• « Il n'y a pas de plus grande humiliation que d'être refoulé d'un groupe en raison du milieu auquel on appartient. »

    Le Clan de Mallaig, tome 3, Sorcha ; Diane Lacombe

    Publié en 2004 au Canada ; en 2014 en France (pour la présente édition) 

    Editions Pocket

    476 pages

    Troisième tome de la saga Le Clan de Mallaig


    Résumé :

    Ecosse, 1437. Fille d'un laird de la tribu MacNèil de Mallaig, Sorcha Lennox grandit dans un couvent de l'île d'Iona, où sa mère s'est réfugiée après la disgrâce de son mari. Par correspondance, la jeune fille se rapproche de son vaste clan et plus particulièrement de la châtelaine. Bientôt, elle va devenir sa suivante. C'est le jeune Baltair qui vient la chercher pour le voyage. Entre eux un lien puissant se crée. Mais l'arrivée de Sorcha à Mallaig va délier de mauvaises langues et les rumeurs les plus infâmes sur ses origines ne tardent pas à circuler...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Ce troisième et ultime tome de la saga Le Clan de Mallaig commence en 1437, une dizaine d'années après l'issue du second et porte le nom de l'héroïne éponyme, Sorcha Lennox, de Morar, qui sera, après Lite MacGugan et Gunelle Keith, la troisième narratrice féminine de cette grande fresque. Sorcha est une jeune enfant lorsque que commence ce livre. C'est la fille du lieutenant William Lennox, anciennement au service des Keith, homme de confiance de dame Gunelle, qui est devenu un laird du clan MacNèil après le mariage de cette dernière avec Iain MacNèil. Celui-ci a hérité d'une propriété de la famille près du loch Morar, où la jeune Sorcha passa son enfance. Mais, en cette année 1437, le destin de la jeune fille va se précipiter et basculer. Le 21 février, le roi Jacques Ier est assassiné à Perth et l'un des beaux-frères de Lennox, jeune frère de son épouse Angusina, vient se réfugier à Morar : tout laisse à penser qu'il a trempé dans le complot qui a visé le roi. La jeune Sorcha et sa mère sont mises à l'abri par le lieutenant Lennox sur la sainte île d'Iona, dans un couvent de femmes. Après la mort de son père, Sorcha, qui refuse le destin de moniale que lui propose la mère supérieure du couvent, décide de quitter Iona et d'aller honorer la tombe de son père à Edimbourg. Au même moment, à Mallaig, dame Gunelle, qui a correspondu avec la jeune fille, envoie son fils aîné, Baltair, chercher Sorcha pour la ramener dans les Highlands, la châtelaine souhaitant en effet en faire sa suivante. Commence alors, pour Sorcha comme pour Baltair une course à travers l'Ecosse, une course qui ne sera pas sans conséquence, ni pour l'un ni pour l'autre.
    Voilà, en quelques mots, comme on pourrait résumer ce troisième tome de la saga écossaise de Diane Lacombe. Nous faisons donc la connaissance d'un nouveau personnage féminin, la jeune Sorcha qui, de toute jeune enfant, se mue doucement sous nos yeux en jolie adolescente déterminée. Nous faisons également la connaissance d'une nouvelle génération de MacNèil : après avoir fait évoluer Baltair et Lite dans L'Hermine, Diane Lacombe a imaginé le destin de leur fils puîné Iain, de l'épouse de ce dernier dans La Châtelaine et, enfin, ce sont les propres enfants de Iain et Gunelle qui grandissent dans cet ultime tome de la trilogie.
    Le Clan de Mallaig est une saga historique mais aussi une saga de romance : et, qui dit romance, dit, forcément, histoire d'amour. Et il n'y pas besoin d'être voyant pour comprendre rapidement que ce voyage à travers l'Ecosse va vite unir Sorcha et Baltair le Jeune autrement qu'amicalement. Je dois dire que ce troisième tome est plutôt à la hauteur des deux précédents. Le premier tome, L'Hermine, serait finalement ce qui m'a le moins plu et le moins fait palpiter car je ne me suis pas vraiment attachée aux personnages principaux et notamment à Lite, l'un des narrateurs. Avec La Châtelaine, au contraire, je me suis tout de suite sentie proche du personnage de Gunelle, fragile en apparence mais finalement très complexe. Et là, même si j'ai ressenti moins d'amitié pour Sorcha et que je suis restée finalement assez détachée d'elle, je me suis très vite plongée dans le récit, riche en rebondissements et péripéties. Sorcha est également un très beau tableau de cette Ecosse highlander sauvage et intemporelle et cette description d'un pays si beau et si riche participe bien sûr à l'intérêt et au plaisir du lecteur. 

    Même si le style de Diane Lacombe n'est pas extraordinaire et reste très conventionnel, au final, j'ai trouvé cette saga très plaisante et ce troisième tome tient complètement ses promesses. Il clôt particulièrement bien cette saga médiévale qui s'étend sur deux siècles, deux siècles importants de l'Histoire européenne : les XIVème et XVème siècles, siècles-charnières et de bouleversements, entre Moyen Âge tardif et balbutiements d'une nouvelle époque, qui sera un jour appelée Renaissance...Je me suis parfois un peu embrouillée dans les dates, la chronologie n'étant pas forcément claire et c'est d'ailleurs ce que je pourrais reprocher en général à la saga, même si cette confusion ne se retrouve pas forcément dans le premier tome, un peu plus linéaire, peut-être...Diane Lacombe a choisi d'utiliser l'ancienne datation en vigueur dans cette partie du monde, pour ses romans : il s'agissait de ce que l'on appelle le « style florentin » ou « style de l'Annonciation » qui faisait commencer l'année le 25 mars -dans les Highlands, où l'on parlait le gaélique, on appelait l'An Neuf le Calluinn et cette célébration se faisait donc à la fin du mois de mars. Mais j'avoue que, parfois, étant donné que nous ne nous référons plus, aujourd'hui, à ce système de datation, le calendrier ayant été harmonisé par la suite, je me suis un peu paumée dans les dates et celle de la mort du roi Jacques Ier m'a particulièrement posé problème, ne sachant pas s'il était véritablement mort le 21 février 1437 ou 1438... J'ai donc décidé de rapidement faire abstraction des dates pour ne me concentrer que sur le récit mais j'avoue que j'ai eu un peu de mal à éclaircir ce problème de datation mais qui m'a un peu gênée, du coup. 
    Le Clan de Mallaig est une saga historique plaisante à lire, et, même si s'attacher à ses personnages n'est pas forcément évident, le récit est suffisamment bien amené pour qu'on se laisse mine de rien prendre au jeu. A lire, je pense, si vous aimez les romans historiques et médiévaux (comme moi).

    En Bref :

    Les + : un récit riche en rebondissements ; des personnages travaillés.
    Les - : une chronologie pas forcément très claire.

     

     


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  • « Ses baisers fleurissaient et se fanaient, comme les fleurs rouges de la grande mauve, qui durent à peine quelques heures, et qui renaissent sans cesse, pareilles aux lèvres meurtries et insatiables d'une Messaline géante. »

    La Curée ; Emile Zola

    Publié en 2009 

    Date de parution originale : 1872

    Editions Le Livre de Poche ( collection Les Classiques de Poche) 

    416 pages

    Deuxième tome de la série Les Rougon-Macquart

     

    Résumé :

    A la fin d'une chasse, pendant la curée, les chiens dévorent les entrailles de la bête tuée. Pour le jeune Zola, qui déteste son époque, c'est le cœur de Paris, entaillé par les larges avenues de Napoléon III, que des spéculateurs véreux s'arrachent. Ce deuxième volume des Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire, est l'un des plus violents. Zola ne pardonne pas ces fortunes rapides qui inondent les allées du Bois d'attelages élégants, de toilette de Worms et de bijoux éclatants. Aristide Saccard a réussi. Mais tout s'est dénaturé autour de lui : son épouse, Renée, la femme qui se conduit en homme, si belle et désœuvrée ; son fils, Maxime, l'amant efféminé de sa belle-mère. On accusa Zola d'obscénité. Il répliqua : « Une société n'est forte que lorsqu'elle met la vérité sous la grande lumière du soleil. »

