• «  La confrontation avec nous-mêmes est une leçon de sagesse, entre infiniment petit et infiniment grand. Où faut-il s'arrêter ? Où le domaine de Dieu commence-t-il ? »

    Couverture La Mémoire froissée, tome 1

     

     

      Publié en 2019

      Editions Pocket

      528 pages 

      Premier tome de la saga Mémoire Froissée

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Quand les hommes de l'Inquisition, en cotte noir et rouge, ont emmené sa mère, Anne avait six ans. « Sorcière ! » ont-ils dit. Sorcière pour connaître les plantes ? Sorcière pour soigner les gens ? Désormais orpheline et forte d'un savoir ancestral, Anne décide de poursuivre l'oeuvre maternelle : elle sera herboriste. Alchimiste, peut-être...Dans un Moyen Âge soumis aux famines et aux épidémies, ses pas la mèneront de Touraine en Champagne, d'amours en deuils et d'échecs en renaissances...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    A la fin du XIVème siècle, Anne Rameau est une jeune apothicaire tourangelle. Elle a repris l'activité de sa mère, accusée de sorcellerie alors qu'Anne était enfant. Une fois adulte, la jeune femme se fait une clientèle et soigne les maux des uns et des autres, parfois bien mieux que les médecins de l'époque, qui sont, au mieux des incompétents, au pire, des incapables.
    Un jour, Anne se voit confier un mystérieux livre par un vieux Juif de passage dans son village. Comprenant que c'est un trésor inestimable, même si elle ne parvient pas à le déchiffrer, Anne décide d'apporter le livre à la communauté juive d'Amsterdam, à qui il est destiné. Mais le voyage ne se passera pas exactement comme prévu et s'arrête finalement en Champagne, dans l'opulente cité de Troyes, où après un événement compliqué, Anne découvre la sollicitude et la chaleur d'un nouvel entourage.
    Entre les dernières années du XIVème siècle et jusqu'à la signature du traité de Troyes (signé en 1420), on suit Anne dans sa nouvelle vie, toujours rythmée par l'exercice d'une activité qu'elle aime et qui lui rappelle sa mère. On la suit sur près de vingt ans et on apprend à la connaître et à s'attacher à elle, d'autant plus que l'on entre vraiment dans son intimité (et le fait qu'elle soit le narrateur du récit n'y est certainement pas pour rien).
    Ce roman médiéval m'a, globalement, assez plu et j'ai beaucoup aimé le style de l'auteure, très travaillé...la qualité de la langue est là et c'est très agréable à lire. Ensuite, certains aspects du roman m'ont malgré tout posé un petit problème et empêché d'apprécier pleinement cette lecture...Déjà, j'ai trouvé que le résumé de la quatrième de couverture n'était peut-être pas si révélateur que cela, au final et surtout, la chronologie en début de roman était vraiment très très confuse. Peut-être que cela ne vous dérange pas mais, personnellement, j'aime bien savoir à quel moment exactement se situe l'intrigue que je découvre, éventuellement l'âge des personnages pour pouvoir ensuite me repérer... Et là, le roman s'ouvre sur une date qui ne correspond à rien ou du moins, il m'a fallu un petit moment avant de comprendre ce qu'elle faisait là... ensuite, par chance, ça allait mieux, et la relation des nombreux événements qui émaillent la régence d'Isabeau de Bavière au début du XVème siècle, époque que j'aime beaucoup, m'ont permis de me repérer sans problème. Tant mieux, parce que je n'aurais pas aimé rester sur une note décevante, d'autant plus que le roman a beaucoup de potentiel. Au-delà de la très belle écriture de la romancière, ce que j'ai aimé aussi dans ce premier tome de Mémoire Froissée, c'est que l'intrigue se concentre sur des personnages lambda, dirons-nous, du moins représentatifs de cette société médiévale si on sort du cliché seigneurs, chevaliers, rois, reines et princesses  : des bourgeois, des commerçants, qui mènent une vie normale et sans histoires, loin des horreurs qui se jouent à Paris et la lutte pour le pouvoir. C'est une vie médiévale quotidienne qui est décrite ici et agréable à découvrir, loin des grandes fresques historiques que cette époque fait souvent naître dans l'imaginaire de la littérature ou du cinéma. Troyes est alors une cité opulente rythmée par des foires (nous sommes en Champagne), où se côtoie toute une population disparate, riche, juste aisée ou pauvre...on découvre, dans les pas d'Anne, l'Hotel-Dieu où sont soignés les malades, ancêtre de nos hôpitaux, les échoppes des commerçants, les salons cossus de la petite bourgeoisie. Cette plongée dans l'existence sans histoire de personnages qui pourraient nous ressembler est finalement assez plaisante.
    Je n'ai pas toujours été captivée et j'ai parfois ressenti comme une impression d'inégalité dans les chapitres mais, globalement, Mémoire Froissée est un roman assez cohérent, qui pose les bases d'un univers qui va ensuite se dérouler sur deux autres tomes. Si certains événements m'ont paru un peu superflus et pas forcément importants pour l'avancement du récit, je ne me suis pas ennuyée non plus et c'est bien là l'essentiel.
    Surtout, la grande force du récit, pour moi, c'est qu'il a le mérite de se passer à une époque peu traitée dans les romans historiques en général et qui, en ce qui me concerne, me passionne totalement ! Le règne de Charles VI est tellement riche, si on prend la peine d'aller voir au-delà de la folie du roi. Dans l'ombre du pouvoir, des luttes intestines dignes de l'Empire romain se jouent, entre les membres ambitieux d'une famille royale qui se disputent les lambeaux d'un pays à bout de souffle et mis à genoux par la terrible maladie de son roi.
    Est-ce que je lirais les deux tomes suivants ? Assurément. Même si je n'ai pas été pleinement convaincue par cette lecture, je dois dire que je n'ai pas été déçue et si le manque de chronologie claire en début de roman m'a un peu agacée, cela se corrige rapidement et c'est l'essentiel. Si vous aimez les romans historiques qui ne s'intéressent pas qu'aux grands de ce monde, alors vous devriez être convaincus par l'univers de Sylvie Machureau.

