• « Les natures honnêtes ont cette grâce merveilleuse de mettre de leur honnêteté dans tout ce qu'elles touchent. »

    Le Ventre de Paris ; Emile Zola

    Publié en 2002

    Date de parution originale : 1873

    Editions Folio (collection Classiques) 

    480 pages

    Troisième tome de la série Les Rougon-Macquart

     

    Résumé :

    Le Ventre de Paris, ce sont les Halles, avec leur « souffle colossal épais encore de l'indigestion de la veille », leurs montagnes de mangeailles, de viandes saignantes, « de choses fondantes, de choses grasses », de « gredins de légumes » d'où monte « le râle de tous les potagers de la banlieue ». « L'idée générale, écrit Zola, est le ventre, la bourgeoisie digérant, ruminant, la bête broyant le foin au râtelier, la bedaine pleine et heureuse se ballonnant au soleil ». Aux « Gras » s'opposent les « Maigres » : Florent, un proscrit du 2-Décembre revenu à Paris, qui fomente un complot contre le régime et sera dénoncé par Lisa, sa belle-sœur, une charcutière au grand calme repu. Florent retourne en prison et c'est à son ami Claude Lantier, le futur héros de L'Oeuvre, que revient, que revient le mot de la fin : Quels gredins que les honnêtes gens !

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Le Ventre de Paris est le troisième volume des Rougon-Macquart, après La Fortune des Rougon et La Curée. C'est le second à se passer à Paris, mais c'est surtout le premier à traiter de ces classes populaires que Zola n'a pas cessé de dépeindre, ensuite, dans le reste de sa série. Avant les mineurs de Germinal, les paysans de La Terre, les soldats de La Débâcle, les cheminots de La Bête Humaine, Le Ventre de Paris brosse, lui, un portrait de ces commerçants des Halles de Paris. Les Halles, qui furent réaménagées et modernisées sous le Second Empire, notamment grâce aux pavillons de verre et de fer de Victor Baltard. C'est dans ce monde grouillant de nourriture que dégringole Florent, proscrit du 2-Décembre 1851. Ancien professeur, peinant à joindre les deux bouts et ayant à sa charge son jeune frère, venu du Midi après la mort de leur mère, Florent se trouvait, comme on dit, au mauvais endroit et au mauvais moment. Attrapé dans les rues de Paris après des émeutes en ayant le sang d'une jeune femme sur les mains, il est arrêté manu militari et envoyé au bagne à Cayenne. Le bagne, dont il parvient à s'échapper après sept années. C'est là qu'il tombe dans ce Paris qui change tout doucement, sous l'impulsion de Napoléon III, qui cherche à moderniser mais aussi à assainir sa ville, en faisant tracer de grands boulevards et avenues. Aux Halles se vendent tout un tas de choses, venues de la proche banlieue, encore très rurale à l'époque ou de plus loin encore : ainsi, on y trouve des fleurs, mais aussi des fruits et des légumes, du beurre, des fromages, des gibiers à poils et à plumes, des volailles, des poissons d'eau douce ou de mer. Près des Halles, des commerces se sont développés et c'est là que Florent retrouve son frère, Quenu, devenu un charcutier prospère. Ce Quenu, aussi gras et repu que son frère est maigre et affamé possède une belle boutique, une belle demeure, une clientèle fidèle et, surtout, une famille qui fait sa fierté : il est marié à la belle Lisa, mère de sa fille Pauline.

    Le Ventre de Paris ; Emile Zola

    « [...] et il aperçut une femme, sur le seuil de la boutique, dans le soleil. Elle mettait un bonheur de plus, une plénitude solide et heureuse, au milieu de toutes ces gaietés grasses. » (Chapitre I)