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Après la pose des fondations dans La Fortune des Rougon, premier tome de la série et qui montre la lente ascension, à Plassans, de la famille Rougon au détriment de sa branche bâtarde, les Macquart, nous voici maintenant à Paris, quelques mois, quelques années après ce fameux coup d'Etat de Napoléon III qui se trouvait au centre du récit dans le premier tome. Aristide Rougon, fils de Pierre et Félicité -qui ont profité des troubles dans leur ville provençale pour se tailler une belle part dans la nouvelle administration et, ainsi, s'assurer une belle petite fortune-, est arrivé à Paris avec femme et enfants. Frère d'un ministre de Napoléon III, cela ne l'empêche pas pour autant de...galérer pas mal à son arrivée dans la capitale. Et puis, doucement, la roue va tourner parce qu'Aristide, qui se rebaptise en Saccard, un nom qui sent l'argent, que dis-je, la fortune - « il y a de l’argent dans ce nom là ; on dirait que l’on compte les pièces de cent sous » -, perd sa première femme, Angèle Sicardot, Provençale comme lui et mère de ses deux enfants, Maxime, resté au collège à Plassans et la petite Clotilde, toute jeune encore et qui va être confiée à son oncle, le docteur Pascal -on la retrouvera, adulte, dans Le Docteur Pascal, le dernier tome de la série. C'est alors que sa sœur Sidonie va lui parler des Béraud du Châtel...Le père, veuf depuis de nombreuses années, a deux filles, Renée et Christine. Il se trouve que l'aînée, la jeune Renée a été, aux portes de l'âge adulte, outragée par un homme et laissée enceinte de ses oeuvres. L'homme, marié, ne peut réparer et c'est finalement le rôle de doublure que Sidonie Rougon propose à son frère. Aristide va endosser le rôle de l'agresseur et épouser la jeune Renée : non seulement il la sauve, elle, du déshonneur, mais fait une affaire car les Béraud du Châtel sont fort riches. Commence alors une vie de spéculations et de magouilles financières pour Saccard, qui poursuit son vieux rêve de devenir riche, immensément riche. Et, pendant qu'il court la capitale, ce vieux Paris qui n'en a plus pour longtemps et qu'il va joyeusement dépecer pour s'y tailler, comme ses parents l'ont fait à Plassans, la part du lion, sa jeune épouse, Renée, jeune femme à la tête un peu fragile et qui s'ennuie, va tomber entre les bras du fils de Saccard, Maxime, arrivé de sa province et qui devient bientôt la coqueluche de ces dames, marquises, comtesses ou cocottes qui peuplent le Paris du Second Empire et les entours du couple impérial. Mais surtout, Maxime, avec son tempérament de fille languissante, va devenir l'amant de sa belle-mère, à peine plus vieille que lui, très belle mais qui se conduit exactement comme le ferait un homme.

    La Curée ; Emile Zola

    Une réception aux Tuileries sous le Second Empire


    C'est l'histoire de cet inceste, mais aussi celle des dernières années du vieux Paris que Zola se propose de nous raconter dans ce roman. La Curée est, et restera, parmi les romans de la série, de ceux qui m'ont le moins emballée lors de ma première lecture et qui ne fait pas partie de mes préférés de la série. Mais attention, je ne dirais pas que je ne l'ai pas aimé car ce n'est pas le cas, bien au contraire, et, rien que pour le style, c'est toujours un plaisir que de se plonger dans un roman de Zola. Si je veux être juste, je dois dire que j'ai même pris plus de plaisir à cette seconde lecture mais il est vrai que je préfère ses romans plus populaires -si je puis dire-, comme Le Ventre de Paris, L'Assommoir, Germinal ou bien encore La Terre, des romans forts, percutants, qui m'ont complètement happée lorsque je les ai lus et dont j'ai encore des images bien imprimées dans ma mémoire. Zola excelle en effet dans la description du peuple et je pense que c'est pour cela que je garde encore de très forts souvenirs de ces romans-là. Pour autant, j'ai pris cette fois le temps de redécouvrir La Curée voire de découvrir certains aspects qui auraient pu m'échapper lors de cette première lecture que j'avais effectuée alors que j'étais beaucoup plus jeune. Il est sûr que ce roman est particulièrement complexe et assez difficile à analyser...la notion de déchéance, de fin, y est très présente, ce qui peut parfois déranger, dans le sens où cela donne au récit une lourdeur quelque peu sinistre -mais qui, paradoxalement, fait aussi son charme. Dérangeant aussi, l'inceste qui unit Renée et Maxime même si, à mon sens, Zola décrit là l'une des plus fortes histoires d'amour de notre répertoire littéraire. Histoire amoureuse qui n'a pas peur d'être charnelle, même si l'acte sexuel en lui-même n'est pas vraiment décrit mais que l'on voit transparaître à travers les lignes. Dérangeante, cette histoire, pour nous, lecteurs du XXIème siècle car l'inceste est un acte que nous condamnons fermement -à raison bien sûr-, mais il ne faut pas perdre de vue que ce ne fut pas toujours le cas et, en cela, l'histoire entre la belle-mère et son beau-fils s'inscrit dans une sorte d'intemporalité, d'universalité qui rapproche ces amants du Second Empire des affres des protagonistes de Phèdre ou d'autres tragédies antiques. Les deux personnages principaux, Renée et Maxime, sont finalement très complexes, malgré leur superficialité de façade. Renée s'avère être un personnage particulièrement tourmenté, fragile, presque fou, qui se dissimule sous les froufrous et les crinolines d'une dame de la bonne société tandis que Maxime, sous ses airs efféminés, s'avère être un personnage très fin, qui sait ce qu'il fait et n'agit jamais vraiment au hasard, cherchant toujours son intérêt. Sur la quatrième de couverture de cette édition, il est dit que La Curée est l'un des romans les plus violents de la série...Rien à voir avec la violence physique que l'on peut retrouver dans Germinal ou dans La Terre, un peu plus loin dans la série, mais une violence latente, une violence psychologique, oui, peut-être, en effet. Les personnages se détruisent en s'aimant, se détruisent à force de chercher la fortune et, par là, détruisent aussi leur ville, perçant dans ses anciennes rues des grands boulevards et avenues...Période de destruction que ce Second Empire sous la plume de Zola et qui est bien plus efficace, à mon avis, qu'une diatribe enflammée contre le régime. Zola s'indigne, pas directement mais au contraire avec beaucoup de pudeur, il s'indigne de la déréliction de la société dans laquelle il vit et dont il est un spectateur objectif et plutôt éclairé, il s'indigne de ce que Napoléon III a fait de son pays, de sa capitale, il s'en inquiète aussi, certainement et c'est comme si, dans La Curée, le pressentiment de la chute honteuse de l'Empire, advenue un avant la publication du roman, prenait corps dans cette société pervertie et qui se dévore et se consume lentement. Zola n'en livre un roman que plus fort et percutant qui peut, aujourd'hui, résonner encore à nos oreilles contemporaines et nous amener à nous interroger sur la fragilité de la civilisation et donc, de la société.

     

    La Curée ; Emile Zola

    Percement d'une nouvelle artère entre la Rue de l'Echelle et la Rue Saint-Augustin 

    En Bref :

    Les + : un récit complexe, des descriptions riches, un style inimitable.
    Les - :
    je cherche...et même si La Curée ne fait pas partie de mes favoris, je n'en ai pas trouvé.

     


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  • « Il est des moments où l'émotion des souvenirs domine l'âme la plus forte. »

    Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI ; Anne Bernet

    Publié en 2013

    Editions Tallandier (collection Biographies) 

    480 pages

    Résumé :

    Madame Elisabeth, sœur cadette de Louis XVI, meurt à trente ans sur l'échafaud le 10 mai 1794. Dans ce portrait absolument neuf, elle apparaît plus résolue et déterminée que son frère dans le tumulte de la Révolution - preuve qu'elle était dotée d'un véritable sens politique.

