• Romans Historiques

    Romans Historiques

     

     

    SOMMAIRE ROMANS HISTORIQUES

     

    - A - 

    Artiges Isabelle, La demoiselle de Hautefort 

    Ashford Lindsay, La Dame de l'Orient-Express

    Audouard Antoine, Adieu mon Unique 

    - B - 

    Baker Jo, Une saison à Longbourn 

    Bardon Catherine, Les déracinés, t1

    Bardon Catherine, Les déracinés, t2 : L'Américaine

    Bardon Catherine, Les déracinés, t3 : Et la vie reprit son cours

    Barthel Jocelyne, Mademoiselle de Pâquelin 

    Belding Brown Amy, L'envol du moineau

    Benzoni Juliette, Ces Femmes du Grand Siècle 

    Benzoni Juliette, De Deux Roses l'Une 

    Benzoni Juliette, La Florentine, Intégrale, t1 : Fiora et la Vengeance

    Benzoni Juliette, La Florentine, Intégrale, t2 : Fiora et l'Amour

    Benzoni Juliette, La Guerre des Duchesses, t1 : La Fille du Condamné

    Benzoni Juliette, La Guerre des Duchesses, t2 : Princesse des Vandales 

    Benzoni Juliette, La Petite Peste et le Chat Botté 

    Benzoni Juliette, Les Chevaliers Intégrale 

    Benzoni, Un Aussi Long Chemin 

    Berest Claire et Anne, Gabriële

    Berest Claire, Rien n'est Noir

    Bourassa Marie, Le Maître des Peines, t1 : Le Jardin d'Adélie 

    Bourassa Marie, Le Maître des Peines, t2 : Le Mariage de la Licorne 

    Bourassa Marie, Le Maître des Peines, t3 : Le Salut du Corbeau

    Bourdon Françoise, Le Maître Ardoisier 

    Bourdon Françoise, Les Tisserands de la Licorne 

    Boysson (de) Emmanuelle, Le Temps des Femmes, t1 : Le Salon d'Emilie

    Boysson (de) Emmanuelle, Le Temps des Femmes, t2 : La Revanche de Blanche

    Boysson (de) Emmanuelle, Le Temps des Femmes, t3 : Oublier Marquise 

    Broca (de) Alexandra, Monsieur mon Amour 

    Brussolo Serge, Marion des Pierres, t1 : Pèlerins des Ténèbres 

    Brussolo Serge, Marion des Pierres, t2 : La Captive de l'Hiver

    - C - 

    Caillé-Bastide Virginie, Le Sans Dieu

    Calmel Mireille, La Marquise 

    Calmel Mireille, Les Lionnes de Venise, t1 

    Carolis (de) Patrick, Letizia R. Bonaparte : dans l'intimité de la mère de Napoléon

    Chadwick Elizabeth, Aliénor d'Aquitaine, t1 : L'été d'une reine

    Chandernagor Françoise, L'Enfant des Lumières 

    Charréard Alex, Philis : une Héroïne, une Femme 

    Chauveau Sophie, Fragonard, l'Invention du Bonheur 

    Chauveau Sophie, Le Siècle de Florence, t2 : Le Rêve Botticelli 

    Chauveau Sophie, Le Siècle de Florence, t3 : L'Obsession Vinci 

    Chevalier Tracy, A l'Orée du Verger 

    Chevalier Tracy, La Dernière Fugitive 

    Chouraqui Véronique, D'un Rouge Incomparable 

    Cilento Antonella, Lisario ou le Plaisir Infini des Femmes 

    Clauw Fabien, Les aventures de Gilles Belmonte, t1 : Pour les trois couleurs

    Clauw Fabien, Les aventures de Gilles Belmonte, t2 : Le trésor des Américains

    Contrucci Jean, La Vengeance du Roi-Soleil 

    Cross Donna, L'indomptée : la papesse Jeanne 

    - D - 

    Decaux Laurent, Le roi fol 

    Dédéyan Marina, De Tempête et d'Espoir, t1 : Saint-Malo

    Dédéyan Marina, De Tempête et d'Espoir, t2 : Pondichéry 

    Dédéyan Marina, Moi, Constance, Princesse d'Antioche 

    Delpard Raphaël, Le courage de Louise 

    Deschamps Fanny, La Bougainvillée, t1 : Le Jardin du Roi

    Deschamps Fanny, La Bougainville, t2 : Quatre-Épices 

    Desprat Jean-Paul, Les Couleurs du Feu, t3 : Rouge de Paris 

    Desprat Jean-Paul, Les Princesses Assassines

    Di Fulvio Luca, Le Gang des Rêves 

    Di Fulvio Luca, Le soleil des rebelles 

    Diwo Jean, Demoiselles des Lumières 

    Doherty Paul, Margaret Beaufort, t1 : La reine de l'ombre

    Duchêne Jacqueline, La Dame de Vaugirard

    Duchêne Jacqueline, La Femme du Roi-Soleil 

    Duchêne Jacqueline, Madame l’Étrangère 

    Duchêne Jacqueline, Mademoiselle 

    Dufaux Jean et Delaby Philippe, Murena, t1 : La Pourpre et l'Or (BD)

    Dufaux Jean et Delaby Philippe, Murena, t2 : De Sable et de Sang (BD) 

    Dupont-Monod, La révolte 

    Dupuy Marie-Bernadette, Angélina, t1 : Les Mains de la Vie 

    Dupuy Marie-Bernadette, Angélina, t2 : Le Temps des Délivrances 

    Dupuy Marie-Bernadette, Angélina, t3 : La force de l'Aurore

    Dupuy Marie-Bernadette, Les Enfants du Pas du Loup 

    - E - 

    Ebershoff David, Danish Girl

    - F - 

    Fajardie Frédéric H., La Lanterne des Morts 

    Fellowes Julian, Belgravia 

    Fernandez Dominique, La Course à l'Abîme

    Fischer Elise, Mystérieuse Manon 

    Ford Mackenzie, Un Amour Dérobé 

    Fraser Emma, Quand soufflera le Vent de l'Aube

    Frydman Sarah, La Saga des Médicis, t1 : Contessina

    Frydman Sarah, La Saga des Médicis, t2 : Le Lys de Florence

    Frydman Sarah, La Saga des Médicis, t3 : Lorenzo ou la Fin des Médicis 

    - G - 

    Gablé Rebecca, Waringham, t1 : La roue de la Fortune

    Gibert Sylvie, L'atelier des poisons

    Glasfurd Guinevere, Les Mots entre mes Mains 

    Grèce (de) Michel, Le Rajah Bourbon 

    Grèce (de) Michel, Le Vol du Régent 

    Gregory Philippa, La Dernière Reine

    Gregory Phillipa, La fille du Faiseur de Rois

    Gregory Philippa, La princesse d'Aragon

    Gregory Philippa, La Princesse Blanche

    Gregory Philippa, La Reine Clandestine 

    Gregory Philippa, Reines de sang

    Grissom Kathleen, La Colline aux Esclaves

    Grissom Kathleen, Les Larmes de la Liberté

    Grondin Nicolas, L’Énigme de la Diane, t1 : De l'Iroise aux Caraïbes

    Grondin Nicolas, L’Énigme de la Diane, t2 : Des Antilles aux Mascareignes 

    Gyasi Yaa, No Home

    - H - 

    Hall Kelly Martha, Le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux

    Hall Kelly Martha, Un parfum de rose et d'oubli

    Hartsuyker Linnea, La saga des Vikings, t1 : Ragnvald et le loup d'or

    Hayes Suzanne et Nyhan Loretta, Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles 