    C'est par Lisa, bien que Florent soit le personnage principal du roman, que nous faisons le lien avec les Rougon-Macquart. En effet, après avoir découvert, dans La Fortune des Rougon et dans La Curée, les personnages de la famille Rougon, c'est au tour maintenant des Macquart, la branche bâtarde. Lisa est la fille d'Antoine, qui est, lui, le fils d'Adélaïde Fouque et du contrebandier Macquart et le demi-frère de Pierre Rougon qui, à la faveur du coup d'état de Napoléon III pour restaurer l'Empire, parvient à se faire une place au soleil, à Plassans, la petite ville du Midi dont la famille est originaire. Dans La Curée, c'était le cousin de Lisa, le fils de Pierre, Aristide, financier véreux, qui était au centre du récit. Ici, nous faisons donc connaissance avec la branche plutôt infortunée de la famille, même si, finalement, la vie a plutôt souri à Lisa, soustraite très jeune à l'influence familiale pour monter à Paris. Elle est la soeur de Gervaise, la pauvre lingère de L'Assommoir et de Jean, que l'on retrouvera dans La Terre et La Débâcle. En effet, alors que son frère et sa soeur connaîtront un destin plutôt difficile voire malheureux, Lisa, elle, est heureuse dans sa vie et a été surnommée, dans le quartier, « la belle Lisa », pour sa beauté grasse et tranquille de femme honnête. Tranquillité et honnêteté qui ne vont, bien sûr, pas sans quelques jalousies et commérages...
    Installé chez les Quenu, Florent trouve une place aux Halles, devient inspecteur mais une haine farouche envers le régime qui l'a envoyé au bagne, le ronge encore. C'est alors que, progressivement, il va glisser vers l'insurrection, vers le complot, se réunissant dans un café du quartier des Halles avec une bande d'énervés ou d'inconscients qui rappelle un peu -sur certains points mais pas tous cependant-, la société du salon jaune dans La Fortune des Rougon. Et Lisa, qui craint pour l'intégrité de sa famille, sa prospérité, l'avenir de sa charcuterie et qui semble un peu plus clairvoyante que son époux, va dénoncer son beau-frère aux autorités...
    Le Ventre de Paris m'avait fait forte impression lors de ma première lecture, impression très positive qui s'est confirmée lors de cette relecture. J'ai toujours préféré aux romans, disons « bourgeois » de Zola, ceux qu'on pourrait qualifier de « populaires », même si lors de ces relectures, j'ai trouvé à La Curée des qualités indéniables que je n'avais pas su forcément percevoir la première fois que je l'ai lu. J'avais trouvé cette peinture du peuple des Halles tout à fait réussie, grâce à force descriptions exhaustives qui nous permettraient presque de toucher du doigt le soyeux des fleurs et des fruits et sentir les odeurs fortes des fromages et de la marée. Aux Halles se côtoient des marchands prospères et d'autres qui le sont moins et les clients sont soit des commerçants du quartier -les Quenu, les Taboureau- ou bien des gens avec moins de moyens comme la sournoise --mais au fond, touchante- Mlle Saget.
    Le Ventre de Paris, c'est aussi le roman de l'abondance opposé à la restriction, la lutte latente entre les Gras et les Maigres, les Gras méprisant les Maigres, les Maigres jalousant les Gras. C'est le roman de la nourriture, elle y est au centre et occupe la place d'un personnage à part entière, déterminant fatalement les relations humaines. C'est le roman de la prospérité qui s'oppose à la déchéance et, finalement, on en revient à cette lutte immémoriale des pauvres contre les riches et des riches contre les pauvres. A travers des personnages truculents Zola s'emploie encore une fois, après avoir montré la décadence de la société impériale dans La Curée, à dénoncer le régime dont il fut tout sauf un fervent défenseur en montrant les inégalités sociales dans toute leur crudité, inégalités qui le révoltent et qu'il n'aura finalement de cesse de dénoncer, lui le romancier à succès mais qui n'oublia pas ses origines modestes.

    Le Ventre de Paris ; Emile Zola

    Les Halles de Paris en 1895 par Léon Augustin Lhermitte

     

    En Bref :

    Les + : les personnages très travaillés, le cadre bien décrit, l'intrigue en elle-même.
    Les - :
    Aucun. 

     

    Adieu, mon Unique ; Antoine Audouard

     

    Coup de cœur 


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  • « Avant que j'accède à votre désir, il me faut avoir trois robes, une dorée comme le soleil, une argentée comme la lune, et une brillante comme les étoiles : en outre j'exige un manteau fait de mille peaux et de mille fourrures, pour lequel chaque animal de votre royaume devra donner un morceau de sa peau... » (Peaux-de-Mille-Bêtes)

    Contes ; Jacob et Wilhelm Grimm

    Publié en 1976

    Date de publication originale en Allemagne : 1812

    Date de publication originale en France : ?

