• « Mais nous ne sommes plus des enfants. Nous fêterons bientôt nos dix-huit ans… Or, avec l’âge, on gagnait en maturité. On devenait pleinement responsable de ses actes, n’est-ce pas ? »

    Publié en Angleterre en 2002 ; en 2018 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Windflowers

    Editions Archipoche (collection Romans Étrangers) 

    465 pages

    Résumé :

    Cela fait cinq ans que Claire a quitté les terres hostiles et désolées du domaine australien où elle a grandi pour entreprendre une carrière de vétérinaire à Sydney. 

    Lorsqu'elle accepte l'invitation de sa grand-tante Aurelia à une réunion de famille, elle est ramenée à son passé - elle qui était partie après une violente dispute avec les siens... 

    En renouant avec ses jeunes années, les rancœurs surgissent - autant de secrets prêts à faire surface... 

    Comme à son habitude, Tamara McKinley se sert des paysages grandioses de l'Australie sauvage pour raconter le destin de femmes luttant pour gagner leur indépendance. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★  

    Mon Avis :

    En 1936, la jeune Ellie arrive à Warratah, le ranch de sa tante Aurelia, après avoir passé plusieurs années sur les routes d'Australie, en compagnie de son père. Elle a été escortée par des jumeaux rencontrés sur la route, Joe et Charlie, avec qui elle s'est liée d'amitié...
    Trente-quatre ans plus tard, Claire, la fille d'Ellie, quitte Sydney pour revenir à Warratah, après ses études de vétérinaire et une longue brouille avec sa famille : en revenant auprès des siens, Claire espère obtenir des réponses concernant un secret qui empoisonne la famille depuis presque quarante ans. Que s'est-il passé à Warratah à la fin des années 30 et pendant la guerre ? Quel secret concernant sa naissance Ellie cache-t-elle à Claire ?
    Alors se déroule devant nos yeux le drame qui s'est noué pendant la guerre et a bouleversé à jamais l'existence des habitants du ranch...
    Entre deux époques et sur fond de Seconde guerre mondiale, Tamara McKinley nous emmène encore une fois dans ce bush australien, sauvage, désolé mais aussi grandiose, dans ces grandes propriétés où, comme en Amérique, tout est démesuré... Et surtout, loin de tout : cette autarcie est alors propice à des drames qui changeront à jamais ceux qui auront à les vivre... Entre amour, désillusions, amour filial, secrets de famille, guerre mondiale, Tamara McKinley crée un univers riche dans lequel elle fait évoluer des personnages intéressants mais qui m'ont cependant furieusement fait penser à ceux de Une Pluie d’Étincelles, comme si l'auteure s'était contentée de transposer ses personnages en les retouchant quelque peu...
    Si j'ai aimé l'intrigue au centre du roman, notamment parce que l'auteure joue sur une curiosité bien légitime chez le lecteur, je dois dire que je l'ai peut-être un peu moins aimée que celle d'Une Pluie d’Étincelles, qui m'avait vraiment beaucoup plu. Je me suis peut-être sentie moins investie dans cette lecture même si finalement, à son terme, mon ressenti est plutôt positif. Je me suis attachée à Claire comme à Ellie qui ont toutes deux quelque chose de très touchant, en plus d'un courage à toute épreuve, car la vie dans le bush est tout sauf facile. Et surtout, elles ont en commun une certaine fragilité, du fait de ce secret qui les lie mais qui les éloigne tout à la fois... Ellie est rongée par ce secret qu'elle tait depuis si longtemps, Claire, elle par les non-dits de ses parents.
    Au-delà de cette intrigue très centrée sur une même famille, à vingt-cinq ans de différence, c'est aussi une belle description de cette vie agraire dans l'Australie occidentale que nous offre Tamara McKinley : si les villes en Australie se concentrent sur un pourtour oriental et septentrional, ce n'est pas un hasard... C'est que le reste du pays est très désertique, montagneux et recouvert d'une poussière rouge... Comme l'ouest américain qu'il fallut conquérir, le bush et l'outback australiens furent peu à peu investis par les hommes, qui y installèrent d'imposants ranches où étaient élevés chevaux, vaches, bœufs et moutons... Pour autant, les fermiers ne parvinrent jamais à se rendre complètement maîtres d'une nature retorse, où les sécheresses peuvent être aussi violentes que les crues et les averses. Et quand, pendant la guerre, les exploitations se trouvèrent désertées par les patrons, les bouviers, les commis et que les femmes furent seules alors que les hommes se battaient en Afrique ou en Malaisie, la vie fut encore plus difficile... On comprend alors mieux les caractères bien trempés des personnages et l'indépendance dont font preuve les femmes, dans une région où les apparences ne comptent pas.
    Les Fleurs du Repentir est un roman très dense, qui retombe un peu par moment mais qui, dans l'ensemble, est assez cohérent. Je n'y ai pas tout aimé mais j'ai trouvé l'intrigue digne d'intérêt : ce secret, cette envie de le découvrir de l'héroïne qui se communique à nous parce qu'on comprend l'importance que cela a pour elle.
    J'ai aimé que le contexte historique soit un peu plus présent aussi, peut-être plus encore que dans les deux précédents Tamara McKinley que j'ai pu lire... Par exemple, c'est avec surprise que j'ai appris que l'Australie n'avait pas été épargnée par la guerre : certes, je savais que, faisant partie du Commonwealth elle avait fourni son contingent de soldats...Mais je ne savais pas que des combats avaient eu lieu sur son sol notamment dans certains de ses ports du nord qui furent attaqués par les Japonais. Pour le reste, l'angoisse de ceux restés en arrière, l'attente des lettres et la crainte de la nouvelle fatidique, l'attente, l'espoir, sont universaux...
    Il y'a cependant un petit je-ne-sais-quoi qui m'a un peu gênée au cours de cette lecture, que je ne peux pas expliquer ni décrire... c’était une sensation étrange, peut-être due au style, qui m'a moins plu que dans Une Pluie d’Étincelles... Je l'ai trouvé peut-être un peu moins fin, les dialogues coulaient moins bien...
    Pour autant, il y'a suffisamment de positif dans ce roman pour compenser les quelques petites faiblesses... Ma réconciliation avec Tamara McKinley est, je pense, définitive. Lire ces deux romans m'a permis de découvrir que l'univers de Tamara McKinley, sans me séduire totalement, peut me plaire et me faire passer un bon moment... J'ai été dépaysée et j'ai vibré avec les personnages, partageant leurs joies comme leurs peines... Que demander de plus ? 

