• « Souvenez-vous pourtant que le courage est rarement un trait dominant chez les humains. »

    La Petite Couturière du Titanic ; Kate Alcott

     

    Publié en 2012 aux Etats-Unis ; en 2017 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Dressmaker

    Editions Archipoche (collection Romans Étrangers)

    442 pages

    Résumé :

    Avril 1912. Tess Collins, jeune Anglaise aspirant à percer dans le milieu de la mode, a de la chance. A peine sur le Titanic, elle fait connaissance de Lucy Duff Gordon, célébrité de la haute couture qui va présenter sa nouvelle collection en Amérique. 

    Sa femme de chambre lui ayant fait faux bond, la créatrice de mode décide de prendre Tess à son service. A bord, la jeune femme fait la connaissance de deux hommes. Mais, tandis qu'un triangle amoureux se forme, le paquebot, sans que ses passagers s'en doutent, fonce vers un iceberg...

    A New-York, Tess intègre l'atelier de lady Lucy. Les talents de modiste de la jeune femme se révèlent bien vite, ses premiers modèles font sensation. Mais son ascension pourrait connaître un coup d'arrêt. Ne se murmure-t-il pas en effet que lady Lucy aurait eu une conduite répréhensible lors du naufrage ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★  

    Mon Avis :

    En avril 1912, Tess Collins, jeune bonne à Cherbourg, quitte tout et s'embarque sur le Titanic, après s'être fait embaucher comme femme de chambre par Lucile Duff Gordon, styliste en vogue. Malgré le naufrage du paquebot, quelques jours plus tard, Tess et sa patronne ainsi que le mari de celle-ci sont saufs. Rentrée à New York, Lucile fait de Tess une couturière dans ses ateliers. Tess touche du doigt son rêve : mais il se pourrait que le comportement de sa patronne lors du naufrage fasse tout voler en éclats...
    Voilà en quelques lignes l'intrigue de La Petite Couturière du Titanic, roman de Kate Alcott : avec cette lecture, je découvre un univers, un récit mais aussi une auteure. Jusqu'à présent, je ne connaissais absolument pas Kate Alcott.
    La Petite Couturière du Titanic est un roman historique intéressant, qui ne se passe que sur quelques jours mais qui est étonnamment riche et dense. Basé sur l'une des plus grandes tragédies du début du XXème siècle, ce roman a quelque chose de fascinant...
    Parti de Southampton début avril, le paquebot de la White Star Line construit entre 1909 et 1912 est un monstre des mers, prouesse de modernité et de technique. Et surtout, réputé insubmersible. Alors, lorsque dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, le bateau lance des appels de détresse, après avoir heurté un iceberg au large de Terre-Neuve et coule en quelques heures, on n'y croit pas. Et surtout, le monde est paralysé d'horreur devant les milliers de victimes qui se noient dans les eaux glacées de l'Atlantique : la plupart voyageaient dans l'entrepont et ne purent accéder aux canots de sauvetage. De là, naquit un scandale sur fond de lutte des classes et de féminisme, qui embrasa les États-Unis comme l'Europe. Chacun fut choqué qu'un tel paquebot, emportant à son bord tant de passagers, ait été commandé par un équipage novice et ait pu avoir été mis à la mer avec un nombre de canots insuffisant. Alors, évidemment, quand la rumeur commença à se propager que des nantis avaient délibérément refusé l'accès des canots à des naufragés, le scandale a été complet.
    Aujourd'hui, on retient avant tout du Titanic la catastrophe humaine, les nombreux morts... On oublie que ce naufrage a donné lieu à une audition retentissante en Amérique, entre avril et mai 1912. Menée par une commission sénatoriale, elle visait à faire la lumière sur ce qui avait pu se passer pendant le naufrage et notamment, les possibles manquements.
    Dans le roman, c'est au travers des yeux de Tess Collins que l'on suit, pendant quelques semaines, le déroulé de ce que l'on pourrait presque appeler un procès même s'il n'y eut pas à proprement parler de sanctions à son issue. Ni très riche ni trop pauvre, la jeune femme, qui a eu la chance -si on peut dire- d'être embauchée par une styliste de talent au dernier moment, ne voyage pas à l'entrepont et pourra trouver une place dans un canot avant d'être secourue, avec d'autres survivants. Tess est un personnage de fiction mais elle personnifie finalement la grande masse de ceux qui se sont embarqués sur ce paquebot au printemps 1912 : l'envie d'un nouveau départ, d'une nouvelle vie, en Amérique, le nouvel eldorado.
    Sa patronne dans le roman est, elle, un personnage ayant existé, tout comme Margaret Brown, redoutable femme d'affaires du Colorado que l'on retrouve tout au long du récit. Comme ce que décrit Kate Alcott dans son roman, Lucile Duff Gordon et son époux ont bien pris place dans un canot qui arriva à moitié vide près du Carpathia, navire qui s'était porté au secours des naufragés du Titanic : une douzaine de personnes y avaient pris place alors qu'il aurait pu en accueillir une soixantaine. Sans jamais avoir été prouvé, le comportement supposé de la styliste et de son mari, Cosmo, baronnet britannique, a durablement entaché leur réputation. Tout ceci est vrai comme le déroulement de cette fameuse audition qui agita les États-Unis, dont Kate Alcott reprend ainsi les minutes : dans les grandes lignes, ce que raconte ici l'auteure est basé sur des textes authentiques et j'ai trouvé ça intéressant parce que je ne savais rien de ce qui s'était réellement passé après le naufrage...
    Au-delà de cet aspect juridique et presque froid, qui cherche avant tout à faire la lumière sur un drame affreux, j'ai aimé la description que l'auteure fait du ressenti des survivants, entre euphorie d'être encore en vie et culpabilité innée à l'idée d'être encore là alors que tant d'autres sont morts. Tess symbolise un peu tous ces passagers qui ne firent pas parler d'eux mais portèrent toute leur vie une blessure terrible et un traumatisme qui peut-être à l'époque n'a pas été considéré à sa juste valeur. On peut rapprocher Tess de Pinky, la jeune journaliste du Times à qui est confiée l'investigation sur le naufrage et qui est déterminée à faire la lumière sur cette affaire, quitte à perdre son objectivité : elle est cependant bien déterminée à montrer que, encore une fois, ce sont les plus pauvres qui ont trinqué pour les plus riches... Une histoire vieille comme le monde en somme mais qui, en ce début de XXème siècle, est intolérable.