    Très jolie, remarquablement intelligente, mathématicienne de haut niveau, dotée d'un caractère affirmé, Elisabeth, après l'échec de plusieurs projets de mariage, décide de vivre à sa guise parmi un cercle choisi partageant son goût de la retraite et de l'action caritative, sans pour autant, comme on l'affirmera, nourrir une vocation religieuse contrariée. Critique muette des manières de la reine, ce choix l'isole au sein de la Cour, et même de la famille royale.
    Lorsque la Révolution éclate, elle choisit pourtant de rester près de Louis XVI, qu'elle juge trop faible. Elle est aussi sans illusion sur sa propre influence, contrecarrée par la jalousie de Marie-Antoinette. Au cœur d'un réseau de renseignement contre-révolutionnaire, elle essaie d'empêcher la catastrophe. Elle vit alors une histoire d'amour impossible avec un roturier et subit une campagne de presse diffamatoire de la part des autorités révolutionnaires.
    En s'appuyant sur la correspondance de la princesse, celle de ses amis, les mémoires du temps, Anne Bernet débarrasse, pour la première fois, Madame Elisabeth de l'imagerie pieuse qui occulta sa personnalité.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Le 10 mai 1794, sur la place de la Révolution, une princesse de France monte à l'échafaud. Elle vient tout juste d'avoir trente ans, elle est la jeune sœur du roi Louis XVI, guillotiné au même endroit un an et demi auparavant. Sa belle-soeur, Marie-Antoinette, elle, l'a été au mois d'octobre dernier. La France révolutionnaire s'en soucie comme d'une guigne, mais la jeune Elisabeth va rejoindre son Créateur vingt ans tout juste après son grand-père, Louis XV, mort de la petite vérole le 10 mai 1774.
    Madame Elisabeth. Le nom, en France, est peu connu, tout comme celui de sa sœur, Madame Clotilde, devenue princesse de Piémont. Beaucoup ignorent certainement que cette jeune femme qu'on a bien voulu nous présenter comme une bigote prude et enfermée dans un obscurantisme d'un autre âge, était finalement tout à l'opposé de ce portrait brossé à partir de la Révolution et qui fit florès. Madame Elisabeth, comme ses frères et soeurs, a vu le jour à Versailles. Elle est née le 3 mai 1764 et est la fille du Dauphin de France, Louis-Ferdinand et de sa seconde épouse, Marie-Josèphe de Saxe. Y'a-t-il eu un couple plus mal assorti que celui-ci ? Avant d'épouser Marie-Josèphe, le fils de Louis XV et Marie Leszczynska a été uni à une infante d'Espagne, une sienne cousine, Marie-Thérèse, fille de Philippe V et Elisabeth Farnèse. Pour la petite anecdote, elle est la sœur cadette de Marie-Anne-Victoire d'Espagne qui, dans sa jeunesse fut la petite fiancée de...Louis XV ! Mais ceci est une autre histoire. Bref, il se trouve que Louis-Ferdinand va follement s'enticher de son Espagnole, au point d'en tomber très très amoureux. Et, à sa mort, en 1746, des suites d'un accouchement laborieux, elle laisse un jeune veuf de dix-neuf ans , inconsolable. La jeune princesse saxonne, Marie-Josèphe, donnée en mariage au Dauphin peu de temps après, passera d'ailleurs sa nuit de noces à consoler son mari qui pleure son ancienne épouse.
    Cela ne les empêchera pas pour autant d'avoir des enfants et Marie-Josèphe donnera à Louis-Ferdinand les fils que l'héritier de France se doit obligatoirement d'avoir. En 1750 vient au monde une petite princesse, puis deux fils, Louis-Joseph Xavier et Xavier de France, et encore trois fils, les plus connus, Louis, duc de Berry, le futur Louis XVI, Louis-Stanislas, comte de Provence, Charles-Philippe, comte d'Artois. En 1759 naît Clotilde et, en 1764, la petite dernière, Elisabeth, qui n'aura pas l'heur de connaître ses parents ou si peu, le Dauphin mourant en 1765 et son épouse en 1767. Elisabeth sera élevée avec ses frères et sœurs survivants à Versailles et sa sœur Clotilde lui servira de mère de substitution. Elle a dix ans à la mort de son grand-père et à l'avènement de son frère et de sa belle-sœur, Louis XVI et Marie-Antoinette.
    Jeune fille vive et plutôt jolie, Elisabeth sera l'objet de plusieurs projets de mariage qui, finalement, échoueront tous. Au grand dam de ses proches, peut-être, mais pas du sien, Elisabeth s'accommodant rapidement et parfaitement à une existence rangée de vieille fille. Très croyante, mais sans vocation religieuse, elle décide donc de vouer sa vie à faire le bien.
    Quand la Révolution éclate, malgré de nombreuses offres de départ qui lui permettrait de se mettre à l'abri, elle refuse et choisit de rester auprès de Louis XVI et Marie-Antoinette, lâchés de toutes parts. Elle connaîtra tout et rien ne lui sera épargné : Etats Généraux, prise de la Bastille, journées d'octobre 1789, fuite à Varennes, prise des Tuileries, la détention au Temple, la séparation du petit Dauphin Louis Charles d'avec sa mère, les morts successives de son frère et de la reine -elle ignorera jusqu'à la sienne propre, en mai 1794, que la reine avait été guillotinée le 16 octobre dernier. Jamais Elisabeth ne flanchera, malgré son malheur. Soutenue par sa foi sincère, s'oubliant, elle fera en sorte d'adoucir au maximum le quotidien du roi, de la reine et de ses neveux, le Dauphin et sa soeur, Madame Royale. Elisabeth sera condamnée à l'échafaud non parce qu'on avait quelque chose à lui reprocher mais bien pour ce qu'elle représentait et parce que Robespierre, mis en difficulté par ses opposants politiques, préfère sacrifier la « sœur du Tyran » plutôt que de se voir sacrifié lui-même. La princesse montera à la guillotine sans regret, sinon peut-être pour les deux enfants du couple royal qu'elle laisse seuls, certaine de rencontrer son Dieu. Aujourd'hui encore, on ne sait pas où la princesse Elisabeth repose.

    Madame Elisabeth, sœur de Louis XVI ; Anne Bernet

    Portrait de la princesse Elisabeth, par Elisabeth Vigée-Lebrun (années 1780)


    Anne Bernet, historienne et journaliste, nous livre ici une biographie scientifique à laquelle elle associe la chaleur d'une plume qui pourrait être celle d'un romancier. Déconstruisant le mythe qui fait d'Elisabeth, depuis près de 230 ans, une bigote, une grenouille de bénitier à la vocation religieuse contrariée -alors que ce n'était pas le cas, Elisabeth ayant refusé les différentes propositions qui lui furent faite, comme celle de l'abbatiat de Remiremont-, Anne Bernet nous brosse le portrait d'une jeune princesse jolie mais pas frivole, à l'opposé de sa belle-sœur la reine, intelligente, passionnée de sciences et notamment de mathématiques et de médecine. Facette moins connue du personnage voire carrément passée sous silence, l'histoire amoureuse, platonique certes mais qui n'en fut pas moins sincère, qui unit Elisabeth à un roturier, médecin de son état, le docteur Dassy. Jeune femme que sa famille s'obstina à considérer comme une innocente et une enfant du fait de son état -elle n'était pas mariée, n'avait pas d'enfants-, Elisabeth n'en était pas moins très intelligente et fine, peut-être plus lucide, politiquement parlant, que son frère et sa belle-sœur, vite dépassés par les événements qui les submergent à partir de 1789. Elisabeh était un personnage bien plus complexe que celui qu'on nous livre en général et bien éloignée de ce portrait d'une vieille fille engoncée dans son rôle de prude bigote, entourée de missels et de livres d'heures. Pendant la Révolution, elle fut bien un peu insultée par Le Père Duchesne, journal d'Hébert, malade et un peu détraqué sexuel, parce que cela aurait paru suspect qu'un membre de la famille royale échappe aux foudres vulgaires du journal, mais, au fond, on n'avait rien contre elle. On n'avait rien contre elle si ce n'est peut-être sa naissance -mais est-on coupable des parents que le hasard nous donne ?-, donc ce qu'elle représentait, dans un pays qui rejetait en bloc et avec violence son passé monarchique, on n'avait rien contre elle si ce n'est sa fidélité forcenée à sa famille qu'elle choisit de soutenir, de porter envers et contre tout. Elle paiera de sa vie sa naissance princière et sa loyauté envers son frère.
    C'est avec une énorme admiration pour le personnage que l'on achève cette lecture. Elisabeth était un personnage que je connaissais peu auparavant mais c'est en me sentant très proche de cette jeune femme que j'ai refermé cette biographie. Une énorme sympathie nous prend rapidement à la lecture de ce destin exemplaire. On peut ne pas être d'accord avec les principes monarchiques bien éloignés de ceux, républicains -quoique-, qui régissent aujourd'hui notre société et dans lesquels nous sommes nés, il n'empêche qu'il est difficile de porter un jugement négatif sur Madame Elisabeth car, au-delà de la princesse qu'elle était par naissance et non pas par choix, il y'avait aussi une femme, une femme à la personnalité estimable qu'elle avait su patiemment se forger, au mépris des jalousies et petites bassesses courtisanes. Elisabeth était au-delà de ça, au-delà de la compétition qui déchirait ses proches, au-delà de la bêtise de ses bourreaux révolutionnaires. Elle était au-delà de ça et au-dessus de ça parce que suffisamment intelligente pour comprendre l'inanité du monde dans lequel elle vivait et que son salut, le vrai, se trouvait ailleurs. Et même si l'on est pas croyant, la constance religieuse de la princesse, sa fidélité à des principes qui lui furent enseignés dans sa plus tendre enfance alors qu'autour d'elle, on reniait tout, ne peut pas laisser indifférent. Bref, c'est un destin tout à fait exceptionnel et intéressant, historiquement parlant, qu'Anne Bernet nous livre aussi. Destin émouvant aussi, qui nous fait refermer le livre avec l'émotion tout au bord des paupières.

