• « Folie toute humaine que de croire le monde et ses dons tout à soi ! »

    Les Ailes du Matin, Intégrale, tome 1 ; Mireille Lesage

    Publié en 2012

    Editions Pygmalion 

    910 pages

    Comprend L'Envol et Les Noces de Lyon 

    Résumé :

    Dans l'atmosphère fiévreuse de la cour de Louis XIII, alors qu'un groupe de conspirateurs se dresse pour abattre le tout-puissant cardinal de Richelieu, surgit la flamboyante Floriane de Saint-Evy. Elle fait tourner les têtes, suscite les passions et provoque, malgré elle, des conflits sanglants. Mais son coeur ne bat que pour Artus d'Ivreville que les aléas du destin ne cessent d'éloigner d'elle...jusqu'au jour où un événement imprévu oblige la belle intrépide à renoncer à tout pour se réfugier à Lyon. 
    Dotée d'une énergie exceptionnelle, la jeune femme décide alors de relever tous les défis. Duels, pièges, évasions, chevauchées, idylles, coups de théâtre se succèdent à un rythme endiablé. Une fresque trépidante -où se croisent personnages authentiques et héros romanesques- vivifiée par le grand souffle de l'aventure. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Ce conséquent premier volume regroupe en fait les deux premiers romans de la saga Les Ailes du Matin, qui en compte six. Ici nous avons donc la possibilité de découvrir, dans un seul et même livre, L'Envol et Les Noces de Lyon, qui vont nous faire faire connaissance avec une jeune héroïne, Floriane de Saint-Evy, en plein coeur du XVIIeme siècle (l'histoire s'ouvre à l'aube de la Conspiration de Chalais).
    En 1625, la jeune Floriane de Saint-Evy a quinze ans et vit en Anjou, dans le château familial passablement délabré, en compagnie de sa cousine et tutrice, Alix. Ses parents sont morts, son frère est à la Cour au service de Monsieur, frère du roi et sa sœur a pris le voile. Floriane, qui est plutôt jolie, ne manque pas de courtisans mais son peu de fortune ne fait pas se bousculer à la porte beaucoup de maris potentiels. Courtisée par le marquis de Pontvallain, bien plus âgé qu'elle, elle refuse le mariage et va alors retrouver son frère à Paris et découvrir cette Cour en ébullition, où s’étiole une aimable et jeune et jolie reine, Anne d'Autriche, à l'ombre d'un mari taciturne qui ne l'aime pas, Louis XIII tandis que lui-même se trouve sous la coupe d'un fin politique, j'ai nommé, le cardinal de Richelieu.
    Le gouvernement du cardinal n'est pas sans faire des envieux et des mécontents et c'est donc dans un contexte bien particulier et très tendu qu'arrive Floriane : en 1625, autour de Monsieur et de ses soutiens est en effet en train de se tisser une conjuration qui, dans l'Histoire, conservera le nom de Chalais, du nom du gentilhomme périgordin qui, en 1626, devait débarrasser la France de l'aura dangereuse du cardinal mais y laissa la vie. Et Floriane va faire la connaissance d'une grande conspiratrice devant l'Éternel, la belle et scandaleuse duchesse de Chevreuse avec qui elle va se lier d'amitié.
    Ici, dans un savant mélange de personnages fictifs et authentiques, au milieu d'événements tous plus romanesques les uns que les autres tout en étant avérés, on peut dire que tout est réuni pour qu'une vraie fresque historique sr déploie sous les yeux des lecteurs ! Et c'est vrai que ça marche ! Très vite, j'ai eu l'impression de lire du Juliette Benzoni, avec ce mélange d'Histoire et d'aventures...disons que Les Ailes du Matin se situe à mi-chemin entre Benzoni et Angélique, marquise des Anges. C'est la promesse de ne pas s'ennuyer...