    Dessin du Titanic sombrant. La poupe est hors de l'eau.

    Dessin de Willy Stöwer représentant la catastrophe

    Et pendant ce temps, ceux qui sont appelés à comparaître, membres de l'équipage, simples passagers, officiers de la White Star Line, se tirent mutuellement dans les pattes, se dédouanant en chargeant le voisin, rendant la situation encore plus compliquée.
    Bref... Si le roman m'a plu pour son côté historique très dense et bien maîtrisé -on sent que l'auteure a fait un solide travail en amont- je l'ai parfois trouvé un peu plat, un peu monocorde. Le récit du naufrage va très vite, trop vite peut-être et même si ce n'est finalement qu'un point de départ, j'ai eu l'impression que c'était balayé en quelques phrases, quelques chapitres à peine. Alors que, a contrario, on s'étend longuement sur le procès, les auditions etc... C'est certes intéressant mais peut-être un peu trop développé par rapport à d'autres aspects du roman.
    En ce qui concerne le personnage de Tess, je l'ai trouvée gentille, courageuse, déterminée mais aussi fragile. Un personnage tout en contrastes, avec une part timide et une autre affirmée, déterminée mais pas dénuée non plus de doutes. Est-ce que je l'ai trouvée attachante ? Elle l'est, certainement, même si je ne me suis pas sentie aussi proche d'elle que je l'aurais voulu. Tess fait cependant partie de ces héroïnes ordinaires que j'aime, ces femmes au final comme les autres mais qui peuvent se montrer héroïques sans même le savoir. Elle m'a un peu rappelé le personnage d'Eilis, dans Brooklyn de Colm Tóibín  ; elle m'a aussi évoqué le personnage de Therese dans Carol de Patricia Highsmith.
    Quant à l'aspect romance eh bien...Je dois dire qu'il me laisse un peu perplexe... Je pense que l'auteure avait suffisamment de matière historique et authentique surtout pour ne pas s'encombrer avec de la romance. Pour moi cette histoire de triangle amoureux n'apporte, en soi, rien de plus au récit.
    La Petite Couturière du Titanic est un bon roman historique quoiqu'un peu inégal. Je n'y ai pas tout apprécié, loin de là et j'ai eu l'impression que le rythme était un peu en dents de scie, comme le style d'ailleurs, bien plus fin dans les derniers chapitres qu'au début du roman. Mais il est clair que le sujet choisi est intéressant, fascinant et que l'auteure s'inspire d'un événement historiquement fiable, avec des personnages ayant existé, en s'inspirant précisément des comptes rendus de la commission sénatoriale est tout à son honneur. Kate Alcott a réussi à créer un vrai univers, plutôt plaisant mais qui n'a pas su me séduire complètement. En revanche, elle restitue très bien un contexte difficile et riche, ce qui donne assurément un plus au roman.
    La Petite Couturière du Titanic saura certainement plaire aux amoureux de romans historiques mâtinés de romance mais aussi à celles qui aiment coudre et qui se retrouveront certainement dans Tess... Pas une mauvaise découverte en soi même si j'aurais voulu aimer encore plus cette lecture.

