• « Le succès apporte avec lui l'assurance et l'estime de soi qui, en retour, jettent bas toutes les barrières pour nous permettre de nous envoler à notre aise. »

    L'Île aux Mille Couleurs ; Tamara McKinley

     

    Publié en 2013 en Australie ; en 2016 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Ocean Child

    Editions Archipoche

    486 pages

    Résumé :

    Angleterre, 1920. Loulou Pearson, jeune sculptrice originaire de Tasmanie, partage sa vie entre la propriété du Sussex de sa grand-tante -sa protectrice- et son atelier londonien. Un avenir en or lui semble promis. Ne prépare-t-elle pas une exposition dans une galerie en vue ? 

    C'est alors qu'un événement vient bouleverser sa vie. Loulou apprend qu'un mystérieux donateur lui a légué un cheval de course. La surprise passée, elle décide d'embarquer pour sa Tasmanie natale, l'île aux mille couleurs, afin de prendre possession de son héritage. 

    Mais ce retour aux sources annonce des retrouvailles houleuses avec une mère qui l'a autrefois rejetée. Et puis, des secrets de famille pourraient refaire surface. L'occasion pour Loulou de savoir, enfin, qui elle est vraiment ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Cela fait longtemps que je veux découvrir Tamara McKinley et son univers littéraire très personnel. J'ai croisé un peu partout ces dernières années La Dernière Valse de Mathilda mais ce n'est finalement pas par celui-ci que j'ai commencé. Le hasard a eu sa part dans ce choix : en décembre dernier, je suis tombée en librairie sur la version poche de ce roman, qui se passe en Tasmanie, et j'ai tout de suite eu envie de le lire. Pour se dépayser, lire un roman se passant dans cette toute petite île au sud de l'Australie me paraissait parfait.
    L'histoire démarre en fait à Londres, au début de l'année 1920. Nous y faisons la connaissance de Lorelei Pearson, surnommée Loulou, jeune femme âgée de vingt-six ans. Comme tous les jeunes gens de sa génération, elle vit sa vie à fond pour essayer d'oublier les horreurs de la Grande Guerre encore toute proche. Sculptrice de talent, elle commence à avoir une petite renommée dans le monde de l'art londonien. Elle partage sa vie entre la capitale anglaise et le manoir de sa grand-tante, dans le Sussex, où elle a grandi, tout du moins, depuis ses dix ans. Car Loulou n'est pas anglaise mais tasmanienne d'origine et elle n'a gagné la métropole qu'à la fin de l'enfance. Le passé de la jeune femme n'est pas facile et il lui a fallu du temps pour se reconstruire. Mais voilà que le passé est bien près de lui sauter de nouveau au visage et la réception d'une lettre en provenance de Tasmanie, la pousse à repartir pour enfin obtenir des réponses à ses questions et éclaircir certains pans de sa propre vie...quête identitaire mais aussi volonté d'affronter ses démons, ce périple pourrait bien être pour Loulou une thérapie salutaire et un moyen de se construire enfin sur des bases solides.
    L'Île aux Mille Couleurs est le premier roman de Tamara McKinley que je lis. Je croise cette auteure depuis longtemps et j'avais envie de me lancer. Alors, à l'issue de cette lecture, ai-je été emballée ? Ben... pas vraiment, en fait. À mon grand regret, ceci étant dit, mais voilà, je n'ai pas vraiment été transportée par L'Île aux Mille Couleurs, même si c'est un bon roman, maîtrisé et avec un postulat de départ intéressant. L'aspect secrets de famille, quête identitaire, me plaisait bien. J'aime beaucoup les romans de Kate Morton -la maîtresse du genre-, ou ceux de Katherine Webb, qui m'emballent toujours bien. J'étais très intéressée aussi par le fait que le roman se passe en Tasmanie, petite île au sud de l'Australie, dont l'auteure est elle-même originaire. Je pensais voyager et découvrir un territoire particulièrement exotique pour nous, lecteurs européens. Au final, je n'ai pas voyagé, c'est dommage. Du moins la description des paysages m'a-t-elle laissée complètement indifférente.
    J'ai mis énormément de temps à me sentir investie dans cette lecture. Peut-être le style y est-il aussi pour quelque chose : beaucoup de lecteurs l'ont apprécié, personnellement, je n'ai pas vraiment été transportée.
    Les cent premières pages m'ont parues longues et laborieuses, sans que je puisse ni m'attacher aux personnages ni me sentir vraiment emballée. J'étais comme spectatrice de ma lecture et je n'aime pas du tout ça. J'ai très vite senti que je n'arrivais pas à m'investir et, tout aussi rapidement, je me suis dit que, malheureusement, ce sentiment ne changerait pas...effectivement, j'ai refermé le livre sans avoir changé d'avis. 

    Paysage de Tasmanie (le parc national de Mount Field)


    Alors, L'Île aux Mille Couleurs, une déception ? Je ne sais pas si je peux dire ça... il est clair que cette lecture ne m'a pas convaincue complètement et que je m'attendais à autre chose mais j'ai quand même aimé certains aspects et, surtout, la quête de Loulou en Tasmanie m'a bien plu. J'ai trouvé le personnage plus attachant dans la seconde partie du roman, très courageux aussi, parce qu'exorciser ses démons n'est pas évident. Disons que je ressors de cette lecture avec un avis clairement mitigé mais qui ne m'a pas rebutée non plus : je lirai d'autres romans de Tamara McKinley. Peut-être pas cette année car ce roman était le seul de l'auteure que j'avais dans ma PAL, mais il est clair que j'ai envie de continuer à découvrir son oeuvre quand même très étoffée. Je suis persuadée qu'il y'en a pour tous les goûts, même si le fil directeur de tous ses romans est la Tasmanie, sa propre terre natale, qu'elle aime visiblement à magnifier par l'écriture. Voyager grâce un livre me tente toujours, alors je me dis : pourquoi pas ? L'Île aux Mille Couleurs ne m'était peut-être pas destiné, qui sait
    Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons parler des aspects positifs du roman, car oui, j'en ai trouvé aussi... 

