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« Tout homme dont l'existence comporte quelque complication s'imagine volontiers qu'il est le seul qui soit obligé d'y faire face ; il devrait se dire que les autres ont les leurs, peut-être encore plus pénibles. »
Publié en 2009
Date de publication originale en Russie : 1877
Date de publication originale en France : 1885
Titre original : Анна Каренина
Editions Folio (collection Les Classiques de Poche)
1021 pages
Résumé :
Anna n'est pas qu'une femme, qu'un splendide spécimen du sexe féminin, c'est une femme dotée d'un sens moral entier, tout d'un bloc, prédominant : tout ce qui fait partie de sa personne est important, a une intensité dramatique, et cela s'applique aussi bien à son amour.
Elle n'est pas, comme Emma Bovary, une rêveuse de province, une femme désenchantée qui court en rasant des murs croulants vers les lits d'amants interchangeables. Anna donne à Vronski toute sa vie.
Elle part vivre avec lui d'abord en Italie, puis dans les terres de la Russie centrale, bien que cette liaison « notoire » la stigmatise aux yeux du monde immoral dans lequel elle évolue, comme une femme immorale. Anna scandalise la société hypocrite moins par sa liaison amoureuse que par son mépris affiché des conventions sociales.
Avec Anna Karénine, Tolstoï atteint le comble de la perfection créative.
Vladimir Nabokov.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
A l'instar de Guerre et Paix, autre chef-d'oeuvre de Tolstoï et véritable monument de la littérature russe, Anna Karénine faisait partie des classiques incontournables que j'étais curieuse de découvrir et cela, depuis longtemps. Présent dans ma PAL depuis longtemps, il était temps que je l'en sorte. Et je dois dire qu'après cette longue lecture -le roman fait près de 1000 pages-, en refermant le roman, j'ai un avis relativement confus qu'il va m'être difficile, je crois, de vous restituer ici...c'est aussi pour cette raison que je l'écris à chaud, quelques temps seulement après avoir terminé cette lecture, parce que sinon, d'ici quelques jours, je pense que je ne saurais plus quoi dire.
Tout d'abord, j'ai sorti ce bouquin de ma PAL parce que j'avais envie de lire une histoire d'amour. Mon côté romantique qui ressort, parfois. Mais du coup, je ne sais pas si j'ai fait le bon choix...enfin, oui et non, dirons-nous. Ce classique reste particulièrement plaisant à lire pour les amateurs du genre, malgré quelques longueurs mais niveau histoire d'amour et romantisme, on en est quand même très loin. Certes, il est question de couples, mariés ou non, de couples légitimes ou non, qui se font, se défont, se déchirent. Finalement, le roman s'appelle Anna Karénine du nom de l'une des héroïnes, mais pas de l'héroïne suprême dont la personnalité omnipotente se détacherait des autres...Anna est, au même titre que les autres, un personnage parmi d'autres, même s'il nous est donné de suivre un peu plus particulièrement la liaison destructrice qui va l'unir à Alexis Vronski, l'amant pour lequel elle quitte un mari respectueux, une vie tranquille et un fils qui l'aime.
Et finalement, on peut se demander si la description d'une telle histoire, dans sa complexité et sa réflexion, n'est peut-être pas plus intéressante qu'une simple passion plate, qui peut vite tomber dans la mièvrerie. Se plonger dans l'histoire d'Anna, c'est aussi plonger dans une relation, certes passionnée, mais qui n'aura de cesse, jusqu'à la fin, de détruire ceux qu'elle a pris...Si Anna et Vronski ne sont pas les personnages que j'ai préféré -et pourtant, mon intérêt pour le roman connaissait un regain dès que l'auteur, après de longues digressions en revenait à eux-, peut-être parce que j'attendais un peu trop d'eux -je ne sais pas pourquoi mais j'identifiais un peu Vronski au personnage du prince André Bolkonsky de Guerre et Paix, alors qu'ils sont radicalement différents -, j'ai trouvé cependant intéressant de les suivre et de voir, à leur insu, le processus de destruction qui se met lentement en marche mais raflera tout le moment venu, leur bonheur, leur amour et peut-être même, leur vie. Les histoires d'amour se finissent mal, en général. Anna et Vronski en sont de bons exemples et je pense que je ne vous surprendrais pas et que je ne dévoilerais pas un énorme scoop en disant que, oui, Anna Karénine n'est pas de ces romans qui se finissent bien.