    Titre d'origine : Kinder und Hausmärchen

    Editions Folio (collection Classique) 

    404 pages 

    Résumé :

    Des contes de Grimm, on ne connait guère en France que les plus célèbres, encore est-ce la faveur d'une confusion, puisque, pour le grand public, ils appartiennent bien plus au monde du dessin animé qu'aux deux savants allemands qui les ont révélés pour les sauver de l'oubli.
    Pourtant, tels que les frères Grimm les ont patiemment recueillis et transcrit, ils sont une des sources les plus profondes du romantisme allemand et ont droit à une place de choix dans la littérature universelle. Si humbles soient-ils à l'origine, ils lui ont en effet fourni non seulement le "il était une fois" qui est le début de tout roman, mais d'inépuisables sujets de réflexion sur ces commencements et ses fins : les contes de Kafka seraient pour une part inconcevables sans ce qu'ils doivent aux Märchen, et Brecht avait de très bonne raisons d'imiter Grimm dans l'un de ses plus beaux poèmes.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Rien ne prédestinait ces deux frères, scientifiques de formation, à devenir auteurs -ou collecteurs- de contes. Et puis il y'a eu la volonté de sauver et pérenniser des œuvres de folklore de leur pays. Cela dit, bibliothécaires, philologues, mythographes et linguistes de formation, leur métier les portait finalement vers les légendes et les mythes divers et variés. Nés en 1785 et 1786 à Hanau, en Allemagne, Jacob et Wilhelm commencèrent vers l'âge de trente ans, au début du XIXème siècle la collecte de contes ancestraux qu'ils mirent par écrit -car bien souvent, les contes sont des légendes orales que l'on se raconte aux veillées, pour se faire peur ou bien pour édifier. Ils les publièrent sous le titre de Kinder und Hausmärchen (Contes de l'Enfance et du Foyer), une première fois en 1812 puis, l'édition qui devait être celle des Contes sera finalement publiée en 1857. 
    Tous les pays, toutes les régions, ont leurs mythes et leurs légendes propres. Ainsi, entre la France et l'Allemagne, le folklore ne diffère pas beaucoup et l'on retrouve donc pas mal de similitudes entre les Contes des frères Grimm et les Contes de Perrault : le Petit Chaperon Rouge, Cendrillon, Peau d'Âne, la Belle au Bois Dormant sont ainsi des sujets d'inspirations communs à l'auteur français et aux auteurs germaniques. 