    La lente distillation d'éléments du passé, notamment grâce à des flash-back, qui nous donnent donc des clés pour mieux comprendre l'intrigue, est bien maîtrisé et nous accroche malgré nous, parce que la curiosité est humaine et que c'est plus fort que nous, on a envie de savoir et de comprendre.
    J'ai lu les derniers chapitres à une vitesse folle et je dois dire que ce bon ressenti m'a quelque peu réconciliée avec la première partie du roman, plus laborieuse et bien moins captivante pour moi. Malheureusement, les ultimes pages du roman n'auront pas réussi à rattraper totalement mon ressenti mitigé. 
    Finalement, cette lecture ne s'avère complètement négative, bien au contraire. L'Île aux Mille Couleurs n'est pas un mauvais roman même si certains de ses petits défauts m'ont gênée et que je n'ai pas réussi à entrer dans l'intrigue aussi bien que si j'avais aimé dès le départ.
    Bref, je n'ai pas été transportée et j'ai refermé le livre en étant déçue d'avoir été déçue, ou, tout du moins, de ne pas y avoir retrouvé ce que j'y attendais...J'aurais voulu aimer ce roman, j'aurais voulu m'y plonger et ne plus penser à rien jusqu'au bout. Malheureusement, la sauce n'a pas pris avec moi, c'est dommage et les aspects que j'ai aimés n'ont pas réussi à rattraper les quelques points positifs que j'ai pu relever au cours de ma lecture.
    Je n'exclus cependant pas de lire un autre Tamara McKinley et je ne vous déconseille pas ce roman. Il n'est pas mauvais ; il ne m'a simplement pas convenu, mais cela ne veut pas dire qu'il en sera de même pour vous. 

    En Bref :

    Les + : le personnage de Loulou, assez charismatique et sa quête identitaire, entre secrets de famille et blessures anciennes, assez bien menée.
    Les - :
     un roman assez inégal, avec des passages parfois un peu rapides et qui auraient mérité d'être étoffés, un style qui ne m'a pas séduite ni fait voyager. Dommage. 

     

    L'Île aux Mille Couleurs ; Tamara McKinley

    Bingo littéraire du printemps

     


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  • INTERMÈDE XXI

     

    Gilles de Laval, sire de Rais, compagnon de Jeanne d'Arc, Maréchal de France (1404-1440). Ce tableau exposé à Versailles, dans la Galerie des Batailles, est une vision imaginaire de Gilles de Rais, par Eloi Firmin Féron (1835)

    I. Enfance et jeunesse

    Gilles de Rais, dont le nom de baptême est Gilles de Montmorency-Laval, a vu le jour à Champtocé-sur-Loire, dans une chambre au sombre nom : «l a Tour Noire ». La date précise est inconnue, on suppose que sa naissance aurait eu lieu vers la fin de l'année 1404 ou bien encore, le 1er septembre 1405 : cette dernière apparaît comme la plus vraisemblable. Son père est Guy de Montmorency-Laval, dit Guy II de Laval-Rais. Seigneur de ,nombreux lieux, entre autres baron de Retz, seigneur de Machecoul, Chémillé, Froidfond et bien d'autres, il meurt en 1415. Sa mère est Marie de Craon, dame de Chamtocé et d'Ingrandes. Elle meurt un peu avant 1415 ce qui fait Gilles orphelin très jeune, à dix ou onze ans. Il aura un frère cadet, René de Montmorency-Laval, né vers 1407 et qui succédera à son frère comme baron de Retz, sous le nom de René de Rais. Ce nom de Rais vient de Jeanne Chabot, dernière héritière de la baronnie de Rais. N'ayant pas d'enfants, elle décida de léguer sa baronnie à son arrière-petit-cousin, Guy II, le père de Gilles, à condition qu'il abandonne son npm pour prendre les armes et le nom de Rais. Gilles est aparenté, par son père comme par sa mère, aux meilleures familles de la noblesse bretonne. Il est même un arrière-petit-neveu de du Guesclin, le fameux connétable qui s'illustra aux côtés du roi de France dans la lutte contre les Anglais.
    Après la mort de leurs parents, les deux garçons, Gilles et René -l'aînée à dix ou onze ans, le cadet, huit ans- sont confiés à Jean de Craon, seigneur de La Suze et de Champtocé, leur grand-père maternel, bien que leur père, dans son testament, ait désigné comme tuteur son beau-frère Jean II de Tournemine de la Hunadaye.
    Rapidement, Jean de Craon échaufaude des projets matrimoniaux pour son petit-fils aîné. Ainsi, le 14 janvier 1417, Gilles est officiellement fiançé à Jeanne Paynel, riche héritière normande, fille de Foulques IV Paynel, seigneur de Bricquebec et de Hambye. Gilles à douze ans. Cependant, le Parlement de Paris interdit le mariage tant que la jeune fiancée n'a pas atteint sa majorité. Le projet n'aboutira finalement jamais.
    Deux ans plus tard, Gilles est de nouveau engagé par son grand-père auprès de Béatrix de Rohan, fille d'Alain IX de Rohan et de Marguerite de Bretagne. C'est encore un très bon parti puisque la jeune fille est la nièce du duc Jean V de Bretagne. Le contrat est signé à Vannes mais, pour une raison inconnue, il va échouer comme le premier.
    Finalement, le jeune homme sera fiançé à sa cousine, Catherine de Thouars, qui était la fille de Miles II de Thours et Béatrix de Montjean. Pourtant, les projets matrimoniaux sont mis à mal, déjà par le lien consanguin unissant les deux jeunes gens mais aussi par les litiges opposant la maison de Craon à celle de Thouars.
    Lassé par ces contraintes et par l'attente de la dispense ecclésiastique, indispensable à un mariage entre cousins, Gilles décide d'enlever la jeune Catherine et l'épouse dans une petite chapelle, en dehors de l'église paroissiale, sans publier les bans. Malgré l'établissement d'un contrat de mariage le 30 novembre 1420, l'Eglise décide d'annuler le mariage, déclaré incestueux.
    La mort du père de Catherine, Miles II, rapproche doucement les maisons de Craon et de Thouars et tend donc à régulariser la situation délicate de Gilles et de son épouse. Le 24 avril 1422, le légat pontifical enjoint l'évêque d'Angers, Hardouin de Bueil à prononcer une sentence de séparation à l'encontre de Gilles et Catherine, à les obliger à une pénitence qui visera à les absoudre du crime d'inceste et leur permettra ensuite de se marier en bonne et due forme, conformément aux préceptes de l'Eglise. Finalement, Hardouin de Bueil mariera, en grande pompe, Catherine de Thouars et Gilles de Rais, le 26 juin 1422, au château de Chalonnes-sur-Loire.
    Le mariage ne sera couronné d'une naissance que sept ans plus tard. Il faut dire aussi que Gilles ne s'occupe que guère de cette épouse qu'il a pourtant enlevée. Catherine représentait à ses yeux essentiellement un héritage conséquent. Elle donne une fille à Gilles, Marie, qui succédera à son père en tant que baronne de Retz. Leur mariage n'est pas de tout repos puisque de violents conflits familiaux vont venir l'émailler, pendant de nombreuses années. Revendiquant par exemple des fiefs appartenant à sa belle-mère, Béatrix de Montjean, Gilles ira jusqu'à l'enlever, avec l'aide son beau-père, pour s'approprier ses terres...ils seront poursuivis pour cela par le parlement de Paris.