    Oui, mais voilà, le gros bémol que je soulèverais, c'est l'héroïne, Floriane, que je n'ai, mais alors, pas du tout aimée ! Si, au début, cette petite provinciale de quinze ans, un peu timide, dont le grand rêve est de connaître Paris et surtout la Cour et ses ors peut s'avérer touchante voire assez attachante, tout se dégrade très vite. Et comme l'a dit avec beaucoup de spontanéité et de sincérité une autre lectrice dont j'ai pu lire l'avis : quelle héroïne insupportable ! Et je ne peux que lui donner raison... malheureusement, ai-je envie de dire, parce que j'aurais sûrement mieux apprécié cette saga si j'avais pu aimer et m'attacher un tant soit peu à Floriane. Seulement, comme celle-ci me tapait fortement sur les nerfs j'ai été encline à être sévère pendant ma lecture, jugeant le comportement de Floriane sans aucune indulgence. Qu'un personnage de roman ne soit pas exactement tel que nous sommes, d'accord, mais quand même... le personnage de Floriane est trop caricatural, trop orgueilleux, trop allumeur, pensant son temps à flirter de ci de là au point qu'on en lèverait les yeux au ciel d'exaspération à chaque fois qu'elle fait une nouvelle conquête !!
    J'ai aussi été surprise par l'ascension fulgurante de mademoiselle de Saint-Evy à la Cour... il est dit dès le départ que son frère, Charles, est un proche de Gaston, le frère du roi. Que son frère ait donc des accès à la Cour et en fasse bénéficier sa jeune sœur qui n'attend que ça, pourquoi pas ? Cela a d'ailleurs dû se faire à l'époque... mais que Floriane se mue, en quelques mois en véritable courtisane, passant d'obscure jeune adolescente angevine à intrigante louvoyant entre les différentes factions, trempant déjà dans une conspiration et tenant la dragée haute au cardinal de Richelieu...encore une fois, est-ce bien possible ? L'aventure et le romanesque ne doivent pas à mon sens prendre le pas sur la vraisemblance. Le roman se laisse lire, mais malheureusement, on n'est pas dupe et on ne se laisse pas totalement entraîner dans l'intrigue, c'est dommage.
    Je dois par contre apporter au crédit de l'auteure une restitution précise du contexte historique. Je connaissais Mireille Lesage grâce à une biographie semi-romancée d'Anne de Bretagne, lue il y'a quelques années et que j'avais appréciée. Je pense qu'elle fait partie de ces auteurs d'historique vraiment passionnés, au même titre que Juliette Benzoni par exemple. J'ai beaucoup aimé voyager à travers le règne de Louis XIII, assez méconnu, mais intéressant à partir du moment où on prend le temps de s'y pencher... courant de 1610 à 1643, son règne fait office de transition entre la fin de la Renaissance et le flamboyant règne de Louis XIV. Émaillé de nombreuses conspirations de Cour, souvent dirigées contre son charismatique ministre, Richelieu et de révoltes populaires, on ne peut pas vraiment qualifier Louis XIII de grand roi même s'il fut un assez bon administrateur.
    Sous Louis XIII se croisent des personnages tous plus intéressants les uns que les autres : Madame de Chevreuse, l'amie d'Anne d'Autriche, les jolies espionnes de Richelieu, les beaux amis de Monsieur, les grands nobles... parfois d'ailleurs, ils seraient presque plus intéressants, dans Les Ailes du Matin, que les personnages fictifs !
    Bref, ce contexte historique bien décrit, les recherches précises sur les villes dans lesquelles se déroulent l'intrigue, notamment la ville de Lyon, sont les gros points positifs du roman et il ne sont pas des moindres ! Les parties narratives, très étoffées permettent justement à ce contexte d'être restitué et donnent toutes leurs saveurs aux descriptions : je les ai préférées d'ailleurs aux parties dialoguées, bien plus lourdes, notamment à cause de la ponctuation.
    Pour ma part, ces points positifs ont permis de rattraper un peu cette déception que j'ai ressentie quant aux personnages, trop caricaturaux et l'intrigue romanesque trop aventureuse et du coup, invraisemblable par moments.
    Les Ailes du Matin est une saga que j'ai trouvée trop inégale pour me convaincre totalement... j'en attendais bien plus, justement parce que je suis une fan du XVIIème siècle ! Ma première impression m'a fait la rapprocher très vite de l'univers de Benzoni pour me détromper rapidement, à ma grande déception ! Les sagas de Juliette Benzoni ont toujours ce petit truc qui fait que... ce petit truc qui rattrape tout ! Ici malheureusement, dans L'Envol et Les Noces de Lyon, les qualités n'étaient pas suffisamment importantes pour minorer les défauts