     

    Le canot de sauvetage n°1 aborde le Carpathia : à son bord, à peine une douzaine de personnes alors qu'il aurait pu en accueillir une soixantaine...

     

     

    En Bref : 

    Les + : l'intrigue, sans nul doute, basée sur des textes authentiques et un fait divers qui ne l'est pas moins et a durablement marqué avant de devenir fascinant...
    Les - : un roman un peu inégal, au style et au rythme en dents de scie. C'est dommage. 

     

     

    Brooklyn ; Colm Tóibín

     Thème de juillet, « Le grand bleu », 7/12


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  • « Mais nous ne sommes plus des enfants. Nous fêterons bientôt nos dix-huit ans… Or, avec l’âge, on gagnait en maturité. On devenait pleinement responsable de ses actes, n’est-ce pas ? »

    Publié en Angleterre en 2002 ; en 2018 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Windflowers

    Editions Archipoche (collection Romans Étrangers) 

    465 pages

    Résumé :

    Cela fait cinq ans que Claire a quitté les terres hostiles et désolées du domaine australien où elle a grandi pour entreprendre une carrière de vétérinaire à Sydney. 

    Lorsqu'elle accepte l'invitation de sa grand-tante Aurelia à une réunion de famille, elle est ramenée à son passé - elle qui était partie après une violente dispute avec les siens... 

    En renouant avec ses jeunes années, les rancœurs surgissent - autant de secrets prêts à faire surface... 

    Comme à son habitude, Tamara McKinley se sert des paysages grandioses de l'Australie sauvage pour raconter le destin de femmes luttant pour gagner leur indépendance. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★  

    Mon Avis :

    En 1936, la jeune Ellie arrive à Warratah, le ranch de sa tante Aurelia, après avoir passé plusieurs années sur les routes d'Australie, en compagnie de son père. Elle a été escortée par des jumeaux rencontrés sur la route, Joe et Charlie, avec qui elle s'est liée d'amitié...
    Trente-quatre ans plus tard, Claire, la fille d'Ellie, quitte Sydney pour revenir à Warratah, après ses études de vétérinaire et une longue brouille avec sa famille : en revenant auprès des siens, Claire espère obtenir des réponses concernant un secret qui empoisonne la famille depuis presque quarante ans. Que s'est-il passé à Warratah à la fin des années 30 et pendant la guerre ? Quel secret concernant sa naissance Ellie cache-t-elle à Claire ?
    Alors se déroule devant nos yeux le drame qui s'est noué pendant la guerre et a bouleversé à jamais l'existence des habitants du ranch...
    Entre deux époques et sur fond de Seconde guerre mondiale, Tamara McKinley nous emmène encore une fois dans ce bush australien, sauvage, désolé mais aussi grandiose, dans ces grandes propriétés où, comme en Amérique, tout est démesuré... Et surtout, loin de tout : cette autarcie est alors propice à des drames qui changeront à jamais ceux qui auront à les vivre... Entre amour, désillusions, amour filial, secrets de famille, guerre mondiale, Tamara McKinley crée un univers riche dans lequel elle fait évoluer des personnages intéressants mais qui m'ont cependant furieusement fait penser à ceux de Une Pluie d’Étincelles, comme si l'auteure s'était contentée de transposer ses personnages en les retouchant quelque peu...
    Si j'ai aimé l'intrigue au centre du roman, notamment parce que l'auteure joue sur une curiosité bien légitime chez le lecteur, je dois dire que je l'ai peut-être un peu moins aimée que celle d'Une Pluie d’Étincelles, qui m'avait vraiment beaucoup plu. Je me suis peut-être sentie moins investie dans cette lecture même si finalement, à son terme, mon ressenti est plutôt positif. Je me suis attachée à Claire comme à Ellie qui ont toutes deux quelque chose de très touchant, en plus d'un courage à toute épreuve, car la vie dans le bush est tout sauf facile. Et surtout, elles ont en commun une certaine fragilité, du fait de ce secret qui les lie mais qui les éloigne tout à la fois... Ellie est rongée par ce secret qu'elle tait depuis si longtemps, Claire, elle par les non-dits de ses parents.
    Au-delà de cette intrigue très centrée sur une même famille, à vingt-cinq ans de différence, c'est aussi une belle description de cette vie agraire dans l'Australie occidentale que nous offre Tamara McKinley : si les villes en Australie se concentrent sur un pourtour oriental et septentrional, ce n'est pas un hasard... C'est que le reste du pays est très désertique, montagneux et recouvert d'une poussière rouge... Comme l'ouest américain qu'il fallut conquérir, le bush et l'outback australiens furent peu à peu investis par les hommes, qui y installèrent d'imposants ranches où étaient élevés chevaux, vaches, bœufs et moutons... Pour autant, les fermiers ne parvinrent jamais à se rendre complètement maîtres d'une nature retorse, où les sécheresses peuvent être aussi violentes que les crues et les averses. Et quand, pendant la guerre, les exploitations se trouvèrent désertées par les patrons, les bouviers, les commis et que les femmes furent seules alors que les hommes se battaient en Afrique ou en Malaisie, la vie fut encore plus difficile... On comprend alors mieux les caractères bien trempés des personnages et l'indépendance dont font preuve les femmes, dans une région où les apparences ne comptent pas.
    Les Fleurs du Repentir est un roman très dense, qui retombe un peu par moment mais qui, dans l'ensemble, est assez cohérent. Je n'y ai pas tout aimé mais j'ai trouvé l'intrigue digne d'intérêt : ce secret, cette envie de le découvrir de l'héroïne qui se communique à nous parce qu'on comprend l'importance que cela a pour elle.
    J'ai aimé que le contexte historique soit un peu plus présent aussi, peut-être plus encore que dans les deux précédents Tamara McKinley que j'ai pu lire... Par exemple, c'est avec surprise que j'ai appris que l'Australie n'avait pas été épargnée par la guerre : certes, je savais que, faisant partie du Commonwealth elle avait fourni son contingent de soldats...Mais je ne savais pas que des combats avaient eu lieu sur son sol notamment dans certains de ses ports du nord qui furent attaqués par les Japonais. Pour le reste, l'angoisse de ceux restés en arrière, l'attente des lettres et la crainte de la nouvelle fatidique, l'attente, l'espoir, sont universaux...
    Il y'a cependant un petit je-ne-sais-quoi qui m'a un peu gênée au cours de cette lecture, que je ne peux pas expliquer ni décrire... c’était une sensation étrange, peut-être due au style, qui m'a moins plu que dans Une Pluie d’Étincelles... Je l'ai trouvé peut-être un peu moins fin, les dialogues coulaient moins bien...
    Pour autant, il y'a suffisamment de positif dans ce roman pour compenser les quelques petites faiblesses... Ma réconciliation avec Tamara McKinley est, je pense, définitive. Lire ces deux romans m'a permis de découvrir que l'univers de Tamara McKinley, sans me séduire totalement, peut me plaire et me faire passer un bon moment... J'ai été dépaysée et j'ai vibré avec les personnages, partageant leurs joies comme leurs peines... Que demander de plus ? 

