• « La vie n'obéit pas toujours à notre volonté. »

    Couverture La saga des vikings, tome 1 : Ragnvald et le loup d'or

     

     

     Publié en 2017 aux Etats-Unis  

     En 2019 en France (pour la présente édition) 

     Titre original : The Half-Drowned King

     Editions Pocket

     679 pages 

     Premier tome de la saga La Saga des Vikings

     

     

     

    Résumé :

     Norvège, IXe siècle. Parce qu'on l'a spolié des terres de son père, Ragnvald s'engage à bord d'un navire pour prendre aux pillages d'été et prouver sa valeur au combat. Quant à sa sœur, la rebelle Svanhild, rien ne saurait la retenir chez elle, où le destin des femmes se limite à tisser et enfanter. 
    Le sort s'acharne sur la fratrie : Ragnvald manque de se faire tuer par le capitaine du drakkar, jaloux de cet impétueux guerrier. Il réchappe de peu aux eaux glacées du fjord et, dès lors, réclame justice pour l'honneur de son nom. Mais saura-t-il faire face à sa propre sœur, l'indomptable Svanhild, qui a succombé aux charmes de son pire ennemi ?

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Bienvenue en Norvège au IXème siècle ! Non, je vous vois arriver, ce n'est pas de la fameuse série Vikings dont je vais vous parler, même si des personnages et des lieux qui apparaissent dans la série sont aussi mentionnés dans ce roman de l'auteure américaine d'origine norvégienne, Linnea Hartsuyker.
    Ragnvald et le Loup d'Or est le premier tome d'une trilogie dont le titre est très bien trouvé, à mon sens : La saga des Vikings fait ainsi référence à ces fameux textes fondateurs scandinaves qui racontent l'histoire plus ou moins fantasmée de héros comme Ragnar Lothbrok ou encore Eirik le Rouge, qui voyagea au Groenland et jusqu'aux côtes américaines.
    Nous sommes donc dans la seconde moitié du IXème siècle, quelque part en Norvège : Ragnvald est un tout jeune homme qui revient de sa première mission en Irlande. Alors que tout semble lui sourire, il manque être tué par un homme qu'il croyait être son camarade. Laissé pour mort, puis sauvé de la noyade, Ragnvald découvre alors que son beau-père en a profité pour s'approprier les terres d'Ardal qui lui appartiennent. Dès lors, Ragnvald n'aura de cesse de se venger de ce Olaf qui l'a élevé mais surtout, a voulu l'évincer d'une manière plus que radicale : en le faisant assassiner.
    Ce roman m'a fait l'effet d'un roman d'apprentissage et m'a fortement rappelé le premier tome des Maîtres d'Ecosse, de Robyn Young, qui raconte l'ascension du jeune Robert Bruce au XIVème siècle. J'ai trouvé pas mal de points communs entre ce personnage et celui de Ragnvald : tous deux confrontés à de dures épreuves, ils vont devoir s'en sortir par la seule force de leur volonté et apprendre sur la vie et sur les hommes.
    En mélangeant fiction et réalité, comme le font tous les auteurs de romans historiques, avec souvent beaucoup de réussite à la clé, Linnea Hartsuyker a produit un livre dense et foisonnant, un récit plein d'aventures que ne renieraient pas les vieilles sagas des scaldes scandinaves du Moyen Âge.
    Tout n'y est pas parfait, il y'a parfois des longueurs mais dans l'ensemble, le roman est cohérent, bien mené et appuyé sur un contexte maîtrisé et, au demeurant, passionnant, ce qui ne gâche rien : car si ce premier opus est le récit de l'apprentissage et de l'accession à l'âge d'homme de Ragnvald, il est aussi celui du roi Harald de Norvège, surnommé Harald à la Belle Chevelure et qui, dans les années 870, deviendra le premier souverain de la Norvège unifiée à seulement vingt-deux ans. 
    On sait peu de choses au final des Vikings : quand on les évoque c'est aussitôt l'image de guerriers téméraires, féroces et sanguinaires, montés sur leurs effrayants drakkars et partant ravager des terres loin de chez eux qui nous vient à l'esprit. Mais les Vikings, c'est bien plus que ça quand on y pense : si, au début du Moyen Âge, la Scandinavie est encore morcelée en une mosaïque de petits royaumes et de terres tenues par des jarls, la société viking est déjà profondément enchâssée dans cette région et possède une société très hiérarchisée, que l'on pourrait presque notamment qualifier de démocratique, notamment grâce au ting, une assemblée annuelle qui permet de trancher et de régler les litiges.
    Oui, les Vikings sont violents et conquérants et s'appuient sur un panthéon de dieux issus de la mythologie germanique et particulièrement effrayants et belliqueux. Mais, quand on y pense, leur société n'est peut-être pas plus violente ni plus belliqueuse qu'une autre à la même époque.
    Quand on évoque par exemple les luttes de pouvoir des Mérovingiens et des Carolingiens, ils n'ont rien à leur envier !
    J'ai découvert avec intérêt la vie quotidienne des Vikings, les paysages grandioses quoique assez inhospitaliers de la Norvège médiévale, ses fjords et ses terres battues par les vents et par les neiges.
    En revanche, j'ai eu un peu plus de mal avec les personnages : j'ai même eu un peu peur parce qu'il m'a quand même fallu plus d'une centaine de pages pour arriver à bien situer tous les personnages et ne plus les confondre ! Et encore : l'auteure avait simplifié leur orthographe, ce qui n'était pas de trop !
    Globalement, j'ai passé un très bon moment avec ce roman historique, pas toujours facile à suivre mais riche et foisonnant et qui a le mérite de nous faire découvrir un pan méconnu de l'Histoire européenne, premier pas de l'unification scandinave.
    Il est certain que je lirai avec beaucoup de plaisir la suite des aventures de Ragnvald et de sa jeune sœur, l'intrépide Svanhild, dignes des meilleures sagas !