En ce qui concerne les autres personnages, malheureusement, je n'ai pas réussi à m'y attacher. Moins foisonnants que dans Guerre et Paix, on se perd moins dans Anna Karénine et on intègre assez rapidement qui est qui et surtout, qui est qui par rapport à qui -oui, ça fait beaucoup de qui -. Si j'ai beaucoup aimé Lévine, pour sa sensibilité touchante, Kitty pour sa jeunesse et sa fraîcheur et Daria Alexandrovna pour son calme et sa sérénité, j'ai eu un peu plus de mal à m'attacher aux autres, que j'ai trouvés un peu caricaturaux, dans l'hyperbole et donc, peu capables de susciter la sympathie du lecteur. Malgré tout, Tolstoï nous brosse ici le portrait très détaillé de la société russe de cette fin de siècle -nous sommes très certainement sous le règne d'Alexandre II, donc entre 1855 et 1881 sans plus de précisions- et c'est un vrai plaisir, presque dépaysant, de découvrir cette peinture de mœurs codifiés et si différents de ceux qui pouvaient avoir cours dans les autres pays d'Europe à la même époque -et c'est d'ailleurs ce qui, à mon sens, fait le charme de cette Russie dépaysante, exotique, lointaine et proche de nous à la fois.Anna et Vronski dans l'adaptation de Joe Wright (2012)
Si nous devions nous intéresser maintenant à l'intrigue en elle-même, je dois dire que je retiendrai le début ainsi que la fin en oubliant un peu le milieu qui m'a, comment dire ? N'ayons pas peur des mots, sévèrement ennuyée. Les longs chapitres consacrés aux courses équestres auxquelles Vronski participe puis la démonstration sur l'agriculture, que Tolstoï place dans l'esprit de Lévine et nous impose pendant plus d'une centaine de pages m'ont souvent fait bailler et si je n'avais pas craint de ne plus rien comprendre, je crois que j'aurais sans scrupule sauté ces pages-là. Intéressantes, certes, on ne peut pas dire le contraire, car elles sont finalement un véritable condensé de cette pensée russe qui fait le charme de l'univers des auteurs du XIXème, mais qui me semblait parfois un peu hors de propos et surtout, nous éloignait un peu du sujet principal, à savoir, l'histoire d'Anna et Vronski et surtout, son évolution. Car, même si les personnages m'ont vite énervée, j'avais pressenti presque dès le début de leur relation que celle-ci n'irait pas sans heurts et malheurs et j'étais donc, paradoxalement, malgré le peu d'attachement que j'avais pour eux, attirée par leurs destins malheureux.
Ce roman est loin d'être un coup de cœur, il faut bien l'avouer et j'ai été franchement moins emballée que pour Guerre et Paix, que j'avais énormément aimé. Pour autant, Anna Karénine reste un monument de la littérature russe et un monument de la littérature mondiale qui est à découvrir, à mon avis.En Bref :
Les + : un classique à la qualité stylistique certaine, une peinture détaillée d'une société à découvrir.
Les - : beaucoup de longueurs au milieu du roman.
