• « Il est moins douloureux de se détacher de ce que l'on a aimé quand on est déjà au loin. »

    De Tempête et d'Espoir, tome 1, Saint-Malo ; Marina Dédéyan

    Publié en 2013

    Editions J'ai Lu

    470 pages

    Premier tome de la saga De Tempête et d'Espoir

     

    Résumé :

    Saint-Malo, automne 1760.
    Anne de Montfort, dix-sept ans, se retrouve orpheline et sans le sou. Élevée au couvent, elle se destine à la vie monacale. Pourtant, le souvenir de son frère aîné Jean, parti aux Indes et dont elle est sans nouvelle, la hante sans cesse. Est-il tombé dans cette guerre qui oppose Louis XV au roi d'Angleterre ? Croupit-il dans les geôles de Madras ? A-t-il choisi de chercher fortune comme mercenaire ? Anne décide d'embarquer sur le prochain navire pour les Indes. Mais comment faire quand on est une femme ? Quel qu'en soit le prix, elle retrouvera son frère, quitte à embarquer clandestinement...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    A l'automne 1761, la jeune Anne de Montfort, future couventine aux Ursulines de Dinan, se trouve brusquement orpheline. Issue d'une très prestigieuse et ancienne famille bretonne, dont serait d'ailleurs issue, comme s'en targuait son père de son vivant, la lignée ducale de Bretagne et donc la duchesse Anne, deux fois reine de France, la jeune femme de dix-huit ans a un nom mais pas d'argent. Réduite à la misère, sa famille s'était d'ailleurs vue obligée, quelques temps auparavant, à vendre l'ancestrale demeure familiale. Anne, qui n'a aucune chance de faire un beau mariage est donc promise au couvent et à devenir moniale tandis que son aîné, Jean de Montfort, s'est enrôlé dans les armées du roi pour aller combattre aux Indes.
    Il faut en effet remettre le livre dans son contexte : nous sommes au tout début des années 1760 et le traité de Paris, qui mettra fin, en 1763 au conflit que l'Histoire a retenu sous le nom de Guerre de Sept Ans, n'a pas encore été ratifié par les grandes puissances européennes. Traité particulièrement tragique pour la France, qui se voit alors amputée de plusieurs de ses plus importantes colonies d'outre-mer. Mais ceci est une autre histoire. Pour le moment, c'est avec angoisse que l'on suit les événements indiens, avec, notamment, la chute du comptoir de Pondichéry, en janvier 1761. La France a essuyé une grande défaite contre les Anglais et le frère d'Anne est porté disparu. Est-il mort, ce que tout le monde est enclin à penser ? Est-il prisonnier des Anglais ou bien a-t-il fui ? Ne supportant pas de rester dans l'ignorance, Anne va alors décider d'en avoir le cœur net et se montre prête à tout pour embarquer sur un prochain bateau en partance pour les Indes orientales. Au prix de grands sacrifices, la jeune femme va quitter Saint-Malo pour partir sur les mers, en direction de ce pays lointain où elle est déterminée à retrouver son frère.
    Voilà, en quelques lignes, comment on peut résumer ce premier tome de la saga De Tempête et d'Espoir. Nous faisons donc la connaissance de l'héroïne, Anne de Montfort, qui est aussi l'une des narratrices du récit. Anne, jeune aspirante moniale au début du récit et qui se mue, au fil des pages, en véritable aventurière. Nous faisons également connaissance avec une ville à l'identité très marquée : Saint-Malo. A l'instar de Lorient, Rochefort, Nantes, Bordeaux, Saint-Malo est une ville qui, à l'époque, vit de la mer et du commerce maritime. Si Nantes et Bordeaux ont surtout fait commerce grâce au commerce triangulaire, Saint-Malo est, comme Lorient, connue pour ses chantiers navals et ses célèbres armateurs, les Malouins, qui vivent fastueusement et arment les navires qui vont ensuite voguer sur toutes les mers du globe. Ce sont les Surcouff, les Duguay-Trouin, pour citer les noms les plus connus...Ville fortifiée par Vauban au siècle précédent, Saint-Malo, comme ses habitants, vit par et pour la mer. C'est dans cet univers qu'ont grandi Anne et son frère Jean et c'est pourquoi la jeune femme ne voit que cette solution pour retrouver ce frère qu'elle aime tant et qui reste désormais sa seule famille : c'est par la mer, malgré les horribles conditions de voyage, la longueur de ce dernier également, le changement radical, qu'elle va pouvoir, enfin, entrevoir un début de réponse. 