    MERCI ENCORE A MYLÈNE ET AUX EDITIONS DE L'ARCHIPEL POUR L'ENVOI DE CE ROMAN

    En Bref :

    Les + : une intrigue très intéressante, basée sur un contexte historique assez bien relaté et qui a le mérite de nous faire découvrir la Seconde Guerre Mondiale ailleurs qu'en Europe...
    Les - : peut-être de temps en temps une intrigue qui retombe un peu...une alternance entre passé et présent un peu confuse qui nous perd légèrement... A part ça, rien de grave... 


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  • « Car était-ce seulement ça, l'amour ? se demandait-elle sombrement. Quelque chose qui vous sauvait de la solitude ? Une sorte d'assurance contre le néant de n'être que soi-même ? »

     

    Publié en 2014 en Angleterre ; en 2016 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Paying Guests

    Editions 10/18 (collection Domaine Etranger) 

    720 pages

    Résumé :

    Londres, 1922. Frances vit encore avec sa mère. Endettées, elles prennent des locataires, mais l'arrivée de Lilian et Leonard Barber va bousculer leur existence. La vieille fille et la jeune épouse nouent une relation inattendue,, découvrant des plaisirs qu'elles croyaient interdits. Bientôt, elles rêvent de fuir ensemble. Avant que Lil tombe enceinte, et qu'on assassine Leonard... Tissant fresque sociale et sentimentale, l'auteure de Caresser le Velours offre un mélodrame sensuel et envoûtant, et un remarquable portrait de femmes. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En 1922, à Londres, Frances et sa mère se résignent à prendre des locataires pour parvenir à boucler leurs fins de mois. Après la guerre et la mort de son père, c'est la seule solution pour espérer garder un semblant de vie normale, tout en faisant un deuil définitif de leur ancien train de vie. Les Barber sont jeunes, mariés depuis quelques années, un jeune couple dans le vent, en comparaison de Frances, engluée dans une vie terne et qui ne lui convient pas. Bien vite, malgré leurs différences, de statut, de milieu social, leur solitude réciproque les rapprochent. Et les rapprochent encore...jusqu'à ce qu'elles deviennent amantes, brûlant d'une passion dévorante, jusqu'au drame...jusqu'à l'irrémédiable...jusqu'à la grossesse non désirée de Lilian Barber et le meurtre de son mari...
    Derrière la Porte est un roman lent et intense à la fois, brûlant d'amour et se consumant dans le drame. Derrière la Porte est l'histoire d'une passion partagée, d'un amour qui dépasse tout, jusqu'à celles qui le vivent.
    Pour moi, lire ce roman c'était découvrir l'univers de l'auteure, Sarah Waters. Apparemment, elle est surtout connue pour son roman Caresser le Velours, que je ne connais pas du tout. Derrière la Porte a été un pur hasard, une découverte fortuite mais le résumé m'a donné envie d'ouvrir le roman. Au final, j'y ai trouvé une plume fine, qui peut se faire sensuelle, crue voire dramatique. J'ai découvert un roman assez unique, avec un univers où il ne se passe peut-être pas grand chose en apparence mais où tout est à lire entre les lignes. Sombre et poisseuse, l'intrigue du roman est presque palpable, on peut y plonger, se promener lentement en se postant alternativement derrière l'épaule de tel ou tel personnage, en regardant d'un côté ou de l'autre... On y est, dans ce quartier cossu de Champion Hill, où les Wray mère et fille, pour préserver un semblant de dignité, doivent ouvrir leur intimité à des inconnus. On se met à la place de ces deux femmes éprouvées par la vie, par une guerre atroce, par une pauvreté qu'elles ne comprennent pas. Fragilisée par la mort de son mari et de ses fils, Mrs Wray a vieilli avant l'heure et les rôles se sont inversés, Frances devenant soutien de famille, mère de sa propre mère... En comparaison, les Barber sont à la mode, entourés d'amis, faisant la fête, ayant une situation peut-être pas extraordinaire mais stable. Et puis la rencontre se fait, peut-être pas celle qu'on attend mais qui donne tout son cachet et son piquant à une intrigue qui, somme toute, aurait pu être banale. Mais l'histoire entre Lilian et Frances est extraordinaire et pas seulement parce que c'est une histoire d'amour lesbienne à une époque où cela est tabou voire carrément pas envisageable par une société bien-pensante et corsetée. Elle est extraordinaire parce que c'est une belle histoire, un souffle, un battement de coeur, l'union des corps, la communion de deux âmes... Frances et Lilian sont deux jeunes femmes mais avant tout deux êtres qui se trouvent, pour leur bonheur comme pour leur plus grand malheur... parce que dans ce type d'histoire, il n'est jamais loin et se dissimule insidieusement avant de se révéler dans sa plus cruelle nudité.