    II. Gilles de Rais, militaire et compagnon de Jeanne d'Arc

    Gilles est né dans le contexte troublé de la Guerre de Cent Ans, au milieu du règne du roi Charles VI. Il va d'abord s'investir dans la guerre de succession de Bretagne, qui déchire les Montfort et les Penthièvre, les deux maisons revendiquant leurs droits sur le duché. En tant que vassaux des ducs d'Anjou, il se peut que Gilles de Rais et son grand-père Jean de Craon aient pris part aux batailles de la Gravelle, le 26 septembre 1423 puis à celle de Verneuil, qui eut lieu le 17 août 1424. Ils seront également récompensés par le duc Jean V de Bretagne, du parti des Montfort.
    Jean de Craon était conseiller de l'influente Yolande d'Aragon, époux de Louis d'Anjou et mère du fameux roi René. Dès 1423, la duchesse et son conseiller tentent un rapprochement entre la fragile couronne de France et le duché de Bretagne. Cette politique amènera le frère de Jean V de Bretagne, Arthur de Richemont, à servir la France en tant que connétable -il sera, avec du Guesclin, le connétable de France le plus célèbre de la Guerre de Cent Ans.
    La France et la Bretagne poursuivent leur oeuvre d'alliance et le roi Charles VII -qui n'est pas encore sacré mais se bat pour conserver la couronne qui lui est disputée par les Anglais- rencontre à Saumur, le 7 octobre 1425, le duc de Bretagne. Il est possible que Gilles de Rais rencontre le roi Charles pour la première fois à cette occasion.
    Les années qui suivent vont permettre à Gilles de Rais de s'illustrer dans la lutte contre les Anglais. Ainsi, il sera nommé capitaine de la place de Sablé au nom du duc d'Anjou et mènera plusieurs incursions, notamment avec Jacques de Dinan, seigneur de Beaumanoir, pour déloger les Anglais installés en Bretagne et en Anjou. Gilles va participer à l'assaut du château du Lude où Blackburn, capitaine anglais, est fait prisonnier.
    Puis, toujours avec Beaumanoir, il attaque la forteresse de Rennefort ainsi que le château de Malicorne-sur-Sarthe. Epargnant les soldats anglais qu'ils trouvent dans les places qui tombent, Beaumanoir et Gilles de Rais se montrent par contre tout à fait intransigeants avec les « de la langue française » qu'ils y trouvent.
    Fréquentant la cour de Charles VII, Gilles de Rais est présent au château de Chinon, où le roi loge avec ses fidèles, quand Jeanne d'Arc se présente à lui, arrivant de Vaucouleurs, le 6 mars 1429. A ce moment-là, le jeune seigneur breton fait partie de la clientèle de son cousin La Trémoille, grand chambellan qui domine le conseil royal et a accéléré la disgrâce de Richemont.
    Gilles de Rais, comme d'autres, va s'associer à la charismatique Jeanne d'Arc et l'aide notamment à faire entrer des vivres dans Orléans assiégée. Il contribuera aussi à la levée du siège de la ville et participera auprès de la jeune fille à la « campagne de la Loire », qui vise la reconquête des villes occupées par les Anglais dans la région. Il participe ainsi à la prise de Jargeau le 12 juin 1429 puis à la bataille de Patay, éclatante victoire, le 18 juin 1429.
    Par la suite, il fait également partie des gens d'arme qui escortent Charles VII jusqu'à Reims, où il va être sacré. Il réduit la ville de Troyes à l'obéissance durant le trajet et assiste à l'onction du fils de Charles VI et Isabeau de Bavière dans la célèbre cathédrale. Avec trois autres jeunes seigneurs, Gilles de Rais est chargé d'apporter la Sainte-Ampoule de la basilique Saint-Rémi jusqu'à l'église métropolitaine. Ce même jour, Gilles de Rais est élevé à la dignité de maréchal de France : il a vingt-cinq ans.
    Le 15 août 1429, jour de l'Assomption, les troupes royales et anglo-bourguignonnes se rencontrent à Montépilloy. Le roi Charles VII fraîchement sacré confie les ailes de son armée à ses deux maréchaux, Gilles et Jean de Boussac. Gilles participera ensuite au siège de Paris, où Jeanne d'Arc sera blessée et sera même récompensé par le roi Charles VII, reconnaissant de tous les bons et loyaux services que le seigneur de Retz lui a rendus.
    Après l'arrestation de Jeanne d'Arc et son exécution en place publique à Rouen, en 1431, Gilles de Rais continuera à s'illustrer dans le monde des armes. Ainsi, en 1436, il commande l'avant-garde de l'armée française avec Pierre de Rieux, maréchal de France comme lui.

     

    L'Exécution de Gilles de Rais, maréchal de France (manuscrit à peinture conservé à la Bnf, probablement daté du XVIème siècle)