    Le roman est plutôt bien fait, bien que la chronologie soit parfois un peu brouillonne, avec beaucoup de retours en arrière : normal, me direz-vous, puisque le récit est narré à la première personne et donc, rien de plus anodin qu'un esprit qui divague et revient sur ses souvenirs. Certes, mais il arrive parfois qu'on se perde un peu dans les dates, d'autant plus que deux récits sont menés de front et que l'on trouve des flash-back DANS les flash-back ! ! Je m'explique...

    De Tempête et d'Espoir, tome 1, Saint-Malo ; Marina Dédéyan

     Une Malouinière, demeure de ces armateurs enrichis de Saint-Malo (ici, Malouinière de La Chipaudière) 


    Le récit est en fait découpé en deux parties bien distincte : l'une se passant en 1763, alors qu'Anne a embarqué à bord du navire qui la conduit vers Pondichéry et rédigée, en quelque sorte, en forme de journal de bord ; l'autre, où il est question des mois, entre l'automne 1761 et l’automne 1762, du récit de son combat pour parvenir à embarquer enfin sur un navire de commerce en partant pour l'Orient. La forme, bien qu'intéressante et originale peut dérouter un peu au premier abord, notamment par rapport aux points soulevés plus haut. Il faut donc être assez vigilant aux dates que l'on lit, histoire de ne pas se trouver complètement perdu. Autre bémol, qui n'arrange pas cette confusion de la chronologie, malheureusement, une coquille qui s'est glissée sur la quatrième couverture de l'ouvrage paru aux éditions J'ai Lu : il est dit que l'intrigue commence en 1760, alors qu'Anne a dix-sept ans, ce qui n'est pas le cas, l'histoire débutant réellement en septembre 1761, alors que la jeune femme en a dix-huit.
    A part ce petit point négatif, je dois dire que le roman est plutôt intéressant et vraiment très très bien documenté. On sent que l'auteure a vraiment fait des recherches solides sur l'époque, le contexte historique, le mode de vie des Malouins et le commerce maritime au XVIIIème siècle. Deux trois petites erreurs historiques relevées au vol, au cour de la lecture, mais rien de grave dans l'ensemble -peut-être n'étaient-elles que des coquilles ? J'ai vraiment été époustouflée par les bases solides sur lesquelles repose le récit et surtout par le profond attachement de Marina Dédéyan cette Bretagne où elle est née. J'ai réussi à m'attacher au personnage d'Anne sans forcément l'aimer outre-mesure mais il est vrai que cette jeune femme déterminée, prête à quitter la sécurité d'un couvent pour s'embarquer au milieu de marins pour lesquels la présence de femmes est si incongrue sur leurs instruments de travail, les navires, force l'admiration. Anne est finalement, dans sa façon de penser, une femme moderne, en avance sur son temps mais aussi, un pur produit de ce siècle des Lumières en pleine expansion

    Ce premier tome, qui permet en quelque sorte de poser les bases de sa quête indienne, reste une lecture palpitante et que je conseille vraiment aux amateurs du genre. Pour ma part, je vais aller me plonger sans plus attendre dans Pondichéry...

     

    De Tempête et d'Espoir, tome 1, Saint-Malo ; Marina Dédéyan

     La cité historique de Saint-Malo, où se passe l'intrigue du roman

     

    En Bref :

    Les + : une bonne intrigue aux bases solides, un découpage un peu surprenant mais original, des personnages bien maîtrisés dans l'ensemble.
    Les - :
    une chronologie un peu brouillonne, dommage... 


    2 commentaires
  • « Seuls les serpents peuplent désormais Pondichéry, m'a-t-on affirmé. Là-bas, il me faudra sans doute me méfier de mes peurs autant que de mes illusions. »

    De Tempête et d'Espoir, tome 2, Pondichéry ; Marina Dédéyan

    Publié en 2014

    Editions J'ai Lu

    475 pages

    Second tome de la saga De Tempête et d'Espoir

     

     Résumé :