    Aujourd'hui, tous ces contes sont encore édités mais on les connaît surtout grâce à l'industrie du cinéma, qui s'en empara au XXème siècle pour en faire des dessins animés à succès. Et si nous sommes finalement si familiers des personnages encore de nos jours -qui ne connaît pas Cendrillon ? Blanche-Neige ?-, c'est certainement grâce à ces films d'animation, certes édulcorés, pour correspondre à un jeune public mais qui n'ont pas moins permis de conserver encore d'une autre manière ces histoires merveilleuses dont l'origine remonte, pour certaines, au Moyen Âge. 
    Bien évidemment, dans ces contes, le merveilleux est partout : princesses belles comme le jour, jeunes princes intrépides, princesses emprisonnées dans le corps de différentes bêtes à cause de charmes, hommes sauvages, géants, roi aux pouvoirs immenses, riches et pauvres, dont les mondes se télescopent sans cesse. Porteurs de morales ou pas, ces contes servent bien sûr à édifier mais aussi à raconter de jolies histoires, même si elles ne sont jamais de tout repos et que le héros, avant d'arriver à son but -qui est bien souvent le mariage avec la belle princesse, conte oblige-, va devoir traverser bien des embûches qui prennent bien souvent la forme d'une quête initiatique. Les contes, c'est aussi un affrontement incessant entre le Bien et le Mal et même si ce dernier semble parfois gagner, c'est le Bien, à force de ruses, qui va réussir à le terrasser. 
    Manichéisme assumé et pressenti de toute façon par le lecteur, mais qui ne choque pas, car nous sommes ici dans des récits merveilleux qui s'y prêtent et permettent aussi d'une certaine façon, à ceux qui les lisent ou qui les écoutent, de comprendre quels sont les avantages d'être attiré par le Bien et les inconvénients à l'être par le Mal, car, même si ce dernier peut s'avérer particulièrement tentant, ceux qui ont l'âme noire finissent toujours par être punis par ceux qui sont restés purs : ainsi de la vilaine et jalouse reine de Blanche-Neige, des deux sœurs cupides et méchantes dans Cendrillon, des parents ingrats qui préfèrent abandonner leur progéniture ou la punisse trop sévèrement, ceux qui sont par trop ambitieux...A l'inverse, les jolies princesses sacrifiées et amoureuses se voient finalement ouvrir devant elles des destins certes tous tracés mais heureux, avec l'élu de leur cœur, dans un beau château et régnant sur un royaume prospère. 
    Les Contes, c'est finalement un bon moyen de retomber en enfance même si nous avons ici, en quelque sorte, des contes pour adultes, qui ne sont pas édulcorés et peuvent paraître parfois un peu violents et sombres, comme la fin de Blanche-Neige, par exemple, qui n'est pas celle de Disney. Mais, en même temps, l'enfance est intimement liée à ces récits en tous genre qui nous bercent pendant de nombreuses années et flirtent toujours plus ou moins avec le merveilleux. Les Contes, que ce soient ceux-ci ou ceux de Perrault, sont indémodables et se laissent lire avec un plaisir certain.

    Contes ; Jacob et Wilhelm Grimm 

    Blanche-Neige tentée par les marchandises de la méchante sorcière grimée en commerçante

    En Bref :

    Les + : des classiques oniriques, qui font voyage et retomber en enfance. Indémodables.
    Les - :
    des redondances (mais cela fait aussi partie du jeu).

     


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  • In My Mail Box - Janvier 2015

     

    Louise Elisabeth Vigée Le Brun, histoire d'un regard ; Geneviève Haroche-Bouzinac

    Editions Flammarion (collection Grandes Biographies)

    Date de parution : 2011

    Sujet : Histoire de l'Art, Histoire, XVIIIème siècle

    * * * 

    Histoire des Reines de France : Isabeau de Bavière, Epouse de Charles VI, mère de Charles VII ; Philippe Delorme

    Editions Pygmalion (collection Les Grandes Dames de l'Histoire)

    Date de parution : 2003

    Sujet : Histoire, Guerre de Cent Ans, Moyen Âge

    * * * 

     

    Charles Quint, l'indomptable ; Lindsay Armonstrong

    Editions Le Club Histoire (collection Le Grand Livre du Mois)

    Date de parution : 2014

    Sujet : Histoire, Renaissance


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  • « Le Graal distingue les bons et les méchants [...] Personne ne peut aspirer à sa possession  à moins d'y être prédestiné par le Ciel. » Wolfram d'Eschenbach

    Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour, tome 4, Montségur, 1201 ; Jean d'Aillon

     

    Publié en 2012

    Editions J'ai Lu

    479 pages

    Quatrième tome de la saga Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour

     

    Résumé :

    Le château de Saverdun fait l'objet d'une querelle entre le comte de Toulouse et le comte de Foix. Pour initier un accord, ce dernier envoie sa soeur, Esclarmonde, négocier avec Toulouse. La rencontre a lieu lors des fêtes de Pâques de l'an de grâce 1201. Durant les festivités, des événements tragiques se succèdent, entraînant Guilhem d'Ussel dans une incroyable conspiration, où des destins que tout oppose vont s'affronter.
    Que cherche l'inquiétant comte Dracul, ambassadeur de Transylvanie ? Que convoitent les moines de Cîteaux dans leur chasse contre les hérétiques cathares ? Guilhem parviendra-t-il à sauver la femme qu'il aime dans cette quête éperdue du Graal ?