    En Bref :

    Les + : un contexte riche et foisonnant, des personnages pléthoriques et intéressants, des paysages grandioses...j'ai eu l'impression de lire une vraie saga scandinave racontant les exploits de quelque héros !
    Les - :
    quelques longueurs, par moments un désagréable sentiment de confusion (du genre : « mais pourquoi il parle de ça maintenant, je comprends pas ? » qui, heureusement, se dissipe rapidement.


     

    La Saga des Vikings, tome 1, Ragnvald et le Loup d'Or ; Linnea Hartsuyker

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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  • « La virginité était le seul trésor dont disposait une fille et il était hors de question de le brader lorsque, comme elle, on n'avait guère d'espérances. »

     

     

     

     

         Publié en 2006

      Editions JC Lattès

      564 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Fille d'un hobereau breton ruiné et destinée au couvent, Louise de Keroual rencontre l'année de ses dix-huit ans un homme qui va changer sa vie, le duc de Beaufort. Ébloui par sa beauté, le duc la prend sous son aile et l'introduit à la Cour de France où elle devient demoiselle d'honneur de Madame, la duchesse d'Orléans, qui espère réussir à faire de la jeune fille la maîtresse du Roi. Mais Louis XIV est déjà sous l'emprise de la marquise de Montespan. Qu'importe ! Madame est aussi la sœur de Charles II Stuart. 
    A la Cour d'Angleterre, Louise va vite conquérir le cœur de Charles. Elle lui donne bientôt un fils, devient duchesse de Portsmouth et favorite royale. 
    Surmontant tous les obstacles et écartant ses rivales, elle parvient, à force de volonté, de courage et d'intelligence, à conserver l'affection du roi Charles et à en faire un allié fidèle de la France. Mais à quel prix ! 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quel destin que celui de cette jeune femme, que rien ne destinait à la faveur royale qu'elle connaîtra pendant près de quinze ans !
    Car Louise de Keroual, dans sa jeunesse, n'est que la fille aînée d'un hobereau breton impécunieux, comme il y'en a tant. Faute d'argent, son père la destine au couvent. C'est sans compter sur l'amitié de Guillaume de Keroual avec un cousin du roi, François de Beaufort, qui rencontre Louise adolescente : c'est une beauté et le duc pressent aussitôt qu'elle pourrait connaître une belle ascension à la Cour de France. C'est donc nantie de sa seule beauté comme viatique que la jeune Louise débarque à Paris au milieu des années 1660 et se fait une place dans la maison de Madame, Henriette d'Angleterre, la belle-sœur de Louis XIV. Madame qu'elle accompagnera en Angleterre, en qualité de dame d'honneur, lors des tractations pour le traité de Douvres, en 1670. C'est à cette occasion que le roi Charles II, le frère d'Henriette, rencontre et remarque la belle Louise. Dès lors, il ne l'oubliera jamais et scelle son destin : pendant près de quinze ans, Louise de Keroual sera une favorite royale indéboulonnable, malgré les autres maîtresses du roi (Barbara de Cleveland, duchesse de Castelmaine, Nelly Gwynn ou encore, Hortense Mancini, l'une des nièces de Mazarin), malgré l'adversité, malgré sa nationalité et sa religion dans une Angleterre en proie à l'agitation, profondément anti-catholique et francophobe. Titrée duchesse de Portsmouth, mère d'un fils, Charles Lennox, duc de Richmond, Louise de Keroual, destinée à être oublier par l'Histoire, la marque pourtant, à l'instar d'une madame de Pompadour, pour sa place spéciale auprès d'un souverain. Aujourd'hui encore, son sang coule dans les veines des héritiers d'Elizabeth II, puisque le futur roi, le prince William, descend de Louise de Keroual par sa mère, lady Diana Spencer, dont le duc de Richmond était un ancêtre.
    Louise de Keroual n'a pas été qu'une favorite royale qui réussit l'exploit de conserver l'oreille, la confiance et même la tendresse d'un roi pendant près de quinze ans. Elle fut aussi un agent du pouvoir français en Angleterre, des années 1670 aux années 1680. Présentée parfois comme une espionne de Louis XIV outre-Manche, elle œuvra surtout, souvent de concert avec Charles II, à un rapprochement entre les deux pays. Fine, intelligente malgré un manque de culture flagrant, dû probablement à une éducation négligée dans son enfance et sa jeunesse, Louise de Keroual saura tirer son épingle du jeu, comme madame de Pompadour le fera elle aussi une soixantaine d'années plus tard. Comme toutes les favorites, elle sera fêtée et adulée par certains (souvent ceux qui y ont un intérêt), détestée par d'autres. Elle aura surtout, par sa longévité exceptionnelle dans une position souvent fugace et son statut particulier d'agent d'un pouvoir auprès d'un autre, occupé une place inédite dans un siècle où, hormis les régentes et les reines, les femmes n'ont pas souvent l'occasion de se distinguer.