    Juillet 1763. J'ai traversé les océans, survécu aux caprices de la mer, laissant Saint-Malo à des milliers de lieues derrière moi. Ma quête commence ici, sur le sable brûlant des côtes indiennes. Comment retrouver mon frère Jean dans ce pays immense dont nul ne saurait dessiner la carte ? Vers qui me tourner, sous ces cieux où la vérité se compose de mille facettes, où tout droit peut signifier n'importe quelle direction ? Les ruines de Pondichéry, l'opulente Madras, Calcutta, les fameux diamants de Golconde, d'indices ténus en bribes de réponses, je suis la trace de Jean. Le reverrai-je un jour ? En ces terres écrasées de chaleur, où le parfum des épices renverse l'âme, où les dieux dansent et où les rêves rendent fou, moi, Anne de Montfort, resterait-je fidèle à ma devise, Non Mudera, je ne changerai pas ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1763, après de longs mois de navigation qui l'ont emmenée de Saint-Malo aux côtes indiennes, Anne de Montfort, vingt ans, débarque à Pondichéry. La ville, prise en 1761 par les Anglais, a été rasée par lord Pigott et il n'en reste que des ruines. Les comptoirs français aux Indes sont alors au plus mal et Pondichéry en est le plus flagrant exemple.
    Malgré cela, Anne, toujours aussi déterminée va, avec l'aide de ses compagnons de voyage mais aussi des autochtones et des Européens et Arméniens installés en Inde, partir sur la trace de son frère, Jean. Disparu sans laisser de traces depuis plusieurs mois, il n'a plus donné de nouvelles aux siens, restés en France et Anne, qui, après la perte de leurs parents, n'a plus que lui, va se lancer dans une quête effrénée, sollicitant même l'aide des Anglais, pour avoir des informations sur Jean...est-il vivant ? Mort ? Enrôlé dans les troupes anglaises de l'East India Company ou bien au service d'un nabab ou d'un roi hindou ?
    C'est dans un pays aux mœurs radicalement différents du sien, à l'exotisme et aux traditions marquées, qu'Anne débarque en une époque critique. Elle va découvrir ce qu'est la vie des Européens expatriés, Portugais, Anglais, Français mais aussi Néerlandais et, plus surprenant Arméniens, installés aux Indes pour fuir les persécutions des Perses et vivant majoritairement des échanges commerciaux avec les colonies et les métropoles. Mais, au travers de sa petite servante, Amrita, des Hindous croisés au cour de son voyage, entre Calcutta, Hyderabad, Madras, Mahé, Goa, et du séduisant Haydar Sahib, Anne va aussi découvrir le mode de vie de ces gens issus de cette terre. Terre de métissage, l'Inde n'en est pas moins au pays aux traditions et coutumes très importantes, une terre dépaysante avec ses jungles humides, ses rizières, ses grands fleuves sacrés, son panthéon religieux composé de millions de divinités, ses pagodes, ses riches maisons aux inspirations diverses, son peuple chaleureux et accueillant, son paysage changeant, tantôt hostile, tantôt luxuriant. Dans cette nouvelle contrée, Anne va apprendre à en connaître les us et coutumes mais elle va aussi apprendre à se connaître. Sa quête pourrait être ainsi résumée par la prophétie d'un sâdhu rencontré au cours de son long périple : « Ce que tu cherches, tu ne le trouveras pas, mais ce que tu trouveras, te comblera ». Anne, en Inde, connaîtra des déceptions, de cruelles désillusions mais elle connaîtra également de grandes joies.
    Pondichéry est donc le second tome de cette saga, De Tempête et d'Espoir, écrite par la bretonne Marina Dédéyan, qui clamait, dans Saint-Malo, tout son amour pour sa région de naissance. Ici, avec Anne, nous partons plus loin, nous découvrons ces Indes fantasmées, ces Indes qui habitèrent pendant des siècles l'imaginaire des Européens et leur firent, en quelque sorte, découvrir les Amériques, puisque c'était pour rallier l'Inde et ses richesses, minières, alimentaires et autres, que les explorateurs se lancèrent à corps perdu vers l'ouest. L'Inde était un pays riche en diamants, en épices, fort prisées en Europe comme le poivre, le girofle, et, au XVIIIème siècle, les Européennes raffolaient de ces sublimes toiles que l'on a tout simplement baptisées indiennes. Les Indes furent au centre des préoccupations des Anglais comme des Français, des Portugais comme des Néerlandais et de véritables dynasties d'expatriés grandirent alors sur ce sol étranger.