     

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Après avoir pourchassé des seigneurs provencaux félons -Marseille, 1198-, des templiers diaboliques qui en voulaient à la vie du roi de France, sauvé des tisserands parisiens appartenant à la nouvelle foi -Paris, 1199- et subtilisé un testament qui aurait pu faire basculer à jamais l'Histoire d'Angleterre -Londres, 1200-, , voici la quatrième aventure de Guilhem d'Ussel qui, après avoir traversé la Manche, va enquêter en plein cœur du pays cathare, dans le Midi de la France, ne recherchant rien moins que...le Graal ! Eh oui, le Graal, cette coupe ou ce vase, qui aurait servi à Joseph d'Arimathie à recueillir le sang du Christ lors de la Passion, en faisant donc l'une des reliques les plus importantes de la Chrétienté mais aussi la plus mystérieuse car le Graal a tout de même une grande part de légende, popularisée notamment par la quête du roi Arthur et de ses chevaliers de la Table-Ronde.
    Nous sommes au début de l'année 1201 et nous retrouvons Guilhem là où on l'avait laissé à l'issue du tome 3, Londres, 1200. Revenu à Lamaguère, son fief du toulousain après son périple anglais aux côtés de Robert de Locksley, à la poursuite du testament de Richard Coeur-de-Lion, tué à Châlus en 1199, Guilhem a la surprise d'y trouver, réfugiée, dame Amicie de Villemur, son ancienne maîtresse. Entre-temps mariée à un seigneur du pays de Foix, Amiel de Beaumont, Amicie est veuve depuis quelques mois et, maltraitée par son beau-frère, une brute épaisse qui cherche à récupérer les biens de son frère mort. Amicie parvient finalement à s'échapper de son fief de Saverdun, devenu sa prison, pour aller chercher de l'aide auprès de Guilhem. Afin de faire justice, Guilhem et son amie vont à la rencontre du comte de Toulouse, dans son fief de Saint-Gilles. Là, il rencontre deux chevaliers allemands, Conrad de Tannhaüser et Wolfram d'Eschenbach -ce dernier a vraiment existé-, mais aussi un mystérieux seigneur venu de l'est, de Transylvanie plus exactement et qui répond au nom de comte Dracul, un nom bien connu de nos jours -même s'il ne s'agit pas du même, le seigneur Vlad Tepes ayant vécu près de deux siècles plus tard-, ainsi que des moines aux intentions toutes sauf pacifiques...                                             Ces rencontres fortuites et le retour inopiné de la jeune Sanceline, une cathare sauvée à Paris deux ans plus tôt dans Paris, 1199, vont précipiter Guilhem dans une quête absolument ahurissante : celle du Graal, qui serait caché en pays toulousain, ayant fait partie, il y'a plusieurs siècles, du trésor des rois wisigoths de Toulouse, qui l'y auraient caché avant d'être défaits par Clovis et de quitter la Gaule pour l'Hispanie...Et, alors que le gros du trésor aurait été dissimulé dans les monts d'Alaric, près de Carcassonne, le Graal, lui, qui serait en fait une pierre précieuse, aurait été dissimulé quelque part en pays de Foix et peut-être, non loin du pog de Montségur, lieu propice aux légendes depuis bien longtemps et qui sera un très haut lieu de catharisme. Mais, bien sûr, cette quête ne sera pas de tout repos et, entre les félons de Saverdun et les terrifiants transylvaniens qui ont la sale manie d'empaler tout ceux qui les contrarient, Guilhem et ses compagnons vont donc, au péril de leur vie, gagner Montségur pour essayer de doubler leurs adversaires et de mettre les premiers la main sur cette fameuse pierre sacrée qui, aurait en plus de cela, un lien particulier avec les origines du catharisme dans le Midi...

     

    Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour, tome 4, Montségur, 1201 ; Jean d'Aillon

    Dispute entre saint Dominique et des Albigeois et ordalie par le feu, par Pedro Berruguete (XIVème siècle)