    En Bref :

    Les + : une belle biographie, bien écrite, touchante mais rigoureuse dans sa démarche.
    Les - :
    des coquilles, dommage. 

     


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  • INTERMÈDE LXIX

     

    INTERMÈDE LXIX

     Buste présumé de Cléopâtre 

     

    I. Une jeunesse floue et un début de règne agité

    INTERMÈDE LXIX

    Cléopâtre testant des poisons sur des condamnés à mort par Alexandre Cabanel (1887)

    Cléopâtre VII Thé Philopator, plus connue sous le seul nom de Cléopâtre, serait née vers 69 avant Jésus-Christ à Alexandrie, dans l'hiver.. Reine de la dynastie ptolémaïque, elle est pourtant d'origine grecque et issue de la famille des Lagides. Son père est Ptolémée XII Aulète. Sa mère reste inconnue, elle pourrait peut-être être une concubine égyptienne du roi, mais nous n'avons aucune information sur elle. Elle a pour frères et sœurs Bérénice IV, Arsinoé IV, Ptolémée XIII Dionysos et Ptolémée XIV Philopator II. Selon la tradition égyptienne qui voulait que le pharaon épouse l'une de ses soeurs, Cléopâtre devint l'épouse de son frère Ptolémée XIII. Selon Strabon, Ptolémée XII n'aurait eu qu'une fille légitime, la reine Bérénice IV qui régna de -58 à -55, ce qui ferait donc de Cléopâtre une bâtarde mais l'information ne fut jamais ni confirmée ni infirmée. Par la suite, lorsqu'elle fut au pouvoir, toutes les attaques qui lui furent adressées ne mentionnèrent jamais une quelconque bâtardise...
    Et puis, de toute façon, être une fille illégitime n'était nullement un handicap pour elle, puisque son propre père, Ptolémée XII était lui-même un bâtard de Ptolémée IX. Cléopâtre choisit par la suite de faire planer le doute sur son ascendance maternelle, brouillant les pistes et évoquant une possible filiation égyptienne...C'est l'un des facteurs qui permit à des historiens -outre le fait qu'elle parle parfaitement égyptien- d'expliquer son titre curieux de Philopator, qui signifie « qui aime sa patrie », étrange dans une dynastie qui privilégie les liens dynastiques : (« qui aime son père… sa mère… sa sœur… », etc.). Mais il est possible que ce titre ne concerne en fait que l'origine macédonienne de Cléopâtre et donc, des Lagides ou bien encore, qu'il ne concerne que la ville d'Alexandrie, où Cléopâtre serait née. Cela ferait donc de Cléopâtre une simple « créole » macédonienne et non une Egyptienne : en effet, la ville d'Alexandrie, qui, comme son nom l'indique, a été créée par le roi Alexandre le Grand, était alors considérée comme extérieure à l'Egypte et indépendante vis-à-vis d'elle. Alexandrie ne sera d'ailleurs rattachée à l'Egypte que du fait de ses souverains.
    De l'enfance puis de la jeunesse de Cléopâtre nous ne savons rien, ou presque rien. On ne peut en fait que donner des hypothèses car la prime jeunesse de la future reine reste bien sombre. Tout ce que l'on sait, c'est que Cléopâtre, dans sa jeunesse, dut certainement très faire face au règne agité et chaotique de son père, Ptolémée XII, un moment où le désamour entre la dynastie Lagide d'origine grecque et le peuple égyptien est flagrant. Les causes en sont nombreuses : tout d'abord la débilité (au sens propre et figuré du terme) des souverains, ensuite, la corruption et la cupidité des administrateurs qui gangrènent l'Etat, la perte de plusieurs provinces (Chypre, la Cyrénaïque...) et bien d'autres choses, qui font du règne du père de Cléopâtre l'un des plus calamiteux de la dynastie.
    En -58, Bérénice IV, demi-soeur de Cléopâtre, renverse leur père et s'empare du pouvoir. Elle reste sur le trône jusqu'en -55, date à laquelle Rome intervient militairement pour replacer le souverain déchu sur le trône d'Egypte. Ce dernier va alors se lancer dans une série de massacres, de proscriptions et d'assassinats à laquelle n'échappe pas la reine séditieuse Bérénice IV mais cela ne le conforte pas du tout dans le pouvoir précaire qu'il tient encore entre ses mains grâce aux Romains qui le soutiennent. Il semble que Cléopâtre ait assisté à tous ces évènements avec beaucoup d'attention et elle retiendra la leçon. Une fois elle-même montée sur le trône, elle saura utiliser tous les moyens qui se présentent à elle pour éliminer ses ennemis de son chemin ou ceux qui la gênent, comme so frère Ptolémée XIV, en -44, qui était aussi son époux.
    De la personnalité de Cléopâtre, on ne pourtant peu de choses, le romantisme ayant participé à déformer la vision du personnage. Mais il est certain que c'est une femme courageuse et intelligente, qui sut se réléver assez puissante pour inquiéter Rome...Doté d'un esprit brillant, cultivée, Cléopâtre n'est pas, et loin s'en faut, une beauté. L'image que nous avons d'elle est pourtant tout autre. Son nez a traversé les siècles et a fini par devenir aussi célèbre que sa propriétaire mais on attribue aussi à Cléopâtre une véritable beauté que, vraisemblablement, elle n'avait pas. En effet, le peu de pièces de monnaie que nous avons en notre possession montrent une femme aux traits lourds et au nez très proéminent. Mais elle avait du charme et une certaine séduction, dont elle savait user habilement.
    Il semble que Cléopâtre n'ait pas eu à souffrir de l'enseignement plus qu'insuffisant dont on gratifiait les filles, à son époque, dans le monde hellénistique et cela, même au sein des familles royales. Il semble en effet que la petite princesse ait reçu l'enseignement de pédagogues cultivés et compétents. L'historien latin Plutarque insiste d'ailleurs sur les qualités intellectuelles indéniables de la reine. Véritable polyglotte, elle parle, outre l'égyptien et le grec, l'araméen, l'éthiopien, le mède, l'arabe, l'hébreu et la langue des Troglodytes, peuple vivant au sud de la Libye.
    En mars -51, le roi débile Ptolémée XII Aulète, père de Cléopâtre la désigne sur son testament comme successeur, avec un frère cadet de la jeune fille, le jeune Ptolémée XIII âgée d'une dizaine d'années environ. Selon la coutume ptolémaîque, Cléopâtre est nominalement mariée à son jeune frère car elle ne peut régner seule sur l'Egypte. Toutes les titulatures des débuts du règne relèguent la future reine à la seconde place, accordant donc la plus grande importante à Ptolémée XIII. Leurs trois premières années de règne sont difficiles à cause des problèmes économiques qui secouent l'Egypte. Entre -50 et -48, les souverains doivent faire face à des disettes dues notamment à des crues insuffisantes du Nil mais aussi à des intrigues curiales, notamment entre l'eunuque Pothin et le général Achillas qui cherchent à diviser le frère et la soeur.
    A l'autome -49, le torchon brûle entre Cléopâtre et son jeune frère, leurs relations se dégradent brutalement. On ne connaît pas les causes de cette brusque rupture entre Cléopâtre et Ptolémée. Mais, à partir de cette date, le nom de la reine apparaît dans les textes officiels avant même celui de Ptolémée XIII. Ces tensions aboutissent à un véritable affrontement à l'été -48, lorsque le frère et la soeur se font face à Péluse. Cléopâtre est en difficulté et choisit de fuir : elle passe en Syrie puis à Ascalon, où elle trouve de l'aide. C'est alors que Rome intervient dans les démêlés égyptiens : Pompée, vaincu par Jules César à Pharsale en juin -48, tente de trouver refuge en Egypte. Appien, auteur latin, affirme que Cléopâtre et Ptolémée XIII avaient aidé Pompée en lui envoyant une flotte d'une soixantaine de bateaux. Mais le jeune roi juge, avec ses conseillers, la cause de Pompée comme perdue et décident de le faire assassiner à son arrivée en Egypte, pour se faire bien voir du vainqueur, c'est-à-dire, Jules César. Pompée pose le pied le 30 juillet -48 sur le sol égyptien et est aussitôt assassiné par les sbires de Ptolémée, sous les yeux de son entourage. Seulement, ce que le roi d'Egypte n'avait pas pensé, c'est que cet assassinat met César, arrivé deux jours plus tard en Egypte, en rage. En effet, César considère cet assassinat comme un lâche forfait. Il se fait remettre la tête de Pompée -il a été décapité- qu'il enterre dans le bosquet de Némésis, en bordeur du murs Est de l'enceinte d'Alexandrie et n'éprouve pour Ptolémée XIII que mépris.