    En Bref :

    Les + : un contexte historique impeccablement restitué, on s'y croirait !
    Les - :
     un roman un peu too much et une héroïne vraiment imbuvable.


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  • « Dans ce monde, il n'est pas de bonheur possible. Le croire est une illusion. »

    La Part des Flammes ; Gaëlle Nohant

    Publié en 2016

    Editions Le Livre de Poche

    552 pages

    Résumé : 

    Mai 1897. Le Tout-Paris se presse à la plus mondaine des ventes de charité. La charismatique duchesse d'Alençon, petite sœur de Sissi, a pris deux jeunes femmes sous sa protection en dépit du qu'en-dira-t-on. Scellant le destin de ces trois héroïnes, l'incendie du Bazar de la Charité bouscule ce monde cruel et raffiné et plonge Paris dans le deuil. Mais il permet aussi des amours et des rapprochements imprévus, des solidarités nouvelles, des libertés inespérées. Car naître à soi-même demande parfois d'en passer par le feu.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En mai 1897, se tient à Paris le fameux Bazar de la Charité, créé en 1885 par Henri Blount, un financier et présidée par le baron de Mackau. Oeuvre de bienfaisance, elle était animée par des dames patronnesses, parfois de grands noms de la noblesse française, qui se transformaient, le temps de quelques jours, en vendeuses. En mai 1897, on peut compter parmi elles Sophie d’Alençon, la sœur de l'impératrice d'Autriche. S'y croisent aussi cette année-là celles qui vont devenir nos héroïnes, Violaine de Reazal, jeune veuve qui peine à se faire accepter dans son milieu à cause d'un passé qu' elle traîne comme un boulet et la jeune Constance d'Estingel, une jeune fille impulsive et un peu mystique.
    Dans l'après-midi du 4 mai 1897, alors qu'un cinématographe a été reçu au Bazar, une combustion des vapeurs d’éther utilisé pour alimenter la lampe du projecteur provoque un incendie de grande ampleur. L'intégralité du bâtiment brûlera mais surtout, on relèvera un nombre incroyable de victimes, mortes dans de terribles souffrances. Parmi elles, la duchesse d’Alençon, reconnue parmi les derniers corps parce que trop abîmée : c'est son dentiste qui l'identifie grâce un bridge qu'il avait réalisé pour elle.
    Il y'aura à Paris un avant et un après incendie du Bazar. Comme le font les fortes commotions, c'est toute une ville qui est touchée par cette tragédie peut-être, et surtout, parce que la majorité des victimes relevées et identifiées étaient des femmes. Et pour les rescapés vient le temps du deuil, de la convalescence et de l'incompréhension : pourquoi se sauve-t-on au milieu d'une telle hécatombe ? Il y'a ceux suffisamment forts qui parviennent, avec beaucoup de volonté, à s'en tirer. Et ceux qui, malheureusement, sombrent malgré leur survivance. Et à l'époque, sombrer, montrer un quelconque signe de faiblesse psychologique, surtout quand on est une femme, implique de tomber entre les mains des aliénistes aux méthodes glaçantes.
    Le roman de Gaëlle Nohant est un vivant portrait de ce XIXème finissant, pas si éloigné de nous et qui paraît pourtant être un autre monde, entre conventions mondaines et religieuses, terreur des parents de voir leurs filles rester célibataires, contrainte d'un beau et riche mariage. Une époque qui n'est pas tendre pour les femmes mais aussi pendant laquelle un féminisme latent se développe, qui devient d'ailleurs plus virulent à la suite de l'incendie, quand on accusera les hommes présents au Bazar de s'être sauvés en premier en abandonnant à leur sort femmes et enfants dans les flammes !
    Personnellement, de part mes propres convictions, j'ai été aussi révoltée par le monde de l'aliénisme, que Gaëlle Nohant décrit très bien, notamment en prenant l'exemple de l'hystérie, cette maladie soit-disant typiquement féminine et qui était surtout un prétexte pour enfermer des femmes fragiles devenant alors des cobayes et des objets d'études pour des médecins aux intentions peu altruistes, au risque justement de les faire basculer dans cette folie contre laquelle on prétendait les soigner ! A-t-on jamais interné un homme parce qu'il était un peu trop enclin à fréquenter d'autres femmes que la sienne et surtout, des prostituées ? Parfois, sur un simple soupçon d'adultère ou de nymphomanie , on se permettait alors d'interner une femme ! J'ai vraiment été révoltée par ce que raconte l'auteure de façon si juste parce que malheureusement, on ne peut douter que de telles pratiques aient existé ! Si on peut accorder le bénéfice du doute aux hommes présents au Bazar parce que leurs contemporains, encore sous le choc, ont peut-être jugé trop vite et à charge, on ne peut malheureusement excuser des médecins qui ont déprécié leur discipline au détriment de femmes.