    Voilà, en gros, les bases de ce tome 4 des Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour, le fin limier médiéval inventé par Jean d'Aillon. Un peu plus versé dans le légendaire et le merveilleux que les trois précédents -mais il est vrai que le Graal et le catharisme, au centre du récit, appellent les légendes-, ce roman-là n'en est pas moins tout à fait intéressant car c'est un beau portrait de ce pays d'oc, ce Midi, à l'identité déjà si affirmée et qui se construisit autour du catharisme. Intimement. Guilhem et ses compagnons traversent ainsi les terres marquées depuis le XIIème siècle par cette nouvelle religion manichéenne, qui prit tellement le pas sur l'Eglise en place qu'elle lui fit peur, au point que le pape décida, quelques années plus tard, de lancer une croisade dans le Sud, pour ramener cathares mais aussi seigneurs complaisants à la raison et au dogme catholique, sévèrement mis à mal par le catharisme, qui trouvait de plus en plus d'adeptes au fil des années -un peu comme le protestantisme, finalement, au XVIème siècle même si le contexte n'est évidemment pas similaire du tout.
    Encore une fois, j'ai passé un très très bon moment de lecture. Le style de Jean d'Aillon n'est pas exceptionnel ni spectaculaire -en tous moins que dans La Guerre des Trois-Henri, une trilogie un peu plus...ciselée, si je puis dire-, mais qu'importe, il n'en reste pas moins efficace. Les rebondissements sont là, l'enquête est bien maîtrisée, du début jusqu'à la fin, de manière à tenir le lecteur en haleine et, même s'il y'a beaucoup de longueurs au début de ce tome-là, l'intrigue mettant plus de temps à se mettre en place, finalement, on ne les ressent plus du tout une fois qu'on est pris dans le récit et on finit même par se dire que ces longueurs étaient, au fond, complètement nécessaires et permettaient en quelque sorte de poser l'intrigue et l'ambiance du roman. Un regret : ne pas avoir vu, dans ce tome-là, Robert de Locksley, le fameux archer saxon ami de Guilhem et son épouse Anna-Maria ainsi que certains autres que l'on suivait depuis plusieurs tomes comme Bartolomeo, écuyer de Guilhem et frère d'Anna-Maria -mais on les retrouve tous les deux dans le cinquième tome, tant mieux.
    Bref, entre enquête policière et ésotérique et légendes venues de la nuit des temps, ce quatrième tome des Aventures de Guilhem d'Ussel se maintient et soutient la critique face aux autres. En deux mots, il est à la hauteur des premiers tomes et j'espère que les autres le seront également. En tous cas, malgré quelques petits défauts récurrents, eh bien je trouve que cette saga médiévale est efficace, valable, elle tient vraiment la route et mérite d'être lue. D'autres tomes de ces aventures seraient d'ailleurs les bienvenus, à bon entendeur... 

     

    Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour, tome 4, Montségur, 1201 ; Jean d'Aillon

     Le pog de Montségur en Ariège

     

    En Bref :

    Les + : une enquête intéressante, palpitante et bien menée ; c'est également un plaisir de retrouver les personnages qu'on côtoie depuis un petit moment déjà.
    Les - :
    quelques longueurs au début mais qui s'avèrent finalement plutôt nécessaire -c'est donc un petit, tout petit point négatif.


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  • «Autrefois, elle avait eu des rêves ; à présent elle n'avait plus que des cauchemars. »

    L'Insoumise ; Jennifer Donnelly

    Publié en 2002 aux Etats-Unis ; en 2007 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Tea Rose

    Editions Pocket (collection Romans Étrangers)

    819 pages

    Premier tome de la saga The Rose Saga

     

    Résumé : 