    Louise de Keroual était réputée pour sa grande beauté, immortalisée ici par Peter Lely en 1671


    J'ai mis du temps à lire ce roman parce que, honnêtement, il ne m'a pas toujours captivée. Mais je dois reconnaître qu'il est bien documenté, qu'il mélange habilement le vrai et la légende (je crois d'ailleurs qu'une petite explication aurait été nécessaire en fin d'ouvrage pour démêler le vrai et de ce qui relève plutôt du romanesque, à commencer par la filiation de Louis XIV qui aujourd'hui ne fait aucun doute) et que le contexte politique et religieux de l'Angleterre en ce XVIIème siècle est bien restitué : alors que sur le continent, Louis XIV fait de son royaume une puissance guerrière et glorieuse, notamment grâce aux arts et à la culture, l'Angleterre des Stuarts est déchirée par des conflits internes qui rappellent les guerres de Religion. Charles II, l'amant de Louise, n'est autre que le fils de ce Charles Ier, immortalisé par Philippe de Champaigne, qui sera confronté à une révolution, dans les années 1640 et sera exécuté en janvier 1649, exécution qui dispersera en Europe ses descendants (sa veuve et ses enfants trouveront notamment refuge en France, auprès d'Anne d'Autriche et Louis XIV). Dans un pays profondément anglican qui a, depuis Henry VIII, glissé progressivement vers la Réforme, la dynastie des Stuarts, d'obédience catholique connaît des années chaotiques, où transiger devient le maître mot. Dans ce contexte, Louise sera un excellent agent de liaison entre l'Angleterre de Charles II et la France de Louis XIV, qui, malgré la méfiance de l'Angleterre, soutient les Stuarts, tout en entretenant une certaine agitation en Angleterre, la divisant au final pour mieux régner.
    C'est riche, c'est dense, parfois, malgré tout, c'est un peu plat. J'ai eu l'impression par moments de ne pas avancer, de faire du sur-place, alors qu'à d'autres, j'avançais bien... j'avoue que la description fine du contexte anglais à l'époque m'a peut-être empêchée de lire aussi vite que je ne le fais d'habitude, parce qu'il est assez complexe et qu'il demande un peu de temps avant d'être assimilé.
    Moi qui aime aussi beaucoup les romans historiques des éditions JC Lattès, j'ai été un peu déçue de voir que de nombreuses coquilles sont passées au travers des corrections. En soi, cela n'enlève rien à la qualité du récit, c'est certain. Malgré tout, ça m'a gênée un petit peu.
    Dans l'ensemble, c'est quand même un bon roman : ce n'est pas souvent que l'Angleterre du XVIIème siècle est représentée dans les romans historiques français, c'était donc plutôt sympa de changer un peu de lieux et de quitter Paris et Versailles pour Londres, Windsor et Newmarket. J'ai passé un bon moment même si j'ai parfois eu l'impression de stagner un peu dans ma lecture et que j'en ai donc ressenti un peu de lassitude. Suivre cette Louise de Keroual que j'imaginais toute douce et discrète (peut-être parce que l'Histoire n'a retenu que peu de choses d'elle), s'avère être un personnage bien plus complexe, avec une habileté politique certaine, un certain savoir-faire pour les tractations secrètes. Une amoureuse aussi, qui n'est pas dévouée qu'au roi et qui sait jouer de sa beauté, de son charme et de son corps, dans une époque paradoxalement pétrie de religion mais aussi très licencieuse. En un mot, Louise n'est pas une oie blanche et m'a plus fait penser à une Athénaïs de Montespan qu'à la douce La Vallière.
    Le XVIIème siècle est décidément une époque passionnante et qui revit vraiment sous la plume de Joël Raguénès, notamment grâce à des dialogues ciselés. A conseiller aux amateurs de romans historiques ! 

                               Charles wearing a crown and ermine-lined robe   Charles Lennox, 1st Duke of Richmond and Lennox by Sir Godfrey Kneller, Bt.jpg

    Le roi d'Angleterre Charles II et Charles Lennox, duc de Richmond, le fils qu'il eut de Louise en 1672.

    En Bref :

    Les + : le destin hors du commun d'une favorite peu connue, Louise de Keroual, aussi espionne de Louis XIV, dans un contexte historique et religieux chaotique et passionnant ! L'auteur a fait beaucoup de recherches et y appuie solidement son récit, sans pour autant résister aux sirènes de l'imagination et de la légende... 
    Les + : des longueurs, un roman un peu plat par moments, c'est dommage...et de nombreuses coquilles, qui ne sont pas imputables à l'auteur mais m'ont un peu dérangée quand même, je l'avoue.