     

    L'Incendie du Bazar de la Charité, le 4 mai 1897 ( Supplément du Petit Journal du 23 mai)


    La Part des Flammes est un roman multiple où, finalement, l'incendie qui en est le centre donne l'occasion à l'auteure de partir dans différentes voies et aborder plusieurs sujets importants et dépeignant tous à leur manière un aspect, une facette de ce siècle finissant : les codes éculés de l'aristocratie, comme un ersatz de ce que fut, autrefois, leur train de vie, l'expansion de la presse, la République et ces fameuses cliniques pour aliénés qui nous horrifient aujourd'hui mais existaient encore il y'a cent ans. J'aime beaucoup le XIXème siècle, découvert notamment au travers des œuvres littéraires de cette époque et je trouve que Gaëlle Nohant s'en tire très bien : son portrait du siècle est vivant et riche !
    Les personnages, eux aussi, en sont de bons représentants, de petits échantillons de cette société, qui permettent de mieux la saisir dans toute sa complexité. Paradoxalement, bien que le roman soit surtout basé sur des héroïnes féminines, parce que ce sont elles, les premières victimes du drame du 4 mai 1897, ce n'est ni à Violaine, ni à Constance que je me suis vraiment attachée mais aux deux personnages principaux masculins, le cocher de la duchesse d’Alençon et Laszlo de Nérac. En parlant justement de la duchesse d’Alençon pour elle, j'ai une tendresse toute particulière, parce qu'elle est la sœur de Sissi et que ces deux femmes sont pour moi assez fascinantes et obsédantes. Gaëlle Nohant nous livre d'ailleurs ici un portait mystérieux de la duchesse Sophie, très proche de celui de sa sœur : elle apparaît presque dès les premières pages et on ne peut s'empêcher d'éprouver pour elle beaucoup de sentiments parce que cette grande femme qui a mis ses dernières années à se mettre au service des malades et des indigents est vouée à disparaître de manière absolument terrible. Pour ce qui est de Violaine et Constance, je les ai appréciées sans parvenir toutefois à m'y attacher totalement. On ne peut malgré tout instaurer de réelle distance avec elles parce qu'elles échappent à un sort effroyable qui est connoté : mourir brûlé vif est une mort effroyable, atroce, une condamnation à mort, pendant des siècles, appliquée aux sorciers. Ce n'est malgré tout pas une mort anodine, une sorte d'expiation, une mort marquée du sceau de la religion, ce que ne manqueront pas de remarquer les prélats. Mourir par le feu en quelque sorte c'est mourir directement de la main de Dieu, bien plus que celui s’éteignant dans son lit par exemple. Le feu, c'est aussi la purification, parfois, la fin d'une ère, le début d'une autre, nouvelle : ici, on peut voir dans cet incendie terrible la métaphore de la fin des temps anciens et le début des temps nouveaux, celui de la République et la fin, doucement, de l'aristocratie et de ses codes. Et, d'un point de vue plus humain et rationnel, parce que mourir brûlé vif est la terreur de chaque être, on ne peut que se sentir proche, d'une façon ou d'une autre, des victimes de la tragédie, qu'elles aient succombé ou non. Violaine et Constance ont chacune des aspérités et des aspects flous ou mystérieux qui m'ont plu sans pour autant me pousser réellement à les aimer.
    Je ne ressors pas de cette lecture en ayant éprouvé un coup de cœur, c'est dommage, mais pas catastrophique parce que La Part des Flammes reste un roman historique extraordinairement bien construit et qui mérite d'être lu. De toute manière, même sans le succès qu'il a rencontré depuis sa sortie et qui a attiré sur lui les projecteurs, j'aurais lu ce roman, parce qu'il est historique et traite d'une période riche qui me plaît et m'intéresse beaucoup. J'ai été happée par la force du récit et vibré avec les Parisiens sous la houle d'horreur que propage l'incendie du Bazar dans les jours qui suivent la catastrophe. Et puis mon intérêt s'est ensuite un peu émoussé, quand la tension retombe, quand l'intrigue se resserre ensuite sur Constance... il m'est très compliqué de livrer mon avis approfondi sur ce roman sans dévoiler certains détails, qu'est-ce que c'est compliqué !
    Bref à partir de là, je me suis sentie moins investie, comme si la tension retombait d'un seul coup et mon intérêt avec. Pour cette raison, je n'ai pas eu de coup de cœur mais je l'ai frôlé, touché du doigt. La Part des Flammes est un roman digne d'être découvert et que je conseille chaudement ! Quelle belle découverte : celle d'un univers et d'un style auquel on ne peut faire aucun reproche. 