    En Bref :

    Les + : la langue utilisée par l'auteure, vraiment belle, pas forcément celle que l'on associerait de prime abord au Moyen Âge mais qui au final est très efficace, l'intrigue en elle-même malgré des passages superflus parfois et le contexte historique passionnant ! 
    Les - :
    la chronologie confuse en début de roman, le résumé des éditions Pocket peut-être pas suffisamment révélateur. 


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  • « Ne sont trompés que ceux qui veulent bien l'être. On pourrait même dire que ne sont trompés que ceux qui souhaitent l'être, comme s'ils étaient pris d'un besoin irrépressible de se punir. »

    Couverture Une sorcière à la cour

     

     

     

      Publié en 2019

     Editions JC Lattès (collection Romans historiques) 

     474 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « Si les hommes étaient plus aimants, ces prétendues sorcières n’existeraient pas. Ces malheureuses, que leurs époux battent, parfois jusqu’à la mort, n’est-il pas juste qu’elles cherchent à s’en défendre ? C’est la condition dans laquelle notre société tient les femmes qui provoque de telles aberrations criminelles. »

    1678. Tandis que Louis XIV mène grand train à Saint-Germain et Versailles, Paris est frappé par les meurtres les plus abominables et la rumeur enfle : des empoisonneuses œuvrant pour le diable auraient infesté la ville.
    Lorsque le scandale gagne la cour, le roi ordonne à La Reynie, lieutenant général de police, de démanteler les officines et de punir les sorcières. À mesure qu’il enquête, ce dernier comprend que le roi est victime d’un complot. Mais surtout, il découvre que derrière ces actes diaboliques se cache une plus grande violence encore, subie par les femmes. Maintenues toute leur vie sous l’autorité d’un père, d’un frère ou d’un mari, ont-elles d’autre choix que le crime pour conquérir leur liberté ?

    Dans cette enquête sulfureuse, Philippe Madral nous plonge au cœur d’une société en pleine mutation et revisite sous un jour complètement nouveau la célèbre affaire des Poisons, avec un souffle romanesque exceptionnel.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Nous sommes à la fin des années 1670. Louis XIV est un tout-puissant (mais contesté) roi de France.
    Le 17 juillet 1676, après plusieurs mois de cavale, Marie-Madeleine d'Aubray, marquise de Brinvilliers est rattrapée et conduite à l'échafaud, où elle est brûlée vive. Son crime ? Elle a assassiné son père et ses deux frères à l'aide de poudres et autres poisons.
    La marquise, ( à propos de l'exécution de laquelle madame de Sévigné écrira dans l'une de ses lettres « Enfin c’en est fait, la Brinvilliers est en l’air : son pauvre petit corps a été jeté, après l’exécution, dans un fort grand feu, et les cendres au vent ; de sorte que nous la respirerons, et par la communication des petits esprits, il nous prendra quelque humeur empoisonnante, dont nous serons tout étonnés. ») ne le sait pas mais son exécution marque le début d'une affaire criminelle sans précédent que l'Histoire retient sous le nom éloquent d'Affaire des Poisons et qui marquera à jamais le règne de Louis XIV. Car après la mort de la Brinvilliers, c'est une cascade d'arrestations, d'aveux plus abjects et atroces les uns et les autres qui s'abat sur la France et surtout, une tache de plus en plus grande qui s'étend sur la Cour du Roi-Soleil puisque sa maîtresse en titre, Madame de Montespan, est directement visée par des accusations, ainsi que l'une de ses dame d'honneur, Claude des Oeillets, ancienne maîtresse du roi mais aussi la comtesse de Soissons, une nièce de Mazarin et sa sœur, la comtesse de Bouillon. D'éminents personnages comme le maréchal de Luxembourg (un cousin des Condé) seront aussi mis en cause au fil de l'instruction...
    Et voilà ce XVIIème siècle éclairé qui soudain se lance dans une véritable chasse aux sorcières mais ne serait-ce pas l'arbre qui cache la forêt et ces messes noires et autres poudres de succession qui circulent à Paris comme à Versailles ou à Saint-Germain ne cacheraient-elles pas un complot plus vaste et peut-être international visant le pouvoir trop important de Louis XIV ?
    Gabriel Nicolas de La Reynie (1625 - 1709), le lieutenant général de police dont le nom restera à jamais attaché à l'Affaire des Poisons, est chargé par le roi de démêler cet écheveau. C'est lui le narrateur du récit d'Une sorcière à la Cour, lui qui nous raconte ces années qui marqueront le restant de sa vie et changeront à jamais sa perception des choses. Mis en présence d'êtres sans morale comme la Voisin, sorcière notoire dont le jardin parisien était un véritable charnier dans lequel elle enterrait des nouveau-nés utilisés à des fins de magie noire ou encore l'abbé Guibourg, un véritable religieux mais qui n'hésitait pas à tuer et à pratiquer des messes noires où le diable était invoqué, La Reynie découvre ce que l'humanité peut faire de plus horrible. Mais il découvre aussi une Cour pourrie et gangrenée, tenue en lisière par un roi qui se veut absolu et qui, traumatisé par les débordements de la Fronde dans sa jeunesse, cherche à maintenir dans une dépendance servile une noblesse turbulente. Noblesse qui, à la moindre brèche dans cette humiliante surveillance, complote contre ce roi à qui l'ont fait d'hypocrites courbettes mais que l'on voudrait bien voir mort...car l'Affaire des Poisons, si simple au premier abord, dissimule peut-être une motivation politique plus occulte et tortueuse et qui impliquerait directement l'ennemie irréductible de la France, l'Angleterre, dont la situation politique et religieuse en cette fin de XVIIème siècle n'est pas non plus très simple.
    Tout au long du roman, on découvre la manière dont La Reynie mène son instruction : entre le danger que cela lui fait courir, ainsi que sa famille et l'obstruction quasi systématique qui vient d'en haut, du roi comme de ses ministres (dont la sourde rivalité n'est pas pour faciliter la tâche du lieutenant général de police), qui s'impatientent quand cela ne va pas assez vite pour eux mais freinent des quatre fers quand d'éminents courtisans sont clairement mis en cause, on peut dire que sa tâche n'est pas évidente et que les doutes et les scrupules l'accompagnent bien souvent.