    De Tempête et d'Espoir, tome 2, Pondichéry ; Marina Dédéyan

    Les ruines de Pondichéry (gravure française de 1769)


    Au travers de la quête effrénée d'Anne, nous découvrons donc un pays, encore pour nous, à l'époque de la mondialisation, méconnu et dépaysant. L'Inde a gardé une identité très forte et, finalement, ce que nous décrit Marina Dédéyan dans Pondichéry ne diffère pas beaucoup de l'image que l'on peut avoir du pays et de ses habitants quand on se représente l'Inde en pensée. On découvre également -même si on le savait depuis le premier tome, déjà-, l'amour fou de cette jeune femme orpheline et seule au monde pour son frère aîné, ce sens inné de la famille issu de leurs illustres ancêtres -en effet, Anne et Jean, nés de Montfort sont apparentés à la famille ducale de Bretagne et donc, par là, à Anne de Bretagne, qui fut deux fois reine de France. On sent le besoin d'Anne de se raccrocher à la dernière figure vivante de son ancien monde, alors qu'il vient de s'écrouler, on sent aussi son besoin irrépressible de comprendre, de trouver une réponse à ses questions, de connaître enfin la vérité. Et, même si cette dernière peut s'avérer parfois terrible, elle est toujours préférable à l'ignorance.
    Roman d'aventures à la Rani, mais aussi roman initiatique -Anne, la catholique fervente, un temps promise au couvent, découvrant qui est elle au milieu de coutumes et d'une religion très différentes des siennes-, Pondichéry est mené tambour battant et se lit de même. Plus captivant que Saint-Malo, j'ai terminé celui-ci en quelques jours tant je me suis sentie emportée par l'intrigue. Même si l'héroïne, m'a parfois un peu tapé sur les nerfs, j'ai quand même admiré sa détermination, son grand courage et sa loyauté filiale. Il fallait être d'une trempe hors du commun pour oser ainsi, en plein XVIIIème siècle, non seulement braver les mers mais aussi les dangers d'un pays inconnu, surtout quand on est une femme.

    De Tempête et d'Espoir, tome 2, Pondichéry ; Marina Dédéyan

    Vision idéalisée de Pondichéry avec son port et ses magasins de la Compagnie des Indes, afin d'attirer commerçants et fournisseurs (gravure française du XVIIIème siècle)


    Le style ne diffère pas beaucoup de celui du premier tome et on retrouve donc une certaine trame linéaire entre les deux romans. La forme de Pondichéry serait peut-être un peu plus facile à suivre que celle de Saint-Malo. En effet, dans ce dernier, on suivait deux récits, menés de front et racontés tous deux par Anne à deux années de différence. Ici, la voix de la jeune femme, qui reste l'un des narrateurs principaux, se mêle aussi à celle de son frère, Jean, sous la forme d'extraits d'un carnet rédigé par le jeune soldat français pendant ses pérégrinations indiennes. Histoire très riche que celle de Jean depuis son arrivée aux Indes, jeune noble ruiné, dans les rangs des armées du général Lally-Tollendal et particulièrement touchante également.
    Cette saga, enlevée, rythmée, aventureuse, plaira certainement aux amateurs du genre et à ceux qui aiment les romans historiques bien documentés : en effet, on sent que le récit est assis sur des bases et des recherches solides de la part de l'auteure et j'ai apprécié le petit glossaire en fin d'ouvrage qui reprend les mots indiens et créoles qui émaillent le récit et peuvent parfois nous paraître un peu flous. Je me suis parfois un peu perdue au milieu des titres et distinctions des dignitaires et grands personnages hindous mais, dans l'ensemble, même sans une très très bonne connaissance de l'histoire des Indes et du contexte historique de l'époque, on arrive à suivre le récit sans trop de problèmes puisqu'il est surtout centré sur une histoire personnelle et sur la quête d'Anne. On le referme avec les yeux pleins d'exotisme et oui, un peu d'émotion, aussi.

    En Bref :


    Les + :
    une intrigue pleine d'aventures, de risques, menée tambour battant.
    Les - :
    pas vraiment de points négatifs à soulever lors de cette lecture...je n'ai pas donné le nombre d'étoiles maximum au livre à cause d'un ressenti personnel mais je n'ai pas forcément relever de choses très gênantes au cours de ma lecture, bien au contraire.