    En Bref :

    Les + : un portrait magnifique de ce XIXème siècle finissant, des personnages ciselés et intéressants. Un style impeccable. 
    Les - : une seconde partie qui a moins éveillé mon intérêt, dommage. 

     


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  • « Je ne prétends pas qu'on me comprenne, chacun de nous est sa propre énigme.»

    La Longue Attente de l'Ange ; Melania G. Mazucco

    Publié en 2011 en Italie ;  en 2013 en France (pour la présente édition)

    Titre original : La lunga attesa dell'angelo

    Editions Flammarion 

    448 pages

    Résumé :

    Venise à la fin du XVIe siècle. Le Tintoret, peintre volcanique, anticonformiste et plein d'ambition, s'est battu par tous les moyens pour asseoir sa réputation. A l'approche de la mort, il s'interroge sur son existence en tant qu'artiste et sa vie familiale mouvementée. Au cœur de ses pensées se trouve sa fille illégitime adorée, qui a appris la musique et la peinture à ses côtés : Marietta, l'incarnation de ses rêves et son oeuvre la plus réussie.
    Dans une Sérénissime au décor singulier se nouent une foule d'histoires merveilleuses habitées par des personnages inoubliables, parmi lesquels se détache la figure solitaire et émouvante de Marietta.  

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En mai 1594, Le Tintoret est à l'article de la mort et même si ses médecins lui affirment le contraire, il sait que la fièvre dont il souffre sera mortelle. Vient alors pour lui le temps de se pencher sur sa longue existence. Vient le temps des souvenirs, des regrets et des dernières joies. Par dessus tout, c'est à l'enfant illégitime qu'il eut en 1554 d'une courtisane allemande, qu'il pense le plus. Marietta Robusti, peintre comme lui et surnommée à Venise La Tintoretta est morte quatre ans auparavant et, à l'heure de rencontrer Son Créateur, le père se rappelle des sentiments particulièrement forts qui l'unirent à cette enfant qui fut son double, son alter ego, bref, n'ayons pas peur de le dire, en un mot, son âme soeur mais aussi la femme de sa vie.
    Vaste sujet d'inspiration pour les romanciers que les relations parents/enfants qui ne sont jamais comme on l'espère ni même comme on l'imagine. Complexes, soumises aux idées reçues et jugées dès qu'elles s'écartent de ce qu'on considère comme la norme, elles vont déterminer les êtres qui, devenant parents à leur tour, seront influencés par leur propre expérience, la relation qu'eux-mêmes ont eu plus jeunes avec leurs propres parents... bref il y'a de quoi dire et de quoi faire et c'est un amour fort et hors du commun qui peut être intéressant à décortiquer et à analyser et c'est ce que fait l'auteure dans son livre, en parallèle d'un portrait du peintre que fut Le Tintoret, ancien élève du grand Titien, dans cette Venise de la fin du XVIeme siècle.
    Avec sa femme légitime Faustina, qui aurait elle-même pu être sa fille puisqu'elle avait vingt-six ans de moins que lui, Le Tintoret eut une grande et belle famille mais, à l'aube de la mort, c'est assurément à l'enfant préférée qu'il s'adresse, cette Marietta qui est née alors que le peintre ne l'attendait pas et de qui il va s'enticher jusqu'à la fin. Si l'amour des mères sans être systématique, est souvent plus évident, les relations du père à son ou ses enfants sont souvent plus complexes qu'il n'y paraît. Ici, le peintre aimera sa fille illégitime jusqu'à négliger ses autres enfants -ce dont il prend conscience et se repent, mais bien trop tard-, susciter la jalousie de son épouse de dix ans seulement plus âgée que Marietta. Effrayé par la perspective de la voir grandir et s'envoler, il repoussera longtemps le moment de la marier, jusqu'à ce que Venise murmure que Le Tintoret entretient une relation incestueuse avec sa fille aînée. Ce ne fut pas le cas, même si le récit de Melania G. Mazzucco flirte aussi avec l'interdit et la transgression, l'amour paternel, parfois, glissant dangereusement vers un désir qui n'a rien à faire dans une relation père/fille et qui s'installe pourtant malgré tout, Marietta étant la femme de sa vie pour Le Tintoret et lui l'homme de sa vie pour elle -le fait qu'elle soit orpheline de mère joue aussi beaucoup dans le cas de Marietta.