    MERCI ENCORE A MYLÈNE ET AUX EDITIONS DE L'ARCHIPEL POUR L'ENVOI DE CE ROMAN

    En Bref :

    Les + : une intrigue très intéressante, basée sur un contexte historique assez bien relaté et qui a le mérite de nous faire découvrir la Seconde Guerre Mondiale ailleurs qu'en Europe...
    Les - : peut-être de temps en temps une intrigue qui retombe un peu...une alternance entre passé et présent un peu confuse qui nous perd légèrement... A part ça, rien de grave... 


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  • « Souvenez-vous pourtant que le courage est rarement un trait dominant chez les humains. »

    La Petite Couturière du Titanic ; Kate Alcott

     

    Publié en 2012 aux Etats-Unis ; en 2017 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Dressmaker

    Editions Archipoche (collection Romans Étrangers)

    442 pages

    Résumé :

    Avril 1912. Tess Collins, jeune Anglaise aspirant à percer dans le milieu de la mode, a de la chance. A peine sur le Titanic, elle fait connaissance de Lucy Duff Gordon, célébrité de la haute couture qui va présenter sa nouvelle collection en Amérique. 

    Sa femme de chambre lui ayant fait faux bond, la créatrice de mode décide de prendre Tess à son service. A bord, la jeune femme fait la connaissance de deux hommes. Mais, tandis qu'un triangle amoureux se forme, le paquebot, sans que ses passagers s'en doutent, fonce vers un iceberg...

    A New-York, Tess intègre l'atelier de lady Lucy. Les talents de modiste de la jeune femme se révèlent bien vite, ses premiers modèles font sensation. Mais son ascension pourrait connaître un coup d'arrêt. Ne se murmure-t-il pas en effet que lady Lucy aurait eu une conduite répréhensible lors du naufrage ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★  

    Mon Avis :