    Hermary-Vieille Catherine, La Bourbonnaise 

    Hermary-Vieille Catherine, Le Rivage des Adieux 

    Hermary-Vieille Catherine, Un amour fou

    Hertmans Stefan, Le cœur converti 

    Hope Anna, Le Chagrin des Vivants 

    Hug Nathalie, 1, Rue des Petits-Pas 

    - I - 

    - J -

    Jacobs Anne, La villa aux étoffes, t1 

    Janzing Jolien, Audrey et Anne 

    Jeorge Frédéric, Aux sources du vent

    - K - 

    Keane Mary Beth, La Cuisinière 

    Kertanguy (de) Inès, Les Héritiers de Kervalon 

    Khadra Yasmina, Ce que le Jour doit à la Nuit 

    - L - 

    Lapierre Alexandra, Je te vois Reine des Quatre Parties du Monde 

    Le Nabour Eric, Retour à Tinténiac

    Lenormand Frédéric, Mademoiselle Chon du Barry ou les Surprises du Destin 

    Lépée Denis, L'indienne et le Cardinal

    Lesage Mireille, Les Ailes du Matin, t1

    Lesage Mireille, Les Ailes du Matin, t2 

    Leyshon Nell, La Couleur du Lait 

    Lyndon Robert, La Quête 

    - M -

    Machureau Christine, Mémoire froissée, t1 

    Machureau Christine, Mémoire froissée, t2 : Mémoire d'encre et de cendres

    Machureau Christine, Mémoire froissée, t3 : Mémoire d'exil

    Madral Philippe, Une sorcière à la Cour

    Marchal Eric, La Part de l'Aube 

    Marchal Eric, Le Soleil sous la Soie 

    Marcus Mary, Le Refuge des Souvenirs 

    Mansiet-Berthaud Madeleine, Les Nuits Blanches de Léna

    Mantel Hilary, Le Conseiller, t1 : Dans l'Ombre des Tudors

    Mantel Hilary, Le Conseiller, t2 : Le Pouvoir

    Mazetti Katarina, Le Viking qui voulait épouser la Fille de Soie 

    McCoy Sarah, Le souffle des feuilles et des promesses 

    Millwood Hargrave Kiran, Les Graciées 

    Michelet Claude, Des Grives aux Loups, t1

    Michelet Claude, Des Grives aux Loups, t2 : les Palombes ne passeront plus 

    Montaldi Valeria, La Rebelle : Femme médecin au Moyen Âge

    Moore Viviane, La Saga de Tancrède le Normand (Intégrale des trois premiers tomes)

    Morell Léon, Le Ciel de la Chapelle Sixtine 

    Mourad Kenizé, De la part de la princesse morte

    Mutch Barbara, Une chanson pour Ada 

    - N - 

    Noblet Maryvonne, Médiévales 

    Nohant Gaëlle, La Part des Flammes 

    - O - 

    - P - 

    Pascal Camille, L'été des quatre rois

    Pascal Camille, La chambre des dupes

    Perez Chiara, Les Deux Orphelines 

    Perri Audrey, Une Bonne Âme 

    Pesnot Patrick, La Rose et le Bourreau 

    Peyramaure Michel, Le Roman de Catherine de Médicis 

    Poole Sara, Francesca, empoisonneuse à la Cour des Borgia, t1 

    Poole Sara, Francesca, empoisonneuse à la Cour des Borgia, t2 : La Trahison des Borgia 

    Poole Sara, Francesca, empoisonneuse à la Cour des Borgia, t3 : Maîtresse de Borgia 

    - Q - 

    Quinn Kate, Borgia, t1 : Le Serpent et la Perle 

    Quinn Kate, Rome t2 : L'Impératrice des Sept Collines 

    Quinn Kate, Rome t3 : Les Héritières de Rome 

    - R - 

    Raguénès Joël, Lady Louise 

    Renucci Clélia, Concours pour le Paradis 

    Révay Theresa, L'Autre Rive du Bosphore 

    Rindell Suzanne, Fascinante Odalie 

    Romana Murilel, La sultane andalouse 

    Romana Muriel, Marco Polo, t1 :

    Romana Muriel, Marco Polo, t2 :

    Romana Muriel, Marco Polo, t3 : Le tigre des mers 

    Roquefort Alain, Sous le velours, l'épine

    - S - 

    Sauvage-Avit Jeanne-Marie, Perline, Clémence, Lucille et les autres... 

    Schackis Jean-Pierre, Amitiés rouge Sang - Le Sang des Âmes 

    Signol Christian, Ce que Vivent les Hommes, t1 : Les Noëls Blancs

    Signol Christian, Ce que Vivent les Hommes, t2 : Les Printemps de ce Monde 

    Simonson Helen, L’Été avant la Guerre 

    Slimani Leila, Le pays des autres, t1

    Solomons Natasha, Le Manoir de Tyneford 

    Spitzer Sébastien, Ces Rêves qu'on Piétine 

    - T - 

    Tademy Lalita, Au bord de la rivière Cane

    Tirtiaux Bernard, Le passeur de lumière : Nivard de Chassepierre maître verrier 

    Troyat Henri, Les Semailles et les Moissons, Intégrale

    - U - 

    - V - 

    Vlérick Colette, L'Herbe à la Reine 

    - W - 

    Willocks Tim, Trilogie Tannhauser, t1 : La Religion

    Willocks Tim, Trilogie Tannhauser, t2 : Les Douze Enfants de Paris 

    Wood Barbara, Inavouable Héritage 

    Wood Barbara, La Fille du Loup 

    Wood Barbara, Séléné 

    - X - 

    - Y - 

    Young Robyn, Les Maîtres d'Ecosse, t1 : Insurrection 

    Young Robyn, Les Maîtres d'Ecosse, t2 : Renégat 

    Young Robyn, Les Maîtres d'Ecosse, t3 : Avènement

    Young Robyn, Les serpents et la dague, t1

    Yvert Sylvie, Mousseline la Sérieuse 

    Yvert Sylvie, Une année folle 

    - Z - 

    Zusak Marcus, La Voleuse de Livres 

  • « A quoi bon combattre l'inévitable ? Mon chemin était de me glisser dans votre gloire, d'être une ombre d'où jaillirait de temps à autre une étincelle de fantaisie et d'amusement. »

     

     

     

         Publié en 2024

      Éditions Robert Laffont 

      352 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « J'entends grincer la plume de mes détracteurs, je sens le parfum empoisonné de leur encre, je devine que leurs bouches se tordent de plaisir à l'idée de commettre bientôt ma nécrologie - car elle sera impitoyable. Rien ne me sera épargné. On écrira que je fus mou de corps et d'esprit, on se moquera de la préciosité de mes mœurs à rebours du caractère viril du Quatorzième, le Soleil éblouissant du puissant royaume de France. Jusqu'à ce jour, je me suis tu. Désormais, il est temps de dire la vérité. Et d'obtenir ce qui m'est dû. »