    Au-delà de ça, j'ai aimé la dimension plus universelle du roman. C'est quelque chose qui revient souvent dans mes chroniques et que j'ai tendance à chercher dans mes lectures : j'aime ces romans historiques où, paradoxalement, l'aspect purement historique, justement, cède quelque peu la place à une dimension plus humaine et se partage la vedette avec elle et c'est le cas dans ce roman. J'aime l'idée qu'une certaine similitude lie l'espèce humaine, quels que soient le pays, l'époque, le siècle, la confession religieuse, le milieu social où l'on vit. J'aime cette idée que certaines choses sont immuables et se sont développées en même temps que les Hommes. Se retrouver dans un personnage mort en 1594 comme Le Tintoret est très forte comme impression, je trouve ! À presque 430 ans d'intervalle on peut faire un parallèle entre l'existence de cet homme et la nôtre qui ne peuvent pourtant pas être plus éloignées. Et pourtant certaines choses sont vieilles comme le monde : le travail, la quête du succès, l'ambition, les relations humaines, la famille. Tout est abordé de façon très juste par l'auteure de manière très juste : certes, elle écrit de nos jours et on peut penser que les mots qu'elle met dans la bouche du peintre sont anachroniques et reflètent notre époque mais je suis convaincue du contraire. Je suis sûre que bien des choses nous lient à nos ancêtres comme à nos descendants et que ces choses là dont plus fortes que nous et se transcendent au-delà des époques, des nations etc... les réflexions du Tintoret à l'aube de sa mort sont celles d'un homme de la Renaissance comme de notre époque. Ses regrets sont les mêmes, ses satisfactions et ses fiertés de même. Je me suis vraiment retrouvée dans cette universalité et elle a sans nul doute permis d'éveiller mon intérêt pour le roman.
    À part ça, Melania G. Mazzucco ne choisit pas n'importe qui comme objet d'étude mais un peintre relativement célèbre de la Renaissance italienne, le vénitien Tintoret, ancien élève de Titien. Partant de là, le côté historique et l'aspect technique ne peuvent être totalement occultés. Le peintre nous parle en effet de ses œuvres, de sa technique personnelle, quelque peut différente de celle de ses pairs, ce qui lui vaudra un succès relatif tout au long de son existence. La preuve, on a retenu le nom de Titien, nettement moins celui du Tintoret. Né en 1518, mort en 1594, Le Tintoret -il doit son surnom à l'activité de son père qui était teinturier- traverse un siècle riche en émulation artistique. C'est le siècle de Michel-Ange, de Titien, du Caravage... l'Italie en premier puis l'Europe se couvrent de chefs d'oeuvre, les artistes de cette époque sont destinés à voir leurs noms à jamais encensés mais voient aussi leurs œuvres soumises à la censure rigoureuse de l'après Concile de Trente. La carrière du Tintoret est moins facile : le peintre ne connait pas un succès fulgurant : encore aujourd'hui, si son nom nous évoque quelque chose, aucune oeuvre majeure ne nous vient spontanément à l'esprit. Le Tintoret a été supplanté par Titien ou Véronèse, deux compatriotes dont l'un, le premier, va d'ailleurs s’ingénier à lui mettre des bâtons dans les roues.

    La Longue Attente de l'Ange ; Melania G. Mazucco

     

    Le Tintoret (autoportrait) et Marietta Robusti, dite La Tintoretta (autoportrait)