    En avril 1912, Tess Collins, jeune bonne à Cherbourg, quitte tout et s'embarque sur le Titanic, après s'être fait embaucher comme femme de chambre par Lucile Duff Gordon, styliste en vogue. Malgré le naufrage du paquebot, quelques jours plus tard, Tess et sa patronne ainsi que le mari de celle-ci sont saufs. Rentrée à New York, Lucile fait de Tess une couturière dans ses ateliers. Tess touche du doigt son rêve : mais il se pourrait que le comportement de sa patronne lors du naufrage fasse tout voler en éclats...
    Voilà en quelques lignes l'intrigue de La Petite Couturière du Titanic, roman de Kate Alcott : avec cette lecture, je découvre un univers, un récit mais aussi une auteure. Jusqu'à présent, je ne connaissais absolument pas Kate Alcott.
    La Petite Couturière du Titanic est un roman historique intéressant, qui ne se passe que sur quelques jours mais qui est étonnamment riche et dense. Basé sur l'une des plus grandes tragédies du début du XXème siècle, ce roman a quelque chose de fascinant...
    Parti de Southampton début avril, le paquebot de la White Star Line construit entre 1909 et 1912 est un monstre des mers, prouesse de modernité et de technique. Et surtout, réputé insubmersible. Alors, lorsque dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, le bateau lance des appels de détresse, après avoir heurté un iceberg au large de Terre-Neuve et coule en quelques heures, on n'y croit pas. Et surtout, le monde est paralysé d'horreur devant les milliers de victimes qui se noient dans les eaux glacées de l'Atlantique : la plupart voyageaient dans l'entrepont et ne purent accéder aux canots de sauvetage. De là, naquit un scandale sur fond de lutte des classes et de féminisme, qui embrasa les États-Unis comme l'Europe. Chacun fut choqué qu'un tel paquebot, emportant à son bord tant de passagers, ait été commandé par un équipage novice et ait pu avoir été mis à la mer avec un nombre de canots insuffisant. Alors, évidemment, quand la rumeur commença à se propager que des nantis avaient délibérément refusé l'accès des canots à des naufragés, le scandale a été complet.
    Aujourd'hui, on retient avant tout du Titanic la catastrophe humaine, les nombreux morts... On oublie que ce naufrage a donné lieu à une audition retentissante en Amérique, entre avril et mai 1912. Menée par une commission sénatoriale, elle visait à faire la lumière sur ce qui avait pu se passer pendant le naufrage et notamment, les possibles manquements.
    Dans le roman, c'est au travers des yeux de Tess Collins que l'on suit, pendant quelques semaines, le déroulé de ce que l'on pourrait presque appeler un procès même s'il n'y eut pas à proprement parler de sanctions à son issue. Ni très riche ni trop pauvre, la jeune femme, qui a eu la chance -si on peut dire- d'être embauchée par une styliste de talent au dernier moment, ne voyage pas à l'entrepont et pourra trouver une place dans un canot avant d'être secourue, avec d'autres survivants. Tess est un personnage de fiction mais elle personnifie finalement la grande masse de ceux qui se sont embarqués sur ce paquebot au printemps 1912 : l'envie d'un nouveau départ, d'une nouvelle vie, en Amérique, le nouvel eldorado.
    Sa patronne dans le roman est, elle, un personnage ayant existé, tout comme Margaret Brown, redoutable femme d'affaires du Colorado que l'on retrouve tout au long du récit. Comme ce que décrit Kate Alcott dans son roman, Lucile Duff Gordon et son époux ont bien pris place dans un canot qui arriva à moitié vide près du Carpathia, navire qui s'était porté au secours des naufragés du Titanic : une douzaine de personnes y avaient pris place alors qu'il aurait pu en accueillir une soixantaine. Sans jamais avoir été prouvé, le comportement supposé de la styliste et de son mari, Cosmo, baronnet britannique, a durablement entaché leur réputation. Tout ceci est vrai comme le déroulement de cette fameuse audition qui agita les États-Unis, dont Kate Alcott reprend ainsi les minutes : dans les grandes lignes, ce que raconte ici l'auteure est basé sur des textes authentiques et j'ai trouvé ça intéressant parce que je ne savais rien de ce qui s'était réellement passé après le naufrage...
    Au-delà de cet aspect juridique et presque froid, qui cherche avant tout à faire la lumière sur un drame affreux, j'ai aimé la description que l'auteure fait du ressenti des survivants, entre euphorie d'être encore en vie et culpabilité innée à l'idée d'être encore là alors que tant d'autres sont morts. Tess symbolise un peu tous ces passagers qui ne firent pas parler d'eux mais portèrent toute leur vie une blessure terrible et un traumatisme qui peut-être à l'époque n'a pas été considéré à sa juste valeur. On peut rapprocher Tess de Pinky, la jeune journaliste du Times à qui est confiée l'investigation sur le naufrage et qui est déterminée à faire la lumière sur cette affaire, quitte à perdre son objectivité : elle est cependant bien déterminée à montrer que, encore une fois, ce sont les plus pauvres qui ont trinqué pour les plus riches... Une histoire vieille comme le monde en somme mais qui, en ce début de XXème siècle, est intolérable.

    Dessin du Titanic sombrant. La poupe est hors de l'eau.

    Dessin de Willy Stöwer représentant la catastrophe

    Et pendant ce temps, ceux qui sont appelés à comparaître, membres de l'équipage, simples passagers, officiers de la White Star Line, se tirent mutuellement dans les pattes, se dédouanant en chargeant le voisin, rendant la situation encore plus compliquée.
    Bref... Si le roman m'a plu pour son côté historique très dense et bien maîtrisé -on sent que l'auteure a fait un solide travail en amont- je l'ai parfois trouvé un peu plat, un peu monocorde. Le récit du naufrage va très vite, trop vite peut-être et même si ce n'est finalement qu'un point de départ, j'ai eu l'impression que c'était balayé en quelques phrases, quelques chapitres à peine. Alors que, a contrario, on s'étend longuement sur le procès, les auditions etc... C'est certes intéressant mais peut-être un peu trop développé par rapport à d'autres aspects du roman.
    En ce qui concerne le personnage de Tess, je l'ai trouvée gentille, courageuse, déterminée mais aussi fragile. Un personnage tout en contrastes, avec une part timide et une autre affirmée, déterminée mais pas dénuée non plus de doutes. Est-ce que je l'ai trouvée attachante ? Elle l'est, certainement, même si je ne me suis pas sentie aussi proche d'elle que je l'aurais voulu. Tess fait cependant partie de ces héroïnes ordinaires que j'aime, ces femmes au final comme les autres mais qui peuvent se montrer héroïques sans même le savoir. Elle m'a un peu rappelé le personnage d'Eilis, dans Brooklyn de Colm Tóibín  ; elle m'a aussi évoqué le personnage de Therese dans Carol de Patricia Highsmith.
    Quant à l'aspect romance eh bien...Je dois dire qu'il me laisse un peu perplexe... Je pense que l'auteure avait suffisamment de matière historique et authentique surtout pour ne pas s'encombrer avec de la romance. Pour moi cette histoire de triangle amoureux n'apporte, en soi, rien de plus au récit.
    La Petite Couturière du Titanic est un bon roman historique quoiqu'un peu inégal. Je n'y ai pas tout apprécié, loin de là et j'ai eu l'impression que le rythme était un peu en dents de scie, comme le style d'ailleurs, bien plus fin dans les derniers chapitres qu'au début du roman. Mais il est clair que le sujet choisi est intéressant, fascinant et que l'auteure s'inspire d'un événement historiquement fiable, avec des personnages ayant existé, en s'inspirant précisément des comptes rendus de la commission sénatoriale est tout à son honneur. Kate Alcott a réussi à créer un vrai univers, plutôt plaisant mais qui n'a pas su me séduire complètement. En revanche, elle restitue très bien un contexte difficile et riche, ce qui donne assurément un plus au roman.
    La Petite Couturière du Titanic saura certainement plaire aux amoureux de romans historiques mâtinés de romance mais aussi à celles qui aiment coudre et qui se retrouveront certainement dans Tess... Pas une mauvaise découverte en soi même si j'aurais voulu aimer encore plus cette lecture.