     

    Gravure représentant la marquise de Brinvilliers en train d'empoisonner son père. 


    J'ai été assez surprise de voir que la manière d'enquêter à la fin des années 1670-1680 est finalement assez similaire à ce que l'on peut connaître aujourd'hui, les moyens en moins (la police scientifique n'existe pas encore)... La Reynie est finalement l'un des premiers policiers modernes, souhaitant mener sa tâche le plus impartialement possible même si l'ingérence puissante du pouvoir royal l'en empêche bien souvent. On imagine aisément ce que l'implication de la favorite royale, mère de six enfants légitimés de Louis XIV dans une telle affaire, peut avoir comme retentissement négatif sur une cour qui n'attend que ça et sur les puissances européennes, désireuses de mettre un coup d'arrêt à la trop grande influence du Roi-Soleil et qui pourraient y voir leur heure enfin arriver pour retourner une situation qu'ils ne font que subir.
    Avec la précision de l'historien et le style du romancier, Philippe Madral, docteur en Histoire, fait revivre ce tournant du règne flamboyant de Louis XIV qui est alors en train de s'acheminer vers les ténèbres d'une interminable fin de règne marquée par la vieillesse du roi et la bigoterie : on est loin des fêtes fastueuses du début du règne personnel et même si Versailles, le grand projet du règne, est encore un vaste chantier, Louis XIV vieillit et s'assagit...ses relations avec Madame de Montespan perdurent mais sont houleuses et il n'est pas loin de se détourner de sa maîtresse pour la simplicité et la discrétion de l'ancienne gouvernante de ses enfants, Madame de Maintenon, entraînant une sourde rivalité entre les deux femmes.
    Il nous montre aussi ce que la condition des femmes avait de peu enviable au XVIIème siècle : la dépendance aux hommes, la place insignifiante dans une société qui considère les femmes comme des mineures perpétuelles, l'éducation fortement patriarcale et souvent bâclée...En cela, la citation du résumé est révélatrice : et si ces sorcières que l'on arrête en masse entre 1676 et 1680 n'étaient finalement que les produits d'une société, la création des hommes qui, en les maintenant dans une dépendance systématique, arment le bras de femmes souhaitant se libérer de leurs chaînes ? Et si ses sorcières n'étaient que la réponse à un désir plus grand de sortir de ce système qui humilie et rabaisse ? Madame de Brinvilliers, victime des hommes sa vie durant et finit par les assassiner froidement et d'autres femmes, battues, humiliées, violées parfois, qui finissent par user de poudres et autres substances pour envoyer ad patres leurs bourreaux seront sacrifiées et on tentera ensuite par tous les moyens d'étouffer une affaire qui dépasse l'entendement et met la société devant ses propres limites. 
    Voilà les tortionnaires devenus victimes et les victimes devenues bourreaux, que l'on immole à la faveur de la bien-pensance et de la supériorité masculine indiscutable.
    L'Affaire des Poisons reste un événement retentissant et sans précédent dans l'histoire de France. C'est une vieille recrudescence de ces chasses aux sorcières qui rappellent les temps sombres du Moyen Âge. Et c'est en même temps une affaire bien de son temps, qui visent bien des incohérences et des faiblesses de cette société d'Ancien Régime finalement pas si flamboyante que cela.
    Peu connu, Une sorcière à la Cour mérite pourtant d'être lu. Si vous aimez les romans historiques dynamiques et bien documentés, nul doute que vous pourrez trouver votre bonheur avec ce livre qui allie ce qui, pour ma part, me convainc particulièrement quand il s'agit de romans historiques : la fiabilité de l'historien et les bases solides d'un récit romancé certes mais alimenté par des faits authentiques et documentés et le style du romancier, qui nous fait nous immerger entièrement dans une ambiance et une époque bien restituée. Pour moi, une réussite : j'ai sillonné les quartiers malfamés de Paris comme les couloirs et les salons de Versailles, dans le sillage de La Reynie, un personnage un peu figé et convenu et qui reprend de la consistance sous la plume de Philippe Madral.