10 commentaires -
Par ALittleBit dans Romans Policiers /Cosy mystery/ Enquêtes Historiques / Thrillers le 21 Juillet 2014 à 14:49
« On fait bien des chutes avant d'attraper la raison. Elle se sauve parce qu'elle croit valoir la peine qu'on lui coure après. »
Publié en 2012
Editions 10 /18 (collection Grands Détectives)
423 pages
Sixième tome de la saga Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet
Résumé :
Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet sous le règne du jeune Louis XVI, se trouve plongé au cœur de terribles événements à la fois politiques et personnels. De retour d'une mission en Autriche où il fait d'étonnantes découvertes sur les atteintes portées au Secret du Roi, il retrouve un Paris en colère où la guerre des farines fait rage. Avec le soutien du roi et l'aide de ses fidèles amis, il enquête sur la mort suspecte d'un boulanger qui l'amène bientôt à soupçonner un complot et des liens entre ces incidents et ceux survenus à Vienne. Les mystères s'accumulent, et Nicolas devra faire vite pour résoudre cette affaire qui met en péril l'équilibre déjà précaire du pays, ainsi que son propre fils.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Quel plaisir de retrouver notre cher commissaire de police au Châtelet dans ce qu'il sait faire de mieux : démêler des intrigues particulièrement complexes mais qui ont le don de nous emporter complètement ! Nous sommes donc en 1775, un an après la mort de Louis XV. C'est son petit-fils, le jeune Louis XVI, âgé de vingt ans, qui règne depuis sur la France. La France qui, en cette première année de règne, gronde, persuadée que le feu roi a été partie prenante d'un agiotage sur les grains, menacant ainsi le peuple de famine. Cet épisode d'émeutes violentes qui secoua Paris et certaines régions de province, préfigurant la Révolution, qui devait éclater à peine quinze ans plus tard, a bien existé et est restée dans l'Histoire sous le nom de « Guerre des Farines ». C'est dans ce contexte troublé que Nicolas Le Floch, commissaire de police, va devoir enquêter sur la mort plus que mystérieuse d'un boulanger de la rue Montmartre, qui plus est locataire de M. de Noblecourt, logeur de Nicolas...Est-ce un meurtre ou bien une mort naturelle ? Il semblerait que tout soit réuni pour croire en effet que, loin d'être mort de sa belle mort, le boulanger, maître Mourut, a été poussé dans la tombe par quelqu'un aux sombres motivations...
Jérôme Robart dans le rôle du commissaire Le Floch (adaptations de Nicolas Picard-Dreyfus)
On retrouve dans ce sixième tome un Nicolas particulièrement en forme et une intrigue encore une fois menée tambour battant et d'une main de maître, Jean-François Parot ayant le chic pour tisser des récits complexes et imbriqués mais que l'on prend tout de même un grand plaisir à suivre...le contexte historique est encore une fois restitué avec une exactitude et une rigueur particulière, ce qui fait que nous sommes transportés dès les premières pages dans ce Paris du XVIIIème, bruyant et coloré, si cher à notre commissaire...c'est également toujours un plaisir que de retrouver nos fameux personnages, auxquels on s'attache de plus en plus à chaque tome. Et c'est toujours très plaisant de faire plus ample connaissance avec Louis Le Floch, fils de Nicolas et de La Satin, découvert précédemment, mais qui n'avait fait que passer et qui, je l'espère, en tous cas, va prendre peu à peu plus de teneur au fil des intrigues.
Rien à dire quant au style...de toute façon, il n'y a souvent rien à redire, dans une chronique sur un Nicolas Le Floch. On retrouver ce parler truculent du Paris de l'Ancien Régime, si bien restitué par l'auteur et son ton toujours ironique et bourré d'humour qui nous fait souvent sourire, qu'on se croirait soudainement ramené deux-cents ans en arrière en tournant une seule page ! Je trouve que c'est toujours un plaisir de retrouver une enquête de Nicolas, tout simplement parce qu'en plus d'être assuré de passer un bon moment de lecture, la qualité stylistique est là et ce n'est quand même pas rien. Entre écriture bien maîtrisée, traits d'humour et d'ironie mordants et citations percutantes, on ne s'ennuie pas et c'est parfait ! Quant à l'enquête, elle est déroulée si subtilement qu'on est mordu dès le début et qu'on a ensuite du mal à lâcher le bouquin -comme souvent, j'ai envie de dire, car, en général, les enquêtes de Nicolas Le Floch sont particulièrement addictives et cela, dès les premières pages ! Après les longueurs du quatrième tome, qui était, en quelque sorte, un tome de transition, puisque traitant, en filigrane, de la mort de Louis XV et de l'avènement de Louis XVI, on retrouve une intrigue plus vive, qui rebondit beaucoup et nous fait passer d'un endroit à un autre et d'une hypothèse à une autre en moins de temps qu'il ne faut pour le dire !
Ce tome-là se clôture sur le sacre de Louis XVI à Reims en mai 1775, un an tout juste après son arrivée au pouvoir. Et l'on n'a plus qu'une envie, c'est découvrir ce qui va se passer dans le tome sept...mais ceci sera pour une autre chronique !En Bref :
Les + : une enquête menée tambour battant et bien maîtrisée ; des personnages toujours bien travaillés et attachants.
Les - : Aucun.