     

    Le canot de sauvetage n°1 aborde le Carpathia : à son bord, à peine une douzaine de personnes alors qu'il aurait pu en accueillir une soixantaine...

     

     

    En Bref : 

    Les + : l'intrigue, sans nul doute, basée sur des textes authentiques et un fait divers qui ne l'est pas moins et a durablement marqué avant de devenir fascinant...
    Les - : un roman un peu inégal, au style et au rythme en dents de scie. C'est dommage. 

     

     

    Brooklyn ; Colm Tóibín

     Thème de juillet, « Le grand bleu », 7/12


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  • « L'existence prend quelques fois d'étranges détours. Nous finissons par renouer avec nos racines, n'est-ce pas ? D'une façon ou d'une autre... »

    Une Pluie d’Étincelles ; Tamara McKinley

     

    Publié en 2013 en Angleterre ; en 2018 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Firestorm

    Editions de l'Archipel 

    324 pages

    Résumé :

    Australie, 1946. Becky Jackson a regagné son village natal avec son fils Danny après que son mari a été déclaré mort au combat. 

    Depuis deux générations, sa famille dirige l'hôpital de Morgan's Reach, bourgade fondée par son grand-père. Becky connaît tout le monde et retrouve sa meilleure amie, elle aussi veuve de guerre. 

    Becky côtoie également Ben Freeman, le pompier en chef secrètement amoureux d'elle. Un amour auquel elle se refuse car Danny n'a toujours pas fait le deuil de son père...

    Morgan's Reach est sous tension. Il n'a pas plu depuis trois ans. Et soudain une tempête menace d'embraser la région. L'atmosphère est électrique, qui pourrait réveiller rancœurs et jalousies au sein de la petite communauté. D'autant qu'un homme rôde...