    Gabriel Nicolas de La Reynie - Pierre Mignard.jpg

     

    Portrait de Gabriel-Nicolas de La Reynie par Pierre Mignard. Lieutenant général de police de 1667 à 1697, son nom reste lié à jamais à l'Affaire des Poisons, dont il mena l'instruction. 

    En Bref :

    Les + : le style dynamique de l'auteur, servi par un contexte historique restitué de manière cohérente et rigoureuse. Une vraie réussite. 
    Les - : pour moi, aucun. Un roman historique comme je les aime.


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  • « Assis là, seul, la couronne en or auréolant son crâne, Henry déroula la carte et suivit des yeux le tracé d'une côté qu'il n'avait encore jamais vue. »

    Couverture Les serpents et la dague

     

     

         Publié en 2016 en Angleterre 

      En 2020 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Sons of Blood

      Editions Pocket 

      648 pages 

      Premier tome de la saga Les Serpents et la Dague 

     

     

     

     

    Résumé :

     1483, Angleterre : la guerre des Deux-Roses s'achève, mais le royaume reste fragile et divisé. Lorsque le roi Edward IV meurt subitement, les anciennes rivalités se ravivent et une lutte impitoyable s'engage pour s'emparer du pouvoir suprême. Conscient du danger qui menace la Couronne, Thomas Vaughan, l'ancien chambellan du roi, rappelle Jack Wynter, son fils illégitime exilé en Espagne, afin qu'il le soutienne dans son combat pour maintenir l'autorité royale. 
    Or, le retour de Jack n'est pas vu d'un bon oeil par les rivaux de la Cour, ni par son demi-frère Harry qui rumine amèrement la préférence de leur père pour ce fils bâtard. Car Jack n'est pas seulement pour sauver le royaume, il conserve aussi un trésor qui pourrait changer l'avenir du pays et que son ère lui a demandé de garder, même au prix de sa vie. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Après les Templiers et l'ascension de Robert Bruce, dans L'Âme du Temple et Les Maîtres d'Écosse, Robyn Young ne s'attaque pas au moindre épisode de l'histoire de l'Angleterre, au contraire. Sa nouvelle saga ne traite rien de moins que de la guerre des Deux-Roses, ce conflit civil qui, à la fin du XVème siècle, fait basculer l'Angleterre dans la Renaissance, avec l'émergence d'une nouvelle dynastie, celle des Tudor. Pour moi, ce conflit permet de vérifier la règle qui veut que, bien souvent, la réalité dépasse la fiction et je pense que ce n'est pas un hasard si l'auteur de la fameuse saga Game of Thrones, G.R.R Martin, admet s'en être inspiré pour sa saga de fantasy médiévale ! 
    Nous sommes au début de l'année 1483. Après plusieurs années de paix fragile, le roi Edward IV meurt, laissant deux jeunes fils et une situation politique complexe. Son ambitieux frère, le duc de Gloucester, nommé lord Protecteur du royaume, écarte son neveu Edward pour prendre la couronne, faisant place nette autour de lui. Thomas Vaughan, homme de confiance du jeune Edward et ancien chambellan de son père, est l'une des premières victimes de ce raz-de-marée politique et dynastique. Avec lui, la famille de la reine douairière, Elizabeth Woodville, vacille aussi sur ses bases.
    À Seville, le fils illégitime de Vaughan, James Wynter, surnommé Jack, se morfond dans les salles de jeu et les bordels du port espagnol. Son père l'a éloigné d'Angleterre en lui confiant un mystérieux rouleau contenant une carte mais Jack n'en sait pas plus et ne connaît pas l'importance de cette carte du monde. Au moment où Richard de Gloucester s'empare du pouvoir en Angleterre, Jack retrouve son pays natal et, dans un contexte trouble où partisans ricardiens et opposants, ralliés aux Woodville ou à Margaret Beaufort, porte-drapeau de son fils Henry Tudor, exilé en Bretagne s'opposent, le jeune homme découvre peu à peu l'importance de l'objet que lui avait confié son père avant de l'envoyer en Espagne et surtout, que ledit objet semble semer la mort derrière lui... quelle est l'importance cachée de cette carte du monde, pour le moins subversive ? Quel est l'enjeu de sa possession et quelle puissance implique-t-elle ? Enfin, quel est le message caché derrière la dernière lettre de Thomas Vaughan, écrite avant qu'il ne monte à l'échafaud et pourquoi portait-il un anneau avec un étrange symbole faisant référence à un ancien dieu grec ? Plein de questions que Jack se pose, en même temps que nous, bien entendu.
    Très bonne fiction historique, Les serpents et la dague nous transporte à une nouvelle époque : après avoir découvert avec intérêt, sous la plume de Robyn Young, l'ascension du roi d'Écosse Robert Bruce, cette nouvelle série concentrée sur la guerre des Deux-Roses ne pouvait que me plaire. Cette époque charnière pour l'Angleterre, qui fait le lien entre le Moyen Âge et l'époque moderne (notamment marquée par les règnes d'Henry VIII et de sa fille Elizabeth Ière, dont la dynastie émerge à ce moment-là) est passionnante ! Cette lutte familiale pour le pouvoir n'est pas sans rappeler ce qui s'est passé en France au début du XVème siècle, avec le conflit qui opposa les Armagnacs aux Bourguignons. Elle va surtout faire naître une dynastie connue dans le monde entier et qui, malgré son règne court (un peu plus d'un siècle) va marquer l'histoire de l'Angleterre : la dynastie Tudor, victorieuse de Richard III sur le champ de bataille de Bosworth en 1485.