    A la fin du XIXe siècle, à Londres, dans le quartier populaire de Whitechapel, près des docks où s'organise la grève des ouvriers, la jeune Fiona travaille dur à la fabrique de thé. Son projet ? Économiser assez d'argent pour ouvrir une petite épicerie avec son fiancé, Joe.                               Mais son rêve s'évanouit le jour où Joe la quitte, séduit par la fille d'un riche marchand. Après cette trahison et la mort tragique de ses parents, Fiona décide d'embarquer pour New York où la révolution industrielle autorise les espoirs les plus fous. Et sur le paquebot qui l'emmène vers un monde en plein essor, elle se promet de revenir un jour en Angleterre, auréolée de succès...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1888, le quartier de Whitechapel, dans l'East End, est ensanglanté par les horribles crimes d'un mystérieux homme en noir, Jack l’Éventreur, qui s'en prend aux prostituées qui hantent les ruelles populeuses des docks. C'est là, dans ces ruelles miteuses, de l'autre côté de la Tamise, loin des belles demeures de Belgravia et Pimlico, dans le West End, que survivent des familles entières, ouvrières et souvent miséreuses. Les hommes travaillent dans les docks et les femmes tentent tant bien que mal de faire survivre leurs enfants.
    Les Finnegan sont d'origine irlandaise : le père, Paddy Finnegan, travaille dans les docks, la mère, Kate, s'occupe des cadets, Seamie et Eileen tandis que les aînés, Fiona et Charlie, tentent de gagner tant bien que mal leur vie. La jeune fille, âgée de dix-sept ans, travaille dur à la fabrique de thé Burton et nourrit un rêve : ouvrir avec Joe, son petit ami, une petite boutique.
    Mais voilà qu'en quelques mois, la vie de Fiona Finnegan, pas forcément facile, mais heureuse, bascule dans le plus horrible des cauchemars. Son père, membre du Syndicat des dockers, meurt dans des circonstances troubles puis c'est au tour de sa mère et de sa petite sœur de disparaître, tandis que Charlie, son frère cadet, part un jour sans jamais revenir. Et, pour couronner le tout, Joe, qui a trouvé du travail chez un grossiste enrichi, Peterson, est séduit par la fille unique de ce dernier et décide de quitter Fiona. La jeune fille, à même pas dix-huit ans se trouve soudain livrée à elle-même, sans famille, si ce n'est le petit Seamie, qui a quatre ans et besoin d'elle. Alors elle va se battre, pour lui. Pour elle, même si elle est brisée.
    En cette fin de XIXème siècle, l'industrialisation bat son plein dans les pays anglo-saxons et Fiona, déterminée, décide alors de partir aux Etats-Unis pour y faire fortune. Emportant son petit frère et les maigres effets qui lui restent, elle embarque à Southampton sans se retourner, mais toujours la rage au cœur, décidée à se venger un jour, tôt ou tard, de la société Burton, qui employait son père et qui ne semble pas toute blanche en ce qui concerne la mort de Paddy Finnegan. A New-York, où elle retrouve son oncle paternel, Michael, Fiona va tenter de se reconstruire et de faire de son vieux rêve une réalité : ouvrir une boutique et faire tout ce qui est en son possible pour ruiner Burton.

    L'Insoumise ; Jennifer Donnelly

     La découverte d'une prostituée assassinée par Jack l’Éventreur 


    Voilà, en quelques lignes, comment on pourrait résumer ce premier tome de la saga The Rose Saga. L'Insoumise est un roman-fleuve, sympathique à lire, plutôt accrocheur -il est en effet difficile à lâcher et le style, particulièrement fluide, permet d'enchaîner les pages sans même s'en rendre compte-, mais qui a les défauts de ses qualités...Je m'explique : le roman aurait en effet tendance à tomber dans la romance un peu bluette, un peu fleur bleue et, parfois, j'ai aussi eu un gros, gros sentiment d'irréalisme. Un manque de chronologie claire, également, peut parfois susciter un peu de confusion chez le lecteur mais c'est un défaut relativement mineur par rapport aux autres.
    Donc, je disais, irréalisme...pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que l'ascension sociale fulgurante de Fiona sonne faux. Il est vrai qu'il était très facile de faire fortune aux Etats-Unis à cette époque-là et ce n'était d'ailleurs pas pour rien si tant d'émigrés débarquaient chaque année à New York pour tenter leur chance en Amérique et vivre à leur façon l'« american dream ». Mais enfin, en cinq mois, la jeune fille parvient à redresser la boutique de son oncle Michael, à faire sortir ce dernier d'un alcoolisme particulièrement sévère, à se faire une place sur le marché new-yorkais et à devenir une négociante en thé bientôt réputée jusqu'en Angleterre ! Et, pour fignoler le tableau, voilà qu'un multi-millionnaire américain, à l'origine d'un projet de métro, s'entiche d'elle et lui propose le mariage... Et, dix années plus tard, la voilà millionnaire, vivant dans une sublime maison de la Cinquième Avenue et à la tête d'une société particulièrement prospère. Gros coups de chance ? Oui, peut-être, mais du coup, je n'ai pas pu m'empêcher, en tant que lectrice, de me dire que tout cela était bien trop facile. Bien trop facile parce que trop rapide, les portes s'ouvrant brusquement devant elle sans même qu'elle ait à batailler. Certes, il y'en a eu, des destins fulgurants, des gens partis de rien ou qui connurent une enfance malheureuse et miséreuse et devinrent des personnages riches et influents et, même si on se réjouit de voir Fiona heureuse dans sa vie après avoir connu bien des soucis et des malheurs, on ne peut s'empêcher de se dire que, décidément, tout cela va trop vite. « Rome ne s'est pas faite en un jour », comme on dit et il me semble qu'il faut, même pour quelqu'un de déterminé, un peu plus que quelques mois pour parvenir à faire fortune ! Pour ce qui est de la romance entre Fiona et Joe, plutôt intéressante au début, parce que faite de hauts et de bas et pas forcément toute rose, elle se termine bien sûr par un happy end que l'on sent venir cent pages avant la fin ! Fin, qui par certains aspects, m'a paru également ne pas trop coller avec l'ambiance du bouquin...on a l'impression de basculer tout bonnement dans un film d'action en costumes, ce que j'ai un peu regretté parce qu'il y'aurait certainement eu moyen de la rendre un peu plus réaliste.