    III. La légende noire en marche

    Bien que vaillant militaire et fidèle à la couronne de France, à qui il a permis de flamboyants succès, Gilles de Rais est aussi un seigneur de son temps, violent et autoritaire, peut-être plus que la moyenne. Nanti de nombreux fiefs dans l'ouest du royaume, particulièrement riches, il n'est pas rare qu'il s'y illustre avec violence et intransigeance. Il n'hésite pas non plus à aliéner sans vergogne des biens de l'Eglise et à menacer et molester des clercs tonsurés. En 1434, il s'illustre tristement dans un coup de force à Saint-Etienne-sur-Mer contre Jean de Ferron, clerc tonsuré administrateur du fief, qu'il n'hésite pas à venir menacer d'une guisarme en plein office religieux : Rais pénètre tout armé et l'épée à la main dans l'église sans aucune gêne.
    Des rumeurs courent bientôt, dans lesquelles le seigneur de Retz est accusé de s'adonner à l'alchimie pour rechercher la pierre philosophale. Il envoie partout en Europe quérir des maîtres en la matière. C'est comme cela qu'est recruté en 1438 Francesco Prelati, originaire de Montecatini Terme, une bourgade proche de Florence. Outre le fait qu'il aide le seigneur de Retz dans ses activités alchimiques, Prelati invoquerait également les démons dans le sombre château de Tiffauges, en Vendée, fief que Gilles avait hérité de son épouse Catherine de Thouars.
    Depuis l'attentat de Saint-Etienne-sur-Mer, durant lequel Gilles de Rais n'a pas hésité à se montrer plus que violent avec un clerc, une enquête est diligentée secrètement. Il faut dire aussi que les rumeurs qui courent sur sa personne sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus graves. Le 29 juillet 1440, les conclusions de cette enquête sont publiées sous forme de lettres patentes dans lesquelles Gilles de Rais est accusé, outre d'actes diaboliques et alchimiques, de viols et de meurtres commis dans les murs de ses châteaux sur de nombreux enfants. Un pacte avec le Diable est également évoqué.
    Finalement, le 15 septembre de cette même année, à peine deux mois après la publication des lettres, Gilles de Rais est arrêté en son château de Machecoul, hérité de son père. C'est Jean Labbé, capitaine d'armes du duc de Bretagne qui est chargé de cette arrestation. Certaines personnes de l'entourage du seigneur, comme Etienne Corillaut sont arrêtées en même temps que lui, d'autres ont réussi à prendre la fuite.
    Le procès de Gilles de Rais est inédit, dans le sens où c'est l'un des tous premiers procès perpétrés contre un baron du royaume. Jusqu'ici, ils étaient maîtres en leurs terres et ne relevaient, judiciairement parlant, de personne. Le procès s'ouvre à Nantes en octobre 1440, quelques semaines seulement après l'arrestation. Gilles de Rais a la possibilité de récuser ses juges, mais l'acte d'accusation ne faisant état que de la recherche de la pierre philosophale, qui est un péché véniel et non pas un péché mortel, le rassure et il reconnaît la compétence de ses juges.
    Ce n'est finalement que le 13 octobre, cinq jours après l'ouverture du procès, que les véritables chefs d'accusation sont dévoilés. Il est alors trop tard pour l'accusé de récuser les juges et il est pris au piège. De plus, depuis son arrestation, les langues se délient et les témoignages affluent. Ses valets et ses complices, du moins ceux qui ont été pris, sont soumis à la question et ne se font pas prier pour parler : ils accablent leur maître.
    Excédé, l'accusé s'emporte et se révolte contre ses juges, ce qui lui vaut seulement d'être excommunié par l'évêque qui préside son procès. Effrayé par cette excommunication, le seigneur de Retz se décide alors à parler, en échange de la levée de cette sanction. Ceci lui est accordé et il passe aux aveux. Sa première confession est prononcée le 21 octobre 1440, dans une chambre du château de Nantes où il est emprisonné depuis septembre. Le lendemain, il répète cette même confession à l'audience, assortie de nouveaux faits. A tous les premiers chefs d'accusation, celui de félonie est ajouté. En effet, à Saint-Etienne-sur-Mer, il avait repris possession, dans la violence, d'un fief vendu par lui à son suzerain Jean V de Bretagne.
    Le 25 octobre, le jugement final est prononcé. Gilles de Rais est excommunié, en tant qu'apostat, hérétique, évocateur des démons mais aussi pour vice et crime contre nature sur des enfants et sodomie. Plus de 140 meurtres lui sont reprochés par ses juges ! A l'heure actuelle, nous ne savons pas exactement combien de crimes peuvent lui être véritablement imputés. Il est condamné, ainsi que ses deux valets, Corillaut et Henriet, à être pendu puis brûlé. Il se permet de demander trois choses à la cour de justice, qui va les lui accorder : le jour de l'exécution, les familles des victimes auront la possibilité d'organiser une procession en leur mémoire, il aura le droit d'être exécuté avant ses complices et enfin, il demande à ce que son corps ne soit pas entièrement brûlé pour être ensuite inhumé.
    Le supplice est accompli le lendemain, dans la prairie de Biesse, après une messe dite en la cathédrale Saint-Pierre de Nantes. Tandis que les corps des deux valet sont laissés en proie aux flammes, celui du seigneur de Retz est retiré du bûcher et son corps, conformément à ce qu'il avait demandé, est inhumé au couvent des Carmes de Nantes. A la Révolution, le monument à sa mémoire sera détruit et ses restes probablement jetés à la Loire.

    IV. Tentatives de réhabilitation

    A l'heure actuelle, il est difficile d'établir un chiffre exact des victimes de Gilles de Rais, les sources historiques que l'on possède ne mentionnant pas explicitement le nombre de découvertes funestes faites dans les différents châteaux du seigneur de Retz. Les historiens du XIXème, avides de faits macabres et de scandale -on sait combient ils ont participé à l'établissement de la légende noire des Borgia ou encore, de Catherine de Médicis- ont souvent évoqué l'exhumation de restes humains, mais par erreur.
    Dès le XVIIIème siècle, et surtout avec l'essor des Lumières, on commence à se poser des questions quant aux forfaits de Gilles de Rais. Ainsi, en 1756, dans son Essai sur les mœurs, Voltaire évoque le maréchal comme un homme supplicié, « accusé de magie, et d'avoir égorgé des enfants pour faire avec leur sang de prétendus enchantements ». Pour cette phrase, Voltaire fut considéré comme l'un des premiers partisans de l'innocence de Gilles de Rais. Bien qu'il émette des doutes, le philosophe se garde bien de se prononcer complètement sur la question. Il avait surtout pris pour prétexte le procès de Gilles de Rais, avec d'autres, pour dénoncer les procès en sorcellerie du Moyen Âge, conséquences du fanatisme, de la superstition et de l'ignorance, typique d'un Moyen Âge obscur, en opposition au siècle des Lumières.
    Des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur suivront également l'opinion de Voltaire en affirmant que Gilles de Rais fut la victime de la superstition, particulièrement vivace au XIVème siècle -il n'y a qu'à se se rappeler le procès de Jeanne d'Arc, neuf ans avant celui de Gilles de Rais. Toutefois, ils avaient d'abord cru Gilles de Rais coupable des actes ignominieux dont il avait été accusé, assurant qu'il « se déshonorait en Bretagne par des actions infâmes qui excitaient le cri du public contre lui ». Il se pourrait que ces actions infâmes invoquées par les bénédictins ne soient pas les crimes en eux-mêmes mais les pratiques sodomites imputées également à Gilles de Rais. Eux non plus ne concluront pas à l’innocence ou à la culpabilité, laissant donc planer un doute.
    Au début du XXème siècle, Salomon Reinach va utiliser la presse pour faire connaître son opinion au public. Ainsi, dans le journal Le Signal, daté du 2 octobre 1902, il fait publier une lettre intitulée « Lettre sur Gilles de Rais, innocent » et signée « Un amateur d'histoire vraie », ce qui est on ne peut plus que clair. Reinach se pose clairement en opposant des historiens du XIXème siècle, qui, s'engouffrant dans la brèche ouverte par Michel, parlèrent d'ossements retrouvés en nombre important dans les demeures bretonnes du maréchal, faisant de lui un véritable serial killer et un homme infâme puisque ces ossements appartenaient à des enfants.
    Finalement, aujourd'hui, entre les partisans de l'innocence et les partisans de la culpabilité, un véritable doute est né et il est bien difficile de se prononcer pour l'un ou pour l'autre, chaque parti apportant des informations qui peuvent parfois se révéler exagérées ou erronnées. Cependant, la révision du procès du seigneur de Tiffauges a tout de même permis de l'acquitter de façon posthume.

    Vestiges du château de Tiffauges, en Vendée, qui fut la demeure de Gilles de Rais

     

    © Le texte est de moi, je vous demanderais donc de ne pas le copier, merci.