    Description de cette image, également commentée ci-après

     

    Une vision romantique de la bataille de Bosworth Field (août 1485), qui coûta la vie à Richard III et à plusieurs de ses compagnons. Immortalisée par Shakespeare dans sa pièce Richard III, la bataille l'est ici, en 1804, par Philippe-Jacques de Loutherbourg. 

     


    La connaissance que j'avais de cette époque vient de quelques lectures et surtout des romans de Philippa Gregory qui a notamment consacré une longue saga, The Cousin's war, à la guerre des Deux-Roses, en se concentrant essentiellement sur les figures féminines qui émaillent le conflit : Elizabeth Woodville mais aussi sa fille, Elizabeth d'York (future mère d'Henry VIII) ou encore Anne Neville, la fille du faiseur de roi, le comte de Warwick. Si j'ai aimé ses deux romans, La Reine clandestine et La Princesse blanche, qui racontent l'histoire d'Elizabeth Woodville et d'Elizabeth d'York, je n'avais pas trouvé pour autant qu'ils fassent partie de ses meilleures productions... et je reste encore perplexe devant les adaptations en série de ces deux romans : c'était plaisant à regarder mais pas forcément historiquement fiable.
    Ça l'est beaucoup plus chez Robyn Young même si l'auteure s'est permis quelques libertés de chronologie ou le développement de quelques hypothèses très romanesques et pas du tout certifiées par les historiens. Mais qu'importe, du moment que c'est cohérent. On s'aperçoit que cette guerre, relativement bien connue en ce qui concerne sa chronologie ou ses acteurs, comporte encore des zones d'ombre : c'est par exemple le cas pour ce qui est de la survivance des petits princes de la Tour, les deux fils d'Elizabeth Woodville et Edward IV, dont on perd la trace à partir de septembre 1483. Mis à l'écart par leur oncle dès sa prise de pouvoir, l'Histoire officielle retient en général que les deux garçons furent éliminés par les hommes de Gloucester, devenu Richard III, sans que l'on en sache bien plus, au final. Je me suis aperçue que cet épisode inspire beaucoup les romanciers anglo-saxons, un peu comme la possible survivance du petit Louis XVII peut nous passionner en France !!
    Ce roman m'a aussi beaucoup évoqué la saga Les Maîtres d'Écosse : l'histoire avec un grand H se mêle à une sorte d'enquête plus prophétique, plus ésotérique ou mystérieuse et j'ai également pu établir plusieurs parallèles entre le personnage de Jack Wynter et celui du jeune Robert Bruce, qui bataille pour la conquête du trône écossais. Jack, lui, bataille pour la vérité, ce qui est tout aussi honorable.
    Bref, ce premier tome qui mêle vérités et fiction m'a franchement convaincue et captivée ! Les deux intrigues (la carte et la mystérieuse Académie jointes à la prise de pouvoir de Richard de Gloucester puis celle de Tudor) se mêlent bien et le contexte historique, vraiment passionnant, sert de pont, de tremplin, à une quête pleine de mystères et qui évoquent des croyances ancestrales (la route de l'ouest, le mythe de l'Atlantide etc...)
    Le seul petit bémol que je soulèverais, c'est que le roman est peut-être par moments un peu inégal. J'ai eu l'impression que mon intérêt baissait parfois avant de remonter puis de stagner. Certains chapitres ne m'ont pas passionnée et j'ai donc ressenti quelques longueurs.
    Cela ne m'empêche pas de ressortir de ce roman enchantée ! L'idée que se fait Robyn Young de cette époque est proche de ce que j'en pense aussi donc je me suis retrouvée dans son propos. La suite me tend déjà les bras, j'ai hâte et j'y vois là un très bon signe ! J'ai beaucoup trop hâte de lire La Cour des Loups

    Les Serpents et la Dague ; Robyn Young

     

     

    Quelques personnages majeurs du récit : Margaret Beaufort, Richard III, sa nièce Elizabeth d'York et Henry Tudor, époux d'Elizabeth et fils de Margaret.