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La Femme au Moyen Âge ; Jean Verdon
Editions Jean-Paul Gisserot, Collection Histoire
Date de parution : 1999
Sujet : Histoire, Moyen Âge, la perception de la femme à l'époque médiévale
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Lucie de la Tour du Pin (1770-1853), marquise-courage ; Madeleine Lassère
Editions Sud-Ouest, Collection Références
Date de parution : 2014
Sujet : Histoire, Biographie, XVIIIème siècle
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« Il n'y a pas de pays au monde où la distance entre le sublime et le ridicule soit aussi courte qu'en France. »
Publié en 2011
Editions Perrin (collection Tempus)
615 pages
Résumé :
Le 11 juillet 1920, à 94 ans, disparaissait l'impératrice Eugénie, dernière souveraine des Français. Dans la mémoire nationale, cette fière et belle Andalouse n'a pas la meilleure réputation. On l'a soupçonnée de frivolité et taxée de frigidité au point que Napoléon III, son mari séducteur, avait dû chercher satisfaction auprès d'autres femmes ; on a moqué son autoritarisme maladroit après qu'elle eut été nommée régente ; surtout, on l'a accusée d'avoir poussé à la funeste guerre de 1870. On oublie ainsi qu'elle a aimé et défendu son pays d'adoption. Stendhal l'a initiée à l'histoire des Français, Mérimée lui a appris notre langue, elle s'est passionnée pour la défense de Flaubert, traîné en justice, et lui a obtenu la Légion d'honneur. A rebours des clichés caricaturant une Espagnole confite en dévotion et incapable de saisir l'esprit de son temps, Jean des Cars montre une impératrice appliquant les principes de la doctrine sociale chrétienne : elle crée les Fourneaux économiques, lointains cousins des Restaurants du cœur, elle encourage la formation scolaire et professionnelle des jeunes filles et soutient Pasteur dans sa croisade hygiéniste. Après la chute du régime, Eugénie, muette, accablée par la mort de son fils unique, et respectée, parcourt pendant quarante années l'Europe avec nostalgie. En 1914, elle est du côté de la France qui souffre. Jean des Cars dresse le portrait d'une grande dame d'hier qui, malgré ses erreurs, n'a jamais manqué de courage.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Eugénie de Montijo...avec Joséphine la Créole et Marie-Louise l'Autrichienne, Eugénie l'Espagnole fut l'une des trois impératrices des Français. La troisième. La dernière. Les deux premières furent les épouses successives de Napoléon Ier. Eugénie, née en 1826, devait devenir, en 1853, l'épouse de Napoléon III, nouvel Empereur des Français et éphémère prince-président de la non moins éphémère Seconde République. Fille d'un partisan de Napoléon Ier, don Cipriano de Guzman y Palafox, la jeune Eugénie, dont le sang chaud des Espagnoles bout dans les veines, sera élevée, avec sa soeur Francesca, affectueusement surnommée Paca, entre l'Espagne et la France, où elle découvre le monde parisien brillant ce début de XIXème siècle. La France bouge...depuis la Révolution, un Empereur et des rois se sont succédés à sa tête dans des spasmes politiques de plus en plus violents. Les derniers Bourbons sont tombés en 1830, à la suite des Trois-Glorieuses. En 1848, c'est la Monarchie de Juillet qui succombe à la fièvre révolutionnaire...Les Orléans quittent le navire, la République, la seconde -la première ayant été proclamée à la suite de la victoire de Valmy en 1792-, pointe le bout de son nez. Son président peut prêter à sourire : il est un neveu de Napoléon Ier par son père. Par sa mère, la flamboyante et peu fidèle reine Hortense, il est le petit-fils de la fameuse Joséphine...Louis-Napoléon, enfermé au fort de Ham en Picardie, exilé plusieurs fois, revient en triomphateur. Prince libéral, il ne va pourtant pas hésiter à renverser rapidement la Seconde République pour rétablir l'Empire, cet Empire voulu par son oncle et qui avait chuté avec lui sur le grand escalier du château de Fontainebleau en 1815. Louis-Napoléon deviendra Napoléon III.