    Derrière la Porte est loin d'être une romance, c'est un vrai drame, où même dans l'optimisme on perçoit un relent de pessimisme... Le sentiment d'une urgence, d'une course désespérée vers le marasme alors même que la passion s'accroît. Même dans les scènes de sexe, plutôt explicites, pleines d'amour, on en ressent le terme, la fin, qui sera forcément malheureuse.
    Sarah Waters nous promène pendant plus de sept cents pages et c'est diablement efficace ! La plume est rigoureuse, l'univers personnel et intéressant... Enfin, j'ai aussi beaucoup aimé le personnage de Frances, bien moins lisse que ce qui peut apparaître dans les premiers chapitres : cette jeune femme qui m'apparaissait au départ comme un peu timide et effacée s'avère avoir finalement bien plus de cran et de caractère que ce que je ne pensais, assumant une sexualité qui n'est pas la norme, qui n'est pas...Celle qu'on attend d'elle, évidemment. Défendant les femmes et leurs droits, proche du mouvement des suffragettes, paradoxalement, Frances se comporte aussi, notamment dans sa relation avec Lilian ou avec sa mère, comme un homme et une mère tout à la fois : pour la jeune Mrs Barber, malheureuse dans son mariage et fragilisée par un passé pas évident, Frances se substitue au mari défaillant. Pour sa mère, elle prend la place de son père et de ses frères disparus, en plus de devenir une vraie mère pour elle, gérant les affaires domestiques et économiques du ménage désormais formé que par elles deux.
    Derrière la Porte est un roman très dense, riche et complet, qui aborde tout un tas de sujets, en plus de l'histoire d'amour entre deux femmes : c'est toute une époque troublée qui est décrite ici, l'immédiat après-guerre, une société fragilisée, comme les hommes et les femmes qui ont traversé cette tragédie de quatre années... A part ça, ce sont des thèmes universaux, l'amour, la haine, la peur, l'espoir, l'envie de sauver sa peau, la notion de bien et de mal... Lilian et Frances, tout en étant très inscrites dans leur époque, auraient tout aussi bien pu vivre cent ans plus tôt comme cent ans plus tard et j'ai vraiment apprécié ça chez elles parce que cela nous permet peut-être de nous sentir encore plus proches d'elles. Elles sont une représentation de cet amour plus fort que tout, qui se joue des convenances et de la société... Mais elles sont aussi la preuve que tout grand bonheur peut avoir un revers et parfois, des plus amers, comme si aucune plénitude ne pouvait pas reellement complète, comme si la roue finissait toujours par tourner, immanquablement.
    Ce que j'ai aimé aussi dans ce roman, c'est qu'il est très visuel, très sensoriel -en plus d'être sensuel. J'aime ces livres qui font naître dans mon esprit des images très précises, voire des sensations olfactives ou auditives : quelle prouesse d'arriver à recréer simplement avec des mots ces choses qui confinent à l'impalpable... Et Sarah Waters y arrive très bien !
    J'ai découvert une auteure avec un univers particulier et une plume très fine, très délicate et qui peut en même temps se faire crue et directe. Derrière la Porte est une bonne surprise : très honnêtement, je ne sais pas exactement si je m'attendais à ça en commençant mais au final peu importe puisque j'ai aimé cette lecture. C'est sans nul doute un roman complexe et atypique qui ne plaira peut-être pas à tout le monde... Il est assez particulier. Mais, en ce qui me concerne, c'est justement ce que j'ai aimé dans ce livre : le sentiment d'être dépaysée tout en restant en terrain connu... Le sentiment de sortir un peu de ma zone de confort sans l'être complètement non plus... Vous le voyez, j'ai du mal à poser précisément des mots sur mon ressenti. Derrière la Porte fait partie de ces romans qui sont difficiles à chroniquer : tous les mots qu'on pourrait utiliser pour les décrire apparaissent fades, pas à la hauteur de ce qu'on a pu lire !
    Pour moi assurément et même si ce n'est pas un coup de cœur, ce roman fait partie des très bonnes lectures de ce début d'année...