    Pour en savoir plus :

    -Procès de Gilles de Rais, Trésor des chartes, Procédures civiles et criminelles, site des Archives départementales de la Loire-Atlantique.


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  • « Les mets que nous préparons sont des bijoux. Nous sommes les orfèvres du goût. »

    Les Soupers Assassins du Régent ; Michèle Barrière

     

    Publié en 2010

    Editions Le Livre de Poche (collection Policier)

    349 pages

    Résumé : 

    A la mort de Louis XIV, la Cour regagne Paris et renoue avec les plaisirs : le vin mousseux de Champagne, très en vogue, coule à flots au Palais-Royal. 
    Des marchands de vin parisiens, qui ne jurent que par le bourgogne, déclare la vin au vin « saute-bouchon ». Sont-ils responsables de l'empoisonnement d'une jeune comédienne ? A moins que le poison n'ait été destiné au Régent sur qui se concentrent des haines tenaces...Baptiste, fournisseur du Palais-Royal en vin de Champagne, et sa soeur Alixe, cuisinière attitrée du Régent, vont se trouver, bien malgré eux, mêlés à ces événements. 
    Avec ce cinquième tome des aventures de la famille Savoisy, le lecteur plonge au coeur de ces huit années de l'histoire de France annonciatrices des Lumières. Marivaux écrit ses premières pièces, Voltaire entre et sort de prison, John Law lance le papier-monnaie...Champagne ! 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Une fois n'est pas coutume, je découvre une saga dans le désordre.
    Il faut dire que ce n'est pas vraiment un choix de ma part mais plutôt les circonstances qui ont fait les choses comme cela. Reçus lors de deux swap différents, Meurtres au Potager du Roy et Les Soupers Assassins du Régent, respectivement quatrième et cinquième tome de la saga consacrée à la famille Savoisy, étaient en ma possession, alors que les autres, non. Ceci étant dit, après avoir lu ces deux tomes, j'ai bien envie de découvrir ceux qui se déroulent au Moyen Âge et à la Renaissance.
    Nous sommes donc en 1718. Louis XIV est mort depuis trois ans et Louis XV n'étant qu'un petit garçon de huit ans incapable de gouverner, c'est son cousin, Philippe d'Orléans, qui assume l'exercice réel du pouvoir. Cette période, qui court de 1715 à 1723, date de la majorité du jeune roi, qu'on appelle sobrement la Régence -avec un R majuscule pour la différencier de celles de Marie de Médicis ou Anne d'Autriche-, est relativement méconnue ou plutôt, devrions-nous dire, mal connue. L'image que nous avons de la Régence est bourrée de clichés et de jugements hâtifs et préconçus, qu'heureusement les historiens actuels tendent à minorer, car on se rend effectivement compte, grâce aux études actuelles, que la Régence de Philippe d'Orléans ne fut pas qu'une période orgiaque, durant laquelle on se vautrait sans vergogne dans la luxure, en jetant l'argent par les fenêtres. Philippe d'Orléans ne fut pas cet homme machiavélique empoisonnant à tour de bras les héritiers légitimes de son oncle le Roi-Soleil, pour se rapprocher du trône. Au contraire, on s'aperçoit aujourd'hui que la Régence est une période bien plus stable qu'il n'y paraît au premier abord et que le Régent, peut-être fêtard et amateur invétéré de jolies femmes, n'en était pas moins un bon administrateur, qui laissa entre les mains de son cousin et neveu, un royaume relativement stable et apaisé, après une fin de règne longue et éprouvante.
    J'ai beaucoup aimé cet aspect du roman. Peu nombreux sont les romanciers qui situent leurs intrigues à cette période charnière de notre Histoire, relativement courte et coincée entre deux grands règnes bien connus et très étudiés. Et j'ai trouvé que Michèle Barrière restituait bien l'ambiance licencieuse qui régnait alors sans tomber pour autant dans le vulgaire ou graveleux. Oui, la Régence est une période où on a beaucoup fait la fête, où les soupers se terminaient souvent en coucheries... mais entre ces fêtes qui dérapent et les orgies romaines, il y'a tout de même un grand pas et l'auteure évite de tomber dans le sensationnel et la surenchère pour faire plus vendeur. Sa vision de la Régence est vraisemblable et, je pense, plutôt conforme à celle de l'historiographie contemporaine. Certes, le Régent s'adonnait à la paillardise dans l'intimité mais fut aussi un bon administrateur, sensé et soucieux du pouvoir qu'il représentait et qu'on lui avait confié.
    L' autre aspect du roman qui m'a plu, c'est bien sûr l'aspect culinaire, qui est le fil conducteur voire la colonne vertébrale de la saga de Michèle Barrière. Se consacrer à l'alimentation dans l'Histoire n'est pas une mince affaire, ce n'est effectivement pas le sujet le plus traité mais l'auteure s'est astreinte à beaucoup de recherches et ses romans fonctionnent. Je crois d'ailleurs que le côté plus policier de ses livres est surtout là pour valoriser, servir, le côté plus gastronomique. Dans Meurtres au Potager du Roy, j'ai eu en effet l'impression que l'enquête était surtout un prétexte. Mon ressenti s'est confirmé avec Les Soupers Assassins du Régent sans que cela me gêne outre-mesure.
    Parlons maintenant des personnages, si vous le voulez bien. J'avais fait connaissance avec la famille Savoisy dans le tome précédent, avec Benjamin, rejeton d'une famille huguenote de Genève, d'origine française. Marié à Ninon, bouquetière fournissant en fleurs la belle-soeur du roi, la princesse Palatine, il avait abjuré sa foi pour épouser une catholique ce qui lui avait valu de se brouiller avec sa famille. De ce mariage sont nés deux enfants, Alixe, l'aînée, puis Baptiste. En 1718, les deux enfants rencontrés brièvement dans les ultimes pages de Meurtres au Potager du Roy, sont devenus des adultes. Leurs parents sont morts, Ninon en mettant au monde Baptiste et leur père, lors d'une expédition dans le Nouveau Monde. Baptiste est l'époux de la jolie Elise, fille de gantier-parfumeur et il fournit la Cour, notamment celle du Régent, en champagne, un vin mousseux de plus en plus apprécié. Ambitieux, il ne recule devant rien, quitte à se faire des ennemis. Alixe, elle, a trente-six ans et a repris le commerce de son parrain, où elle vend limonades et confiseries. Elle est veuve depuis près de dix ans et a aussi perdu ses deux enfants lors du terrible hiver 1709. Elle vit donc seule, des revenus de son commerce mais il lui arrive aussi de passer en cuisine pour préparer les fameux soupers du Régent, où il réunit sa clique de roués mais aussi ses maîtresses comme Madame de Parabère ou encore, Madame de Prie.