    Sa fille Marietta aussi sera peintre tout comme deux de ses fils légitimes. Surnommée la Tintoretta, la jeune femme connaîtra un succès plutôt important à une époque où une femme qui peint fleure le scandale et la provocation. Née en 1554, elle passera toute sa vie auprès de son père, son mentor et son compagnon le plus cher. Je me suis surprise à voir Marietta très rapidement à travers les yeux du peintre et donc à l'aimer... cette jeune femme qui meurt à trente-six ans entre les bras de son père est très émouvante et je me suis énormément attachée à ce personnage féminin auquel je ne m'identifie pas mais qui m'a beaucoup touchée. J'ai aussi aimé la figure du Tintoret, personnage brut comme du granit mal taillé, inflexible et injuste parfois, notamment avec ses enfants mais profondément humain, aussi et surtout, dans ses défauts. Car plus que nos qualités se sont essentiellement nos imperfections qui font notre essence.
    Pour parler maintenant de la forme du livre, j'ai été très agréablement surprise. À croire que l'Histoire des Arts inspire les écrivains ! Après les découvertes, qui se sont avérées très bonnes, des romans de Mathias Enard (Parle-leur de rois, de batailles et d'éléphants), d'Alexandra Lapierre (Artemisia) de Leonor de Recondo (Pietra Viva), de Dominique Fernandez (La Course à l'Abîme), de Sophie Chauveau (La Passion Lippi ; Le Rêve Botticcelli), je dois dire qu'encore une fois je n'ai pas été déçue ! On dirait que la peinture et l'art font ressortir un côté poétique chez les romanciers qui nous livrent alors des textes vraiment agréables et qu'on prend plaisir à découvrir. Alors c'est vrai que le style de Melania G. Mazzucco est peut-être un peu ampoulé par moments mais pour être honnête cela ne m'a pas gênée, au contraire, j'ai même bien aimé cet aspect-là de son univers. Le début n'a pas été évident, il est vrai et il m'a fallu vraiment entrer dans le récit pour me sentir un peu plus investie. J'ai parfois été gênée au cours de la lecture par le manque d'indications chronologiques, une légère confusion parfois dans les dates et les événements qui se suivent parfois sans suite logique apparente. Mais ceci peut aussi s'expliquer par le fait que le peintre lui-même relate ses souvenirs et, s'il y'a bien une chose d'absolument pas linéaire, c'est bien la mémoire humaine, donc ce ne serait qu'un tout petit bémol !
    Quoi qu'il en soit ce roman est une oeuvre qui mérite à être connue : j'ai passé un moment de lecture incroyable avec un livre dans lequel s’entremêlent mon intérêt pour les jolis mots et mon amour de l'art. Personnellement, il ne m'en a pas fallu plus pour être séduite.

    En Bref :

    Les + : une belle réflexion sur l'art et sur l'humain, un style riche et intéressant.
    Les :
     un début dans lequel il est difficile d'entrer. 


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  • « Qu'il trahisse, puisque tôt ou tard c'est le destin de l'homme, mais surtout qu'il ne soit jamais faible ! »

    Le Rivage des Adieux ; Catherine Hermary-Vieille

    Publié en 1991

    Editions France Loisirs

    428 pages

     

    Résumé : 

    « Tristan et Iseult. Impossible d'imaginer histoire plus romanesque et tragique à la fois...L'historienne du Grand Vizir de la Nuit a pris un plaisir évident à planter un décor de film à grand spectacle...Après quoi, la romancière a laissé parler son coeur : son Rivage des Adieux est tout simplement enchanteur. Grâce à elle on a pour Tristan les yeux d'Iseult et l'ont frémit juqqu'à la fin au sort qui attend les amoureux. »