    Les paysages somptueux de l'Australie sauvage, un personnage de femme fort et déterminé...Autant d'ingrédients qui ont fait le succès des grandes sagas de Tamara McKinley. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Découvrir un auteur et connaître une déception ne donne pas forcément très envie de continuer la découverte. J'avoue que c'est ce qui m'est arrivé avec Tamara McKinley, alors que j'attendais tellement de cette lecture ! Les très bons avis et l'univers de l'auteure m'incitaient à me lancer à mon tour et là... alors que j'avais mis beaucoup d'espoirs en cette première lecture j'en suis ressortie mitigée voire pire...indifférente. L'Île aux Mille Couleurs ne m'a pas séduite et je me suis empressée de l'oublier.
    Évidemment, Une Pluie d’Étincelles ne partait pas gagnant. Je ne pouvais commencer cette lecture sans avoir en tête des a priori négatifs dus à ma déconvenue première.
    Mais le résumé était tentant et... Un voyage dans les grandes plaines d'Australie ne se refuse pas !
    Nous sommes donc en 1946, à Morgan's Reach et nous faisons la connaissance de Rebecca Jackson. Rebecca est la petite-fille de Rhys Morgan, le fondateur de la petite bourgade perdue dans le désert australien où vit isolée toute une petite communauté. Elle a un fils de dix ans, Danny et surtout, comme bien d'autres jeunes femmes à cette époque et partout dans le monde, elle est veuve de guerre.
    Son mari, parti combattre en Malaisie, n'en reviendra jamais, ce qu'elle a beaucoup de mal à faire comprendre à Danny, qui n'accepte pas la mort de son père et espère sans cesse son retour. Infirmière à l'hôpital de Morgan's Reach, géré par son père, Rebecca se remet de son deuil en donnant aux autres.
    Mais en cette année 1946, Morgan's Reach est sous tension et pas seulement à cause des ravages de la guerre et du retour des rescapés changés à jamais. Dans cette petite ville perdue dans le bush australien, il n'a pas plu depuis presque trois ans et une terrible sécheresse sévit, décimant cultures et troupeaux, mettant les nerfs à vif. Et qui est cet homme en treillis militaire, échoué là et qui rôde dans la région alors que de formidables incendies menacent la ville ?
    Si les premiers chapitres parfois, ont peiné à me séduire, dans l'ensemble je dois dire que l'intrigue au cœur du roman est de qualité et captivante. J'ai voyagé, aussi : ce que j'attendais tellement avec L'Île aux Mille Couleurs et qui finalement n'est pas arrivé puisque je n'ai même pas décollé ! Là bien au contraire, je me suis sentie partie prenante de l'histoire et proche de Rebecca que j'ai trouvée touchante et courageuse. Et surtout, sans pourtant beaucoup de descriptions, Tamara McKinley nous emmène dans ce bush sauvage et hostile, écrasé de chaleur, où les hommes ont appris à vivre sans domestiquer la nature : ils savent qu'ils en sont les esclaves et qu'une trop grande sécheresse comme les inondations peuvent conduire à des dégâts irrémédiables. On marche en compagnie des héros dans cette poussière rouge, on imagine précisément cette nature desséchée qui ressemble à la savane, avec des arbres pelés et des herbes jaunies par le soleil, on se glisse dans les rues de Morgan's Reach, sous les rayons d'un soleil implacable. Loin des grandes villes de la côte est, où tout déjà est très moderne et où les habitants vivent à l'occidentale, dans le bush, on fait avec les moyens du bord, on apprend à économiser l'eau, denrée rare et précieuse, on conduit dès le plus jeune âge parce que toute distance, dans ce désert immense, est décuplée. Enfin, les Blancs vivent étroitement avec les Aborigènes, peuple d'origine de la région.
    Dans Une Pluie d’Étincelles, j'ai retrouvé un peu l'ambiance des romans de Sarah Lark : les exploitations agricoles perdues au sein d'une nature grandiose, les liens étroits entre les familles, les drames, les tensions mais aussi les liens affectifs qui ne manquent pas de lier les populations blanches et aborigènes.
    J'ai aussi beaucoup aimé que l'auteure situe son intrigue dans une ambiance étrange, très électrique, presque une ambiance de fin du monde : alors qu'il ne pleut plus sur la région depuis près de trois ans, que les cultures, les humains comme les animaux souffrent du manque d'eau et de la chaleur accablante, des orages électriques menacent à tout instant d'embraser le bush. On attend désespérément les signes d'une averse. Il fait très chaud, les conditions de vie difficiles, la fatigue le dispute au chagrin. Morgan's Reach, au sortir de la guerre, est une petite ville à bout de souffle, endeuillée par le départ définitif de certains de ses enfants, morts sur les fronts asiatiques de la Seconde Guerre Mondiale, combattant les Japonais et éreintée par des conditions climatiques extrêmement compliquées à supporter pour l'organisme. Tamara McKinley, dans ce roman, a une plume fine, précise sans être lourde : j'ai vraiment eu l'impression de voir l'intrigue se dérouler sous mes yeux, elle était très vivante, très palpable. J'ai passé un peu plus de trois-cents pages en compagnie des différents personnages qui peuplent cette histoire. Finalement, si Rebecca et son fils Danny sont présentés, dans le résumé du roman, comme les héros du récit, je me suis aperçue que chaque personnage a son importance, son rôle et qu'il n'y a pas un au-dessus des autres. Il n'y a pas vraiment de héros dans ce roman, tous les sont à leur niveau. Rebecca est peut-être celle que l'on suit le plus et sur laquelle on en sait le plus, mais j'ai aimé que le roman ne se focalise pas que sur elle car chacun, finalement, à quelque chose à livrer et quelque chose d'intéressant : Sally, la tenancière du bar, malheureuse en ménage et qui trouve l'inspiration au cœur de la forêt pour nourrir sa peinture, Gwyneth, la doyenne, dure en apparence mais extrêmement bienveillante, Ben Freeman, le gentil pompier, Jake, le policier amoureux de l'institutrice, Sandra, la belle-sœur de Rebacca, hautaine et désagréable mais qui cache au fond d'elle une terrible blessure et cet homme mystérieux enfin, qui rôde autour de Morgan's Reach comme s'il avait une mission à accomplir.... Si Une Pluie d’Étincelles est très ancré dans un paysage, dans une région, les histoires et les interactions entre les différents protagonistes sont finalement très universels... Morgan's Reach est à l'instar de millions de communes et de villes, au sortir de la guerre, qui se remettent doucement et pansent leurs plaies tout en sachant que rien ne sera jamais plus pareil. La Seconde Guerre Mondiale a eu un impact dramatique sur l'ensemble du monde, le remodelant pour toujours. Et jusque dans le bush, jusqu'aux confins du monde, on eut quelqu'un à pleurer.
    J'ai vraiment apprécié cette lecture. Je ne m'y attendais pas et je l'ai commencé curieuse mais aussi avec une légère appréhension. Difficile de commencer un roman quand le précédent de l'auteur nous déçoit. En général, je n'arrive pas à surmonter ma défiance première et je ne réitère pas l'expérience. Avec Tamara McKinley, j'aurais eu tort de rester sur un avis mitigé. Pour moi, Une Pluie d’Étincelles et L'Île aux Mille Couleurs, c'est le jour et la nuit ! Même le style, ici, y est plus fin, plus agréable. Parfois, j'ai trouvé les dialogues peut-être pas vraiment naturels mais, si j'avais été déçue lors de ma première lecture, je dois dire qu'ici, je n'ai vraiment rien à reprocher à la plume de Tamara McKinley. J'ai aimé l'intrigue, bien ficelée et dont les fils se tressent habilement tout au long des pages. Entre drame, romance et histoire, dans une région du monde spectaculaire et sauvage, l'auteure nous emporte dans une grande saga pleine de fougue, au sein d'une communauté attachante et courageuse, à l'image de Rebecca, jeune femme qui tente de se reconstruire et de soutenir son fils inconsolable.
    Une Pluie d’Étincelles est une vraie fresque, à l'ambiance unique. Je ne peux pas vous dire pourquoi, mais j'ai toujours été fascinée par ces ambiances particulières qui précèdent un événement, comme le silence de la nature avant l'orage. J'avais aimé L’Été du Cyclone, de Beatriz Williams, pour ça : l'atmosphère lourde et étrange avant que le cyclone ne se déchaîne, les drames humains qui se nouent et se dénouent et apparaissent bien futiles devant la puissance de ceux dont la nature est capable... J'ai retrouvé ça dans ce roman et l'impression, aussi, que l'on n'est pas grand-chose face aux colères de la nature, comme on n'est rien non plus devant sa beauté.
    Je suis ravie de ressortir de cette lecture avec un avis positif et l'envie de le conseiller, d'en parler et de le faire connaître. Et pour terminer, je souhaiterais adresser...