Pour le moment, il est amoureux d'une belle Anglaise qui a financé sa campagne électorale, Miss Howard...Mais le prince-président ne s'embarrasse pas de fidélité et, bien vite, il remarque cette jolie Espagnole, promenée de salons en salons par sa mère, Manuela. Eugénie est alors connue sous le nom de comtesse de Teba. Jolie, elle l'est. Cheveux plutôt clairs pour une Andalouse, grands yeux bleus, teint de porcelaine. Elle a tout pour séduire un homme comme Louis-Napoléon. Elle est née le 5 mai 1826...Cinq ans plus tôt, jour pour jour, mourrait à Sainte-Hélène, oublié de tous, Napoléon Ier, dont les cendres seront transferées aux Invalides sous Louis-Philippe. Une voyante avait prédit à Eugénie que sa seule date de naissance serait tout un programme et aurait une influence non négligeable sur sa vie future. Eugénie, encore enfant, éveillée à la culture par des hommes savants, comme Mérimée ou M. Beyle plus connu sous son nom de plume de Stendhal, ne sait pas encore qu'elle épousera le neveu du vainqueur d'Austerlitz.Portrait officiel de l'impératrice Eugénie par Franz Xaver Winterhalter (XIXème siècle)
Ce sera fait le 30 janvier 1853. Eugénie a vingt-sept ans. Un âge relativement avancé, pour l'époque, pour se marier. L'Espagnole, comme avant elle les Autrichiennes, ne sera pas épargnée. On se gaussera d'elle, on sera jaloux de sa beauté, on la critiquera parce qu'elle n'est pas française mais aussi parce qu'elle ne s'embarrasse pas d'hypocrisie et de faux-semblants...On ne l'aimera pas parce qu'elle est de si petite naissance, en oubliant que les Bonaparte ne sont finalement, eux aussi, que des parvenus...
De fait, comme Marie-Louise, en son temps, qui fut si injustement critiquée, Eugénie va devoir essuyer les sarcasmes des courtisans mais aussi des journalistes qui, en ce milieu de siècle, n'hésitent plus à railler les grands dans leurs journaux...Et elle a presque disparu dans les limbes de l'Histoire alors que cette femme à la longévité exceptionnelle n'a disparu qu'en...1920, c'est-à-dire, il y'a à peine...94 ans !!
Et pourtant, Eugénie fut une femme exceptionnelle, pas épargnée par la vie, mais qui sut tenir une cour flamboyante, érudite, dans la veine de cette cour de l'Ancien Régime que tous les souverains du XIXème siècle cherchèrent à singer. Eugénie était belle mais n'avait pas oublié d'être intelligente. Elle fut le joyau de la cour de son mari, elle aima Napoléon III malgré leur écart d'âge et malgré ses infidélités -souvenons-nous de la Castiglione-, lui donna un fils unique, le Prince Impérial, qui, comme l'Aiglon, le malheureux enfant de Napoléon Ier et Marie-Louise, fut foudroyé dans la fleur de l'âge -vingt-deux ans à peine...
Après avoir connu les ors des Tuileries, de l'Elysée et de Compiègne, où elle organisa, avec son époux, les fameuses séries, Eugénie connaîtra, après la défaite de Sedan et la proclamation de la République, en 1870, l'amertume de l'exil en Angleterre, où elle put encore accompagner son époux vers la mort -Napoléon III meurt, en 1873, des suites d'une opération d'un calcul dans la vessie, à l'âge de 64 ans, à Chislehurst, en Angleterre, sans avoir revu la France.
Eugénie devait lui survivre encore quarante-six ans, connaître l'horreur de la Première Guerre Mondiale, qui emporta tant de jeunes gens avant de s'éteindre, vieille dame respectable, à 94 ans. Elle avait perdu un époux, un enfant et ses illusions. Revenue en France, l'ex-impératrice déchue vivra dans le souvenir de cet Empire enfoui dont elle avait été la perle et visita, au début du XXème siècle, le château de Compiègne, qui avait été sa demeure, comme une simple particulière.« Château de Compiègne, 7 août 1910. Un groupe de visiteurs écoute les explications du guide. Les voici dans le salon des Fleurs, l'ancienne chambre du prince impérial. On y voit encore, sur une table, les traces d'inscriptions faites avec un couteau par l'enfant, une bêtise qui lui avait valu une punition. Dans le groupe, une très vieille dame chancelle et demande si elle peut s'asseoir. La chaleur ? Tout en noir malgré l'été, le visage complètement voilé, elle a le regard fixe. On s'affaire autour d'elle, on lui donne à boire et, soudain, on la reconnaît. L'Impératrice ! L'Impératrice à Compiègne ! On alerte les conservateurs. Eugénie est accompagnée d'une dame et de deux messieurs, Pietri et Primoli. Incroyable scène, les visiteurs, qui ne comprennent pas tous de qui il s'agit, reprennent la visite.