     

    De Tempête et d'Espoir, tome 2, Pondichéry ; Marina Dédéyan

    Pondichéry de nos jours 


    votre commentaire
  • « En Russie, l'influence féminine sur la politique a pris racine dans une étonnante tradition historique pour devenir un véritable phénomène de civilisation. »

    Les Tsarines : Les femmes qui ont fait la Russie ; Vladimir Fédorovski

    Publié en 2006

    Editions Le Livre de Poche

    252 pages

     

    Résumé :

    En Russie, l'influence des femmes en politique a pris racine dans une étonnante tradition historique devenue un véritable phénomène de civilisation. Celles que l'on a coutume d'appeler les  « Tsarines » , même lorsqu'elles n'ont aucun lien avec la famille impériale, voient leur pouvoir prendre corps au XVIIIe siècle, où les femmes régnèrent sans interruption. Le XIXe siècle est celui des Tsarines de l'ombre. Des palais de Saint-Pétersbourg aux souterrains du Kremlin, les égéries occultes d'Alexandre Ier et Alexandre II, Mme de Krüdener et la célèbre Katia Dolgorouki, eurent une influence politique notable. Sans oublier la femme de Nicolas II et son redoutable directeur de conscience, Raspoutine. L'époque contemporaine a perpétué cette tradition, de l'égérie secrète de Brejnev, dont très peu connaissent l'histoire, à Raïssa Gorbatchev, qui joua lors de la perestroïka un rôle de premier plan. Tatiana, la fille de Boris Eltsine, releva le défi de ces Tsarines qui, encore aujourd'hui, règnent dans l'ombre.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Le mot « tsarine » évoque pour nous les grandes heures de la Russie éternelle. Dans ce pays, elles furent nombreuses à influencer la politique des tsars, qu'ils soient leurs maris, frères ou pères. Elles furent aussi des souveraines à part entière, comme Catherine II, la plus célèbre de toutes les tsarines régnantes.
    Dans son livre, Vladimir Fédorovski, diplomate, se propose de retracer les destins de ces femmes, de la toute première, Anastasia Romanova, épouse d'Ivan le Terrible -elle est la première à porter ce titre puisque c'est son époux qui change sa titulature pour devenir tsar, mot slave tiré du caesar latin-, jusqu'à Tatiana Eltsine, la fille de Boris Eltsine. En effet, s'il aurait pu choisir d'achever son livre avec le destin tragique et sanglant d'Alix de Hesse-Darmstadt (Alexandra Féodorovna), l'épouse de Nicolas II et dernière vraie tsarine, Fédorovski a choisi de pousser plus loin ses investigations, jusqu'à l'accession au pouvoir de Poutine. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que les Russes ont pris l'habitude de surnommer tsarines ces femmes qui, sous l'Union soviétique, telles Tatiana Eltsine ou encore Raïssa Gorbatchev, ont soutenu et parfois orienté la politique du chef de l'Etat. L'auteur accorde également un chapitre important à l'égérie secrète de Brejnev dans les années 1970, l'infirmière Nina Kourovikova, dont le destin est aujourd'hui plutôt méconnu. Ainsi, au milieu des existences ô combien célèbres d'une Catherine II ou d'une Alexandra Fédorovna, ce sont aussi celles de femmes retombées dans l'oubli, qui sont traitées ici, à l'instar de ces princesses slaves des premiers temps du tsarisme, par exemple. Il est vrai que, si les grandes figures des époques moderne et contemporaine, comme Pierre le Grand, Catherine II, Nicolas II et sa famille, sont très connues pour nous, ce n'est pas forcément le cas des personnages antérieurs -hormis Ivan IV le Terrible, peut-être. J'ai par exemple été très intéressée par le chapitre consacrée à la fausse tsarine Marina, née Marina Mniszek, aventurière d'origine polonaise et épouse successive des « deux faux Dimitri », imposteurs qui se firent passer pour le fils miraculeusement ressuscité d'Ivan IV, durant le Temps des Troubles.Ce petit livre d'à peine 250 pages est un condensé d'Histoire russe. On peut déplorer que l'auteur passe parfois un peu vite sur tel ou tel personnage mais, dans l'ensemble, il reste une bonne introduction pour ceux qui voudraient en apprendre un peu plus sur l'Histoire de la Russie et une lecture tout à fait intéressante pour ceux qui ont déjà quelques connaissances. Personnellement, j'ai aimé non seulement le style de l'auteur, simple, sans fioritures mais qui va droit au but mais aussi que le livre ne s'achève pas en 1918 avec la disparition de la famille Romanov. Si j'ai quelques connaissances sur la Russie des tsars, je dois dire que je ne m'étais pas forcément intéressée à la Russie post-stalinienne et, même si les noms de Brejnev, Gorbatchev, Eltsine, me sont familiers, je ne savais pas grand-chose sur leur mandat à la tête de l'Union soviétique. 

