritable légende noire. Son mariage avec Louis n’est pas heureux : trop dissemblables, les deux époux ne se comprennent pas. Celle qui croque la vie à pleines dents ne peut comprendre celui qui, s’il n’avait régné, aurait voulu se faire moine. Ils n’auront pas d’héritier : avec Louis, Aliénor n’aura que deux filles, Marie et Alix de France, qu’elle laissera derrière elle après son divorce d’avec le roi. La croisade en Orient porte un coup fatal à leur union : après le scandale causé par les retrouvailles d’Aliénor avec son oncle Raymond de Poitiers, que certains maquillent en inceste, le mariage est dissous pour cause de consanguinité entre les époux. Nous sommes en 1152. Au mois de mai de la même année, après avoir échappé de justesse au rapt organisé par le comte de Blois et de Champagne, qui se serait bien vu devenir duc d’Aquitaine, Aliénor convole avec le jeune Henri Plantagenêt. Fils de Mathilde l’Emperesse, qui a disputé la couronne d’Angleterre au roi Stephen de Blois, descendant de Guillaume le Conquérant, le jeune Plantagenêt, qui a dix ans de moins qu’elle, est comte d’Anjou, du Maine et duc de Normandie. Deux ans plus tard, il devient roi d’Angleterre. Aliénor d’Aquitaine devient reine pour la seconde fois : surtout, son mariage dessine le destin de toute une époque. La guerre de Cent Ans, qui éclate plus d’un siècle après la mort d’Aliénor, est une conséquence directe de ce mariage qui apporte dans sa corbeille les terres d’Aquitaine. Ces opulents territoires deviennent anglais, jusqu’à leur retour dans le giron français en 1453. Avec Henri II, Aliénor aura les fils qu’elle n’a pas pu donner au roi de France. Leurs filles feront de beaux mariages : Mathilde épousera le duc de Saxe et de Bavière, Aliénor devient reine de Castille par son mariage avec Alphonse VIII (elle sera la mère de Blanche de Castille), Jeanne sera reine de Sicile puis comtesse de Toulouse…surtout, elle donne naissance à des fils qui ont marqué l’Histoire et sont devenus presque légendaires. Ces fils qu’elle va pousser contre le père. Ces fils qu’elle verra disparaître, les uns après les autres : seul le benjamin, Jean, lui survivra. Cinq ans avant sa propre disparition, elle a la douleur de perdre le fils préféré, Richard, devenu roi en 1189 et pour lequel elle avait retourné ciel et terre pour le sortir de captivité quand il fut fait prisonnier par le duc d’Autriche, à son retour de croisade.

    Aliénor d'Aquitaine, l'indomptable

     

    L'une des images les plus connues d'Aliénor d'Aquitaine : son gisant polychrome, à Fontevraud, qui repose près de ceux de son époux et de son fils Richard Coeur de Lion. La reine tient un livre entre les mains, symbole de la connaissance