Eugénie demande à une faveur :
-Puis-je rester seule un moment dans la chambre de mon fils ?
Tout le monde se retire, on referme les portes. L'Impératrice redevient l'Impératrice...
Son dernier séjour, ses dernières séries remontent à... 1868 ! Un autre siècle, avant le Canal de Suez, la tour Eiffel, la Cinématographe, avant les drames...C'était il y'a...quarante-deux ans !
La vieille dame reste seule dans l'ancienne chambre de Louis pendant dix minutes. Personne ne la dérange. Les murs ont-ils une âme ? Elle peut se le demander en songeant à cet enfant qui avait joué ici et qu'elle avait cru voir un jour régner sur son pays. La porte s'ouvre, la dame d'honneur aide l'Impératrice à faire bien retomber son long voile. Dans le secret de sa méditation, elle l'avait relevé. Pour mieux retrouver une ultime fois les images du temps heureux. »Eugénie, à la fin de sa vie (début XXème siècle)
C'est le passage le plus émouvant du livre, qui fait monter les larmes, quand on pense à tout ce que cette pauvre femme avait pu connaître dans sa vie privée...
On peut penser ce que l'on veut des Bonaparte et de l'Empire mais pas nier qu'Eugénie fut une femme exceptionnelle, avec beaucoup de qualités et injustement oubliée par l'Histoire. Avec la verve d'un romancier, Jean des Cars fait revivre l'impératrice sous nos yeux, comme il le fit dans sa très bonne biographie de Sissi. Sans se laisser aller à plaindre ces personnages qui sont pour lui des sujets d'étude, sans nier leurs fautes, parce que n'importe quel être humain en fait, de toute façon, c'est avec chaleur que l'auteur nous restitue le grand destin de cette demoiselle de Teba, appelée par erreur de Montijo en France, belle Andalouse au coeur pur mais exalté, qui sut se montrer à la hauteur de la tâche qu'un homme aimant les femmes et qui ne supportait pas de ne pouvoir la posséder, lui confia.Chislehurst House, dans le Kent, où Napoléon III décéda en 1873
En Bref :
Les + : une bonne biographie, détaillée mais pas trop. Exhaustive et rigoureuse, servie par une plume rigoureuse.
Les - : Aucun.
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« Les hommes il faut les faire courir pour tout ce qu'ils nous font marcher. »
Publié en 2011
Editions Flammarion (Collection Romans Historiques)
367 pages
Premier tome de la saga Le Temps des Femmes
Résumé :
1643, A la mort de son père, la jeune Emilie Le Guilvinec quitte sa Bretagne natale pour devenir préceptrice dans le Marais, à Paris, chez la comtesse Arsinoé de La Tour. Sa culture, son esprit et sa fraîcheur lui ouvrent la porte des salons littéraires. Emilie rencontre les fameuses précieuses qui se piquent de lettres et d'érudition. L'ambitieuse suscite vite des jalousies. Dans les tourments du royaume déchiré par la Fronde qui traumatise Louis XIV enfant, l'attachante Bretonne se débat au coeur des jeux de pouvoir et confie à son journal ses troubles, ses rêves, ses passions aussi. Saura-t-elle se jouer de l'arrogance et des volte-face de cette noblesse dont elle ne partage pas le sang ? Maintiendra-t-elle son rang au milieu de ces brillantes amazones qui excellent dans l'art de la conversation et de la raillerie ? Pourra-t-elle aimer l'homme qu'elle a choisi plutôt que celui qu'on lui impose ? Son ascension la conduira-t-elle à sa perte ?
Plongée dans l'univers des salons, ce roman palpitant est aussi une grande histoire d'amour nourrie de rebondissements et d'intrigues.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Locronan, hiver 1642-1643. La jeune Emilie Le Guilvinec, fille du tavernier du village, vient de fêter ses dix-sept ans. Au mois de janvier 1643, elle perd son père, qui l'avait initiée, plus jeune, aux belles lettres. Sa mère décide alors de l'envoyer à Paris où elle deviendra gouvernante des enfants des de La Tour, une prestigieuse famille de la noblesse. La maîtresse de maison, la comtesse Elisabeth, qui se fait appeler Arsinoé, est l'une des Précieuses du Marais les plus réputées. En entrant dans ce monde inconnu pour elle, la jeune provinciale va façonner le reste de sa vie...Emilie Le Guilvinec, devenue Emilie de La Motte, va à son tour devenir une Précieuse de renom, fréquentant Madeleine de Scudéry, la marquise de Sévigné, Ninon de Lenclos...