    En Bref :

    Les + : une saga très visuelle, à l'écriture précise qui permet de vraiment vivre l'intrigue. Parfois, j'avais l'impression d'être devant un écran et de regarder une série. Quand à l'intrigue, savant mélange de vérités historiques et de romanesque, elle est solide et captivante.
    Les - :
    quelques inégalités, des longueurs en milieu de roman. J'ai relevé aussi quelques petits anachronismes mais, sur l'ensemble du roman, ce n'est vraiment rien de bien grave !


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  • « Depuis qu’elles avaient choisi cette vie d’artiste, elles savaient confusément que, sans être tout à fait des femmes déclassées, elles ne correspondraient plus jamais aux normes sociales régissant la gent féminine. »

    Couverture L'atelier des poisons

     

     

     

        Publié en 2017

      Editions Pocket

      408 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Paris, 1880. A l'académie Julian, le premier atelier à ouvrir ses portes aux femmes, la vie n'est pas facile. L'apprentissage du métier de peintre est ardu, long et coûteux. Seules les jeunes filles dotées d'un véritable talent et, surtout, d'une grande force de caractère, parviennent à en surmonter les obstacles. Du talent, Zélie Murineau n'en manque pas. De la force de caractère non plus. Pourtant, lorsque le commissaire Alexandre d'Arbourg lui demande de faire le portrait de sa filleule, sa belle assurance est ébranlée : comment ne pas croire que cette commande dissimule d'autres motifs ? Mais même si elle en connaît les risques, elle n'est pas en mesure de refuser le marché du beau commissaire : elle sera donc « ses yeux » dans cette famille cachant bien des secrets.
    Des auberges mal famées jusqu'aux salons de la grande bourgeoisie, elle va l'aider à discerner ce que les grands maîtres de la peinture sont seuls à voir : les vérités qui se cachent derrière les apparences. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    A Paris, dans les années 1880, il est difficile de vivre de son art quand on est peintre. A plus forte raison quand on est une femme : les jeunes artistes de l'académie Julian en savent quelque chose. Peu importe leur talent, le fait d'être des femmes freine immanquablement leur carrière. Et quand, dans un contexte d'émulation et de mutation artistiques, les artistes s'éloignant de la norme, même masculins, parviennent à peine se faire un nom, on imagine aisément ce qu'il peut en être pour les femmes, qui doivent se battre deux fois plus.
    Zélie Murineau est de ces femmes artistes, débarquées à Paris pour y vivre leur rêve, quoi que cela leur en coûte... Un jour qu'elle peint au jardin des Tuileries, elle est abordée par le commissaire de police Alexandre d'Arbourg qui, enquêtant sur des pickpockets, lui demande son témoignage. Par la suite, se souvenant du talent de la jeune peintre, il lui propose de faire leur portrait de sa filleule, Juliette. Et parce qu'il soupçonne de sombres secrets sous le toit de sa cousine, Henriette, la mère de Juliette, il demande à Zélie d'être ses yeux et d'enquêter discrètement, sous couvert de réaliser le portrait de la petite fille.
    En compagnie du commissaire et de Zélie, nous découvrons le Paris de la fin du XIXème siècle. Encore marquée par les horreurs de la Commune et par la chute de l'Empire, dix ans plus tôt, la capitale française est une ville fourmillante où se côtoient les plus riches et les plus miséreux, une ville aux faubourgs encore campagnards et modestes, qui s'étendent à ses portes. Paris n'est pas encore la mégapole très urbaine que nous connaissons aujourd'hui et qui ne cesse de grandir, elle est cernée de petits villages qui inspirent les peintres et les guinguettes s'égrainent en bords de Seine, dans des décors bucoliques et ruraux...
    La fin du XIXème est surtout une époque de prospérité à nulle autre pareille, l'industrialisation fait galoper le temps, la modernité est aux portes de l'Europe. Et cette grande modernité s'accompagne aussi malheureusement d'une paupérisation de plus en plus importante...Les beaux quartiers jouxtent les plus défavorisés, la richesse côtoie la misère, Paris est entouré de petits bourgs proprets et prospères comme de bouges sordides où sévissent malfrats de bas étage, alcoolisme, prostitution, violence, trafics en tous genres... Dans les pas d'Alexandre d'Arbourg, Zélie découvre aussi cet envers du décor peu reluisant, et nous avec. C'est l'un des aspects du livre que j'ai le plus aimés : parce que je m'attendais à ce que le roman tourne essentiellement autour du monde de l'art, je ne m'attendais pas à cette description presque ethnographique du Paris des années 1880, qui rappelle les portraits naturalistes de Zola.

    L'Académie Julian, par Marie Bashkirtseff (1881) : Marie, surnommée Mousse, apparaît dans L'Atelier des Poisons