    En Bref :

    Les + : une histoire intéressante, servie par des personnages aux caractères forts et affirmés, une peinture sociale fine et subtile... 
    Les - :
    une fin peut-être un peu abrupte. Je ne m'attendais pas à ça.


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  • Colis reçu le : 7 juillet 2018

    Aujourd'hui, je vous présente un colis un peu atypique qui n'est pas vraiment un swap mais qui, dans le principe, peut s'en rapprocher un peu. La seule différence, c'est qu'il n'y a pas vraiment d'échange...mais on reçoit un colis chaque mois et c'est toujours la surprise à chaque fois, un peu comme pour les swaps ! ! Donc j'ai décidé que je vous présenterai mes Thé Box dans la catégorie des Swaps puisqu'il faut bien les classer quelque part !

    Ce mois-ci, c'est une Box acidulée, avec des sorbets et des crèmes glacées dessinées partout qui nous est proposée, la Box Happy Days... Tout un programme... C'est parti pour la découverte... Prenez votre chapeau, vos tongs, vos lunettes de soleil et peut-être votre maillot de bain pour une plongée dans un rafraîchissant bain de thé glacé !

    La Thé Box, Juillet 2018 : Happy Days 

    La Thé Box, Juillet 2018 : Happy Days

    Une Box qui pèse son poids, notamment parce que lorsqu'on l'ouvre, on découvre une bouteille de thé glacé My Tea à la menthe de 50 cl. Idéal en ces périodes estivales...

    La Thé Box, Juillet 2018 : Happy Days

    Le thé glacé est accompagné de petites gauffrettes Bienvenue en France. 

    La Thé Box, Juillet 2018 : Happy Days

    Contre-jour contre lequel je n'ai rien pu faire et, résultat, on lit très mal les noms et les marques des deux sachets en haut. Oh My Tea ! une jeune maison de thé parisienne nous propose Peter Pamplemousse (en haut en gauche), un thé vert de Chine au pamplemousse et au citron, à savourer chaud ou glacé. La Thé Box nous propose l'une de ses créations ce mois-ci, un thé aux saveurs estivales : Melon Pastèque. Il s'agit d'un mélange de thé vert et de thé noir sur lequel viennent se poser des arômes fruités de melon et de pastèque... Enfin, la maison La Grange nous propose Peau de pêche, thé noir aux saveurs de pêche, un fruit que j'aime beaucoup et surtout dans les thés. Nul doute que je vais apprécier celui-ci, à consommer chaud ou glacé. 