    UN GRAND MERCI A MYLÈNE ET AUX EDITIONS DE L'ARCHIPEL POUR CET ENVOI ! 

    En Bref : 

    Les + : une intrigue bien ficelée, captivante, de qualité. Une atmosphère grandiose et des personnages attachants et intéressants. Enfin, une nature spectaculaire et des descriptions qui nous offrent un vrai voyage au cœur d'un paysage solaire, sauvage et impressionnant...
    Les - : 
    pas vraiment de bémols à soulever ici ! 


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  • « Elle avait eu l'occasion d'observer que certaines routes que l'on empruntait au départ par choix dans la vie menaient à des fins très différentes de ce qu'elles auraient pu être si l'on avait pris le risque de prendre un autre tournant. »

    La Mer en Hiver ; Susanna Kearsley

     

    Publié en 2008 au Canada ; en 2017 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Winter Sea

    Editions Pocket

    576 pages

    Résumé :

    Au printemps 1708, une flotte de soldats français et écossais échoue à faire revenir James Stewart, le roi exilé, sur ses terres d'Ecosse afin de réclamer sa couronne. 
    De nos jours, Carrie McClelland, écrivain à succès, s'inspire de cet épisode historique pour son nouveau roman. Installée aux abords du château de Slains, au cœur d'un paysage écossais désolé et magnifique, elle crée une héroïne portant le nom d'une de ses ancêtres, Sophia. 
    Très vite, les lignes se brouillent entre fiction et faits historiques. Tandis que les souvenirs de Sophia attirent Carrie encore plus au cœur de l'intrigue de 1708, elle découvre une histoire d'amour fascinante, oubliée avec le temps. 
    Après trois cents ans, le secret de Sophia doit être révélé...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    A notre époque, Carolyn McClelland, jeune auteure à succès se rend en Ecosse, sur la côte ouest, pour des recherches en vue de l'écriture d'un roman traitant du soulèvement jacobite -manqué-, de 1708. A cette date, avec l'aide du roi de France, des partisans de Jacques Stuart, opposés à l'union, signée l'année précédente, ont tenté de le faire revenir en Ecosse, estimant qu'il était le roi légitime.
    Carolyn s'installe dans la petite ville côtière de Cruden Bay, surplombée par les impressionnantes ruines de grès rouge du château de Slains. Inspirée par ces ruines romantiques, Carolyn imagine alors une intrigue au centre duquel se trouve une jeune femme, Sophia, du nom de l'une de ces ancêtres. Or, à mesure qu'elle écrit, qu'elle avance, qu'elle se documente, Carolyn découvre avec effarement que fiction et réalité se mêlent étrangement. Quelle est la part de faux ? Et, au contraire, quelle est la part de vrai ?
    Tout se mêle et s'entremêle dans ce roman, qui est finalement assez hors norme : roman historique mais pas que, véritable mise en abyme qui nous perd pour mieux nous retrouver, La Mer en Hiver est un roman plus qu'efficace, il est vraiment abouti et maîtrisé de bout en bout.
    Si, au départ, je pensais lire un roman à la sauce Kate Morton ou Katherine Webb, j'ai été forcée de constater que ce n'est pas vraiment le cas. Certes, on retrouve les deux époques, le secret etc mais je crois que la comparaison s'arrête là. Susanna Kearsley a une façon bien à elle d'amener son intrigue, de créer un lien entre ses deux héroïnes, Carrie à notre époque et Sophia, au XVIIIème siècle. Ce n'est finalement pas une simple enquête, de simples recherches qui lient les deux jeunes femmes et si, au départ, j'avoue avoir été un peu dubitative et si j'ai eu peur de ne pas être vraiment convaincue, au final cette appréhension s'est révélée infondée parce que j'ai réussi à passer au-delà et à me dire que c'est...logique. Vraisemblable, disons.
    En fait, si je devais établir un parallèle avec un autre auteur, un autre univers, je crois que c'est finalement à Diana Gabaldon que je penserais. Difficile de toute façon de faire autrement, quand on a lu Outlander : les soulèvements jacobites, les clans, la sauvage Ecosse du XVIIIème siècle... Tout nous rappelle un tant soit peu Outlander.
    Au final, La Mer en Hiver est un roman qu'on pourrait comparer avec beaucoup d'autres mais qui s'avère être unique. J'ai aimé le parti-pris de l'auteure de faire de son roman une vraie mise en abyme : cela brouille encore plus les pistes mais cette idée s'avère être assez habile. Les chapitres se passant à notre époque sont directement racontés par Carolyn, surnommée Carrie et les chapitres historiques sont en fait écrits par elle. Évidemment, l'amour des livres et des mots de l'héroïne nous la rend proche, on se retrouve en elle et j'imagine que Susanna Kearsley a mis aussi d'elle-même dans le personnage de Carrie, s'est peut-être inspirée de sa propre expérience, certainement même, d'ailleurs, ce qui donne, peut-être pas un surcroît de sincérité au livre -parce que toute démarche d'écriture est sincère, à mon sens- mais quelque chose en plus, comme si l'auteure se livrait au travers de son héroïne. Personnellement je me suis retrouvée en Carrie, clairement, dans son côté le plus simple finalement, dans son côté jeune femme d'aujourd'hui, ni banale ni extraordinaire non plus : une femme comme les autres, quoi, ce qui fait à mon avis les vraies héroïnes au fond !