    L'Insoumise ; Jennifer Donnelly 

    Une rue de l'East End au début du XXème siècle

    Voilà donc les points négatifs que je soulèverai après terminé L'Insoumise mais il y'a, heureusement, beaucoup de positif dans ce roman et, d'ailleurs, malgré ces quelques critiques, je dois même dire que je l'ai trouvé tout à fait sympa à lire, très agréable, parce que les personnages sont très attachants, surtout Fiona, l'héroïne et que L'Insoumise brosse un portrait relativement exhaustif et bien documenté de cette époque victorienne et des dernières décennies du XIXème siècle, particulièrement tourmentées et émaillées par l'ascension rapide des mouvements contestataires et syndicaux ouvriers, en Angleterre comme ailleurs en Europe, d'ailleurs. Pour ce qui est du personnage principal, Fiona donc, je m'y suis attachée tout de suite, l'ai trouvée touchante, émouvante mais, en même temps, malgré ses fragilités, cette jeune fille qui n'abandonne pas ses rêves et se montre déterminée malgré les embûches et les malheurs, ne peut que forcer le respect. Alors, on se réjouit pour elle de sa bonne fortune même si, comme je le mentionne plus haut, elle semble parfois acquise un peu trop rapidement pour paraître vraie.
    Le roman est assez long -un plus plus de huit cents pages-, mais on ne s'ennuie jamais parce que le style est dynamique et l'univers de l'auteure est relativement bien restitué par la traduction. L'Insoumise est un roman abouti, bien écrit, avec des personnages attachants, une intrigue qui tient plutôt bien la route, si ce n'est les quelques petits dérapages cités plus haut et qui m'empêchent d'accorder la totalité des étoiles à ce roman -d'ailleurs, je crois que je suis vraiment, vraiment passée à deux doigts du coup de cœur !  Je ressors donc de cette lecture tout à fait satisfaite, heureuse de l'avoir découverte, et prête à le conseiller à tous ceux qui hésiteraient à le lire. Ma chronique n'a, bien sûr, pas pour but de vous faire hésiter, bien au contraire ! Je vous livre simplement mon avis à chaud après l'avoir terminé il n'y a même pas une journée ! Mais si vous souhaitez découvrir la saga The Rose Saga, je ne pourrais que vous y encourager et j'ai d'ailleurs, pour ma part, très envie de découvrir les deux tomes qui font suite à L'Insoumise : L'Ange de Whitechapel et L'Indomptable.

    L'Insoumise ; Jennifer Donnelly

    Ellis Island, à New-York, porte d'entrée des Etats-Unis pour beaucoup d'émigrés

    En Bref :

    Les + : l'intrigue, bien menée, les personnages aboutis, le contexte historique bien restitué ; un roman touchant et plutôt sympathique à lire.
    Les - :
    un gros sentiment d'irréalisme par moment, ainsi que la fin qui m'a un peu déçue. 


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