    La Thé Box, Juillet 2018 : Happy Days

    Ravie, comme toujours, de retrouver la maison Dammann qui nous offre un sachet de quatre de leurs créations. Fidji est un thé vert aux arômes de citronnelle, gingembre et citron vert qui nous emmène tout droit en Océanie. Coquelicot Gourmand rassemble un mélange de thés noirs et des pétales de fleurs ainsi que des arômes de biscuit et pâte d'amande rappelant un gâteau sorti du four... Passion de Fleurs est un thé blanc associé à des arômes de rose, d'abricot et de fruits de la passion. Et, enfin, Fraise Pistache est un thé gourmand, idéal pour l'été, qui associe les parfums emblématiques des glaciers : la fraise et la pistache. A déguster sans modération, en journée. 

    La Thé Box, Juillet 2018 : Happy Days

    The Capsoul nous propose encore une fois ses sachets aux teintes acidulées : un thé blanc Pai Mu Tan à la vanille (Vanilla White Tea), un thé noir énergisant au gingembre et au citron (Ginger Lemon Black Tea) et un thé vert aux saveurs méditerranéennes de citron,  orange, citronnelle, tournesol (Mediterranean Green Tea). 

    La Thé Box, Juillet 2018 : Happy Days

    Et parce qu'il n'y a pas que le thé dans la vie, vous pourrez aussi retrouver dans votre Box de juillet quatre sachets d'infusions de la marque Natural Temptation : Lots of Love mélange lavande, pétales de rose et fleur de sureau. My Golden Star est une infusion alliant le curcuma et le citron pour un breuvage épicée. Thanks a Lot est un mélange de camomille et d'anis étoilé, idéal en soirée. Enfin Happy Birthday, à déguster aussi en soirée, quand la chaleur est enfin tombée et en admirant les étoiles, est une infusion de fleur de sureau et menthe poivrée : de quoi faire passer le gâteau d'anniversaire, assurément ! ;)

    La Thé Box, Juillet 2018 : Happy Days

     

    Et le traditionnel sac en toile de l'été, 100 % coton, que je traîne déjà partout (photo du site La Thé Box)


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  • « Ici, nous faisons notre devoir, c'est tout ; et quand le devoir est incapable de détourner la balle égarée d'un tireur isolé, on abandonne l'idée présomptueuse que l'homme peut contrôler son destin. »

     

    Publié en 2016 en Angleterre ; en 2017 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Summer Before the War

    Editions 10/18 (collection Domaine Etranger)

    664 pages

    Résumé :

    Été 1914. Beatrice Nash, jeune professeure, découvre le village de Rye et sa gentry locale. Elle a fait vœu de célibat et se rêve écrivain - des choix audacieux dans la société conservatrice de ce début de siècle, que l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne vient bouleverser. Les hommes s'engagent et Beatrice voit partir Hugh, le neveu de sa chaperonne, avec un étrange sentiment...
    Helen Simonson signe un roman pétillant et mordant, entre comédie de mœurs, tableau romantique et portrait féministe, Downton Abbey et Jane Austen. Lumineux et...so british