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  • « Mais le destin est une chose étrange qui se moque des hommes et s'invente après coup. »

    Couverture Les déracinés

     

     

       Publié en 2019

      Editions Pocket 

      768 pages 

      Premier tome de la saga Les Déracinés

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Almah et Wilhelm se rencontrent dans la Vienne brillante des années 1930. Après l'Anschluss, le climat de plus en plus hostiles aux juifs les pousse à quitter leur ville natale avant qu'il ne soit trop tard. Perdus sur les routes de l'exil, ils tirent leur force de l'amour qu'ils se portent : puissant, invincible, ou presque. Ils n'ont d'autre choix que de partir en République dominicaine, où le dictateur promet 100 000 visas aux juifs d'Europe. Là, tout est à construire et les colons retroussent leurs manches. Pour bâtir, en plein cœur de la jungle hostile, plus qu'une colonie : une famille, un avenir. Quelque chose qui ressemble à la vie, peut-être au bonheur...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quand Wilhelm rencontre Almah, au début des années 1930, Vienne est une ville florissante : carrefour de l'Europe occidentale et de l'Europe orientale, l'ancienne capitale des Habsbourg est une la capitale des auteurs et des artistes. Wilhelm et Almah ne viennent pas du même milieu : sa famille à lui est bien plus modeste que sa famille à elle...mais ils se plaisent, tombent amoureux et l'idylle se transforme en fiancailles puis en mariage. Ah oui, et n'oublions pas de le préciser : Wilhelm et Almah font tous les deux partie de la population juive autrichienne, estimée à 200 000 personnes dans les années 1930.
    Puis le triomphe du parti nazi en Allemagne conduit à l'annexion pure et simple de l'Autriche, en 1938 : les lois anti-juives y sont appliquées tout aussi durement que de l'autre côté de la frontière. Wilhelm, Almah et leurs familles se retrouvent subitement du mauvais côté de la barrière, stigmatisés, ostracisés, soudain relégués au rang de citoyens de seconde zone voire d'indésirables.
    Imaginez un peu la situation : vous naissez dans un pays qui vous donne une nationalité, une identité. Votre famille y est installée, intégrée depuis des générations sans que sa judéité ne lui ait jamais posé de problèmes. Vos parents y ont travaillé et fait leur vie comme vous espérez vous-même le faire. Vous vous mariez, vous avez des enfants, vous faites des projets...vous êtes jeune et la vie vous sourit. Et puis, soudainement, tout s'écroule : on vous jette votre identité au visage comme si elle était condamnable, on vous ostracise et on vous pointe du doigt au prétexte que vous êtes Juif et peu importe si cela veut dire quelque chose pour vous ou pas. D'un coup, vous n'êtes plus rien, vous ne comptez plus. Vous êtes relégué au plus bas de la hiérarchie humaine, si tant est que vous soyez encore considéré comme tel...d'un coup, vous n'êtes plus rien, vous êtes un paria dans un pays qui vous a vu naître et qui, soudain, vous est aussi étranger que le bout du monde.
    C'est ce que vont vivre Wilhelm et Almah qui, à plus ou moins long terme, vont être obligés de quitter l'Autriche : et ce n'est pas qu'une question d'idéologie mais bien une question de vie et de mort.
    Tandis que la patrie de Freud et de Zweig connaît une hémorragie de ses talents et que certains choisissent une solution plus radicale que l'exil pour échapper à l'ogre nazi qui avance à pas de géant, que l'Autriche devient un simple satellite du Reich allemand, Almah et Wilhelm fuient, laissant tout derrière eux. Mais ils ne sont pas encore au bout de leurs peines : il va encore leur falloir traverser toute l'Europe de l'ouest qui, petit à petit, tombe à son tour sous la coupe de Hitler, traverser un océan, s'échouer sur Ellis Island aux portes de New York, face à une Amérique qui les nargue, avant de rallier une petite île des Caraïbes, la République dominicaine du dictateur Trujillo, qui a promis aux Juifs exilés d'Europe des visas. Là, avec d'autres, Almah et Wilhelm posent leurs valises : il y'a tout à faire, tout à découvrir et surtout tout à reconstruire, à commencer par leurs propres vies...