    Alors qu'il se sent mourir, Monsieur, cadet de Louis XIV, vient réclamer le prix de sa fidélité sans faille à son frère. Dans une confession captivante, il raconte sans concession ce qu'il vécut dans l'ombre écrasante de son aîné, lui, le témoin le plus intime des secrets d'un règne éblouissant.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     Au printemps 1701, alors qu’il sent ses forces l’abandonner, Monsieur décide de se lancer dans la rédaction d’une longue confession dont le destinataire sera son frère, le roi Louis XIV. Alors que la mort est proche, Philippe d’Orléans tient une dernière fois, non pas à se justifier, mais à montrer une image tout autre de celle véhiculée par ses contemporains – à commencer par Saint-Simon – et qui, malheureusement, restera pendant bien longtemps la seule vision historique – et par conséquent biaisé – de ce Fils de France trop souvent réduit à sa seule homosexualité et à sa vie faite supposément de débauches et de plaisirs.
    Né en septembre 1640, soit un peu plus de deux ans après son aîné Louis-Dieudonné, Philippe, titré duc d’Anjou puis duc d’Orléans à la mort de son oncle Gaston, est condamné dès sa naissance à n’être qu’un éternel second, un faire-valoir. S’il devait monter sur le trône, ce serait au prix d’un drame familial terrible, celui de la disparition de son frère aîné ou de ses enfants. Et si Anne d’Autriche se défend de préférer son fils aîné au détriment de son cadet, ses actes parlent pour elle : la plupart des attentions et la protection vont à Louis, devenu roi à cinq ans et qui devra affronter dans sa prime jeunesse les fragilités d’un royaume en période de régence puis les troubles de la Fronde. Philippe sera condamné, toute sa vie, à marcher dans l’ombre de ce frère avec lequel les relations ne sont pas simples, entre admiration, tendresse et rivalité.
    Marqué par le caractère comploteur de Gaston d’Orléans, Louis XIV ne fera jamais entièrement confiance à son frère, craignant de reproduire ce que Louis XIII avait connu avec son cadet, de tous les complots, de toutes les cabales du règne, s’opposant ouvertement à son frère ou au pouvoir du cardinal de Richelieu. Malgré le souhait de Philippe de travailler à la gloire de son frère, de marcher côte à côte avec lui sans avoir jamais la volonté de le trahir ou de le doubler, il ne sera jamais exaucé et le passé déchirera un fossé de plus en plus infranchissable entre les deux frères qui, effectivement, ne peuvent être plus dissemblables.
    Souvent, on a réduit Philippe d’Orléans à son orientation sexuelle, lui qui ne cachait pas son homosexualité et ses relations avec des hommes, dans un siècle où cela est encore mal accepté et mal compris. A-t-on forcé la nature du jeune garçon, que sa mère se plaisait parfois à grimer en fille et à appeler, d’ailleurs « ma petite fille » ? Dressant le portrait d’un prince efféminé, entouré d’hommes et menant la vie dure à ses deux épouses successives – Henriette d’Angleterre puis Elisabeth-Charlotte du Palatinat –, inféodé à ses favoris comme le duc de Guiche ou plus tard, le chevalier de Lorraine, on a opposé dos à dos deux frères qui, pourtant dans leur jeunesse, n’étaient pas si différents l’un de l’autre. Et qu’aurait pu faire Philippe si on l’avait autorisé à mener son rôle de prince du sang ? Certainement de grandes choses car quand on est le frère du Roi-Soleil, on n’est pas un « incapable » comme Saint-Simon avait jugé lapidairement Monsieur.

    La famille de France sur l'Olympe par Jean Nocret : Philippe se trouve à gauche du tableau avec l'une de ses premières filles, née de son union avec Henriette d'Angleterre


    C’est côte à côte sinon main dans la main que les deux jeunes princes traversent une enfance bousculée par la mort précoce de leur père, Louis XIII, alors que Philippe n’a que trois ans et Louis, cinq. Ce dernier devient roi à un âge bien trop tendre pour régner et ce sont sa mère et Mazarin, créature de Richelieu, qui prennent les rênes du pouvoir. Enfance protégée, parfois livrée à elle-même : Louis XIV et son cadet sont des enfants comme les autres, qui aiment faire des bêtises, se chamailler, échapper à la surveillance de leur mère ou des femmes chargées de leur éducation. Parfois aussi, ils tombent malades ou se mettent en danger, comme Louis XIV qui manquera se noyer dans une fontaine du Palais-Royal. Mais l’enfance d’un petit roi ne peut pas être normale bien longtemps, même si, dans les premières années, il ne fait qu’acte de présence et que ce sont les autres qui prennent les décisions à sa place. Louis XIV sera profondément marqué par l’épisode de la Fronde et par la trahison de princes du sang, comme Condé, son frère Conti ou encore, Gaston d’Orléans, dont ce sera le dernier fait d’armes. On le sait, la Fronde sera un déclencheur de l’absolutisme de Louis XIV, qui musèlera sa noblesse pour l’empêcher de se révolter. On oublie surtout que cette volonté vient d’un traumatisme profond d’enfant, un choc profond qui marqua pareillement le petit Philippe, qui percevra la peine et l’angoisse de sa mère, l’incertitude et la colère impuissante de son frère. La Fronde et l’ultime trahison de leur oncle Gaston marqueront aussi son destin, car elles l’empêcheront toutes deux de pouvoir occuper une vraie place près de son frère, le conseillant, l’aidant, l’influençant parfois – dans le bon sens du terme.
    Dans cette longue confession écrite, où Philippe se confie à cœur ouvert à son frère, le duc d’Orléans souhaite rétablir la vérité et, en revenant sur leur longue histoire commune, livrer ses propres sentiments. Lorsque Monsieur mourut en juin 1701, à l’âge de soixante-et-un ans, probablement après plusieurs repas riches et arrosés, c’est surtout après une altercation violente avec le roi au sujet de son fils, le duc de Chartres, Philippe – le futur Régent – qu’il ressentit les premiers malaises qui devaient conduire à une mort prématurée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les relations entre les deux frères, l’âge aidant, ne s’étaient pas améliorées et Philippe souhaite faire entendre une dernière fois sa vérité.

    Louis XIV et Philippe d'Orléans immortalisés par les frères Beaubrun vers 1645 : Louis XIV a sept ans, Philippe en a cinq


    Dans ce roman, on découvre la figure nuancée d’un prince amoureux des arts, marqué comme son jeune frère par une enfance chaotique puis par une jeunesse passée dans l’ombre alors qu’il ne rêvait que de champs de bataille, non pas pour sa propre gloire mais uniquement pour celle de son frère et de la France. Un homme soucieux de ses épouses malgré les discordes, sincèrement éploré à la mort d’Henriette d’Angleterre, malgré l’humiliation de l’idylle publique de cette dernière avec le roi, un bon père pour qui l’amour de ses enfants et l’attention portée à sa progéniture passaient avant tout. Concepteur de Saint-Cloud, un domaine qui lui ressemblait, où il pensionna Mignard ou encore Hardouin-Mansart, Philippe d’Orléans est un homme de son temps et bien plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord.
    J’ai aimé cette vision différente du règne de Louis XIV, sur lequel on a beaucoup écrit et sur lequel on le sentiment d’avoir tout lu. Eh bien, ce n’est pas le cas ! Voir le Roi-Soleil à travers les yeux de son frère cadet, partagé entre admiration, affection et hostilité permet d’en apprendre beaucoup, tant sur l’un que sur l’autre et sur leur conception respective du pouvoir.
    J’avoue que la forme de longue confession écrite à la première personne du singulier et adressée directement au roi – tantôt vouvoyé, tantôt tutoyé – m’a moyennement convaincue et j’ai trouvé que le roman manquait un peu de rythme. Selon moi, s’il avait été raconté tout du long, comme c’est le cas dans les derniers chapitres, par un narrateur omniscient, cela aurait été un peu moins monotone. Mais j’ai vraiment apprécié découvrir la « version des faits » si je puis dire de Monsieur, soucieux non pas de se dédouaner mais de laisser à la postérité une image un peu moins caricaturale que celle qui lui avait été forgée : une image d’homme faible, sans honneur et peu digne de son aîné, peu de digne de confiance également, alors qu’il fut surtout un homme aux mains liées toute sa vie par la peur irrationnelle de la trahison et de la sédition qui habita Louis XIV jusqu’au bout. Un homme à qui l’on refusa d’exercer ses talents militaires et que l’on humilia, parfois sans le vouloir, mais les blessures restèrent. Est-ce ainsi le sort de tous les seconds, de tous les suppléants ? Peut-être. Mais il est parfois important aussi de retourner le prisme et de regarder les choses autrement.