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    En 1914, Beatrice Nash arrive à Rye, Sussex, pour devenir répétitrice de latin. C'est un bel été et, dans cette petite ville côtière, où il fait si chaud, les réceptions succèdent aux garden-parties... Pendant ce temps, Beatrice fait la connaissance de sa bienfaitrice, Agatha Kent et des neveux de celle-ci, Hugh et Daniel, si différents l'un de l'autre. Hugh, le scientifique, futur médecin, aussi calme et posé que son cousin est exubérant, n'est pas sans laisser indifférente la jeune professeur de latin et c'est d'ailleurs avec un léger pincement au cœur qu'elle le voit partir à la guerre...
    Car L’Été avant la Guerre, c'est ça : les derniers moments d'insouciance avant l'horreur, avant que tout ne bascule... Avant que l'assassinat d'un archiduc autrichien, faisant jouer les alliances, ne fasse se jeter les puissances européennes les unes contre les autres...Les dernières semaines où la vie, pour la dernière fois, se déroule à peu près normalement ou avec un semblant de normalité, avant que l'inquiétude ne prenne le dessus...
    Voilà l'idée de départ qui, en soi, est plutôt bonne. Faire découvrir la guerre autrement, le avant, quand rien encore n'est certain, quand l'espoir est encore là et le dispute à l'inquiétude... La Première guerre mondiale est un tragédie à nul autre pareil, un véritable cataclysme mais qui, malgré tout, ne fut pas réellement envisagée, avant qu'elle n'éclate comme un coup de tonnerre... C'est du moins le cas en Angleterre : j'ai été très surprise que la guerre soit totalement absente des premiers chapitres avant de comprendre que l'Angleterre, du fait de son insularité, est restée épargnée plus longtemps que le continent. La guerre est restée plus longtemps une abstraction au Royaume-Uni et la vie n'a pas été bouleversée tout de suite : voilà pourquoi les personnages n'en parlent pas ou si peu, continuent de vivre normalement, se recevant mutuellement, planifiant leur avenir, faisant des projets. Et puis, comme partout ailleurs, on va assister à des mouvements d'enthousiasme, des enrôlements spontanés, avec l'idée que le conflit ne va durer que quelques semaines ou quelques mois. Enfin, c'est l'arrivée des réfugiés belges, traumatisés, ayant tout perdu, qui jette brutalement la guerre à la figure des habitants de Rye... Et les premiers enrôlements arrivent puis les premiers morts et les soldats anglais se retrouvent, comme les autres, pris dans la tourmente et l'horreur de la guerre des tranchées.
    L’Été avant la Guerre est un roman intéressant avec une idée de départ originale. Mais qu'est-ce que c'est long ! Les trois quarts du roman m'ont fait l'effet d'une platitude sans nom. Waterloo, morne plaine, vous voyez ? C'était exactement ça ! Une histoire qui, sans être complètement dépourvue d'intérêt est ennuyeuse... Une histoire que je retrouvais à chaque reprise de lecture avec un plaisir mêlé d'ennui et de lassitude. Il a fallu que j'attende les derniers chapitres pour me sentir vraiment investie dans cette lecture mais malheureusement, cela n'a pas réussi à tempérer ce léger sentiment de déconvenue ressenti quasiment dès les premières pages.
    Surtout, je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages... Peut-être Hugh et Daniel, les deux cousins, m'ont-ils plu... J'ai aussi aimé le couple formé par Agatha et John Kent. Mais l'héroïne de ce récit, c'est Beatrice... Et je n'ai pas du tout réussi à me sentir proche de Beatrice, trop froide, trop distante et très cynique... C'est très rare qu'un personnage ne me plaise vraiment pas mais c'est arrivé ici. Sans la détester non plus, disons que je n'ai pas réussi à m'identifier à elle ce qui me paraît pourtant important dans une oeuvre de fiction. Quant au duo qui se forme progressivement entre Beatrice et Hugh, il est prévisible à vingt mètres mais au final assez cohérent car unissant deux personnages complémentaires. Ce n'est peut-être qu'à partir de ce moment que j'ai pu me sentir un peu plus proche de Beatrice...
    Ceci dit, L’Été avant la Guerre est un roman qui a aussi des qualités, bien sûr. Et des qualités certaines. J'ai aimé les descriptions pleines de nuances que fait l'auteure de la société de cette époque, moralisatrice et condamnant volontiers, une société condescendante et facilement encline au mépris et à la mesquinerie, se perdant en vaines et futiles querelles de préséance alors que, au front, de jeunes soldats se battent pour la nation. L'éclatement de la guerre de Quatorze, c'est aussi l'émancipation des femmes, qui se sentent le droit de jouer un rôle, enfin, qui osent et qui, pendant les longues années du conflit, remplaceront les hommes à l'arrière.
    Enfin, les derniers chapitres qui nous transportent justement sur le théâtre des opérations, au milieu des tranchées anglaises, dans le sang et la boue, sont criants de vérité et on entend presque le bruit sourd des canons au dessus des villages en ruine.
    Mais c'est si dommage que tout cela arrive tard...trop tard pour moi. Ces ultimes chapitres plus enlevés n'ont vraiment pas pu rattraper leurs prédécesseurs... Le roman est plutôt imposant et le dynamisme de la fin n'est pas suffisant pour palier aux longueurs du début. J'ai vraiment eu le sentiment de voir se dérouler devant moi un récit monotone où il ne se passe pas grand chose et où les repères chronologiques sont tellement absents qu'on ne sait même plus à quelle période de l'année on se trouve...
    Mention cependant aux descriptions fines et réalistes, au récit nuancé et au style d'écriture maîtrisé.
    L’Été avant la Guerre ne me laissera pas un extraordinaire souvenir. C'est loin d'être un coup de coeur mais ce n'est pas une déception non plus. Après avoir tourné la dernière page, c'est juste un léger sentiment de frustration livresque qui reste... Rien de grave en soi et une lecture qui, je n'en doute pas, saura sûrement trouver son lectorat. 

    En Bref : 

    Les + : une idée de départ intéressante, un récit nuancé et un style d'écriture précis et maîtrisé...
    Les - : ...mais beaucoup trop de longueurs pour que le roman soit réellement convaincant. Dommage, il y'avait là matière à faire un somptueux roman historique. 


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