    II. La rencontre avec César

    INTERMÈDE LXIX

     César et Cléopâtre par Jean Léon Gérome (1866)

    Pourquoi César débarque-t-il en Egypte ? Il semblerait que l'homme fort de Rome ait des raisons politiques -annexion de l'Egypte, par exemple- mais aussi des raisons plus personnelles : il cherche en effet à obtenir le remboursement des dettes contractées par Ptolémée XIII auprès d'un banquier romain et qu'il a reprises à son compte. Il se rend bien compte de la désunion qui déchire le couple royal égyptien et s'emploie alors à les réconcilier dès la fin de l'année -48. Les deux souverains sont convoqués par lui au palais royal d'Alexandrie. Ils finissent, après bien des tergiversations, à s'y rendre et c'est à ce moment-là qu'aurait eu la fameuse légende du tapis de Cléopâtre : la jeune reine de 20 ans se serait en effet enrouler dans un tapis que des domestiques auraient ensuite déroulé aux pieds de César. La jeune femme serait ainsi apparue sous les yeux du Romain, séduit sinon par sa beauté, par son redoutable charme.
    César propose le « statu quo ante », c'est-à-dire, à un retour à ce que préconisait le testament de Ptolémée XII, père de Cléopâtre et Ptolémée XIII. La jeune femme accepte mais son frère refuse, guère impressionné qu'il est par les faibles effectifs de César -7000 hommes environ. D'ailleurs, César se trouve d'ailleurs même prisonnier dans les murs d'Alexandrie à la fin de l'année -48. C'est finalement la noyade de Ptolémée XIII dans le Nil, le 15 janvier -47 qui met fin aux hostilités.
    A ce moment-là, César a renoncé à ses projets d'annexion. Il faut dire que, séduit par la jeune reine, il a commencé une romance avec elle, qui est en plus devenue son alliée. Mais on ne peut pas dire avec certitude que c'est cette liaison qui a poussé César à revoir ses ambitions et à préférer une alliance plutôt qu'une annexion. Il est vrai aussi que l'Egypte représenterait pour un homme politique ambitieux un véritable tremplin : un gouverneur d'Egypte ambitieux pourrait tenir Rome à sa botte en la privant par exemple du blé égyptien qui approvisionnait la cité...En effet, à ce moment-là, la position de César n'est pas si assurée que l'on veut bien le croire.
    Avant de quitter l'Egypte, César ordonne à Cléopâtre d'épouser un autre de ses frères cadets, le jeune Ptolmée XIV. Mais désormais, elle est la seule à détenir le pouvoir, sous un protectorat romain. Désormais, le nom de la reine est en placé en tête des actes officiels. En Egypte, sa liaison avec le Romain ne fait mystère pour personne. Mais César doit bientôt quitter l'Egypte pour aller se battre contre Pharnace, le roi du Pont mais aussi contre les derniers partisans de Pompée en Afrique. Lorsqu'il revient à Rome en -46, il convoque les souverains Lagides. Les raisons de cette convocation sont imprécises : César veut-il revoir sa maîtresse égyptienne ? Veut-il impressionner les souverains d'Egypte en les faisant assister aux éclatants triomphes qui célèbrent sa gloire à Rome durant l'été -46 ? Ou bien souhaite-t-il leur montrer ce qu'il en coûte de se révolter contre lui en exposant dans ses triomphes Arsinoé, soeur de Cléopâtre, qui s'était fait reconnaître comme reine par les troupes du roi Ptolémée XIII ? Ou bien veut-il garder en otage à Rome les souverains d'un pays dont les ressources en blés sont essentielles pour Rome ? Il est difficile de trancher pour telle ou telle question et apporter une réponse claire. Toujours est-il que les souverains d'Egypte quittent leur pays pour Rome. Pendant ce temps, le royaume est gouvernée par les officiers des troupes restées à Alexandrie. A Rome, Cléopâtre, qui retrouve son amant, est logé par lui dans sa villa qui surplombe le Tibre.
    Cléopâtre passe deux ans à Rome. D'abord, elle est logée dans la villa du Trastevere par César. Elle retourne ensuite en Egypte mais son séjour y est bref et elle revient à Rome. Elle est, à ce moment-là, probablement logée dans les anciens jardins appartenant à Claudia, la femme de Catulle, qui est aussi son amie. Le seul geste officiel de César en faveur de la reine d'Egypte est de faire placer une statue dorée à son effigie dans le temple de Vénus Genetrix à Rome, ancêtre mythique de la dynastie des Julio-Claudiens, dont il est issu. Par contre, on sait qu'elle rencontre quelques hommes politiques...parmi eux, Cicéron, qui écrira d'ailleurs, péremptoire, à Atticus : « Je déteste la reine. »
    Le peuple romain la considère également d'un mauvais oeil. A ses yeux, Cléopâtre n'est finalement rien d'autre que la prostituée de César. Même si elle est reine et déesse en sa demeure, elle n'incarne qu'une conquête romaine, une esclave, qui ne peut offrir de descendance à César. Pline la surnomme d'ailleurs la « regina meretrix », la « reine putain », ce qui est très clair. Sur de nombreuses lampes à huiles, on représente des caricatures de Cléopâtre : ainsi, elle est représentée en train de s'accoupler avec un crocodile et tenant une palme de victoire ! 

     

    III. La reine d'Egypte

    INTERMÈDE LXIX

    Antoine et Cléopâtre par Lawrence Alma-Tadema (1885)