    Portrait de Philippe d'Orléans portant une armure fleurdelisée, vers 1660 par Michel Corneille l'Ancien

     

    COLLABORATION COMMERCIALE NON RÉMUNÉRÉE - LIVRE OFFERT (MERCI AUX ÉDITIONS ROBERT LAFFONT POUR CET ENVOI)

    En Bref :

    Les + : une autre vision du règne de Louis XIV à travers le regard de son frère cadet, tantôt admiratif, tantôt hostile mais trop souvent blessé par l'hostilité d'un frère qu'il admirait.
    Les - : la forme de confession m'a moyennement convaincue par moments.

     


     

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  


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  • « La terre lui avait forgé ce caractère, comme il avait forgé le relief de son domaine, sans pitié. »

    Une famille française (1)

     

     

     

      Publié en 2012

      Éditions Pocket

      428 pages 

      Premier tome de la saga Une famille française

     

     

     

     

     

    Résumé :

    A Saint-Ségur, en Corrèze, les Monestier règnent sur la Renaudière depuis le XVe siècle. En cet été 1910, Angel, le patriarche, compte sur le riche mariage de sa fille Clémence pour assurer l'avenir. Et puis, le temps venu, Paul, l'aîné, prendra la relève...Mais la Grande Guerre vient bouleverser la paisible destinée du domaine. Et les temps changent : l'évolution des mentalités, les progrès techniques, la nouvelle économie obligent l'intransigeant Angel Monestier à s'adapter à ce monde qu lui échappe. La prospérité de la Renaudière est à ce prix...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     1910. Le roman s’ouvre sur le mariage de Clémence, la fille du patriarche de La Renaudière, Angel Monestier. Et pour sa première fille mariée, ce dernier a voulu mettre les petits plats dans les grands. On ne regarde pas à la dépense, surtout s’il s’agit d’en remontrer à la belle-famille, ces Brillat qui ne valent pas les Monestier car, sur ces terres corréziennes de Saint-Ségur, on a beau être paysan, on n’en respecte pas moins une certaine hiérarchie : le paysan aisé regardera de haut le cultivateur modeste qui lui-même ne fraiera pas avec le métayer, qui dépend d’une terre qui n’est pas à lui. Et quand sa famille est propriétaire de la même ferme depuis le XVème siècle, comme c’est le cas d’Angel, on ferait presque partie des notables du village, presque à égalité avec le maire, l’instituteur et le médecin.
    La Corrèze du début du XXème siècle est une terre rurale et paysanne. L’exode rural n’est pas encore massif, les villages sont peuplés, dynamiques, vivants. Le métier d’agriculteur est encore peu mécanisé, assez identique à ce qu’il était au siècle dernier mais les rendements sont au rendez-vous : on vit avec peu, on vit avec moins qu’aujourd’hui. Les crises financières ne sont pas encore passées par là, l’inflation non plus. Plusieurs générations vivent souvent sous le même toit et vivent du même produit de la terre.
    Mais, quand commence le roman, si ce monde rural et paysan n’a jamais semblé si puissant et si immuable, il est pourtant en train de pousser son chant du cygne. Dans quatre ans, la conflagration de la Grande Guerre de Quatorze va ébranler le monde entier sur ses bases et toutes les terres françaises, jusqu’aux plus reculées, comme ici au cœur de la Corrèze. Les hommes partent, mobilisés pour défendre la patrie : aux fourches et aux bêches, sont substitués des fusils. A défaut de travailler la terre, on s’enterre dans les tranchées et on s’y fait, bien souvent, trouer la peau. A la campagne il faut s’organiser : les plus âgés et les plus jeunes se mettent au travail, deux fois plus. Et surtout, les femmes qui, en plus des tâches domestiques, reprennent à bout de bras les exploitations, travaillant comme les hommes et permettant aux fermes de perdurer.
    La fin de la guerre amènera – pour certains – le retour des hommes, parfois aussi un retour aux vieilles habitudes patriarcales : les hommes retrouvent leurs champs, les femmes leur cuisine et l’éducation des enfants, remâchant amèrement une émancipation qu’on leur dénie maintenant qu’on n’a plus besoin d’elle. Mais une graine de progrès est plantée : pour les femmes, une envie de liberté plus grande, pour les plus jeunes, un appel de plus en plus irrépressible de la ville et un changement de mentalité qui fait qu’on ne pense plus forcément à devenir paysan parce que ses parents l’ont été avant soi. Et le fossé entre les générations, jusque là plutôt ténu, se creuse progressivement. Les envies, les aspirations ne sont plus les mêmes. Et gare à celui qui ne peut – ou ne veut – prendre le coche du progrès : ses roues le broieront sans aucun état d’âme. Si, dans les villes, on s'étourdit, dans ces années 1920 devenues les Années Folles, elles n'ont justement rien de fou au fin fond des campagnes, où le contre-coup du conflit est rude. 

     

    1914-1918 - Les femmes au travail dans la Grande Guerre - Herodote.net

     

    Des femmes travaillant aux champs pour remplacer les hommes pendant la Grande Guerre


    Ce premier tome de la duologie Une famille française, de Jean-Paul Malaval, se situe à un moment charnière de notre histoire contemporaine, marqué par l’horreur des tranchées et de cette Guerre mondiale après laquelle rien ne sera jamais plus comme avant. Les campagnes, peut-être plus que les villes, vont connaître une mutation profonde et parfois violente et le grand domaine de La Renaudière en est un bon exemple : encore prospère et florissant au début du siècle, géré comme il l’avait toujours été sans encombre, pour la première fois, il va connaître des difficultés financières dues aux lacunes de son propriétaire qui ne sait pas s’adapter. De plus en plus, des compétences particulières vont être nécessaires pour gérer une exploitation : savoir compter en arpents ou en litres de lait ne suffira plus pour la gestion comptable d’une ferme. Le matériel rudimentaire et la force humaine ne suffiront plus à travailler des champs plus grands, sur lesquels il va falloir plus produire, pour plus rapporter…le changement ne se fait pas en quelques années, cela se fera progressivement et celui-ci connaîtra encore un autre essor après la Seconde guerre mondiale, jusqu’à aboutir à l’agriculture productiviste que nous connaissons aujourd’hui. Mais déjà, on sent un vent nouveau, des changements peut-être imperceptibles pour les contemporains mais qui, mis bout à bout, vont aboutir à une profonde mutation d’une société qui semble inchangée depuis des siècles.
    A l’instar de Troyat (Les Semailles et les moissons), Michelet (Des grives aux loups), Signol ou encore Peyramaure, Malaval chante ici son amour à sa terre natale, la Corrèze dans un roman de terroir plutôt bien mené, pas révolutionnaire en soi mais qui utilise habilement les codes du genre. Bien souvent appuyé sur une solide trame historique, le roman de terroir est aussi l’occasion de parler d’un contexte en particulier, ici celui de la fin de la Belle Epoque puis l’entre-deux-guerres, vu par des paysans prospères des alentours de Brive, entre 1910 et 1935. Il semblerait que la Corrèze soit une terre à romans régionalistes, bien souvent mise en valeur par ces auteurs, à commencer par Christian Signol, le plus connu d’entre eux.
    Il y a une dizaine d’années, j’avais lu un premier roman de Jean-Paul Malaval, Soleil d’octobre, qui avait peiné à me convaincre. En retrouvant mon avis sur Livraddict, qui date de l’automne 2012, je me suis rendu compte que j’avais écrit ce qui suit : « Le roman est une suite de platitudes » (j'étais manifestement moins mesurée à l'époque qu'aujourd'hui). Et effectivement, c’est le sentiment que j’avais eu à la lecture de cette histoire qui se passe justement en Corrèze à la veille de la Grande guerre (encore une fois). Mais je me souviens aussi que j’avais aimé le traitement de l’histoire entre les deux personnages principaux, qui m’avait beaucoup plu.
    Mon avis concernant ce premier tome d’Une famille française sera bien plus nuancé. En effet, j’ai passé plutôt un bon moment de lecture : la plume est belle, le roman est bien documenté (même si ce n’est pas un roman historique à proprement parler, c’est bien tout de même de ne pas dire de bêtises). Le gros bémol pour moi ? Le manque flagrant d’empathie envers les personnages, que j’ai suivis certes sans déplaisir mais sans plaisir non plus. Ils ne sont absolument pas attachants et même parfois, assez antipathiques. La véritable émotion, sincère et authentique, arrive aussi un peu tard, dans les derniers chapitres et j’ai trouvé ça un peu dommage mais pour le reste, dans l’ensemble, le roman tient ses promesses.
    Les Monestier, malgré leurs défauts, sont représentatifs de cette France d’antan, plus rurale que citadine. Une France des fermes, dont l’expansion et la prospérité sont le produit du travail de plusieurs générations. Beaucoup de familles ont encore, dans leurs tiroirs ou leurs vieilles armoires, ces albums remplis de vieilles photos jaunies qui rappellent cette vie, pas si lointaine de la nôtre chronologiquement, mais qui en est tellement éloignée socialement parlant. Combien de Français aujourd’hui, à moins d’être citadin sur plusieurs générations, a comme ancêtre plus ou moins lointain un paysan, un cultivateur ? Pas mal d’entre nous, je pense. Je suis donc persuadée ce roman vous parlera quoi qu’il arrive, à plus forte raison si vous avez connu ce monde. 
    Le roman régionaliste se traîne une réputation d’être quelque peu ringard mais je crois que parfois, si on est curieux, il faut leur laisser une chance. On peut être agréablement surpris. Car, malgré les bémols soulevés plus haut, ce manque d’attachement aux personnages qui, vraiment, m’a frustrée, j’ai passé un bon moment. C’était une lecture agréable et qui me laissera, je crois, un bon souvenir. 