    Richard donc, qui se fait narrateur dans ce roman polyphonique, Richard qui se dépouille de son manteau de roi pour ne rester qu’un homme, un homme qui se raconte et raconte sa mère, figure imposante et même écrasante, à laquelle il voue un amour sans bornes qu’il ne pourra jamais exprimer. Drame d’une vie, drame malheureusement intemporel et universel.
    La Révolte est un roman qui s’appuie sur une trame historique avérée : la lutte entre les trop semblables Aliénor et Henri, qui se choisissent puis se déchirent, est vraie. La captivité de la reine, sévèrement mise au pas par son époux, est vraie aussi. La relation adultère d’Henri II, menée au vu et au su de tous, avec la belle Rosemonde Clifford (la Fair Rosamund de Waterhouse), est tout aussi authentique. Clara Dupont-Monod déroule un contexte historique bien maîtrisé, même si elle prend quelques libertés avec lui (libertés expliquées en fin de volume et qui sont de toute façon suffisamment subtiles pour qu’on ne les remarque pas). Et pourtant…je n’ai pas eu l’impression de lire un roman historique. Un peu comme dans le roman de Carole Martinez, Du domaine des murmures, on a l’impression que l’Histoire est là surtout pour supporter un propos bien plus vaste. Ce que raconte Richard Cœur de Lion et tous les autres narrateurs (Aliénor elle-même, Henri II, Aélis de France, la fille du roi Louis VII) n’est pas inhérent au XIIème siècle. Ce qu’ils racontent, c’est une histoire humaine dans laquelle nous pouvons tous nous retrouver. Les mots de Clara Dupont-Monod peuvent nous parler à tous. Richard, ce peut être vous, ce peut être moi. Aliénor peut être n’importe quelle mère : mère aimante, mère omnisciente, mère toute-puissante, mère écrasante aussi. Une mère qui ne sait pas dire ses sentiments, peut-être parce que l’époque ne s’y prête pas, peut-être parce qu’elle est faite comme ça et n’y arrive pas. Drame des enfants, alors, qui attendent et ne reçoivent pas ou trop peu.
    La Révolte oscille sans cesse entre Histoire (avec un grand H) et contemporanéité : Histoire parce que le roman est fermement ancré dans son époque. Mais la contemporanéité se retrouve dans l’analyse des sentiments, des émotionscontemporanéité des mots, aussi, qui sont bien ceux de notre époque. C’est pour cela qu’on a du mal à se situer dans ce roman : que lit-on exactement ? Voilà une question qui revient très souvent au cours de la lecture, du moins qui est revenue très souvent, en ce qui me concerne. Souvent, je me suis aussi demandé si les personnages que je voyais évoluer sur les pages de La Révolte auraient réellement réagi comme cela ? Probablement, non. Réagissait-on au XIIème siècle comme neuf-cents ans plus tard ? Probablement, non. Mais que des sentiments humains aient transcendé les époques parce que, justement, ils sont profondément humains, pourquoi pas ? Si socialement nous sommes différents de nos ancêtres, nos cœurs le sont-ils, eux ? Parfois, je me dis que non ou du moins, je l’espère. Si la maternité est une notion sociale, elle est aussi instinctive : certes, au Moyen Âge comme dans les siècles qui suivent, on ne s’attache pas aux enfants parce que peu d’entre eux parviennent à l’âge adulte. La mortalité infantile est particulièrement forte, tant dans le peuple que dans les hautes sphères : une fièvre, une maladie, une poussée dentaire qui se passe mal et un enfant peut disparaître en quelques jours, voire quelques heures et on ne parle pas de l'épreuve de la naissance, qui peut coûter la vie à l'enfant somme à sa mère. Pour autant, est-ce que toutes les mères de l’Histoire ont été indifférentes ? Certainement que non. L'image d'Aliénor d'Aquitaine en mère toute-puissante, adulée en silence par ses enfants, les aimant elle aussi sans savoir le leur dire, m'a plu. Je ne sais pas si elle est un reflet de la réalité et bien malin celui qui pourra dire avec certitude, en 2021, ce qu'était l'âme de cette femme morte depuis presque 820 ans. Mais ce qu'en fait Clara Dupont-Monod est cohérent.
    Il m'a manqué quelque chose pour pleinement aimer ce roman : je ne saurais vous dire quoi... peut-être les premiers chapitres que j'ai eu du mal à m'approprier. J'ai cependant savouré les mots de l'auteure et eu le sentiment de lire un OVNI, un roman hors-normes et un peu déroutant qui m'a cependant beaucoup plu par beaucoup de ses aspects.

                                          Henry's wife was one of England's most famous queens, Eleanor of Aquitaine.  | Eleanor of aquitaine, Queen eleanor, Art  Richard Cœur de Lion, le roi pressé - Histoire de la Normandie

    Visions romantiques d'Aliénor et de son fils préféré, Richard Coeur de Lion par deux artistes du XIXème siècle : The Accolade (L'Adoubement) de Edmund Blair Leighton et un portrait du roi Richard Ier par Merry-Joseph Blondel, conservé à la galerie des Batailles du château de Versailles 

     

     

    En Bref :

    Les + : le style, très contemporain, qui raconte presque comme une légende un pan très ancien de l'Histoire. Sous la plume de Clara Dupont-Monod, le XIIème siècle devient presque un siècle d'or, à demi-légendaire.
    Les - :
    les premiers chapitres nous jettent immédiatement dans l'univers, presque sans préparation. J'ai eu du mal à me les approprier : il s'agit d'un sentiment purement subjectif et personnel.