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    Les ruines du château de Slains, à Cruden Bay


    J'ai aussi aimé Sophia, l'héroïne historique qui s'avère être une ancêtre de Carrie, réservée tout d'abord puis déterminée et courageuse : certains de ses choix m'ont brisé le coeur pour elle mais je n'ai pas pu m'empêcher de l'admirer pour ça. Et j'ai évidemment apprécié le contexte, que je ne connaissais pas en détail mais sur lequel j'ai beaucoup appris, à l'occasion de cette lecture et qui m'a fait arriver à la conclusion que les Stuarts étaient, sinon maudits, du moins particulièrement malchanceux. Complexe mais intéressant, il nous permet finalement de comprendre tout le XVIIIème siècle britannique et surtout écossais et préfigure de façon assez sinistre le grand désastre de Culloden, en 1746.
    Enfin, mention spéciale à l'histoire d'amour historique, qui apporte finalement au livre un soupçon de romance assez bienvenu : elle est tellement belle ! Aucune niaiserie, au contraire. J'ai suivi cette histoire et ses rebondissements, le cœur battant. 

    La Mer en Hiver est un roman très complet et vraiment bien écrit. Nul doute qu'il aurait été moins intéressant si l'auteure avait choisi une manière de faire plus conventionnelle. Nul doute aussi que l'histoire aurait été peut-être moins haletante si le roman avait été un simple roman historique, si on avait seulement suivi le point de vue de Sophia. Découvrir les secrets de cette jeune femme qui a assisté au soulèvement raté de 1708 et qui en a souffert, par le biais des recherches et des romans de Carrie est évidemment un gros point fort du roman.
    Je ne me suis pas ennuyée une seule seconde. J'ai lu ce roman sans m'en rendre compte, sans ennui. J'ai tourné les pages et me suis laissée porter, tout simplement, par une ambiance unique et un style de qualité. Ces 500 pages m'ont fait voyager, dans un autre pays et une autre époque : j'ai ri, j'ai parfois eu les larmes aux yeux et souvent, j'ai retenu mon souffle. Roman habile qui mêle savamment le vrai et le faux, nous perd et nous retrouve pour mieux nous surprendre, La Mer en Hiver est assurément une de ces lectures qui restent en tête, de ces lectures qui marquent et qu'on ne ferme qu'à regret, un vague sourire aux lèvres, à moitié ravi et à moitié nostalgique. On laisse courir nos doigts sur la couverture une dernière fois en se disant qu'on vient de passer un vrai bon moment.
    A conseiller à tous les amoureux des mots, de la littérature et de l'Histoire

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    Harbour Street à Cruden Bay, village où se passe l'intrigue de La Mer en Hiver

    En Bref :

    Les + : un récit maîtrisé, abouti, un style de qualité, des personnages ciselés et complexes, une mise en abyme parfaite. Dynamique et soutenu, le roman mêle habilement plusieurs genres...
    Les - : quelques choix de traduction qui m'ont laissé un peu perplexe...


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  • « Il n'existe pas d'amour plus vrai que celui qui échappe à l'ardeur des sens.  »

    Retour à Charleston ; Alexandra Ripley

    Publié en 1984 aux Etats-Unis ; en 2015 en France (pour la présente édition)

    Titre original : On Leaving Charleston

    Editions Archipoche (collection Romans Étrangers)

    742 pages

    Résumé : 

    Charleston, 1900. Le siècle nouveau semble promettre un avenir de fêtes et de succès, à une époque où les airs jazzy commencent à résonner dans tous les dancings du pays. 

    Stuart Tradd, héritier de la plantation familiale, épouse Margaret Garden. Celle-ci, habituée à une vie mondaine et frivole, doit alors très vite s'assagir, se ranger, pour reprendre les rênes de l'entreprise...

    Quelques années plus tard, c'est sa fille, Garden Tradd, sauvageonne à la beauté troublante, qui emporte les succès dont rêvait Margaret. Lorsqu'elle épouse Sky, un riche New-Yorkais, elle sait qu'elle pourra bientôt partir à la conquête du monde. 