    ARCHIVES. Plongée au cœur de l'Aube rurale avant la Première Guerre mondiale

     

    Un village français d'avant Guerre, dans l'Aube (années 1910)

    En Bref :

    Les + : un roman de terroir au cœur de la Corrèze du début du XXème siècle. Dans la veine de Des grives aux loups ou Les semailles et les moissons, Malaval signe ici un bel hommage à sa terre natale. 
    Les - : le gros bémol ? Des personnages peu attachants et une émotion véritable qui arrive un peu tard. Dommage.


    Une famille française, tome 1 ; Jean-Paul Malaval 

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  


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  • « Nous sommes tous voués à recevoir, tôt ou tard, notre part de malheur. La seule chose que nous pouvons espérer est qu'il se présente le plus tard possible, pour que nous puissions quand même goûter un peu au bonheur. »

     

     

     Publié en 2016 aux Pays-Bas

     En 2019 en France (pour la présente édition)

     Titre original : Nachtblauw

     Éditions 10/18

     336 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Au XVIIe siècle, après la mort suspecte de son mari, la jeune Catrijn quitte sa campagne néerlandaise pour tenter sa chance à la ville. Elle se rend à Amsterdam où elle est engagée comme intendante dans une famille. Passionnée de peinture, Catrijn aide la maîtresse de maison à parfaire son apprentissage. Elle fera même la rencontre de Rembrandt dans son atelier. Mais, poursuivie par son passé, la jeune femme doit fuir à Delft où elle est engagée dans une faïencerie, et formée par un ami de Vermeer. Le grand peintre voit d'un œil bienveillant le succès fulgurant de Catrijn lorsqu'elle met au point le célèbre bleu de Delft. Mais les accusations qui pèsent sur elle ne lui laissent guère de répit...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    1655. Catrijn a vingt-cinq ans et vient de perdre son époux. Sans enfant, la jeune femme décide de vivre son rêve et de partir vivre à la ville, comme elle le souhaite depuis longtemps. Mais le poste qu’elle espérait à Alkmaar, la ville non loin de chez elle, n’est plus disponible quand elle y arrive. Catrijn doit alors partir plus loin et s’installe à Amsterdam, où elle devient intendante chez Adriaen et Brigitta Van Nulandt. La maîtresse de maison adore la peinture, même si ses talents sont médiocres et Catrijn, qui pratique elle aussi la peinture depuis son plus jeune âge, se rapproche d’elle. Mais la jeune femme traîne de lourds secrets et bientôt, son passé revient la hanter…d’Amsterdam, elle part vers Delft, où elle fait la connaissance de Johannes Vermeer, qui n’est pas encore le peintre renommé que l’on connaît et tient une auberge prospère avec sa mère et son épouse. Surtout, Catrijn trouve un emploi de peintre dans une faïencerie. En ce milieu de XVIIème siècle, la porcelaine rencontre un beau succès en Europe mais les manufactures européennes ne parviennent pas à produire une porcelaine aussi pure et aussi solide que celle de Chine. Mais, dans la manufacture d’Evert Van Nulandt, Catrijn met son talent au service d’une nouvelle faïence entièrement hollandaise mais imitant les motifs « chinoisants » grâce à son coup de pinceau. Catrijn et son patron sont à l’origine d’une nouvelle sorte de faïence, qui deviendra un produit recherché à part entière : le Bleu de Delft, une faïence aux décors bleus caractéristiques qui, après les décors inspirés de l’Orient mettra en scène des paysages néerlandais typiques - et si les personnages de Catrijn et Evert sont fictifs, l'aventure porcelainière de la ville de Delft au milieu du XVIIème siècle quant à elle, est authentique.
    Mais pour vivre pleinement, Catrijn doit d’abord se débarrasser des zones d’ombre de son passé et des secrets qui l’entourent.
    Ce roman est le deuxième de Simone van der Vlugt que je lis, après La maîtresse du peintre l’année dernière et mes observations sont assez similaires d’une lecture à l’autre. Ce que j’ai aimé dans La maîtresse du peintre, je l’ai aimé dans Bleu de Delft. Et malheureusement, ce que j’ai moins aimé, je l’ai aussi retrouvé ici.
    Le principal reproche que j’aurais à faire à ces deux romans, c’est de survoler le propos qui, par ailleurs, est intéressant. Là où d’autres auteurs auraient peut-être creusé le sujet, j’ai trouvé que Simone van der Vlugt restait en surface et c’est dommage : j’aurais aimé en savoir plus sur Catrijn par exemple et j’aurais aimé que la peinture soit plus présente dans sa vie, comme peut le laisser présager le résumé. J’ai été un peu déçue de cela, d’ailleurs, le fait que le résumé m’a vendu un récit que je n’ai pas forcément retrouvé par la suite.
    Pour le reste, à nouveau l’ambiance est très sympa, toujours en clair-obscur, comme dans une toile de Vermeer ou Rembrandt (et ça tombe bien, on les croise tous les deux, l’un déjà au faîte de sa carrière, l’autre ne l’ayant pas encore tout à fait commencée). Ce siècle d’émulation et de richesse culturelle n’a pas usurpé l’appellation de « Siècle d’Or ». Il y a toujours une ambiance particulière dans ces romans, qui tient peut-être à l’exotisme des noms néerlandais, à ces demeures élégantes qui bordent les canaux des grandes villes…c’est un dépaysement complet alors que le pays n’est finalement pas si lointain. Et pourtant, on a l’impression de faire un grand voyage.