    La Révolte ; Clara Dupont-Monod

     Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « Elle suivit le chemin qui contournait cette colline boisée, sorte d'écrin derrière lequel dormait le château des Hautefort. Il lui apparut en même temps que les maisons du village qu'il dominait comme un parent protecteur. Ses inquiétudes s'apaisèrent, elle était de retour chez elle. »

    La Demoiselle de Hautefort ; Isabelle Artiges

     

     

     

     

        Publié en 2016 

      Editions De Borée 

      336 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Soeur Constance a décidé de consacrer sa vie aux pauvres. Volontaire pour travailler à l'hôpitl de Hautefort, elle s'emploie à soulager, grâce aux plantes médicinales, es maux du corps, et parfois de l'âme. 
    Alors que la révolte gronde à Paris, que le peuple se soulève pour l'abolition des privilèges et des impôts, l'inquiétude monte au château des Hautefort. La fièvre vengeresse de certains gardes nationaux les pousses à des exactions qui n'épargnent personne. 
    Outre les difficultés à surmonter pour que l'hôpital continue de fonctionner malgré le chaos, Dieu semble avoir mis sur le chemin de Constance une épreuve supplémentaire : ses sentiments pour Martial... 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au XVIIIème siècle, la jeune Constance, contre l’avis de ses parents, choisit de devenir religieuse au sein de la congrégation de la Charité des Sœurs de Nevers plutôt que d’accepter le « beau » mariage choisi par son père. Son choix l’amène à devoir quitter sa région natale pour le Périgord, où elle devient soignante à l’hôtel-Dieu de Hautefort, un village aux confins du Périgord et du Limousin. Là, Constance découvre sa vocation : celle de faire don de sa vie aux autres, par la charité, le soin aux indigents et aux malades. C’est son travail à l’hôtel-Dieu qui la conduit à rencontrer la jeune Manon, fille de métayers du village, qui vient un jour pour la consulter pour sa mère. Par le biais de Manon, Constance fait aussi la rencontre de son frère aîné, Martial, qui est loin de la laisser indifférente.
    La Demoiselle de Hautefort démarre en 1787. Autrement dit, nous sommes à l’aube de la Révolution, ce n’est plus qu’une question de mois… En Périgord comme ailleurs, un vent de révolte souffle, attisé parfois chez certains par le découragement de voir les récoltes perdues plusieurs saisons de suite. Dans un pays essentiellement rural, où la population paysanne est majoritaire, le désarroi est grand quand un printemps pourri noie les jeunes plantations, quand un hiver trop rigoureux et des gelées trop dures anéantissent les vergers et les récoltes de noix et de châtaignes, sur lesquelles la population compte pour passer l’hiver. On assiste à la montée des idées nouvelles, dans un pays éloigné de la capitale certes mais qui n’en est pas moins ignorant : les cahiers de doléances, les premiers extrémistes qui prônent des idées radicales et incitent à la haine contre les grands bourgeois ou les nobles.
    Hautefort, en Périgord, est un village un peu à part : fief ancestral de la famille du même nom, érigé en marquisat en 1614, les habitants nourrissent un respect sincère et réel pour la famille et pour son château, qui domine leur paysage depuis son promontoire rocheux. Si les idées nouvelles circulent, elles vont vite se heurter à des populations qui refusent de détruire le château des seigneurs ou de donner la chasse à ces derniers. Elles vont se heurter aussi au bons sens pratique paysan : finalement, les grandes idées, les grandes réformes, elles sont peut-être salutaires mais elles n’empêcheront pas les hivers trop froids, les printemps trop pluvieux ou les étés trop chauds. On voit finalement apparaître une Révolution unilatérale, faite par les bourgeois et les lettrés de Paris et qui laisse sur le bas-côté la majorité de la population française de l’époque : les ruraux, les paysans qui ne voient finalement rien changer à leur situation ni à leur quotidienY'aura plus de gelées, après ça ? » lance un paysan lorsqu'on leur fait part de la décision de supprimer les girouettes, symboles seigneuriaux). Les provinces lointaines ne seront cependant pas épargnées, le Périgord non plus : il verra ainsi son clergé démantelé en 1791 lors du vote de la Constitution civile du clergé, décision qui prend forcément une part non négligeable dans la vie de Constance, religieuse, dont l’activité dépend du clergé, dont les subsides dépendent des hiérarchies religieuses pour prendre soin des pauvres, des malades, des enfants abandonnés. Rien ne sera plus jamais comme avant pour elle. Déliée de ses serments, rendue brutalement à la vie civile, devant faire tout ce qu’elle peut avec des bouts de ficelle, Constance se retrouve soudainement démunie et surtout, face à ses démons : l’attirance sans cesse croissante qu’elle ne cesse de ressentir envers Martial et qu’elle parvenait jusque là à maîtriser en se cachant derrière sa condition de religieuse.