    Cléopâtre tombe enceinte de César et donne naissance à un fils, Césarion, dont la date de naissance reste inconnue et sujette à caution. Il semble vraisemblablement qu'il soit né après la mort de César en -44. En effet, dans le testament de César, aucune allusion n'est faite au fils de Cléopâtre et il désigne son petit-neveu Octave comme son héritier.
    Aux ides de mars -44, César est assassiné lors d'une séance du Sénat. Profitant de la confusion qui secoue Rome après l'assassinat de César, Cléopâtre quitte Rome à la mi-avril. Elle fait une escale en Grèce puis fait voile vers Alexandrie où elle arrive en juillet -44. Elle entreprend de rétablir l'autorité de l'Egypte sur l'île de Chypre, qui avait été cédée à Rome en -59 par son père Ptolémée XII.
    A peine revenue en Egypte, elle y fait assassiner son jeune frère et second époux Ptolmée XIV, qui était un monarque fantoche donc inutile mais aussi, un rival potentiel. La naissance de son fils lui assurant un successeur éventuel, elle prend seul le titre de reine et ne se remarie pas.
    Mais la reine est confrontée à des années difficiles. Dès -43, elle doit faire face à une famine qui s'abat sur son pays puis à une absence de crues du Nil pendant deux années consécutives, en -42 et -41. Cléopâtre s'emploie surtout au ravitaillement de sa capitale, pourtant prompte à se rebeller contre le pouvoir. Elle doit en plus composer avec les trois légions romaines installées là par César avant son départ d'Egypte et qui se livrent à des exactions, jusqu'à leur départ définitif en -43.
    De plus, la guerre que se livrent les assassins de César et ses héritiers oblige la reine à louvoyer, diplomatiquement parlant. En effet, les assassins de César, Brutus et Cassius tiennent respectivement l'Asie Mineure et la Syrie. Le gouverneur de l'Egypte à Chypre, qui administre donc l'île au nom de la reine, aide Cassius, sans doute avec l'assentiment de la reine d'Egypte ce qui peut paraître étrange puisqu'elle a tout de même été l'amante de César. Il semble que la reine soit passée au dessus des sentiments que lui inspirent les assassins de César mais Sérapion, le gouverneur de Chypre, sera désavoué par la suite.
    Dans le même temps, Cléopâtre envoie une flotte aux partisans de César, menés par ses héritiers, Octave -futur empereur Auguste- et Marc Antoine. Ils reconnaissent Césarion comme roi. La flotte est victime d'une tempête au large des côtés de la Libye mais permet à la reine de se placer dans le camp des vainqueurs, quand, en -42, les Républicains sont battus lors de la bataille de Philippes. En -43, elle envoie les légions romaines qui stationnent en Egypte contre Cassisus. Elle espère en effet qu'elle vont s'opposer à lui mais en fait, elles finissent par se rallier à sa cause ! Cassius envisage, semble-t-il, de s'emparer de la ville d'Alexandrie, quand le débarquement d'Antoine et d'Octave en Egypte le fait reculer dans ses projets.
    En -41, Cléopâtre est âgée de 29 ans, Marc Antoine d'une quarantaine d'années. Le général romain avait participé, en -55, au rétablissement de Ptolémée XII sur le trône d'Egypte mais on ne peut dire avec certitude que la future reine et le général s'étaient fréquentés à ce moment-là. Appien indique que Marc Antoine avait déjà remarqué la jeune femme, mais nous n'en avons pas la preuve. On ne peut donc pas savoir si la rencontre de -41 est la première ou bien si les deux protagonistes s'étaient déjà vus dans le passé. Cléopâtre et Marc Antoine auraient pu également se connaître lors du séjour de la jeune femme à Rome. Quoi qu'il en soit, lorsque le général pose le pied sur le sol égyptien, il semble mal connaître la reine et c'est réciproque. Après le partage du monde romain qui a lieu après la bataille de Philippes, Marc Antoine reçoit l'Orient. Il reprend alors le grand projet que César nourrissait avant sa mort : une formidable expédition contre les Parthes, ennemis héréditaires de Rome. Pour cela, il convoque tous les souverains des royaumes clients de Rome en Cilicie, à Tarse, précisément. Parmi eux, la reine d'Egypte est conviée. Comme Cléopâtre connaît la vanité et le goût du faste de Marc Antoine, elle débarque avec un navire à la poupe dorée et aux voiles de pourpre. Elle-même siège sous un dais d'or et est entourée d'un équipage déguisé en Nymphes, en Néréides et en Amours. Puis, elle invite Marc Antoine à bord de sa galère magnifique pour un banquet qui se veut lui aussi tout aussi somptueux. C'est alors que commence entre eux une liaison qui va durer dix ans, sans doute l'une des plus célèbres retenues par l'Histoire, même s'il est difficile de savoir si, chez Marc Antoine, le calcul n'a pas le pas sur l'amour -en effet, il a besoin de l'Egypte pour soutenir et nourrir ses projets.
    Marc Antoine suit Cléopâtre à Alexandrie où il passe l'hiver -41 / -40, laissant son armée. C'est le moment que choisissent les Parthes pour lancer une vaste offensive qui leur permet de s'emparer de la Syrie mais aussi du sud de l'Asie Mineure et de la Cilicie. Antigone Matthathias, prince de la famille des Hasmonéens, hostile aux Romains, est reconnu comme roi de Jérusalem et installé sur le trône. Marc Antoine quitte alors son havre de paix d'Alexandrie pour tenter de sauver l'honneur. Il lance une courte offensive depuis Tyr mais obligé de rentrer rapidement à Rome, dans le courant de l'été -40. Là, s'affrontent ses partisans et ceux d'Octave. Pour tenter de calmer le jeu avec ce dernier, il conclut avec lui la paix de Brindes en octobre -40 et épouse sa soeur Octavie pour sceller leur pacte. Pendant ce temps, à Alexandrie, la reine d'Egypte accouche de jumeaux, enfants de Marc Antoine : le garçon est prénommé Alexandre Hélios, la fille Cléopâtre Séléné.
    La séparation d'Antoine avec sa maîtresse dure trois ans, du printemps -40 à l'automne -37 précisément. On ne connaît rien des actions de la reine pendant cette période. Lorsqu'Antoine quitte Rome, les deux amants se retrouvent à Antioche à l'autome -37. Comme il dirige l'Orient, Antoine lance une politique nouvelle d'envergure : ses alliés ont chassé les Parthes et, là où il le peut, il substitue à l'administration directe de Rome des Etats clients. C'est ainsi qu'Hérode devint roi de Judée, avec l'appui direct de Marc Antoine. Un même phénomène se produit simultanément en Galatie, dans le Pont et en Cappadoce. Cléopâtre tire bénéfice de cette nouvelle politique puisqu'elle se voit confirmer dans sa possession de Chyre -effective en fait depuis -44-, mai dans certaines villes de la côte syrienne, de le royaume de Chalcis -Liban actuel- et de la côté cilicienne. Cléopâtre reconstitue ainsi patiemment une partie de la thalassocratie des premiers rois de la dynastie Lagide.
    En -37 / -38, Marc Antoine, qui est décidément d'humeur belliqueuse, décide de s'attaquer une nouvelle fois aux Parthes, mais cette campagne tourne au désastre, notamment à cause de l'hiver rigoureux qui dévit dans les montagnes de l'Arménie et de l'Iran actuels. Antoine lui-même en réchappe de peu. Cléopâtre ne l'a pas accompagné dans sa campagne : elle est restée à Alexandrie car elle est enceinte une nouvelle fois et elle donne naissance à Ptolémée Philadelphe, son quatrième enfant et le troisième né de son union avec Marc Antoine.
    Après -37, à Rome, on commence à voir à Rome l'alliance d'Antoine et de la reine d'Egypte d'un mauvais oeil. En effet, elle est considérée comme une véritable menace contre l'Empire et contre Octave lui-même. Ce dernier décide d'envoyer sa sœur Octavie, propre épouse d'Antoine et mère de ses deux filles, Antonia Major et Antonia Minor, au début du printemps -35, rejoindre son légitime époux. Mais Antoine, qui n'est pas prêt à quitter sa maîtresse, ordonne à sa femme de faire demi-tour alors qu'elle est à Athènes. Octavie, sans montrer aucun signe de contrariété, ordonne aux troupes qui l'accompagnent, des renforts destinés à son époux par son frère, de poursuivre leur route vers Alexandrie.
    Antoine, toujours en Egypte, n'en finit plus de ruminer son échec militaire humiliant contre les Parthes et il décide de lancer une nouvelle expédition militaire en -35, qui va s'avérer bien plus chanceuse que la précédente. Ainsi, l'Arménie et la Médie lui font allégeance et Antoine célèbre un triomphe, non à Rome mais à Alexandrie. A ce triomphe, il associe la reine d'Egypte et ses trois enfants, nés de leur liaison. Un peu plus tard, Césarion, le fils de Cléopâtre et de César est proclamé roi des rois tandis que le jeune Alexandre Hélios reçoit en partage l'Arménie et les terres se trouvent au-delà du fleuve Euphrate. Ptolémée Philadelphe, pour sa part, se voit confier, nominativement bien évidemment, car il n'a alors que deux ans environ, la Syrie et l'Asie Mineure. La petite fille, Cléopâtre Séléné, n'est pas oubliée et se retrouve ainsi à la tête de la Cyrénaïque. Cléopâtre, elle, réclame la Judée, mais Marc Antoine ne cède pas. La Judée ne tombera pas dans l'escarcelle de l'Egypte. Très fine, la reine d'Egypte ne manque pas de remarquer, également, que la moitié des états confiés à ses enfants par Marc Antoine ne sont pas effectivement sous son contrôle.