    Faïences de Delft aux motifs d'inspiration chinoise


    Mais j’ai été frustrée. Frustrée que l’art, la peinture, la faïence qui sont pourtant au centre de la vie de Catrijn, ne soient pas au centre du roman. J’aurais aimé que l’autrice se focalise un peu plus sur cet aspect-là de sa vie, nous fasse découvrir de façon plus profonde l’évolution de ce talent, d’abord un talent d’enfant, de jeunesse, que Catrijn, dans la ferme familiale, ne peut mettre en œuvre qu’avec les moyens du bord. Ensuite, sa découverte de la vraie peinture à Amsterdam, par le biais de la mélancolique Brigitta puis l’expression totale de son art dans la faïencerie Van Nulandt, qui lui permet de stimuler complètement sa créativité.
    Tout cela, malheureusement, je l’ai eu mais en trop petites quantités. J’ai eu du mal à entrer dans la première partie du roman, je suis restée un peu en retrait et c’est dommage, alors que j’ai d’emblée apprécié Catrijn, peut-être pour ses fêlures et ses fragilités et en même temps pour sa force, sa détermination à avoir un avenir meilleur, malgré les erreurs, malgré le passé. Mais la deuxième partie du livre m’a un peu plus captivée, je me suis sentie un peu plus happée par ma lecture et j’ai eu l’impression d’ailleurs que mon rythme s’en ressentait, puisque j’ai finalement terminé le livre bien plus vite que je n’avais réussi à le commencer.
    J’ai passé un très bon moment avec Bleu de Delft malgré tout. Oui, le roman n’est pas parfait et il m’a laissé un petit goût d’inachevé mais globalement, ce n’est pas un mauvais roman historique, bien au contraire. Il est très bien écrit, met en avant des réalités du temps qui ne sont pas toujours très éloignées des nôtres. Et c’est peut-être justement parce que le roman est bon que j’en aurais presque voulu plus : oui je pense que j’aurais pu passer une centaine de pages de plus avec Catrijn.

     

    Vue de Delft par Vermeer (1659-1660)

    En Bref :

    Les + : un roman historique intéressant, au cœur du Siècle d'or hollandais, où l'on parle peinture et faïence, dans une ambiance de clair-obscur séduisante.
    Les - :
    un récit un peu plat, dans lequel il est difficile d'entrer. J'ai eu l'impression parfois de le survoler et qu'il manquait un peu d'approfondissement.


    Bleu de Delft ; Simone van der Vlugt

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

     

     

    • Découvrez mon avis sur un autre roman de Simone van der Vlugt :

    - La maîtresse du peintre

     

     

     

     

     

     


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  • « La guerre ne va pas durer éternellement. Nous ne pouvons pas la laisser tout nous prendre. »

     

     

         Publié en 2017 en Angleterre

      En 2019 en France (pour la présente édition)

      Titre original : The Chilbury Ladies' Choir

      Éditions Le Livre de Poche

      552 pages

     

     

     

     

    Résumé :

    1940. Un paisible village anglais voit partir ses hommes au front. Restées seules, les femmes affrontent une autre bataille : sauver la chorale locale pour défier la guerre en chantant. Autour de miss Primrose Trent, charismatique professeur de chant, se rassemble toute une communauté de femme, saisie dans cet étrange moment de liberté : Mrs Tilling, une veuve timide ; Venetia, la tombeuse du village ; Silvie, une jeune réfugiée juive ; Edwina, une sage-femme qui cherche à fuir un passé sordide. Potins, jalousies, peurs, amours secrètes...Entre rires et larmes, Jennifer Ryan, s'inspirant des récits de sa grand-mère qui a vécu le conflit depuis un petit village du Kent, sonde avec talent les âmes de chœur attachant et inoubliable.

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Printemps 1940 : comme la plupart des villages d’Angleterre, Chilbury a vu partir ses hommes. Et, coup de tonnerre, voilà que le pasteur décide de supprimer la chorale, faute de voix masculines. Mais c’est sans compter sur les femmes du chœur, qui ne l’entendent pas de cette oreille ! La chorale de Chilbury doit continuer et, faute d’hommes, elles ont l’idée de créer…la chorale des dames de Chilbury, dans laquelle se retrouve de très nombreuses femmes de la communauté, jeunes ou moins jeunes, du même milieu social ou pas. L’arrivée d’une nouvelle maîtresse de chœur, Primrose Trent, va galvaniser tout ce petit monde et redonner un nouveau souffle à cette chorale de village, soutien indéfectible des habitants pendant cette période trouble.
    Dans la veine du Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates ou de Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles, La chorale des dames de Chilbury fait partie de ces romans de guerre qui pourtant donnent le sourire. Toutefois, ne vous attendez pas à un petit roman gentillet et plein de bons sentiments. Chilbury étant situé dans le Kent, le village se trouvera en première ligne lors des débuts de la bataille d’Angleterre. Mais l’espoir et la bonne humeur ne sont jamais loin dans ce village qui est finalement très soudé et s’entraide quoi qu’il arrive.
    Le roman se découpe en plusieurs chapitres qui font alterner les voix. Ce n’est pas forcément très facile à suivre au départ, mais j’ai beaucoup aimé cette forme : lettres, journaux intimes…on découvre les pensées et les sentiments les plus intimes de certaines des habitantes du village. La douce et plutôt discrète Mrs Tilling, qui a pourtant beaucoup de ressources, sauve le chœur de Chilbury mais effectue aussi sa mission d’infirmière avec zèle, la jeune Kitty, âgée de quatorze ans, fille du propriétaire du manoir de Chilbury, qui vit dans une certaine monotonie et se distrait comme elle le peut, parfois en laissant son imagination déborder au risque de se brûler les ailes, sa sœur Venetia, qui apparaît au départ plutôt superficielle mais évolue tout au long du roman, jusqu’à devenir bien plus humaine et attachante, Edwina, une sage-femme nouvelle venue, dont on comprend que son cynisme cache peut-être quelque chose de plus profond et un passé difficile qui lui a enlevé ses illusions…au-delà de ses quatre narratrices principales, on découvre aussi d’autres personnages, leurs familles, leurs amoureux, leurs amisMrs Tilling accueille sans plaisir un colonel basé à Litchfield et qu’elle voit occuper la chambre de son fils, parti au front, Venetia tombe amoureuse et Kitty se fait des illusions sur un ami d’enfance mais peut compter sur le réconfort simple et sans arrière-pensée de la jeune Silvie, petite réfugiée arrivée de Tchécoslovaquie pour échapper à la fureur nazie. Au village, on croise aussi l’institutrice, appréciée de tous, la douce Hattie qui attend son premier bébé, l’insupportable Mrs B., pleine de principes et de grandes ambitions et qu'il est bon parfois de la voir se faire clouer le bec !
    Tranches de vue tantôt truculentes, drôles ou tragiques, La chorale des dames de Chilbury est un roman plutôt atypique mais aussi dynamique et, étrangement, plutôt réconfortant. On ressort de cette lecture avec un sentiment de chaleur, comme si les habitants de Chilbury nous accompagnaient encore un petit moment. Je les ai tous appréciés (même si, comme d'autres lecteurs, je ferai une mention spéciale à Venetia, dont l'évolution est spectaculaire tout au long du livre) et j’ai été un peu triste de les quitter. Jennifer Ryan s’est appuyée sur des souvenirs de sa grand-mère qui avait passé la Seconde guerre mondiale dans un village du Kent et on ressent l’authenticité de certaines anecdotes, de certains épisodes et c’est très sympa.  Cela rajoute vraiment un petit quelque chose au roman et nous montre que, si la guerre a bouleversé des vies, malgré l'incertitude, la peur, l'angoisse, la tristesse, la vie quotidienne continue et peut s'avérer belle, même quand les troupes nazies menacent, de l'autre côté de la mer.
    Au-delà de ça, il est très bien écrit, avec cette ambiance so british inimitable et que j’aime tant, qui peut rappeler un peu Downton Abbey par certains de ses personnages (on aura ainsi la vision fugitive de la Comtesse douairière ou encore, de lady Isobel et parfois de leurs joutes verbales, en cours de lecture) et j'ai parfois eu l'impression d'être dans Étés anglais d'Elizabeth Jane Howard par moments.
    Bref, si vous aimez ces romans historiques avec une ambiance inimitable, des tranches de vie simples et authentiques, alors vous ne serez sûrement pas déçus en allant visiter les rues de Chilbury. Loin de nous plomber avec un propos misérabiliste, La chorale des dames de Chilbury est un petit bonbon à savourer. Je n’ai désormais plus qu’une hâte : découvrir les autres romans de Jennifer Ryan.