    Le roman de Sylvie Gibert est finalement bien plus dense et plus profond, plus dénonciateur aussi peut-être, que ce que l'on pourrait attendre à la lecture du résumé...l'auteure aurait pu se contenter de centrer son récit sur Zélie et ses compagnes peintres de l'académie Julian, leur lutte pour se faire un nom, une place, les nuits sans sommeil, les doutes qui précèdent l'exposition de leurs oeuvres au Salon, parfois leur découragement quand elles se rendent compte du traitement reservé à leurs tableaux, sous prétexte que le pinceau a été tenu par une femme...franchement, il y'aurait déjà eu matière à faire un bon roman. Mais Gibert est allée plus loin, étendant son champ de vision : si Zélie symbolise ce monde de l'art en pleine mutation à la fin du XIXème siècle, l'autre personnage fort du roman, Alexandre d'Arbourg, commissaire à la Sûreté, symbolise cet autre aspect du roman, finalement tout aussi important : la police des années 1880, qui exerce encore avec des moyens limités pour traquer le crime et la malhonnêteté qui sont légion dans une capitale aussi vivante que Paris. Personnage mystérieux dont on ne sait que peu de choses avant la fin du roman, il attire immanquablement, on aimerait savoir ce qui se cache derrière son physique lisse et impeccable. Et finalement, l'intérêt du lecteur leur est accordé à parts égales : Zélie n'est pas la seule héroïne du roman et j'ai trouvé qu'elle formait un bon duo avec d'Arbourg.
    Peut-être vous attendez-vous à ce que Zélie et Alexandre forment un couple...je ne vous dirais rien concernant cela mais vous aurez sûrement une surprise si vous lisez L'Atelier des Poisons et j'ai trouvé intéressante la manière dont l'auteure se sert de leur relation...
    Finalement, dans une ambiance bien plus sombre que ce que pourrait laisser entrevoir les quelques lignes de la quatrième de couverture, ce roman nous entraîne, nous capture et ne nous lâche plus. Je ne me suis pas vraiment attachée aux personnages ni identifiée à eux, mais ils ont capté mon intérêt autrement, ce qui fait que je les ai finalement toujours retrouvés avec plaisir. Une fois lancée, j'ai eu du mal à poser le roman, j'avais l'impression de ne plus pouvoir m'arrêter, l'histoire s'est déroulée toute seule, avec simplicité, avec facilité, comme un ruban que l'on défait.
    J'ai eu l'impression d'une très agréable surprise parce que je m'étais fait une toute autre idée de ce roman en le commençant : j'en ai aimé le propos comme la plume et je ne peux que vous inciter à le lire, bien entendu, si vous aimez le monde des arts et les romans historiques. 

    En Bref :

    Les + : un roman captivant et difficile à lâcher une fois commencé ! L'auteure s'est autorisée à traiter beaucoup de sujets dans un même roman, tout en revenant toujours au monde l'art et sa difficulté, bien symbolisés par Zélie et sa force de caractère et sa ténacité. En un mot, une bonne surprise ! 
    Les - : aucun point négatif à soulever.  

     

    Les soeurs Brontë : la Force d'Exister ; Laura El Makki

    Thème de septembre, « Palettes et pastels », 9/12


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  • « Parigné-l’Évêque était vidé de sa population masculine. On ne voyait que des vieillards assis devant la porte de leur maison, les mains rassemblées sur le pommeau de la canne et, dodelinant douloureusement de la tête, ils regardaient le monde s'agiter autour d'eux avec un regard apitoyé. »

    Couverture Le courage de Louise

     

     

     

         Publié en 2020

      Editions Archipoche

      312 pages 

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    C'est la fête à Parigné-l’Évêque, dans la Sarthe. En ce jour de la Saint-Jean, Louise, 20 ans, se laisse séduire par Justin, un fermier des environs. Le garçon, qui vient de reprendre l'exploitation familiale après la mort de ses parents, tombe sous le charme de la jeune lavandière. 

    A peine sont-ils mariés que la guerre éclate - la grande, celle de 14. Justin troque la fourche pour le fusil et s'en va labourer les champs de bataille. Son épouse, qui ignore tout des travaux de la ferme, se retrouve seule. 

    Mais, à l'heure de la moisson, une extraordinaire entraide s'organise. Louise peut compter sur le soutien de ses voisines, privées comme elle de leur mari. Et sur celui d'un capitaine belge en mission au Mans. Ingénieur agronome dans le civil, l'homme va se montrer d'un grand secours. Peut-être même trop...

    Un magnifique hommage aux femmes qui ont contribué à la survie du pays aux heures les plus terribles de son histoire. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Le Courage de Louise raconte une histoire vraie. Certes, c'est un roman et le personnage de Louise, jeune paysanne sarthoise, n'a sûrement jamais existé, hormis dans l'imagination de Raphaël Delpard et pourtant... cette jeune femme qui est au centre de ce roman historique personnifie toutes ces femmes, mères, filles, épouses, sœurs qui, en Quatorze, ont vu partir les hommes pour un conflit qui dura quatre ans et fit près de dix millions de morts.
    Nous sommes donc au début de l'été 1914. Louise et Justin sont jeunes mariés quand la mobilisation générale est décrétée début août. C'est le départ des plus jeunes, parfois la fleur au fusil, comme on dit, tandis que les femmes, à l'arrière, s'organisent. A Parigné-l’Évêque, Louise, comme les autres femmes, va devoir apprendre à vivre seule, à s'occuper de la ferme, alors qu'elle ne l'a jamais fait. Elle va apprendre la solitude mais aussi la solidarité qui s'instaure spontanément entre les femmes du village, toutes concernées par le conflit : car elles ont toutes un homme au front, un ou plusieurs, pour lequel s'inquiéter. Louise, pendant ces quatre ans de guerre, va grandir, s'enhardir, découvrir qu'elle est capable de faire des choses auxquelles elle n'aurait jamais songé avant : gérer son argent, vendre les produits de la ferme au marché, porter des pantalons... La guerre de Quatorze, c'est une horreur sans nom qui aura pourtant permis aux femmes de se rendre compte de leur valeur, que leur voix compte et elles seront bien déterminées, à la fin du conflit, à être reconnues, ce qui sera le cas petit à petit, même si le processus sera long (n'oublions pas que le droit de vote ne sera accordé aux Françaises qu'en 1944).
    Ce roman c'est une histoire vraie et une histoire qui nous touche tous. Aucun autre conflit ne fédère autant le souvenir que celui-ci : peut-être parce que chaque famille, sans distinction, sera touchée...peut-être parce que chacun d'entre nous, aujourd'hui, a le nom d'un ou plusieurs ancêtres inscrits sur un monument aux morts...peut-être aussi parce que toutes ces femmes mises en scène dans les romans ou les films, nous évoquent nos arrière-grand-mères ou arrière-arrière-grands-mères. Ces femmes que l'ont n'a pas connues, hormis sur le papier jauni des vieilles photos, restent malgré tout, dans l'imaginaire commun, celles qui, avec beaucoup de courage, soutinrent le pays alors que tout s'effondrait.