    Le fait que ce livre, écrit par un homme mais adoptant un point de vue féminin est aussi intéressant. Fédovorski, dans sa démonstration, nous révèle en effet comment la figure de la femme, malgré la misogynie de la société russe -elle n'est pas la seule, cela dit-, a pu s'imposer et cela, depuis des siècles. Les femmes, en Russie, ne furent pas que des régentes ni que des conseillères, elles prirent parfois et, au XVIIIème siècle, plusieurs femmes se succédèrent d'ailleurs sur le trône, une part très importante dans l'administration du pays et furent aussi impitoyables que certains de leurs homologues masculins. Mais il y'eut aussi des destins plus effacés, des destins plus malheureux. Si Catherine Ière, l'épouse de Pierre le Grand, ancienne fille de ferme et prostituée toute jeune par des hommes peu scrupuleux, eut un destin exceptionnel, d'autres, comme l'épouse d'Alexandre Ier ou encore la malheureuse Alexandra Fédorovna, confrontée à la maladie de son unique fils, n'eurent pas cette chance. Et pourtant, c'est aussi grâce à elles que la Russie s'est peu à peu forgée, c'est autant grâce à elles qu'à leurs époux qu'elle a acquis son identité propre. Et, même dans l'ombre, comme la discrète épouse d'Alexandre III, elles furent de vrais soutiens pour les tsars. Il y'eut aussi, bien sûr, les mères ou les sœurs, à qui Vladimir Fédorovski cède une place importante dans son livre, au milieu de la valse des épouses et des égéries -car, comme tous les autres souverains, il arrivait aux tsars d'avoir des maîtresses. 
    Bref, ce petit livre se lit relativement bien et rapidement et c'est avec beaucoup d'intérêt que je l'ai découvert et que je le conseille à ceux qui seraient curieux d'en savoir plus et aux amateurs d'Histoire en général. Parce que l'Histoire russe reste pour nous, en quelque sorte, exotique, c'est toujours un plaisir de découvrir un livre qui en traite. 

     

    En Bref :

    Les + : un livre au parti-pris intéressant, entre biographies et essai historique, bien écrit au demeurant.
    Les - :
     quelques passages survolés.


    2 commentaires
  • In My Mail Box - Mars 2015

     

     

     

     

    Après quelques mois avec peu d'achats, voici le In My Mail Box de Mars...ce mois-ci, j'ai décidé de me faire plaisir...cela à certainement moins fait plaisir à ma PAL mais tant pis...

     

     

    De tempête et d'espoir, tome 2, Pondichéry ; Marina Dédéyan

    Editions Le Livre de Poche

    Date de parution : 2014

    Sujet : Histoire, XVIIIème siècle, Aventures

     

    * * * 

    Lizzie Martin, tome 1, Un intérêt particulier pour les morts ; Ann Granger

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives)

    Date de parution : 2014

    Sujet : XIXème siècle, Angleterre, Policier, Epoque victorienne

     

    * * * 

    Lizzie Martin, tome 2, La curiosité est un péché mortel ; Ann Granger

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives)

    Date de parution : 2014

    Sujet : XIXème siècle, Angleterre, Policier, Epoque victorienne

     

    * * * 

    Monestarium, tome 1, Monestarium ; Andrea H. Japp

    Editions Le Livre de Poche (collection Policier)

    Date de parution : 2009

    Sujet : Histoire, Moyen Âge, Policier, Ésotérisme

     

    * * * 

    Monestarium, tome 2, La Croix de Perdition ; Andrea H. Japp

    Editions Le Livre de Poche (collection Policier)

    Date de parution : 2010

    Sujet : Histoire, Moyen Âge, Policier, Ésotérisme

     

    * * * 

    Les Mystères de Druon de Brévaux, tome 4, In Anima Vili ; Andrea H. Japp

    Editions J'ai Lu

    Date de parution : 2014

    Sujet : Histoire, Moyen Âge, Policier, Histoire de la médecine

     

    * * *

    In My Mail Box - Mars 2015

    Marie-Antoinette telle qu'ils l'ont vue : témoignages, lettres, rapports secrets, souvenirs, confidences ; Evelyne Lever

    Editions Le Club Histoire (collection Le Grand Livre du Mois)

    Date de parution : 2014

    Sujet : Histoire, Marie-Antoinette, Souvenirs historiques, Ancien Régime, Révolution Française

     