    En Bref :

    Les + : un style rythmé et dynamique, un roman mené tambour battant, des personnages inimitables.
    Les - : pas vraiment de points négatifs à soulever, c'était vraiment très sympa !


    La chorale des dames de Chilbury

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

     

     


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  • « Je ne sais pas ce que je vais découvrir au bout de mon enquête ni qui est l'auteur de la carte postale, je ne sais pas non plus quelles seront les conséquences de tout cela. On verra. »

     

     

     

         Publié en 2022

      Éditions Le Livre de Poche

      570 pages

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    La carte postale est arrivée dans notre boîte aux lettres au milieu des traditionnelles cartes de vœux. Elle n'était pas signée, l'auteur avait voulu rester anonyme. Il y avait l'opéra Garnier d'un côté, et de l'autre, les prénoms des grands-parents de ma mère, de sa tante et de son oncle, morts à Auschwitz en 1942. Vingt ans plus tard, j'ai décidé de savoir qui nous avait envoyé cette carte postale, en explorant toutes les hypothèses qui s'ouvraient à moi.
    J'ai retracé le destin romanesque des Rabinovitch, leur fuite de Russie, leur voyage en Lettonie puis en Palestine. Et enfin, leur arrivée à Paris, avec la guerre et son désastre.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au mois de janvier 2003, au milieu des cartes de vœux pour le Nouvel An, Lélia Berest la mère de l’autrice, trouve une mystérieuse carte postale, adressée à sa propre mère pourtant décédée quelques années auparavant. Sur cette carte, sont tracés de manière malhabile quatre noms : Ephraïm, Emma, Noémie et Jacques. Ce sont les grands-parents et la tante et l’oncle de Lélia, tous déportés à Auschwitz en 1942, dont ils ne sont jamais revenus.
    Anne Berest, née en 1979, a vingt-quatre ans à peine lorsque sa mère, un jour de repas dominical, raconte à ses filles l’incroyable découverte. Lélia est surprise mais aussi un peu effrayée : pourquoi et surtout qui lui envoie-t-on cette carte, qui plus est de façon anonyme ? Est-ce un avertissement ? Mais puisqu’il n’y a pas d’autres occurrences, l’histoire aurait pu en rester là.
    C’est près de vingt ans plus tard qu’Anne Berest, devenue depuis scénariste et autrice, devenue mère elle aussi à son tour, va ressentir le besoin pressant, presque irrépressible, de retrouver l’auteur de cette carte, mais aussi, de partir sur les traces de cette famille dont elle ne sait rien, où si peu de choses : les Rabinovitch, qui avaient quitté la Russie au début du XXème siècle en quête d’un havre de paix et qui arriveront en France un peu avant la guerre, guerre qui va les emporter, comme des millions de Juifs, dans la violence idéologique du régime nazi, avec la collaboration du régime de Vichy en France.
    Grâce aux propres recherches de sa mère, mais aussi aux siennes, Anne Berest remonte donc sur les traces de ces ancêtres : à force de questions à Lélia, de recherches dans les archives familiales et dans les livres, elle découvre ici et là des bribes d’informations qui lui permettent de reconstituer une trame. Une trame très ajourée par moments, certes, mais qui permet à des membres de sa famille de retrouver une voix, une consistance, un nom.
    De la Russie, berceau des Rabinovitch, qu’Ephraïm et Emma quittent à la fin des années 1910, alors que la jeune femme est enceinte – de Myriam, qui deviendra la grand-mère d’Anne et Claire Berest –, en passant par la Lettonie mais aussi la Palestine, où Myriam se forgera ses premiers souvenirs, dans la touffeur du Proche-Orient et les orangeraies de ses grands-parents et enfin la France, où la famille sera rattrapée par l’Histoire, les événements et son destin, l’autrice entraîne son lecteur dans une formidable quête identitaire, d’autant plus qu’elle est vraie.
    Dans Gabriële, roman à quatre mains écrit avec sa sœur cadette Claire Berest (autrice de Rien n’est noir ou de L’épaisseur d’un cheveu, paru lors de la Rentrée littéraire de 2023), les deux jeunes femmes exploraient déjà l’histoire familiale en racontant une arrière-grand-mère méconnue, fantasque voire totalement excentrique dans sa jeunesse, assurément non-conventionnelle, qui fut la muse et l’épouse de Francis Picabia, la maîtresse de Marcel Duchamp et l’amie proche de Guillaume Apollinaire.
    Ici, c’est une histoire époustouflante et en même temps tristement banale car elle pourrait concerner des centaines de familles, en France mais aussi dans tous les pays occupés par l’Allemagne nazie durant la Seconde guerre mondiale : on parle souvent de la Grande Guerre comme d’un conflit qui toucha chacune des familles françaises, car il y eut au moins un père, un fils, un proche mobilisé pendant les quatre années qu’ont duré la guerre. Chaque maison posséderait encore de nombreux souvenirs de l’époque : lettres, carnets militaires ou médailles… la Seconde guerre mondiale elle aussi a marqué durablement le pays et les familles françaises, de tragédies souvent terribles et irrémédiables car elles se sont transmises de génération en génération par le silence : un silence ravageur, un silence qui tue. Mais comment parler de l’innommable quand on a été déporté ou bien quand on a vu, comme Myriam Picabia, toute sa famille arrêtée, déportée et qu’on l’a attendue vainement pendant de longs mois voire des années ? Comment accepter, surtout, d’être considéré comme un criminel, sous prétexte que…l’on est Juif ? Une judéité que, comme beaucoup d’autres, les Rabinovitch ne montrent pas, ne revendiquent pas, prônant avant tout une assimilation exemplaire, porte d’entrée d’un avenir radieux et sûr ?
    A près de quatre-vingts ans de distance, c’est donc la nouvelle génération – une génération de quarante ans, assimilée, intégrée, française et pourtant à son tour confrontée à la montée des radicalismes et de nouveau, à une certaine forme d’antisémitisme –  qui cherche et qui interroge, pour guérir les blessures du passé. Cela ne se fait pas sans mal : c’est presque un processus psychanalytique qu’Anne Berest raconte ici, son propre cheminement. La recherche de ses ancêtres et de la vérité n’est-il pas, pour elle mais aussi pour ses deux sœurs, un moyen de se guérir, de trouver un apaisement, une forme de paix ? Comment, lorsque les souvenirs remontent des temps anciens, les laisser sur le pas de la porte ?