    Si vous pensiez, comme j'ai souvent été tentée de le faire, que seuls les auteurs anglo-saxons savent écrire de grandes sagas romanesques pleines du souffle de l'Histoire, alors ce roman de Catherine Bardon vous détrompera, car Les Déracinés, qui est le premier tome d'une trilogie, est bien une fresque à lui tout seul. Quelle force, quelle puissance ! Quelle émotion, surtout ! Voilà un roman vibrant comme il m'en a été peu donné de lire jusque là, un roman avec lequel on fait corps, tout entier. En suivant Almah et Wilhelm de la florissante Vienne du début des années 1930, dont les heures, déjà, sont comptées, jusqu'au début des années 1960, alors que Cuba s'embrase et que les tous puissants Etats-Unis réaffirment leur force dans le golfe du Mexique, c'est tout un pan de l'Histoire contemporaine que Catherine Bardon nous raconte sans fausse note. Des cafés viennois jusqu'à la jungle dominicaine, les protagonistes des Déracinés font partie d'une grande histoire commune tout aussi passionnante que difficile : après la guerre, ce sont les retentissants procès de Nuremberg c'est la création de l'Etat d'Israël, puis la décolonisation difficile qui marquera la décennie suivante, l'affaire des missiles de Cuba, l'accession au pouvoir de Castro, l'assassinat de Trujillo, la mort des soeurs Mirabal, le 25 novembre 1960, le procès d'Eichmann qui se tient en Israël en 1961... Almah, Wilhelm et leurs enfants vieillissent et grandissent dans un monde en pleine émulation, qui semble en pleine effervescence et produit le meilleur comme le pire, porteur d'espoir mais encore, des pires atrocités, comme un éternel recommencement.
    Oui, vraiment, c'est passionnant : Les Déracinés est un bon pavé de presque 800 pages et pourtant, on ne les voit pas passer... aucune lassitude n'est venue entacher ma lecture, aucune petite faiblesse en cours de route comme cela peut arriver parfois avec les gros romans. A aucun moment je n'ai senti mon attention se relâcher : j'étais à Vienne comme à Sosùa, j'ai communié avec les personnages dans leurs joies comme dans leurs peines.
    Ce qui est terrible avec ce roman, c'est de se dire que, ce que tout ce que raconte Catherine Bardon est vrai. Terriblement vrai. Et que, même si Almah et Wilhelm sont des personnages fictifs, ils incarnent à eux-seuls tous ces déracinés qui ont fui leurs pays, leurs villes, leurs maisons, sans se retourner, pour sauver leur peau, pour sauver les leurs... Almah et Wilhelm sont des personnages fictifs mais les lieux qui'ils sillonnent sont véridiques : la ville dominicaine de Sosùa accueillit effectivement entre 500 et 5000 juifs allemands et autrichiens après que le pouvoir en place leur ait promis des visas lors de la conférence d'Evian en 1938. Almah et Wilhelm ne sont que deux mais représente cette multitude obligée de se reconstruire ailleurs, à l'autre bout du monde, porteuse d'un passé bien lourd, avec lequel il va falloir apprendre à vivre.
    Même si l'adversité est omniprésente dans le roman, l'espoir n'en est pas pour autant absent : ce roman est la preuve qu'on peut survivre à tout. On en ressortira cabossé et parfois très abîmé mais, toujours, la vie triomphe. « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » : cet adage n'a jamais été aussi fort ni aussi probant qu'à la lecture de ce très beau roman qui vous fera passer par toute une gamme d'émotions et décrit aussi sans concession et sans l'édulcorer un contexte historique qui fait partie de notre passé commun et dont il est important de se souvenir.
    A lire si vous aimez les fresques familiales qui font voyager et qui sont instructives (j'ai par exemple découvert avec intérêt cette diaspora juive dans les Caraïbes entre la fin des années 1930 et la fin de la Seconde guerre mondiale, dont je n'avais jamais entendu parler) et si vous sentir remué par un roman ne vous fait pas peur. Il se peut que vous pleuriez et que vous soyez ému mais n'est-ce pas cela aussi, qui fait la beauté d'une oeuvre, quand elle est suffisamment sincère pour provoquer en nous des sentiments purs et émouvants ? A recommander mille et mille fois.