    * * * 

    In My Mail Box - Mars 2015

    La Mode à la Cour de Marie-Antoinette ; Juliette Trey

    Editions Gallimard en collaboration avec le Château de Versailles

    Date de parution : 2014

    Sujet : Histoire, Histoire de la Mode, Marie-Antoinette

     

     


    3 commentaires
  • « Les regrets ne servent que si on en fait des résolutions. »

    La Fille du Pasteur Cullen, tome 3, A L'Abri du Silence ; Sonia Marmen

     

    Publié en 2009 au Québec ; en 2013 en France (pour la présente édition) 

    Editions City (collection Poche)

    703 pages

    Troisième tome de la saga La Fille du Pasteur Cullen

     

    Résumé :

    L'Ecosse, au cœur du XIXe siècle. Bravant les interdits, Dana Cullen, la fille d'un pasteur rigoriste, s'est mariée avec son amour de jeunesse, un chirurgien progressiste. Ils ont eu une fille, Charlotte, qui s'apprête à faire son entrée dans le monde des adultes. 

    La jeune femme se passionne pour la médecine en même temps que son cœur s'ouvre à l'amour. Entêtée et curieuse, elle défie les codes de la bonne société britannique. Un monde réservé aux hommes où elle ne trouve pas sa place. 

    Un séjour en Jamaïque, dans une plantation sucrière, va bouleverser son destin. Dans ce cadre exotique, Charlotte savoure son premier vertige amoureux. Mais l'ombre d'un secret plane sur la plantation et elle va découvrir, avec effroi, que certains sont prêts à tout pour le protéger...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous sommes dans les années 1830, à Édimbourg. Dana, héroïne des deux premiers tomes de la saga, est aujourd'hui une femme d'âge mûr, mariée à Francis Seton, le médecin dont elle était tombée amoureuse quand elle était plus jeune. Ils demeurent à Weeping Willow, la propriété des Seton où tout a commencé et sont à la tête d'une grande famille de six enfants. L'aînée, Charlotte, sera notre héroïne ou, disons plutôt l'une des héroïnes, avec ses parents, de ce roman. En effet, l'intrigue ne sera plus centrée uniquement sur Dana comme c'était le cas dans les premiers tomes de la saga mais aussi sur sa fille, qui entre dans l'adolescence. A cette époque-là, les filles étaient souvent instruites dans des pensionnats avant de retrouver leur famille vers quinze ou seize ans, afin de faire leur entrée dans le monde, le but étant, bien sûr, de trouver un mari et une position convenable. Mais Charlotte n'est pas comme les autres...comme sa mère avant, elle a un fort caractère, elle est déterminée et, passionnée de médecine, n'entend pas devenir une épouse soumise aux moindres désirs de son mari. Parce qu'elle connaît quelques déboires en Ecosse et que la proposition des Elliott, de riches planteurs possédant des propriétés en Jamaïque, arrive à point nommé, la jeune Charlotte décide de s'embarquer avec Sir Robert et Lady Louisa Elliott et leur fille Mabel pour la plantation d'Old Montpelier, propriété de la famille depuis longtemps. Là-bas, outre ses responsabilités de gouvernante envers la petite Mabel, la jeune fille va être confrontée à un mode de vie qu'elle n'imaginait pas : l'industrie sucrière s'appuyait en effet encore sur la main d'oeuvre noire asservie. Malgré l'abolition de l'esclavage quelques années plus tôt en Angleterre, on continue, dans les Caraïbes et autres colonies, à exploiter cette main d'oeuvre servile et même si le commerce triangulaire n'existe plus, les riches propriétaires terriens comptent sur la reproduction naturelle pour agrandir leurs équipes, leurs cheptels, comme cela est dit crûment mais si justement dans le roman. Progressiste comme son père, moderne dans sa façon de penser, Charlotte sera horrifiée parce ce qu'elle découvre en Jamaïque mais surtout prend brutalement conscience de quoi découle le confort qu'elle a toujours connu depuis sa plus tendre enfance et de quelle manière est produit le sucre qu'elle consomme si facilement...Avec altruisme et détermination, malgré l'hostilité des Blancs de la plantation, la jeune fille, passionnée de médecine, va tenter comme elle peut d'améliorer un peu les conditions de vie et les soins apportés aux esclaves...