    Cette carte postale sera donc le point de départ d’une grande quête : comme un puzzle, l’autrice assemble divers éléments…dans ce récit se croisent les Rabinovitch, Juifs d’Europe de l’Est échoués dans l’Eure, qui fuient un danger qui fait tâche d’huile, se répandant sans plus s’arrêter sur l’Europe des années 1930 comme une épaisse nappe emportant tout sur son passage, sans qu’on trouve le moyen de lui échapper, les Picabia, déjà rencontrés dans Gabriële, si excentriques là où Ephraïm et Emma n’aspirent qu’à disparaître, se fondre dans la masse et d’autres personnages, résistants ou collabos qui, par leur engagement, leurs convictions, sauveront, dénonceront ou condamneront. Les Rabinovitch et leurs deux cadets seront broyés par le système de Vichy, à la botte de l’Allemagne nazie, ils seront victimes de ces lois d’abord intimidantes et répressives puis de plus en plus violentes, de plus en plus dangereuses : le processus se termine dans l’horrible incertitude des camps de transit puis dans le paroxysme de l’effroyable, les camps de concentration. Myriam, la fille aînée, aura plus de chance : elle s’en sortira mais à quel prix ? Par le jeu du hasard, Myriam se marie en 1941, quelques mois avant l’arrestation de son frère et de sa sœur, puis de ses parents. Elle épouse un beau jeune homme un peu mélancolique, un peu fragile, qu’elle a rencontré à Paris, alors qu’elle fait des études de philo : ce jeune homme, c’est Vicente Picabia, le fils du peintre Francis Picabia et de Gabriële Buffet, un garçon qui a été négligé par ses parents dans sa petite enfance et sa prime jeunesse et en a souffert. Comme eux, pourtant, il mène une vie non-conventionnelle et interlope, faite de drogues, d’alcool, de fumeries d’opium…mais il sera aussi Résistant et messager pour un réseau parisien, avant la fin de la guerre. Avec Myriam. Myriam qui est aussi la mère de sa fille unique, Lélia. Et comme la judéité se transmet par la mère, Myriam était juive comme Emma, Lélia sera juive comme Myriam et Anne, Claire et leur sœur, bien que portant le nom breton de leur père, le chercheur Pierre Berest, portent aussi en elles cet héritage familial transmis par les femmes depuis des générations et des générations, depuis la Russie qui a vu naître les Rabinovitch.
    Anne Berest ne s’interdit rien et ne nous épargne rien : du récit de la vie quotidienne terrible, éprouvante dans les camps de transit de Beaune-la-Rolande, Pithiviers ou Drancy, jusqu’à l’arrivée, apocalyptique, dans l’horreur des camps de concentration, où les prisonniers, éprouvés par des mois de captivité en France, puis par un voyage dans des trains à bestiaux, sont accueillis par la lumière aveuglante des projecteurs, les invectives en allemand, les aboiements des chiens, les coups, en passant par l’engagement des Résistants sur le sol français, risquant leur vie à toute heure pour faire passer un message ou exfiltrer une personne recherchée, mais aussi le quotidien difficile, fait de tickets de rationnements, de contrôles, de peur, la Seconde guerre mondiale redevient une époque vivante, terrible, bouleversante. Le lecteur suit des personnages qui auraient pu être ses propres ancêtres, peut-être il évoquera aussi d'ailleurs en pensée les siens : un grand-père ou un arrière-grand-père, Résistant ou prisonnier… une grand-mère ou une arrière-grand-mère ou une tante, qui fut messagère pour les réseaux du Maquis…mais peut-être certains évoqueront, avec plus de honte, l’ancêtre qui a été collabo, celui qui a trahi…preuve que la Seconde guerre mondiale, encore aujourd’hui, est une blessure parfois mal cicatrisée sous un pansement que l’on refait à la va-vite à chaque nouvelle génération : on pense l’oublier mais bien souvent, elle se rouvre, quand on y songe le moins.
    Ce roman est dense, terrible, bouleversant…certains lecteurs y ont vu une analyse autocentrée, un peu victimaire voire misérabiliste… je peux le comprendre, même si je ne partage pas du tout cet avis : pour moi, au contraire, Anne Berest raconte un cheminement personnel qui a toute sa place dans le récit de ses ancêtres car, après tout, lorsqu’on part en quête de l’histoire familiale, c’est souvent que quelque chose a été mal réglé, voire pas du tout et que ce passé traumatique s’est transmis et que l'on est aussi en quête de soi-même. En résolvant l’énigme des siens, non sans mal, car cela remuera des sentiments très intimes, douloureux, c’est aussi avec elle-même, ou du moins une part d’elle-même qu’Anne fait la paix : sa judéité, que soudain elle comprend mieux, qu’elle accepte mieux aussi comme faisant partie d’elle au même titre que ses gènes. En un mot, Anne Berest découvre et fait la paix avec son héritage par le biais de son roman.
    Je n’ai pas réussi à savoir – et je n’ai pas cherché non plus, je dois l’avouer – ce qui relevait de la pure imagination, de l’extrapolation de la romancière et de la vérité pure. Au final, je crois cela ne compte pas : j’ai aimé ce roman pour ce qu’il est, c’est-à-dire une histoire où tout est vrai mais où tout est faux à la fois. Ou la plume de la romancière prend le relais quand soudain l’Histoire nous fait défaut, car elle est lacunaire. Comment savoir aujourd’hui, quatre-vingt-un ans plus tard, quels ont été les sentiments de Noémie et de Jacques, à peine âgés de dix-neuf et dix-sept ans, arrêtés, séparés de leurs parents et de leur sœur aînée, envoyés dans un camp de transit où le découragement le dispute sans cesse à l’espoir ? Comment se substituer à Myriam, désormais seule au monde mais qui ne le sait pas encore, contrainte sans cesse de fuir, de se cacher, qui échoue au fin fond des maquis de Provence, où elle passera plusieurs mois de la guerre en compagnie de Vicente ? Cette Provence qu’elle aimera si fort que, lorsqu’elles étaient petites, ses petites-filles pensaient qu’elle en était originaire, sans imaginer que Myriam était née en Russie, puis avait passé sa petite enfance en Lettonie et quelques années en Palestine ?
    Finalement, je m’en suis moquée. Ce n’est pas ça, l’important. L’important, c’est le propos, la densité mémorielle de ce roman. La carte postale m’a bouleversée, vraiment : j’ai été révoltée, en colère, j’ai aussi souvent pleuré. Est-ce que je peux dire sans exagérer que ce roman est l’un des plus beaux sur la Seconde guerre mondiale que j’aie pu lire ? Oui, assurément. Les ultimes phrases du roman, extrêmement poignantes, m’ont serré le cœur, j’ai terminé ce roman en larmes, vraiment. Souvent, chez moi, les romans qui me bouleversent à ce point sont des coups de cœur : pas systématiquement, mais bien souvent. La carte postale n’aura pas dérogé à la règle : il est mon premier coup de cœur de l’année et, à ce jour, ma découverte de l’univers littéraire des sœurs Berest est un sans-faute. Je peux comprendre qu’on ne l’aime pas ou qu’on se sente mal à l’aise, car comme je le dis plus haut, l’autrice ne s’interdit rien, ne se censure pas et n’épargne donc rien au lecteur : l’intimité des couples ou l’horreur de la guerre sont décrites de manière simple, incisive et ont pu donner à certains un sentiment de voyeurisme. Je peux le comprendre mais encore une fois, ce n’est pas ainsi que j’ai vu ce roman : pour moi c’est une quête, presque un cheminement initiatique et c’est surtout une histoire familiale écrite avec beaucoup de tendresse, de beauté et de respect. Un vibrant hommage à des ancêtres morts il y a quatre-vingts ans et à qui Anne Berest rend leur dignité, leurs visages et leur humanité, sinon leurs voix.

    En Bref :

    Les + : c'est éprouvant, c'est dur parfois mais aussi très émouvant. Un beau coup de cœur pour cette histoire familiale, pleine de tristesse et de traumatismes mais aussi d'espérance.
    Les - : pour moi, aucun.


    La carte postale ; Anne Berest

        Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

     

    •  Envie d'en apprendre un peu plus sur les sœurs Berest ? Je vous propose ces chroniques :

    - Gabriële, leur roman à quatre mains : mon billet est à retrouver juste ici.

    - Rien n'est noir, la biographie romancée de Frida Kahlo par Claire Berest : l'un de mes coups de cœur de 2020 à retrouver ici.

     

    Coup de cœur

     


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