    Les petits soupers de la Régence vus par Bertrand Tavernier dans le film Que la fête commence (1975)


    En cette année 1718, alors que l’Écossais Law, grâce à son système de papier-monnaie, promet de rendre à la France toute sa richesse et que les Français découvrent la griserie mais aussi les cruelles désillusions de la spéculation financière, chez les fournisseurs de la Cour, l'on se déchire, surtout les marchands de vin, divisés en deux partis irrémédiablement ennemis. Les tenants des vins traditionnels s'opposent aux fournisseurs de champagne, ce vin pétillant qu'on commence à apprécier de plus en plus en France mais aussi en Hollande ou en Angleterre.
    Découvert -mais pas inventé- au siècle précédent par un moine de l'abbaye de Hautvillers, le fameux dom Pérignon, le principe -naturel et non pas artificiel- qui fait que certains vins champenois se chargent en gaz et deviennent donc pétillants est étudié et mieux compris. On commence à domestiquer ce vin, si l'on peut dire car, jusqu'ici, les bouteilles de champagne, sous l'effet de la pression des gaz, explosaient littéralement et des productions entières disparaissaient alors. Mieux maîtrisée, la production du champagne connaît un vrai développement en ce début de XVIIIeme siècle et ce vin apparaît sur les grandes tables, de plus en plus, au grand dam des autres producteurs, notamment les Bourguignons, qui voient leurs vins supplantés.
    Cette affaire se complique encore lorsqu'une jeune comédienne, invitée à un souper de Philippe d'Orléans meurt après avoir bu du champagne. Est-ce un empoisonnement ? Si tel est le cas, Baptiste Savoisy, fournisseur exclusif de la Cour en champagne pourrait bien se retrouver dans une situation délicate, être accusé du meurtre de la comédienne mais aussi de conspirer contre le Régent ce qui, en pleine conjuration de Cellamare, ne serait pas étonnant. Alixe va alors devoir mener une enquête pas dénuée de dangers, pour en apprendre un peu plus sur cette fameuse querelle autour du champagne et de l'implication réelle de son frère.
    En parallèle, le récit est émaillé de nombreuses recettes qu'on retrouve en fin d'ouvrage. Toutes, bien sûr n'y figurent pas, car elles ne sont plus forcément adaptées à nos palais du XXIème siècle.
    L'époque est à l'émulation culinaire, mais la grande cuisine française en est encore à ses balbutiements. Sous l'influence de la Cour et des grands nobles, à commencer par Louis XIV, amateur de bonne chère, se nourrir n'est plus seulement un besoin naturel mais aussi un plaisir. La lourde nourriture gothique des siècles passés est en train d'être supplantée par une cuisine, pas forcément plus saine, mais plus goûteuse, plus légère quoique très abondante, avec des sauces et des épices sont le but premier n'est plus de masquer le manque de fraîcheur des produits comme les viandes. Les sucreries sont de plus en plus appréciées même si on ne peut pas encore vraiment parler de pâtisserie : pour cela, il faudra attendre le génie d'Antonin Carême au XIXème siècle.
    Au XVIIIeme siècle, continuant dans leur lancée, les cuisiniers deviennent presque des artistes, apprêtant les mets de maintes manières, jouant sur la présentation et l'association des saveurs. À cette évolution des goûts culinaires, il faut bien sûr associer les vins. Si on change de manière de consommer les aliments, les boissons n'y échappent pas : les vins rouges par exemple, bien qu'encore consommés, tendent à être supplantés par le champagne dont la nouveauté et le goût atypique attirent. D'où l'intrigue au centre de ce volume, qui fonctionne plutôt bien. J'ai même trouvé l'enquête plus captivante que dans le tome précédent et les personnages plus ciselés même si l'auteur prend un malin plaisir à malmener les représentants masculins de la famille Savoisy ! Si, dans Meurtres au Potager du Roy, Benjamin était naïf au point de confiner parfois à la stupidité, son fils Baptiste, lui, est sans scrupules et calculateur, traits de caractère que je déteste ! Benjamin souvent m'a fait lever les yeux au ciel, Baptiste au contraire, m'a souverainement agacée. J'ai beaucoup aimé Alixe cependant, une jeune femme bien de son temps, à qui la vie n'a pas toujours souri mais qui tient le coup et fait vivre la boutique de son défunt parrain en même temps que sa mémoire. Le fait qu'elle vole au secours de son frère qui s'est mis tout seul dans les ennuis, à ses propres risques et péril, est d'autant plus admirable et en rend l'ingratitude de son frère que plus flagrante !
    Cette plongée en plein cœur de la Régence m'a énormément plu et, encore une fois, le mélange d'enquêtes policières et de cuisine marche bien ! Si l'aspect policier est du vu et revu pour ceux qui aiment le genre et finissent par en connaître les codes j'avoue que le côté plus culinaire est assez inédit et original et surtout a le mérite d'être bien traité par l'auteure.
    Quant aux personnages, j'ai fini par apprécier Baptiste à la fin et j'ai été un peu triste de quitter Alixe, qui m'a vraiment plu, parce que je l'ai trouvée touchante et courageuse
    Ce roman m'a convaincue, peut-être bien plus encore que son prédécesseur. Une jolie découverte, avec ce roman original, qui mêle habilement deux domaines qui semblent à l'opposé l'un de l'autre et cohabitent finalement très bien : je devrai même dire qu'ils se marient à la perfection

    En Bref :

    Les + : une association habile de deux sujets qui semblent pourtant opposé ; une intrigue captivante et un contexte historique bien restitué et intéressant. 
    Les - : Louis XV fête son dixième anniversaire en 1719 dans le roman... à part ça, rien de grave ! 

     

    Les Soupers Assassins du Régent ; Michèle Barrière

    Bingo littéraire du printemps

     


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  • Colis reçu le : 15 avril 2017

    Aujourd'hui, je vous présente un colis un peu atypique qui n'est pas vraiment un swap mais qui, dans le principe, peut s'en rapprocher un peu. La seule différence, c'est qu'il n'y a pas vraiment d'échange...mais on reçoit un colis chaque mois et c'est toujours la surprise à chaque fois, un peu comme pour les swaps ! ! Donc j'ai décidé que je vous présenterai mes Thé Box dans la catégorie des Swaps puisqu'il faut bien les classer quelque part !

    Pour fêter l'arrivée du printemps, La Thé Box nous propose une box tout en douceur pour le mois d'avril. Elle est bien pleine et la plupart des produits m'ont l'air vraiment sympa et j'ai hâte de les goûter. C'est parti pour la découverte de cette belle box au titre très poétique et printanier. 

    Prenez votre panier de pique-nique et la jolie nappe à carreaux...je vous emmène à sa découverte. 

    La Thé Box, Avril 2017 : Les Hirondelles, les Demoiselles

     

    Voici donc la Box d'avril, avec son joli design fleuri... elle est belle, non ? 