     les  femmes pendant  la  guerre de  14..18

    Près de 850 000 femmes prirent la tête de l'exploitation agricole de leur époux, en 1914. 

    Évidemment, il ne me viendrait pas à l'idée de comparer ce que nous vivons actuellement avec le cataclysme que fut la déclaration de guerre en août 1914. Mais on peut aisément imaginer la sidération des gens, leur désarroi devant une situation incontrôlable, l'angoisse à l'idée de vivre dans un monde qui ne sera plus jamais comme avant, par rapport à ce que nous-mêmes avons vécu ces derniers mois. Nous avons vu combien il est difficile de vivre dans une actualité constamment anxiogène. On peut donc comprendre combien la vie, pendant ces quatre années, fut difficile. Surtout quand un ou plusieurs proches risquent leur vie à des centaines de kilomètres de chez eux, sans qu'on en ait de nouvelles pendant des semaines, voire des mois...
    Les femmes de Quatorze furent des précurseurs, elles furent celles, citadines ou rurales, qui pour la première fois prirent vraiment conscience de leur valeur en tant qu'individu. Non, les femmes ne sont pas que les faire-valoir des hommes, non elles ne sont pas nées pour n'être que des épouses et des mères. Et après en avoir pris conscience, elles bouleverseront la société de leurs revendications. De ces femmes, nous sommes les héritières...
    Ce que j'ai aimé en Louise, la jeune héroïne du roman, c'est que justement, elle n'a rien d'une héroïne ni d'une femme puissante, au départ. On ne sait pas quel âge elle a exactement (même s'il est mentionné dans le résumé qu'elle a 20 ans, son âge n'est jamais dit clairement dans le roman) mais on sent qu'elle est toute jeune. 

    Ayant passé une enfance et une jeunesse isolées, Louise découvre les interactions sociales, l'entraide et la solidarité, elle apprend à recevoir mais aussi à donner sans contrepartie, à aider et à se faire aider sans fierté. En quatre années de guerre, elle grandit, devient plus forte et plus sûre d'elle, après des débuts difficiles. Louise m'a beaucoup plu pour ces raisons. Elle est touchante et souvent attendrissante de part sa naïveté. Contrairement aux héroïnes très féministes et presque révoltées de Jeanne-Marie Sauvage-Avit, Louise, elle, est une jeune femme comme il y'en a beaucoup à l'époque, pour qui la vie conjugale est une fin en soi. Elle apprendra sa valeur à la faveur du conflit, se rendant compte de ses limites mais aussi des champs des possibles. C'est une autre approche, mais que j'ai appréciée aussi : Louise, les premiers mois, est perdue et démunie et il est intéressant que l'auteur ait bien décrit ces sentiments. 
    La seule chose que je regrette, c'est que le roman démarre très rapidement, on est tout de suite dans le bain sans savoir qui sont Louise et Justin, à part quelques informations distillées dans les premières pages. Et puis d'un coup, le rythme se ralentit, peut-être un peu trop... j'avoue avoir eu un sentiment d'inégalité par moments qui n'a cependant pas entaché pour autant mon intérêt pour cette lecture. 
    Cette jeune Louise est attachante et on se plaît à mettre nos pas dans les siens, découvrant le bocage sarthois du début du XXème siècle, qui symbolise si bien cette France d'antan qui fut celle de nos ancêtres...pas si lointains que ça

    JE REMERCIE LES ÉDITIONS DE L'ARCHIPEL ET MYLÈNE POUR CET ENVOI ! 

    En Bref :

    Les + : un bel hommage à toutes ces femmes qui, en 1914, prirent en charge les exploitations agricoles et la vie à l'arrière. Ces femmes, elles évoquent forcément quelque chose à chacun d'entre nous, puisque ce sont nos aïeules...si Louise est un personnage fictif, elle n'en personnifie pas moins toutes ces femmes courageuses qui découvrirent leur valeur à la faveur de l'un des conflits les plus meurtriers de l'Histoire. 
    Les - :
    un début peut-être un peu trop rapide, précédant des chapitres plus descriptifs et plus lents, ce qui donne un sentiment d'inégalité.


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