    En Bref :

    Les + :  Catherine Bardon signe un roman vibrant d'émotion en retraçant sur près de 30 ans la vie d'un couple de Juifs autrichiens qui fuient le nazisme...entre tragédies et reconstruction, ces déracinés nous émeuvent et, porteurs d'espoirs, nous font entrevoir que, toujours, la vie triomphe au bout du compte.  
    Les - :
    Aucun. Vraiment une belle découverte !


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  • « J'aimerais tant être là, avec vous. Ou que vous soyez là, à mes côtés. Cette guerre est si injuste de nous séparer des êtres que nous aimons, à la fois sur le sol américain et au-delà des mers. Puis j'ai pensé à nos braves petites lettres qui voyagent, les miennes vers vous et les vôtres vers moi, en rythme, comme pour entretenir le fil d'une conversation pressante et nécessaire. »

    Couverture Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles

     

     

         Publié en 2013 aux Etats-Unis 

      En 2015 en France (pour la présente édition) 

      Titre original : I'll Be Seeing You

      Editions Pocket 

      416 pages 

     

     

     

     

    Résumé :

    Etats-Unis, années 1940. Glory, enceinte et déjà mère d'un petit garçon, souffre de l'absence de son mari, parti au front, de l'autre côté de l'Atlantique. A des centaines de kilomètres d'elle, Rita, femme et mère de soldat également, n'a pour compagnie que la fiancée de son fils. 
    Une lettre, envoyée comme une bouteille à la mer, va les réunir. Entre inconnues, on peut tout se dire. Les angoisses, l'attente des êtres aimés, mais aussi les histoires de voisinage, les secrets plus intimes et les recettes de cuisine. Les petites joies qui font que, dans les temps les plus difficiles, le bonheur trouve son chemin. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1943, Glory et Rita deviennent correspondantes. Elles ne se connaissent pas et vivent à des kilomètres l'une de l'autre. Gloria Whitehall, surnommée Glory, est une jeune mère et épouse du Massachusetts, enceinte de son deuxième enfant. Elle a vu partir son mari Robert à la guerre.
    Marguerite Vincenzo (dite Rita, comme Rita Hayworth) vit à Iowa City. Elle a une quarantaine d'années et se retrouve seule après le départ de son mari, Sal, en Europe et celui de son fils Toby, engagé dans l'US Navy et qui se trouve quelque part dans le Pacifique sud.
    Une correspondance régulière s'établit alors entre elles et petit à petit, les lettres se font plus confiantes, plus intimes, Glory et Rita apprennent à se connaître et à s'apprécier sans s'être jamais vues. Elles se réconfortent mutuellement, se soutiennent, partagent leurs craintes et leurs angoisses mais aussi ces petites recettes de bonheur quotidiennes qui émaillent leurs correspondances : conseils, astuces en tous genres et de vraies recettes de cuisine que l'on retrouve au fil des lettres, ces recettes en temps de rationnement qui ont rendu les cuisinières très inventives !
    Le lecteur est aussitôt immergé dans cette correspondance, j'ai vraiment eu l'impression de faire partie intégrante de cette histoire qui évolue et s'étoffe au fil des mois. On voit les changements de ton à mesure que les liens se tissent entre Gloria et Rita, les confidences de plus en plus intimes, le partage de souvenirs et de conseils de plus en plus fort.
    J'ai remarqué qu'on parlait beaucoup de l'arrière pendant la Première guerre mondiale nettement moins pour la seconde alors que bien des femmes, épouses, mères, sœurs, fiancées ont vécu ces années dans la même angoisse, la même inquiétude, la même terreur de recevoir l'affreux télégramme de l'armée, comme leurs aînées... En cela, Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles est un roman très universel et qui peut parler à tout le monde : Suzanne Hayes et Loretta Nyhan sont américaines et ont choisi de mettre en scène leurs héroïnes dans le Massachusetts et l'Iowa mais Glory et Rita pourraient tout aussi bien être canadiennes, italiennes, françaises, britanniques, allemandes... ce que partagent ces deux femmes fut le lot commun des millions de personnes restées à l'arrière, partout dans le monde.
    Ce roman est extraordinaire, vraiment. Il est chaleureux, réconfortant comme un sourire échangé avec un inconnu dans la rue mais ne nous épargne rien pour autant. Le deuil n'en est pas absent, l'angoisse non plus... Rita et Glory ont appris à vivre avec, avec la peur permanente de recevoir le message qui leur annoncera la mort d'un mari, d'un fils... étrange époque où la vie quotidienne continue, en apparence inchangée mais tellement différente... Glory doit affronter la tentation, se poser les bonnes questions concernant les relations qu'elle entretient avec un ami d'enfance, Rita doit accepter que son fils Toby n'est plus un enfant et peut tomber amoureux, peut-être pas de celle qu'elle aurait souhaitée pour lui mais qu'il a choisie et c'est tout ce qui compte. Et puis il y'a la solitude, l'immense et terrible solitude qui s'ajoute à tout cela, la lassitude aussi...
    J'ai vraiment apprécié cette lecture, pour tout un tas de raisons : j'ai souvent souri, parfois je me suis attendrie aussi et j'ai ressenti beaucoup d'émotion en lisant les mots de Rita ou de Glory. Rien n'est jamais simple, la vie est infiniment complexe, mais elle nous surprend toujours, voilà ce qui ressort de ce roman : au milieu de l'horreur d'une guerre sans précédent, il y'a malgré tout la vie, qui vaut d'être vécue.
    Les auteures ont probablement mis beaucoup d'elles dans ce roman et c'est peut-être ce qui le rend si sincère et authentique : Suzanne Hayes et Loretta Nyhan ont écrit un roman à quatre mains sans jamais se rencontrer dans la vraie vie ! Elles se sont connues par le biais du blog de Loretta Nyhan mais il faut savoir qu'au moment de la sortie du livre, elles ne s'étaient encore jamais rencontrées. Peut-être cette propre expérience leur a permis d'écrire si facilement celle de Rita et Glory !
    Ces dernières années, un roman épistolaire qui se passe d'ailleurs un peu à la même époque a rencontré un franc succès, c'est même devenu un best-seller mondial : il s'agit du fameux Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows. Ce roman avait été un coup de cœur pour moi, d'ailleurs. En commençant Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles cela dit, je n'ai pas voulu tomber dans l'écueil de la comparaison : certes il y'a des points communs (l'écriture à quatre mains, l'époque choisie, sensiblement identique) mais ça reste deux œuvres, deux livres totalement différents et qui méritent tous deux d'être lus pour ce qu'ils sont. Le roman de Suzanne Hayes et Loretta Nyhan n'est pas un pendant américain ni une copie du roman de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows. Il y'a des ressemblances mais ce n'est pas du tout la même chose : un peu comme quand vous goûtez une recette préparée par deux personnes différentes. Chacune mettra sa patte, sa touche...eh bien là c'est pareil.
    C'est avec de la nostalgie que je quitte les personnages de ce roman, Glory et Rita en premier lieu mais pas seulement elles...il y'a aussi tous les personnages qui gravitent autour d'elles et qu'on apprend à connaître au fil de cette correspondance qui s'étire sur plus de deux ans.
    Vraiment une belle découverte, une bonne surprise pour ce roman qui peut nous parler à tous et évoquer des souvenirs finalement pas si lointains, ceux de nos grand-mères ou arrières-grand-mère !
    À lire si vous aimez les romans historiques qui se passent pendant la Seconde guerre mondiale et les romans feel-good car oui, je crois qu'on peut dire que ce livre a un petit côté feel-good plutôt bienvenu en cette période très morose. 