     

    La Thé Box, Avril 2017 : Les Hirondelles, les Demoiselles

     

    Une fois la box ouverte...son contenu se dévoile...qu'est-ce qui peut bien se cacher sous le Cahier des Saveurs ?

     

    La Thé Box, Avril 2017 : Les Hirondelles, les Demoiselles

     

    Quelques douceurs, d'abord...de petits oeufs en sucre, normal, c'est Pâques ! Des amaretti, qui me font déjà de l'oeil...et des Lindt Sensation Fruit... 

     

    La Thé Box, Avril 2017 : Les Hirondelles, les Demoiselles

     

    Filtre d'Amour est une création Jardins de l'Hermitage : une association de thés chinois avec des arômes vanillés et sucrés ; Rainbow est une création de Tamia & Julia, pour la Thé Box : ce mois-ci, elles nous proposent un thé Sencha dans lequel s'entremêlent fruits et fleurs, entre autres, fleurs de souci, passiflore, mandarine, orange ou encore kiwi. En un mot, une infusion bien de saison ; Rainy Day Bio nous est proposé par Thés&Traditions. Parfois, même si on est au printemps, il pleut et il fait gris et ce thé est justement là pour pallier à ces petits désagréments. Un sencha (encore) qui se marie à des morceaux de fruits compose ce breuvage qui m'a l'air charmant ! 

    La Thé Box, Avril 2017 : Les Hirondelles, les Demoiselles

     

    Pour la première fois, je découvre cette marque dans La Thé Box. Il s'agit de Grand Comptoir qui nous propose Moyen Orient, une infusion aux arômes orientaux de menthe et de de roses de Damas et Verger, une infusion biologique aux fruits (framboise, fraise, pomme, cassis) et aux fleurs (serpolet, mélisse et verveine).

     

    La Thé Box, Avril 2017 : Les Hirondelles, les Demoiselles

     

    Vintage Teas, marque que je ne connais absolument pas, nous propose deux créations, Ginger, un thé noir aromatisé au gingembre qui m'a l'air génial et Apricot, qui, comme son nom l'indique, sera un thé fruité aux arômes printaniers d'abricot...miam ! J'aurais bien goûté celui à l'orange, aussi, mais j'ai eu abricot, c'est sympa aussi ! 

     

    La Thé Box, Avril 2017 : Les Hirondelles, les Demoiselles

     

    Enfin, les Comptoirs Richard, déjà rencontrés dans La Thé Box, nous proposent ce mois-ci Secrets d’Équilibre et Vanille Caramel. Ce dernier me fait vraiment de l'oeil ! Secrets d’Équilibre est une infusion favorisant la digestion, à base de fenouil, badiane, anis vert...elle a l'air sympa ! Vanille Caramel est plutôt un thé noir, aromatisé au caramel fudge et à la vanille....il a l'air juste génial ! 


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  • « Croyez-vous que le génie d'un seul homme puisse opérer une révolution sur toute une nation ? »

    La Part de l'Aube ; Eric Marchal

     

    Publié en 2014

    Editions Pocket

    928 pages

    Résumé :

    Lyon, septembre 1777. Des textes gaulois sont découverts : ils traitent des origines du peuple français. L'avocat Antoine Fabert se retrouve propulsé au centre d'une bataille dont l'enjeu est colossal. Avec ses proches - un ténor du barreau lyonnais, un historien paralytique, un rédacteur de la première gazette sur l'actualité locale, une comédienne - il se lance à corps perdu sur la trace d'une mystérieuse statuette dont le secret pourrait à lui seul ébranler la royauté à la veille de la Révolution française. Une course-poursuite au cœur d'un siècle fascinant pendant lequel le peuple de France s'est écrit un nouveau destin...

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En 1777 à Lyon, des documents gaulois sont retrouvés dans une ancienne hypocauste, mise au jour lors de travaux, sur la colline de Fourvière. Découverts sur la propriété d'un avocat émérite de la cité, Antoine Fabert, ce dernier s'attelle à l'étude des textes, grâce à l'aide de l'historien Antelme de Jussieu. Mais à l'époque, découvrir de tels documents n'est pas forcément considéré comme une bonne chose...si, aujourd'hui, toute mise au jour de vestiges ou de textes anciens est un événement considérable pour le monde scientifique, susceptible de faire progresser la discipline, il n'en était rien encore il y'a deux-cent-cinquante ans. En 1777, la monarchie n'en a certes plus pour très longtemps mais elle est encore bien là et l'Histoire est instrumentalisée au profit de l'État et de la royauté. Les textes traduits par Antoine Fabert pourraient se révéler particulièrement explosifs et dangereux pour lui, car remettant en cause l'Histoire avantageuse créée de toutes pièces notamment par les prélats, pour servir la royauté. Aujourd'hui, l'historiographie contemporaine admet sans aucun doute possible les racines gauloises de notre pays et de notre culture, sans les porter aux nues de façon exagérée comme le font certains courants politiques, ceci étant dit. Au XVIIIème siècle, au contraire, il était inconcevable de considérer que l' Histoire de la France pouvait remonter au-delà du peuple franc, converti au catholicisme à la suite de son chef charismatique, Clovis, au Vème siècle. Admettre les racines païennes de notre pays, la culture orale des druides ou même le proclamer était une hérésie et les historiens ou érudits qui osaient le faire publiquement étaient passibles d'emprisonnement. En pleine émulation culturelle, en pleine époque des Lumières, il n'était pourtant pas si facile de bouleverser des idées établies depuis des siècles : car affirmer que le tiers état descendait d'un peuple soumis et surtout, sans culture connue, c'était légitimer la mainmise de la monarchie, alors que le contraire tendait à remettre en cause cette suprématie basée sur une interprétation fausse de l' Histoire. 
    C'est donc la quête d'Antoine et son combat pour établir la vérité, qu'Eric Marchal, grâce à un subtil mélange d'authentique et de fiction, se propose de nous raconter dans cet ambitieux roman de près de mille pages.