    Ce troisième tome de la saga est captivant et il n'en a pas fallu de beaucoup pour que ce soit un coup de cœur. Alors que quelques longueurs m'avaient fait décrocher lors de la lecture du premier tome, ce roman-là est enlevé, rythmé et captivant. Le style de Sonia Marmen s'adapte parfaitement aux situations qu'elle décrit tout au long de ce troisième tome et surtout, elle parvient à nous faire nous attacher instantanément au personnage de Charlotte. Si Dana m'avait parfois un peu agacée, je dois dire que je me suis par contre tout de suite attachée à sa fille et j'ai aussi beaucoup plus apprécié son personnage dans ce roman-là que dans les deux premiers. Dana a en effet connu des désillusions, elle est plus posée, moins puérile. Quant à Charlotte, j'ai aimé sa détermination, son fort caractère, ses convictions et cette part de naïveté qui, chez elle, loin d'être un défaut, devient au contraire une qualité parce qu'elle la pousse à se dépasser pour ses idéaux. Passionnée de médecine et de chirurgie à une époque où les femmes n'avaient pas la possibilité -ou très peu- de faire des études scientifiques et de fréquenter les universités, déterminée à ne pas devenir la créature d'un mari, une douce poupée parlante mère tous les ans d'un nouveau bébé, féministe en quelque sorte et avant la lettre, la jeune Charlotte est un personnage réussi et agréable à suivre dans ses nombreuses péripéties. Bien sûr, ce n'est pas un robot, elle est très humaine, doute, connaît des déceptions amoureuses mais en sort aussi grandie. Cet aspect-là du personnage, également, ne fait qu’exacerber la sympathie ressentie par le lecteur envers elle.
    Ce que je déplorerai finalement c'est que l'intrigue autour de Charlotte en Jamaïque -qui donne d'ailleurs un certain côté exotique et bienvenu au roman-, se finisse si abruptement. En effet, on ressort du roman avec comme un sentiment d'inachevé, comme si ce tome trois en appelait d'autres...ce qui sera d'ailleurs peut-être le cas, je ne sais pas...en tous cas, si cela devait être, ce serait vraiment avec plaisir que je les lirais parce que j'ai refermé A L'Abri du Silence avec pleins de questions. Non seulement le résumé nous fait nous attendre à un certain secret qui plane autour d'Old Montpelier et de la famille Elliott, secret plus ou moins abordé mais sans apport de réponse concrète. Quant à la fameuse histoire amoureuse que Charlotte va vivre en Jamaïque, elle à peine ébauchée et se finit de façon assez brutale et déroutante. Par ailleurs, les confusions entre les tomes québécois et français m'ont parfois un peu perturbée puisque les résumés ne sont pas les mêmes et celui de la version québécoise annonce quelque chose de radicalement différent de ce que l'on trouve finalement dans le roman ! ! Alors est-ce finalement une confusion entre les tomes ? C'est peut-être possible, mais en tous cas, j'ai été assez surprise...donc, si vous souhaitez vous aventurer dans cette saga, je vous y encouragerais sans problèmes mais soyez vigilants quant aux différents titres, aux différentes éditions et surtout, aux résumés.
    A part ça, que dire ? Je pense que les amateurs d'historique ne seront pas déçus avec cette saga. Non seulement les personnages sont consistants, travaillés, attachants ou pas -mais ceci est une autre histoire-, mais l'intrigue est aussi de grande qualité, ce qui est bien sûr un point positif indéniable. Quant aux sujets abordés -médecine, mode de vie des planteurs et des esclaves dans les plantations coloniales-, on sent que l'auteure a fait un véritable effort de recherche et s'appuie sur des sources et des informations solides. Une saga vraiment intéressante et que je poursuivrais sans aucun doute si d'autres tomes venaient à s'y ajouter ! !

    En Bref :

    Les + : une intrigue de qualité, travaillée et enlevée, une héroïne attachante et moderne.
    Les - : une fin un peu abrupte quant à l'intrigue autour de Charlotte...je pense donc qu'il y'aura une suite parce que l'auteure ne peut vraiment pas nous laisser comme ça ! ! wink2

     

     

    ATTENTION ! POUR LES LECTEURS INTÉRESSÉS PAR CETTE SAGA, NOTEZ QUE LES TOMES UN ET DEUX EN EDITION FRANÇAISE N'ONT FAIT L'OBJET QUE D'UN SEUL TOME AU QUEBEC, CE QUI SIGNIFIE QUE LE TOME 3 CHRONIQUE CI-DESSUS EST EN FAIT LE TOME 2 ! 

     


    2 commentaires