    MUSÉE D'HISTOIRE DE LA MÉDECINE - Mairie de Hautefort

    L'hôtel-Dieu de Hautefort (aujourd'hui musée de la médecine) et le château en surplomb du village


    La Demoiselle de Hautefort est un roman tourbillonnant, une grande fresque historique sur fond de roman de terroir : très ancré dans une région (le pays d’Ans, région industrielle du Périgord qui se développe au XVIIème siècle avec ses forges qui alimentent les armées de Louis XIV et de ses successeurs) et dans un village, racontant l’histoire de la famille Montagnac (la famille de Manon et Martial), de la famille de Hautefort (la comtesse Camille et sa jeune nièce Amélie) et de la courageuse et déterminée Constance, qui se révèle petit à petit. En filigrane, on découvre un pan important de notre Histoire : la Révolution qui éclate en 1789 et bouleverse irrémédiablement la France. C’est tellement intéressant de quitter un peu le prisme de la Révolution parisiano-parisienne. C’est malheureusement encore l’angle de vue le plus répandu parce que, oui, la Révolution s’est faite à Paris. Mais on oublie souvent que les provinces ne sont pas restées en arrière, certaines se sont enflammées pour la Révolution, d’autres, comme la Vendée, sont restées fidèles à l’ordre ancien et au roi, mettant le feu aux poudres d’un véritable conflit civil qui tombe dans les pires horreurs et les pires bassesses. Il est intéressant de voir comment chaque province, de part son histoire, de part sa situation géographique, a réagi à cet immense bouleversement. J’ai aimé découvrir les réactions des personnages : celles du mari de Manon, Antoine, exalté par ces idées nouvelles qui nourrissent et étayent la haine viscérale qu’il ressent contre les nobles ; celles de Constance, qui est déterminée à continuer de soulager, par charité et par bonté, quitte à devenir contre-révolutionnaire et risquer sa propre vie ; celles de la garde nationale de Hautefort, qui obéit mais sans aucune conviction.
    La littérature du terroir, que l’on appelle aussi littérature régionaliste, souffre bien souvent d’une mauvaise image, d’une réputation de sous-littérature un peu bas de gamme. C’est dommage parce que, comme dans tout genre littéraire, il y’a de tout, du bon et du moins bon aussi parfois. Mais si vous aimez les romans historiques et authentiques, des portraits vivants de la France d’antan, alors vous pourrez certainement y trouver votre bonheur.
    La Demoiselle de Hautefort se passe dans ma région et ce fut un plaisir de me projeter dans ces paysages si familiers plus de deux cents en arrière, de découvrir (ou redécouvrir) l’histoire de ce petit coin de Périgord au passé si riche.
    J’avais lu il y’a quelques années Les Petits Mouchoirs de Cholet, d’Isabelle Artiges, qui a été une excellente surprise : j’avais beaucoup aimé la trame de ce roman se passant pendant la Première guerre mondiale et qui abordait notamment l’espionnage des princes de Parme pour le compte de leur beau-frère l’empereur Charles d’Autriche. C’était un sujet peu abordé dans les romans historiques et j’avais beaucoup aimé ce parti-pris. La Demoiselle de Hautefort n’a pas été un coup de cœur, même si j’ai vraiment beaucoup aimé l’histoire de Constance et de tous les autres personnages qui gravitent autour d’elle et représentent chacun à leur manière leur époque. Le petit bémol que je soulèverais ici, c’est le style de l’auteure qui ne m’a pas forcément séduite. Pour autant, il est juste, j’ai trouvé qu’Isabelle Artiges parvenait à raconter avec nuance et justesse une époque complexe, troublée, où de nombreuses idées, de nombreuses fidélités se mêlent et s’entrecroisent.
    Vous l’aurez compris, globalement, ce roman a été une bonne surprise. Je l’ai trouvé agréable à lire et les personnages y sont attachants et pleins de relief, peut-être beaucoup plus que ce à quoi je m’attendais, il est vrai.

    En Bref :

    Les + : une vision nuancée d'une époque complexe mais fondatrice, des personnages avec beaucoup de relief. 
    Les - :
    une plume qui n'est pas toujours parvenue à me séduire.


     La Demoiselle de Hautefort ; Isabelle Artiges  

       Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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