    En Bref :

    Les + : sans nous épargner l'angoisse, la tristesse, le deuil, les deux auteures sont parvenues à créer, avec cette correspondance fictive, une atmosphère réconfortante et chaleureuse. On s'attache vraiment beaucoup à Rita comme à Glory et on fait corps avec elles pendant toute notre lecture.
    Les- :
    aucun point négatif, vraiment. C'est juste extra, à savourer sans modération.

     

    Les soeurs Brontë : la Force d'Exister ; Laura El Makki

    Thème de novembre, « Je prends la plume », 11/12


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  • « A présent, je m'aperçois que tout homme est un faiseur de rois. Un trône n'est jamais sûr tant que quelqu'un est jugé digne de la couronne. »

    Couverture La fille du faiseur de rois

     

     

     

      Publié en 2012 en Angleterre

      En 2020 en France (pour la présente édition)

      Titre original : The Cousin's War, book 4: The        kingmaker's daughter 

      Editions Archipoche

      472 pages 

         Quatrième tome de la saga La Guerre des Cousins

     

     

     Résumé :

    1471. Mariée à 14 ans, Anne Neville -la fille du comte de Warwick, surnommé le « faiseur de rois » - perd successivement son époux et son père. 

    Elle ne doit son salut qu'au futur Richard III, le frère du roi, qu'elle épouse deux ans plus tard, même si elle devra pour cela affronter la puissante famille royale...dont la reine. 

    Cet épisode de la Guerre des Deux-Roses est ici raconté avec brio par l'une des plus talentueuses romancières du genre, qui choisit de faire parler les femmes que l'Histoire a trop souvent tendance à oublier. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    À la fin des années 1460, Anne et Isabelle sont deux jeunes sœurs d'une dizaine d'années mais n'ont jamais connu la réelle insouciance de l'enfance. Elles sont les filles du comte Richard de Warwick, surnommé le faiseur de roi. Elles sont nées et ont grandi dans le contexte violent et trouble de la guerre des Deux-Roses, que l'on appelle encore la guerre des Cousins et qui déchire depuis plusieurs années l'Angleterre, entre les Lancastre et les York : ils luttent à mort pour la possession du trône et tous les coups sont permis.
    La plus jeune des sœurs, Anne, est la narratrice de ce récit. On la suit sur plus de dix ans, de la cour d'Elizabeth Woodville, en passant par Calais et les châteaux du nord, avant de revenir dans son sillage à la cour de Londres où elle ceint à son tour une couronne pour laquelle son père s'est battu, pour laquelle il est même mort et, surtout une couronne qu'il aurait tant voulu voir sur la tête de l'une de ses deux filles. Anne sera reine d'Angleterre, mais une reine méconnue dont on se souvient peu : reine de 1483 à 1485, sans héritier, elle n'a pas laissé de traces ou si peu, éclipsée par les figures flamboyantes d'Édouard IV et de son épouse Elizabeth Woodville et par celle, plus sinistre, de son époux Richard III, que l'histoire retient comme un usurpateur et un tueur d'enfants. Sa sœur Isabelle n'a pas laissé non plus de souvenirs ou si peu, une dame de la noblesse parmi d'autres, comme il y'en avait tant à l'époque et qui furent progressivement englouties par les limbes de l'Histoire.
    Dans ce roman, Philippa Gregory renverse le prisme : alors qu'elle met en scène dans La reine clandestine et La princesse blanche Elizabeth Woodville (l'un de ses personnages historiques favoris, nous dit-elle dans la postface du livre) et sa fille, Elizabeth d'York (la mère du futur Henry VIII), elle prête ici sa plume à l'une des ennemies d'Elizabeth Woodville, Anne Neville qui, ironie du sort, lui succédera sur le trône. Et pourtant, au départ, Warwick n'est pas un ennemi des York. C'est même lui qui a renversé Henry VI, le roi fou, pour mettre à sa place son cousin et pupille Édouard d'York, lui valant le surnom révélateur de « faiseur de rois ». Mais quand Édouard s'entiche d'une veuve du parti Lancastre, Elizabeth Woodville, la fille d'un obscur baron anglais et que son ambition ne semble plus connaître aucune borne, Warwick retourne sa veste, entraînant dans sa rébellion sa femme et ses filles. Isabelle et sa cadette Anne seront des pions politiques, ni plus ni moins : Isabelle épouse Georges, le turbulent et influençable frère d'Édouard que Warwick retourne contre le roi. Anne, elle, sera mariée au fils d'Henry VI, Édouard, dont elle devient la veuve après le désastre de Tewkesbury en 1471. Quant à son mariage d'inclination avec Richard, le duc de Gloucester, il lui permettra d'accéder à la fonction suprême dont son père rêvait, mais à quel prix ?
    Pas évident d'écrire un roman dans lequel on met en scène de manière négative un personnage qu'on aime pourtant et pour lequel on éprouve de l'intérêt ! En cela, Philippa Gregory tire vraiment son épingle du jeu, prêtant sa plume souple à l'un ou l'autre parti, avec le même brio !