    IV. Le désastre d'Actium et la fin légendaire

    INTERMÈDE LXIX

    La Mort de Cléopâtre par Reginald Arthur (1882)

    En -32, les relations entre Marc Antoine et Octave s'enveniment de nouveau. L'affrontement devient inévitable. Octave craint Marc Antoine et sa popularité, grandissante au Sénat depuis son triomphe de -35. La désignation, par la suite, de Ptolémée XV Césarion, fils de la reine d'Egypte et de son grand-oncle César, lui front entrevoir une menace plus grande encore que tout ce qu'il avait pu imaginer. En effet, Césarion est le fils de César, Octave n'en est que le petit-neveu et il pourrait venir à l'idée du jeune homme de réclamer un jour l'héritage paternel.
    Octave s'emploie alors à dénigrer Marc Antoine par tous les moyens et dénonce aussitôt l'influence de Cléopâtre, l’Égyptienne, sur lui. Il accuse la reine d'Egypte de retenir le général grâce à ses charmes et juge les absences de Marc Antoine comme désastreuses pour Rome. La plupart des accusations portées contre Cléopâtre par Octave sont fausses mais elles auront la vie dure puisqu'elles participeront à tisser, dans l'oeuvre latine -Sénèque, Pline l'Ancien...-, la légende noire qui accompagne son personnage depuis des siècles. Ainsi, Cléopâtre est rendue responsable de la guerre et la propagande du futur Auguste n'hésite pas à affirmer que le but ultime de la reine d'Egypte est de régner sur Rome !
    La guerre qui va opposer Octave et Marc Antoine voit l'Egypte fournir une part importante de l'effort de guerre : près de 200 trières sont ainsi fournies par la reine d'Egypte. Les royaumes alliés, à l'exception de la Judée, grâce aux manœuvres de l'habile Hérode, qui parie sur Octave, sont aussi mis à contribution. Marc Antoine possède des troupes aguerries et supérieures en nombre. Pourtant, il va être défait lors de la bataille qui se prépare...Tandis qu'Octave peine à réunir une armée digne de ce nom, en Egypte, les officiers d'Antoine voient d'un mauvais œil l'implication clairement affichée de Cléopâtre dans la guerre, en particulier par les anciens républicains, assassins de César, qui se sont ensuite alliés à lui. Par exemple, Domitius Ahenobarbus refuse de saluer Cléopâtre de son titre de reine et finit par faire défection.
    Pendant la préparation de la guerre, Cléopâtre ne quitte pas Antoine d'une semelle. Ainsi, elle est avec lui à Ephèse, à Athènes puis à Patras. Plus lucide que les officiers de son amant, elle comprend très bien que les accusations portées contre elle par Octave n'ont pour but que de miner la popularité d'Antoine au Sénat, à Rome.
    La bataille navale d'Actium a lieu en septembre -31. Cléopâtre, qui comprend très vite l'issue de la bataille, rompt le combat et rebrousse chemin avec sa flotte, vers l'Egypte. Cette fuite est bien évidemment utilisée par Octave et permet à ce dernier de se rallier de nombreux fidèles d'Antoine.
    Les derniers mois de Cléopâtre et Antoine sont mal connus. Antoine est retourné en Egypte après Actium et ne prend aucune mesure ou presque, pour lutter contre l'avancée triomphale et de plus en plus menacante d'Octave. Il se perd en banquets, beuveries et fêtes somptueuses sans plus se soucier de la situation de plus en plus désastreuse. Et qu'en est-il de la reine d'Egypte ? Certains affirment qu'elle cherche maintenant à séduire Octave, qui est l'homme fort du moment mais aucune preuve n'a été apportée à cela. Il semble surtout qu'elle ait cherché à mettre son fils aîné, Césarion, à l'abri, en l'envoyant à Méroé, au Soudan.
    Vers août -30, onze mois après la bataille, Octave arrive à Alexandrie. Marc Antoine, à qui l'on rapporte la fausse annonce du suicide de Cléopâtre décide de mettre lui aussi fin à ses jours en se jetant sur son épée. Il est transporté agonisant dans le tombeau que Cléopâtre était en train de faire construire pour elle et dans lequel elle s'est retranchée avec quelques femmes. La reine est conduite devant Octave, qui accepte de la laisser se retirer avec ses servantes. Cette attitude est étrange, car Octave ne semble prendre aucune précaution pour éviter un éventuel suicide de la reine. Et pourtant, il a besoin d'elle, pour la faire figurer dans son triomphe. Mais peut-être craint-il que la reine déchue, à l'instar de la reine Arsinoé dans le triomphe de César, ne suscite chez les Romains de la compassion plutôt que de la haine ? Il n'est pas impossible qu'Octave ait espéré le suicide de la reine qu'il aurait pu ensuite montrer comme l'ultime lâcheté de cette femme perverse et charmeuse. Suétone, lui, affirme au contraire qu'Octave souhaitait maintenir Cléopâtre en vie et qu'il aurait même tenté de la sauver. Mais il est difficile de connaître la vérité, les sources se contredisant toutes.
    En ce qui concerne la mort de Cléopâtre, le légendaire suicide à l'aide d'un aspic est aujourd'hui regardé comme une fausse information. C'est Plutarque qui dresse un récit mélodramatique du suicide de la reine. Pour cela, il s'inspire du récit des événements publié par Olympios, le médecin personnel de Cléopâtre.
    Avec ses deux plus fidèles servantes, qui ne l'ont pas abandonnée, Iras et Charmiane, la reine Cléopâtre se donne la mort le 12 août -30, en se faisant apporter un panier de figues dans lequel se trouvent deux aspics venimeux. Pour E. Will, cette mort voulue par la reine d'Egypte lui permettait de se rattacher un peu plus aux traditions égyptiennes qui voulaient que la morsure de l’uræus confère l'immortalité.
    Certains historiens ont soulevé l'invraisemblance de cette mort. En effet, Cléopâtre se donne la mort avec deux de ses femmes, or, les serpents se déchargent de tout leur venin lors de la première morsure. Ainsi, deux aspics n'auraient pu tuer trois personnes. Mais l est vrai que certains serpents, comme les cobras peuvent contrôler leur venin et ainsi, tuer à plusieurs reprises...Ces historiens pensent en fait que c'est Octave qui a fait exécuter la reine mais il négligent le fait que Cléopâtre était alors âgée de 39 ans, un âge important pour l'époque et qu'elle avait quatre enfants. Ainsi, elle ne représente plus vraiment une menace pour Octave. Et d'ailleurs, s'il fait assassiner Césarion, les trois enfants nés d'Antoine et de Cléopâtre ont la vie sauve et ne sont pas exécutés alors qu'ils auraient pu représenter une menace bien plus importante que leur mère affaiblie par la mort de son amant et la défaite d'Actium. Cléopâtre Séléné et ses frères Alexandre Hélios et Ptolémée Philadelphe sont aménés à Rome où Octavie, l'épouse d'Antoine, va les élever. Par la suite, la petite Cléopâtre Séléné devenue grande épousera le roi berbère Juba II de Maurétanie, orphelin de guerre élevé à Rome comme elle. On ne sait ce que devinrent les deux garçons.
    Pour en revenir à la mort de Cléopâtre, certains historiens avancent la théorie du poison, déjà invoquée par Strabon. Le poison le plus connu à l'époque était un mélange d'opium, de ciguë et d'aconitum, que la reine aurait placé dans une épingle à cheveux qui maintenant son diadème orné d'un double uræus, d'où la quiétude sur le visage de la reine défunte et la confusion, par la suite, avec les cobras ou les aspics.

    Cléopâtre, bien qu'affublée dès avant sa mort d'une légende noire tenace, a été une bonne administratrice et s'est rendue compte que l'Egypte ne pouvait plus se suffire à elle-même, malgré son passé glorieux. Elle a tenté de sortir son pays de la décadence tout en maintenant son indépendance et en affermissant son propre pouvoir. A aucun moment, Cléopâtre ne perd de vue qu'elle est la représentante suprême de l'Egypte et de son peuple. Elle tente ainsi de rallier les gens de la chôra -la province, par opposition aux gens d'Alexandrie- et protège les populations juives installées en Egypte. Finalement, le règne de Cléopâtre est une période plutôt heureuse pour l'Egypte. Elle assume aussi des rituels pharaoniques que ses prédécesseurs ont négligés et elle adopte le rituel traditionnel pour la naissance de Ptolémée-Césarion-Horus, fils de César-Amon et de Cléopâtre-Isis. Le trône pour elle est moins un patrimoine que l'on dilapide qu'une patrie que l'on dirige, ce simple fait la distingue des derniers souverains de la dynastie.

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.


    Pour en savoir plus :

    - Cléopâtre, la déesse-reine, Christian-Georges Schwentzel. Biographie.
    - Cléopâtre, Joël Schmidt. Biographie.
    - Antoine et Cléopâtre, la fin d'un rêve, P-M Martin. Essai historique, biographie.