    Des palais de New York, Nice ou Monte-Carlo, au Train bleu et aux yachts extravagants de la Côte d'Azur, la jeune femme triomphe. Mais toute fête a une fin, et son passé va rattraper Garden en plein vol. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    L'année dernière, je découvrais Alexandra Ripley avec son fameux roman, Charleston. Originaire de la ville du même nom, l'auteure est un pur produit de cette Amérique sudiste qui, si elle n'existait plus vraiment au moment où elle écrivait, persistait dans les souvenirs et dans le mode de vie. D'ailleurs, Alexandra Ripley a même écrit une suite au fameux roman de Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent.
    Dans Retour à Charleston, nous sommes au début du XXème siècle et les premières générations découvertes dans le premier roman ont fait place aux plus jeunes. Elizabeth, la petite héroïne de Charleston est aujourd'hui une femme de soixante ans et l'héroïne est sa petite-nièce, Garden Tradd. Née à Barony, ancienne plantation négrière qui a perdu sa fonction au moment de la Guerre de Sécession, Garden, rejetée par sa mère, grandissant au sein d'une famille qui se délite, a été élevée parmi les serviteurs noirs de Barony, avant d'aller étudier à Charleston. Ambitieuse, sa mère, Margaret, qui n'a pas eu la chance d'être reconnue comme elle le souhaitait, d'être une mondaine, une femme du monde, met alors tous ses espoirs en sa fille. Garden tombe amoureuse, se marie, découvre le monde, en ce début de XXème siècle qui va à cent à l'heure ! C'est l'entre-deux-guerres et en Amérique comme en Europe on se hâte de vivre après les horreurs de la Première guerre. C'est l'époque des années folles, de la Prohibition... C'est l'époque de Gatsby le Magnifique, de la pègre de Chicago etc...
    Garden est une jeune américaine sudiste, encore très marquée par la manière de vivre de ses ancêtres, loin du mode de vie de ceux qu'ils appellent les Yankees. Elle découvre le monde à sa manière, avec fraîcheur, sincérité vivacité.
    Comme pour Charleston, j'ai eu du mal avec le début. Ici j'ai eu l'impression que l'auteure allait trop vite... Si je m'étais ennuyée avec le premier roman, à cause de longueurs qui n'en finissaient plus, je dois dire que c'est tout le contraire ici, à tel point que je me suis sentie un peu perdue parfois -et cette manie de donner des patronymes comme prénoms aux nouveaux-nés n'a rien arrangé, je peux vous l'assurer ! ^^ Et puis, ça se calme... On se rend compte alors que les personnages traités dans les premiers chapitres ne sont pas les héros et que c'est peut-être pour ça aussi que l'auteure s'attarder moins sur eux. Comme dans Charleston, la vraie héroïne n'arrive pas tout de suite. Comme Elizabeth, d'abord on découvre Garden bébé puis petite fille, avant qu'elle ne devienne une belle jeune femme, mariée à l'un des meilleurs partis new-yorkais du moment.
    Cela dit, je me suis sentie investie dans ma lecture bien plus rapidement. Retour à Charleston m'a plu dès le début même si je me suis sentie parfois un peu paumée. J'ai eu l'impression d'être dans un roman de Leila Meacham ! Et j'ai aussi trouvé que le style était peut-être plus fin, plus travaillé dans ce deuxième roman.
    J'ai aussi aimé le portrait qu'Alexandra Ripley fait des sociétés américaines et européennes de l'époque, en pleine quête de liberté mais encore très corsetées et dépendantes des convenances. Comme Charleston, Retour à Charleston est un bon pavé de plus de 600 pages et du coup, une assez longue période y est traitée : alors que l'intrigue débute en 1900, elle se termine près de trente ans plus tard et dieu sait qu'il s'en est passé, des choses, sur ces trente premières années du XXème siècle : modernisation galopante, émancipation des femmes mais aussi guerres mondiales, krach boursier et totalitarismes. C'est une époque que je trouve infiniment riche.
    Je crois que j'ai beaucoup plus aimé ce deuxième roman. Charleston avait des qualités certaines puisque l'auteure, sans renier l'aspect romance de son livre, avait aussi travaillé son contexte et ne s'était pas contentée d'écrire une simple bluette sudiste dans la veine d' Autant en emporte le vent.
    Mais j'ai eu moins de mal à me plonger dans Retour à Charleston, même si le début m'a fait peur et que je me suis dit : « oh non, là encore je vais mettre un temps fou avant de me sentir investie dans ma lecture ». Et puis non : le sentiment d'ennui s'est vite dissipé et je crois que le personnage de Garden y est pour beaucoup. Je l'ai vraiment appréciée : parfois, elle m'a fait penser à Lavinia, l'héroïne de La Colline aux Esclaves, écartelée comme elle entre Noirs et Blancs, entre deux cultures et deux modes de vie.
    Garden est extrêmement touchante, pleine de jeunesse, de fougue et de liberté mais pas que... l'auteure va en effet lui donner une part un peu plus sombre qui, de fait, donne du relief au personnage. On ne peut pas s'empêcher de s'y attacher et de compatir aux malheurs qui lui arrivent et qui nous apparaissent parfois injustes.
    Pour terminer, je dirais que j'ai bien plus aimé ce roman que Charleston, que j'avais même cru, un temps, abandonner. Il n'en est rien avec Retour à Charleston : j'ai passé un bon moment de lecture, je me suis laissée prendre au jeu, je me suis surprise à me sentir très concernée et j'ai beaucoup apprécié le style de l'auteure, qui m'avait déjà plu dans Charleston, mais que j'ai trouvé encore meilleur ici.
    Ce roman est une grande fresque historique, pleine de souffle et de dynamisme ! J'y ai retrouvé ce que j'avais aimé chez Leila Meacham, Beatriz Williams, Suzanne Rindell... Et aussi étonnant que cela puisse paraître, moi qui ne suis pas attirée plus que ça par les États-Unis, j'ai réussi à me sentir charmée par ce sud immémorial.
    C'est presque avec regret que je suis arrivée à la dernière page du roman. Je le conseille chaudement à tous les amoureux de romance historique.

    En Bref :

    Les + : une histoire bien écrite, avec des personnages tous intéressants. Le roman se dévore et on se prend au jeu. 
    Les - : les premiers chapitres peut-être un peu trop rapidement traités. Heureusement, le reste du roman rattrape ce petit début légèrement...pas bâclé, mais très succinct quand même. 

     

    Brooklyn ; Colm Tóibín

     Thème de juin, « Sous les pavés, la page », 6/12

     


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