    Dès le départ, avant même de commencer, j'avais le sentiment que La Part de l'Aube était un roman ambitieux, sérieux, pour lequel l'auteur avait beaucoup travaillé, afin d'être le plus précis possible et ne rien laisser au hasard. Et ce sentiment s'est très vite confirmé.
    Je ne vous dirais pas que j'ai été captivée tout de suite et le suis restée jusqu'aux ultimes pages parce que ce serait malhonnête. J'ai parfois ressenti quelques longueurs, mais heureusement, l'intérêt du roman a pris le dessus. J'ai aimé la façon dont l'auteur abordait son sujet, jamais de manière frontale et directe, mais toujours en louvoyant, avec des chapitres qui s'arrêtent parfois un peu abruptement, mais toujours en faisant monter le suspense et, dans le même temps, la tension et l'intérêt du lecteur. 
    Il faut dire que le sujet choisi par Eric Marchal est très intéressant et il nous livre là un peu plus qu'un roman historique : La Part de l'Aube est aussi un roman historiographique, ce qui en fait une sorte d'ovni dans le paysage littéraire contemporain. 
    J'ai beaucoup aimé les personnages et le fait que l'auteur nous balade de l'Antiquité au XVIIIème siècle. Découvrir la Lugdunum du Ier siècle après J-C, ville florissante au confluent de la Saône et du Rhône, a pour moi été un vrai voyage. Je suis partie à la découverte d'un personnage, Louern, qui sera le fil conducteur de tout le roman. Je suis partie à la rencontre d'une civilisation assez extraordinaire quoique méconnue. Certes, les avancées scientifiques nous permettent de mieux appréhender le peuple gaulois dans toute sa globalité et sa complexité mais ce peuple, à l'origine du nôtre, reste encore entaché de beaucoup de clichés et idées reçues. Et l'époque des Lumières, époque de fleurissement intellectuel n'était pas tendre avec celles considérées comme barbares et incultes. On se rend compte que le XVIIIème siècle, connu pour être une ère d'émulation scientifique n'en restait pas moins frileuse, parfois, lorsqu'elle se trouvait face à une révélation à la portée absolument exceptionnelle et colossale. C'est tout le contraste d'un siècle si paradoxal : les mœurs qui se libèrent tout en étant condamnées, l'émancipation des préceptes religieux en même temps que la condamnation du chevalier de La Barre pour blasphème. Le XVIIIème siècle, dans toutes sa complexité et ses contradictions, est passionnant. C'est une époque si vive, si riche, qui préfigure la nôtre tout en restant encore attachée aux us et coutumes ancestraux.
    Sans être historien, Eric Marchal parvient à saisir cette complexité et à l'exploiter habilement, faisant s'opposer les fers de lance de la culture et ceux de la monarchie, agrippés à des principes surannés et en retard, qui font de la royauté française en cette fin de siècle, un colosse aux pieds d'argile. On pourrait croire alors que le roman est manichéen mais non, du moins, ce n'est pas ainsi que je l'ai ressenti. Chacun essaie de défendre son propre point de vue et parfois, sa propre vie et son propre équilibre, ce qui, au final, est légitime . Bien sûr que la vision monarchique de l'Histoire de France est vue comme rétrograde et dommageable par l'auteur et par son héros, Antoine, partisan du progrès. Pour autant, sans la partager, on comprend aussi les défenseurs d'une Histoire instrumentalisée et au service de la propagande royale, parce que remettre en question le système, c'était, à coup sûr, disparaître et, on le sait bien, le changement fait peur. Et puis il y'a aussi les irrécupérables, ceux qui aiment être mauvais, comme l'inspecteur Marais, plus soucieux de lui-même que du reste, les opportunistes qui se servent d'un combat qui n'est pas le leur pour en tirer le plus de bénéfices possibles.
    Justement, parlons-en, des personnages ! Ils m'ont tous, à leur manière, beaucoup plu et je crois que l'auteur a passé beaucoup de temps à les travailler pour leur donner autant de relief et de vérité. Ils sont très nombreux au point que, parfois, j'arrivais à les confondre... certains arrivent parfois comme un cheveu sur la soupe, sans qu'on comprenne bien quelle est leur véritable portée. Et puis, au fil de la lecture, on se rend compte que tout est lié, personnages comme événements et qu'aucun n'apparaît par hasard. La Part de l'Aube est un écheveau, lentement tissé. Peu à peu, après avoir ressenti des longueurs, je me suis habituée à la lenteur apparente du récit, je l'ai même aimée. Pour utiliser des termes à l'opposé l'un de l'autre, La Part de l'Aube est lent et dynamique à la fois, comme une eau qui dort et peut s'éveiller à tout instant. Les personnages sont un grand atout du livre. Chacun a une personnalité propre et beaucoup de caractère, de détermination, à commencer par Antoine, le héros, avocat talentueux et à l'intelligence extraordinaire. Les autres personnages, qui gravitent autour de lui et peuvent apparaître comme secondaires ne le sont en fait pas du tout et j'ai appris à m'attacher à eux au fil des pages. 
    L'autre atout du roman, je crois, c'est qu'il se passe ailleurs qu'à Paris. Lyon est une ville que je ne connais pas mais que j'ai apprécié de trouver au centre du récit. Cette cité pluri-séculaire a un passé et une histoire extrêmement riche. L'ancienne capitale des Gaules, qui a vu naître l'empereur Claude, est au XVIIIème siècle une ville qui peut rivaliser à Paris et possède une industrie naissante, celle de la soie. Historiquement parlant, Lyon est une ville bigarrée, qui a connu successivement les influences impériale et française et qui a un passé antique intéressant, avec de nombreux vestiges de sa gloire passée. Il est intéressant aussi de voir comment les dernières décennies de la monarchie ont été perçues en province, comme il est intéressant de voir aussi comment la Révolution par la suite s'y développa. 
    Bref, La Part de l'Aube est un roman riche et complet. Ambitieux, comme je l'ai déjà dit plus haut, mais maîtrisé par son auteur, ce qui lui donne ainsi toute crédibilité. Eric Marchal est un auteur talentueux dont je connaissais pas l'univers, univers que je ne regrette absolument pas d'avoir découvert avec ce roman !
    L' autre atout du roman est sans nul doute la quête effrénée d'Antoine, qui nous permet de mieux comprendre la culture gauloise, en nous débarrassant des dernières idées reçues que nous pourrions encore avoir à l'esprit. C'est un peuple et une culture dans toute leur diversité qui nous apparaissent et j'ai beaucoup aimé
    La Part de l'Aube a mis du temps à me convaincre : les premiers chapitres m'ont déroutée, je dois bien l'avouer. Il m'a fallu du temps pour bien appréhender la pléthore de personnages et leurs caractéristiques propres. Mais une fois que l'ambiance du roman a pris, que je m'y suis habituée, ce ne fut qu'une très bonne expérience. Ce roman bien souvent ne se lâche qu'à regret. On veut continuer, encore et encore. Aller jusqu'au bout. 
    Après un début un peu lent, j'avoue que je me suis vite prise au jeu et que je suis sortie de ce livre un peu mélancolique. Je m'étais attachée aux personnages et habituée à son ambiance. Quand un livre nous paraît trop court, c'est bon signe, non ? La preuve avec ce roman !

    En Bref : 

    Les + : un roman ambitieux et pour lequel l'auteur s'est donné les moyens ; son travail est maîtrisé, son intrigue captivante et ses personnages attachants. Une réussite. 
    Les - : 
    un début un peu lent mais heureusement vite rattrapé par la suite de l'intrigue, ce n'est donc qu'un tout petit bémol.

    La Part de l'Aube ; Eric Marchal

     Bingo littéraire du printemps


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