     


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  • «  Toute cause trop âprement défendue est injuste et tueuse. »

    Le Rêve Botticelli ; Sophie Chauveau

    Publié en 2007

    Editions Folio

    496 pages

    Deuxième tome de la saga Le Siècle de Florence

     

    Résumé : 

    Florence, XVe siècle. Sous le règne de Laurent le Magnifique, jamais le sang, la beauté, la mort et la passion ne se sont autant mêlés dans la capitale toscane. Le plus doué des élèves de Fra Filippo Lippi, un certain Sandro Filipepi, surnommé depuis l'enfance « botticello » -le petit tonneau- va mener à son apogée la peinture de la Renaissance. Maître d'oeuvre de la chapelle Sixtine, créateur bouleversant d'un Printemps inouï, il ressent intimement et annonce les soubresauts de son époque. Pendant que Savonarole enflamme la ville par ses prophéties apocalyptiques, il continue à peindre avec fougue. Il entretient alors avec Léonard de Vinci une relation faite de rivalité farouche et d'amitié profonde. Adulé puis oublié de tous, aussi secret que Florence est flamboyante, Botticelli habite un rêve connu de lui seul.
    Sophie Chauveau lève le voile sur la personnalité intime, les amours et la mélancolie fascinante du plus mystérieux des génies de l'histoire de l'art. Après La Passion Lippi, elle poursuit son voyage unique dans le siècle de Florence.

     Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    La couverture du roman est illustrée par le détail d'un tableau de Filipino Lippi et non pas de Botticelli...choix judicieux car sa vie fut intimement mêlée à celle de la famille de son maître, Fra Filippo Lippi, dont le destin plus que flamboyant a déjà été traité par Sophie Chauveau dans le premier tome du Siècle de Florence, La Passion Lippi. Alessandro Filipepi, plus connu sous le sobriquet de Botticelli, né dans une famille où il a été peu aimé, fut l'élève de Filippo Lippi. Et l'épouse de ce dernier, la belle Lucrezia Buti devint en quelque sorte une mère de substitution pour lui. Il fut l'ami de Pipo, leur fils et même un peu plus que cela...Et leur fille, Sandra, est la filleule de Sandro. Et sera, comme son frère, un peu plus que cela aussi pour le peintre puisqu'ils auront ensemble un enfant, Giacomo. Dans ce roman se croisent tous les grands noms de cette fin de siècle : Botticelli, Filipino Lippi, le fils du mentor et peintre lui-même, la belle Sandra donc, Simonetta Vespucci, Léonard de Vinci, les Médicis, Marsile Ficin, Pic de la Mirandole et surtout, Savonarole, de si sombre mémoire à Florence. Et alors, sous nos yeux, c'est cette sublime peinture des débuts de la Renaissance qui revit sous nos yeux et que la plume de Sophie Chauveau parvient à ressuciter avec brio. Et passion.

    Le Rêve Botticelli ; Sophie Chauveau

    La Naissance de Vénus, la plus connue des oeuvres de Botticelli (XVème siècle)

    Je crois que j'aime l'art autant que l'Histoire. Je suis amoureuse de la peinture et, quand ces deux passions se rejoignent dans un livre, il est donc difficile que je passe à côté. J'avais reçu La Passion Lippi à l'occasion d'un swap, je l'ai lu dans la foulée, très curieuse de le découvrir et j'ai été très très surprise. Très agréablement surprise. Alors il était évident que j'allais lire la suite. J'ai un peu traîné, parce que ma lecture de La Passion Lippi remonte à deux ans maintenant mais finalement, l'attente ne m'aura fait que plus apprécier Le Rêve Botticelli. J'ai littéralement adoré ce roman, je m'y suis plongée, je me suis immergée dans la vie de Botticelli et je n'avais plus envie d'en sortir. Finalement, la seule chose que je pourrais reprocher à ce livre eh bien...c'est d'être trop court ! On en redemande presque lorsque la dernière page se tourne ! Au-delà de la peinture et du destin, certes hors-du-commun de ce grand peintre, de ce maestro qui oeuvra à la Sixtine bien avant Michel-Ange et qui nous laissa des œuvres majeures comme Le Printemps ou La Naissance de Vénus, c'est le destin du monde, le destin d'un monde en plein bouleversements, que Sophie Chauveau nous dépeint : les bûchers des Vanités à Florence, la traque des Juifs en Espagne après la Reconquête des Rois Catholiques sur les royaumes maures, la découverte, de l'autre côté de la mer, d'un Nouveau Monde, un nouveau continent, promis à l'avenir que l'on sait et qui bouleverse à jamais les façons de voir et les façons de penser des habitants de la Vieille Europe. Et, en même temps, justement en Europe, on assiste au fleurissement d'une nouvelle époque ô combien riche, la fin du Moyen Âge et les débuts de la Renaissance, cette Renaissance si propice à l'expression des arts : peinture, littérature, poésie, sculpture. C'est cette première Renaissance, déjà en marche depuis bien des décennies en Italie qui va ensuite essaimer un peu partout en Europe et nous laisser, en France, les châteaux de la Loire et les peintures d'une qualité indéniable d'Europe du Nord, les maniéristes s'illustrant avec beaucoup de talent face à leurs maîtres d'Italie.

    Le Rêve Botticelli ; Sophie Chauveau

    Le Printemps (La Primavera, XVème siècle)

    Botticelli, né au milieu du siècle, va mourir en 1510, en pleine effervescence renaissante. Il aura le temps de connaître ce beau XVIème siècle, cette belle période propice aux arts et à la pensée avant que l'Europe ne sombre dans de tristes décennies de guerres de Religions. Il va connaître l'épuration savonarolienne des années 1490, sera même contraint de brûler sur les bûchers allumés par ce fou de Dieu certaines de ses oeuvres jugées impudiques par les moines intolérants. Et, au milieu de tout cela, il trouvera le moyen d'aimer. Hommes, femmes, Botticelli malgré sa mélancolie latente et ses doutes d'artiste, aimera et se laissera aimer. Il sera l'ami et le rival de Léonard de Vinci, dont le talent commence tout juste à se faire connaître, de Florence à Milan, en passant pour Rome. Il sera l'ami, l'amant et le mentor de Pipo Lippi, le fils de Filippo et Lucrezia, le parrain de leur fille Sandra et son amant, le père de leur petit-fils. L'amant de Lorenzo de Médicis, le cousin de Laurent le Magnifique. Il sera lâché par certains, follement aimé par d'autres et, au milieu de tout cela, il parviendra avec une facilité déconcertante à livrer des oeuvres qui sont encore considérées de nos jours comme des beautés sans pareil. Le Rêve Botticelli m'a émue et fait vibrer et, surtout, m'a donné envie de me pencher un peu plus sur l'oeuvre de Botticelli et sur sa vie en général. Sophie Chauveau donne un autre éclairage mais tout à fait plausible historiquement parlant, de l'oeuvre et de la vie de Botticelli, faisant par exemple de Sandra Lippi sa muse principale à la place de Simonetta Vespucci...leur relation, très forte, bien plus forte qu'une relation amoureuse banale, pas très politiquement correcte du fait de l'inceste sous-jacent -les liens de parenté conférés par le baptême étaient très importants à l'époque et les transgresser s'apparentait bien souvent à de l'inceste-, est au centre du récit et montre une autre facette d'un peintre connu pour son homosexualité affichée -comme Michel-Ange, par ailleurs, mais bon, cherchons un peintre de la Renaissance italienne qui n'eut pas d'aventures masculines...
    Le style de l'auteure, incisif, vif, rythmé, passionné aussi, dur et cru parfois, ponctue ce destin. Sophie Chauveau écrit au présent, ce qui nous permet finalement de nous sentir encore plus proche des personnages, le passé simple très souvent utilisé dans les récits romancés instaurant tout de même une certaine distance entre nous et eux. Là, nous y sommes, nous y sommes, à Florence, nous y sommes, au cœur de ce flamboyant XVème siècle, grâce à ce style unique que j'avais déjà beaucoup aimé dans La Passion Lippi

    Finalement, Le Rêve Botticelli, c'est aussi le destin d'un écorché vif, d'un homme torturé et en proie aux doutes mais qui parvient tout de même à sortir des tréfonds de son être des choses magnifiques, qui nous est dépeint ici. Le petit destin d'un peintre florentin appelé à une gloire planétaire et millénaire, au milieu d'un siècle de changements qui transformeront durablement le monde.
    Bref, je ressors de cette lecture complètement exaltée, complètement ravie et époustouflée aussi. Un roman à lire pour moi parce que j'y ai tout aimé et que je ne saurais vous le déconseiller. 

    Le Rêve Botticelli ; Sophie Chauveau

    Le Châtiment de Coré (chapelle Sixtine, Rome, XVème siècle)

     

    En Bref :

    Les + : tout.
    Les - : que le roman n'ait pas été plus long ! 

     

     

     

    Adieu, mon Unique ; Antoine Audouard

     

     Coup de coeur


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