    Illustration.

    Représentation médiévale de Richard III et de son épouse Anne Neville


    Enfin, La Fille du Faiseur de Rois redonne une voix à une femme, à une reine que l'on a oubliée et qui s'est pourtant trouvée au centre d'une époque qui marque la charnière en Angleterre, entre l'époque médiévale des Plantagenêt et la Renaissance Tudor. Anne Neville a-t-elle eu exactement la vie que Philippa Gregory décrit dans ce roman ? On peut en douter dans la mesure où on ne sait quasiment rien d'elle. Fut-elle réellement considérée comme une opposante par la reine Woodville comme l'affirme l'auteure ? Son mariage avec Gloucester a-t-il bien été un mariage d'amour ? On n'en sait rien. Et c'est justement parce qu'on ne le sait pas que les romanciers peuvent se permettre de broder. Tant que c'est cohérent, moi, ça me va !!
    J'ai passé un excellent moment avec ce roman, je ne voulais plus le lâcher ! Alors que La reine clandestine et La princesse blanche (qui chronologiquement lui font suite, mais les romans peuvent être lus dans le désordre) m'avaient moins convaincue, par rapport à Deux sœurs pour un roi ou L'Héritage Boleyn que j'avais trouvés très bons, j'ai retrouvé ici la souffle épique et romanesque qui caractérise en général les livres de Philippa Gregory ! Ce roman, vous le commencez et vous tombez dedans ! Alors que l'utilisation peut-être un peu superflue du fantastique dans les deux romans consacrés à Elizabeth Woodville et à sa fille m'avait gênée, ici, rien de tout cela (la sorcellerie de la reine est évoquée mais de manière plus parcimonieuse et totalement en accord avec une époque qui croit encore aux sorcières, aux envoûtements et à la magie). J'ai eu l'impression de lire un roman historique comme je les aime : riche, dense, plein d'informations mais qui se lit avec une aisance folle. Ce roman, c'est l'envers de La reine clandestine, c'est l'autre côté qui est mis en lumière, celui qui s'oppose à la trop grande influence d'une reine et à l'ascendant d'une femme sur son mari, parfois jusqu'au point de non-retour, pour Warwick ou pour Georges de Clarence. C'est le roman de l'ambition et de batailles épiques. C'est aussi le roman de deux sœurs ballottées dans un monde démesurément grand pour elles, trop vaste et qui va les engloutir. Ni Isabelle ni Anne ne connaîtront jamais leur bonheur et leurs vies n'auront jamais été faites que de sacrifices et de peur. Il y'a franchement mieux comme destin, non ? Au moins Philippa Gregory nous permet-elle de les redécouvrir un peu et, peut-être, de ne pas les oublier.
    Ce roman, comme souvent chez Philippa Gregory, c'est un roman de femmes : ces femmes d'antan qui ne sont pas moins ambitieuses que les hommes, ces femmes qui n'hésitent pas à se battre pour ce qui leur tient à cœur, avec leurs propres armes, mais tout aussi bien que les hommes. Un roman sans concession, violent et tranchant comme le fil de l'épée !
    Anne Neville, comme sa soeur Isabelle d'ailleurs, eut un destin digne sacrifié d'une tragédie classique. Elle vécut à une époque qui n'était tendre pour personne et où l'adage préféré est certainement celui-ci : « la fin justifie les moyens ».
    Si vous aimez Philippa Gregory et l'histoire de l'Angleterre avant les Tudor, nul doute que vous aimerez ce roman très visuel et qui se déroule sous nos yeux comme un film.

    The white queen - La Reine blanche - Les Chroniques de l'Histoire

    Faye Marsay et Aneurin Barnard incarnent Anne Neville et Richard III dans la mini-série The White Queen

     

    En Bref :

    Les + : un récit au souffle épique qui met en scène des femmes dans la tourmente d'une guerre civile violente et dont seul les plus forts sortiront vainqueurs.
    Les - :
    pas vraiment de points négatifs à soulever, même les petits arrangements avec la vérité ne m'ont pas dérangée !


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