L'idée de départ est particulièrement séduisante...J'aime le XVIIème siècle et le monde des Précieuses quoique pas forcément très connu, m'intéresse bien donc je me suis dit, pourquoi pas ? Cette saga très féminine ne pouvait que me plaire. Et je ressors de ce premier tome sans savoir trop quoi en penser. Je n'ai pas détesté, loin de là, j'ai même trouvé cette histoire particulièrement belle, touchante et digne d'intérêt, quoique je ne me sois pas spécialement attachée aux personnages. Mais j'ai trouvé parfois le style un peu monotone, le récit un peu trop rapide. On a également tendance à se perdre dans les différents personnages, ce qui est un peu dommage et même si l'on sent chez l'auteure une véritable volonté de nous retranscrire avec le plus d'exactitude possible le contexte historique, on finit par se mélanger les pinceaux et à ne plus rien comprendre ! A sa décharge, il est vrai que le contexte de la Fronde n'est sûrement pas le plus simple à restituer, surtout dans un roman. Entre les renversements et retournements d'alliances, la fronde parlementaire, celle des princes, les différents protagonistes, il y'a de quoi perdre son latin, c'est bien vrai. Malheureusement on ressort du bouquin complètement paumé, avec pas mal de questions : qui est qui par rapport à qui ? Pourquoi le mari d'Emilie jubile-t-il à l'idée de faire arrêter les libellistes qui calomnient Mazarin alors que lui-même et son acolyte, le cardinal de Retz, n'hésitent pas à fomenter un complot contre le cardinal ? Ceci dit, avantage de la chose, cela m'a donné envie de me documenter un peu plus sur cette période particulièrement troublée du début du règne de Louis XIV et je pense qu'il va d'ailleurs falloir que j'approfondisse un peu mes recherches pour être sûre de bien comprendre parce que pour l'instant, je dois bien avouer que tout n'est pas clair pour moi.Madeleine de Scudéry, auteure de Clélie, histoire romaine, l'une des plus célèbres Précieuses
Si nous en revenons au récit à proprement parler, je dois dire que je ne me suis pas spécialement attachée à Emilie, malheureusement. Elle m'a même particulièrement agacée parfois et son côté légèrement puéril ne nous donne, du coup, pas spécialement envie de croire qu'elle ait pu devenir une Précieuse renommée. Point positif, car il y'a bien sûr des points positifs, j'ai trouvé qu'Emmanuelle de Boysson nous livrait une assez belle description de ces salons qui firent le succès de bien des dames entre les années 1640 et 1700. Qu'elles soient ridicules ou non, les Précieuses, n'en déplaise aux railleurs, ont marqué leur époque. Certaines, comme Madeleine de Scudéry ou encore, Madame de Sévigné ou Madame de La Fayette, ont marqué le monde des lettres, à l'instar de leurs confrères masculins. Au même titre que Corneille marqua l'histoire du théâtre avec Le Cid, Madame de La Fayette nous a laissé La Princesse de Clèves, un classique de notre littérature. Ces femmes en avance sur leur temps étaient des érudites et des amoureuses et on ne peut nier que le courant des Précieuses eut un impact certain sur le XVIIème siècle. J'ai aimé découvrir ce monde particulier, un peu clos, pas forcément bien connu ni mis en avant par les historiens...
Pour résumer, sans avoir été complètement déçue par ce premier tome, je n'ai pas spécialement été emportée. Les personnages ne m'ont pas vraiment plu, à l'exception d'un ou deux et, si Emilie m'a parfois particulièrement agacée, j'espère m'attacher plus facilement à sa fille, Blanche, qui sera l'héroïne du second tome de cette saga.Un salon de Précieuses
En Bref :
Les + : une plongée intéressante dans le monde des salons littéraires et des Précieuses.
Les - : quelques petites incohérences et un style un peu monotone.
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