    Danièle Mazingarbe, Madame Figaro

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Tristant et Iseult... les noms nous sont familiers et ce sont des personnages avec lesquels on a l'impression d'avoir grandi. Ils incarnent l' amour plus fort que tout mais aussi ce Moyen Âge merveilleux et onirique des légendes celtiques.
    Exploité depuis l'époque médiévale, où il prend racine, le mythe des deux amoureux tombés sous le charme l'un de l'autre après avoir ingéré un philtre magique a connu bien des versions et des réécritures plus ou moins contemporain.
    Ici, c'est Catherine Hermary-Vieille, célèbre auteure de romans historiques, qui, en 1989, a choisi de donner sa propre version et vision de ce mythe extraordinaire. S’émancipant quelque peu du merveilleux des troubadours et des auteurs médiévaux qui truffaient leurs récits de fées, de sorcières, de dragons et de sortilèges, l'auteure a choisi de situer son intrigue dans les premiers siècles du Moyen Âge probablement au VIIIe siècle. Son intrigue n'en est pas pour autant complètement vraisemblable et cartésienne et contient encore quelques éléments de merveilleux et de légendaire, quoique relativement ténus et bien amenés pour s'insérer parfaitement dans un récit qui, de toute façon, au vu de son contexte, peut s'accommoder de quelques éléments légèrement paranormaux dans la mesure où le Moyen Âge est une période où l'on aimait les histoires et le fantastique.
    Elle se réapproprie une histoire à l'aura légendaire et dont les origines sont suffisamment incertaines pour y apposer sa patte sans risquer de dénaturer le mythe originel.
    Justement, si on en parlait un peu, de ce mythe originel ?
    Influencé par les mythes et légendes celtiques, l'histoire de Tristan et Iseult trouve certainement sa source au XIIème siècle, la période de l'amour courtois, des troubadours et trouvères ce qui est, somme toute, assez logique. Mais d'autres encore la font remonter au VIIIème siècle, comme choisit de le faire Catherine Hermary-Vieille dans ce roman.
    Dès le Moyen Âge, les auteurs s'en emparent. Ainsi, et parfois de manière contradictoire, Tristan et Iseult revivent sous la plume de Béroul -c'est d'ailleurs sa version qui est la plus connue et la seule que j'avais lue jusque là-, de Chrétien de Troyes, de Marie de France, de Thomas Malory. Signalons cependant que si les auteurs du Moyen Âge central et postérieur trouvèrent une source inépuisable d'inspiration dans le mythe de Tristan et Iseult, on ne peut toutefois considérer leur amour comme courtois. Si Tristan se met tout au service de sa dame, il manque à cette histoire le côté unilatéral qui caractérise en général les histoires dites courtoises.
    Mais des auteurs bien plus récents s'y sont intéressés aussi, donnant parfois une vision plus moderne du mythe : pour ce qui est des auteurs du XXème siècle s'étant intéressés à Tristan et Iseult on peut n'en citer qu'un, René Louis, dont l'oeuvre fait référence.
    Les légendes celtiques et la geste arthurienne ont pour elles de rester toujours très actuelles et de toujours s'insérer particulièrement bien dans n'importe quel contexte ou société : un homme du Moyen Âge comme du XXIème siècle peut s'identifier sans problème aux héros sont les quêtes restent au final très humaines et s'il y'a bien une chose qui ne change pas, ce sont les diverses aspirations de l'Homme. Et les légendes celtiques sont universelles et intemporelles et peuvent facilement être transposées à diverses époques. Certes, le Moyen Âge et son goût du merveilleux et du légendaire s'y prête particulièrement bien, il est vrai. Mais pourquoi pas un Tristan et une Iseult contemporains ? C'est d'ailleurs ce qu'avait songé à faire Catherine Hermary-Vieille avant d'opter pour le Haut Moyen Âge.

     

    Tristan et Iseult par Edmund Blair Leighton (1902)


    Pour ce qui est des personnages, ils restent toujours les mêmes, à quelques variantes près mais le contexte dans lequel Tristan obtient Iseult peut parfois connaître de fortes dissemblances d'une version à une autre. Il est toujours cependant question d'un philtre d'amour ingéré par les deux amants et qui les lie alors d'un amour indestructible et à l'épreuve de tout.
    Dans le roman d'Hermary-Vieille, Tristan est le fils de Rivalen de Loonois et de Blanchefleur, la sœur du roi de Cornouailles Marc. Orphelin, il arrive à la cour de son oncle une fois qu'il est un chevalier accompli et se met à son service. Une véritable relation de confiance et d'affection mutuelles s'installent entre eux, au grand dam de certains vassaux du souverain et notamment d'Audret, l'autre neveu du roi qui convoite la couronne de son oncle.
    Après avoir délivré la Cornouailles d'un tribut inique imposé par les Irlandais, Tristan, blessé lors de ce duel avec le représentant du roi d'Irlande, est confié à la mer : il doit gagner l'Île des Femmes où il sera soigné et remis sur pieds. Mais il accoste en Irlande où il rencontre Iseult, la fille du roi, pour la première fois.
    Bien des années plus tard, il revient la chercher pour la demander en mariage au nom de son oncle le roi Marc. Mais les deux jeunes gens ne sont pas indifférents l'un à l'autre et sur le navire qui les ramènent vers la Cornouailles, la suivante d'Iseult leur faire boire le philtre destiné à la jeune fille et au roi. Et voilà Tristan et Iseult liés par un amour indestructible et qui va les mener à leur perte sans qu'ils puissent lutter contre pour autant. Pour vivre leur amour, ils braveront les interdits et les préjugés, le jugement des Hommes et celui de Dieu. Mais jusqu'à la fin ils s'aimeront et cet amour sera même plus fort que l'envie de vivre.
    Délaissant les codes du roman médiéval, se concentrant surtout sur la romance et son déroulement, on peut dire que l'auteure s'est bien tirée du défi qu'elle s'était lancé et a relevé celui-ci de façon tout à fait satisfaisante.
    Je ressors malheureusement de cette lecture avec un avis relativement mitigé. Je n'ai pas détesté Le Rivage des Adieux, ne me suis pas ennuyée non plus au cours de cette lecture mais n'en ressors pas exaltée pour autant. Catherine Hermary-Vieille est une auteure que je connais bien, dont j'ai lu pas mal de romans pour parvenir à me faire une idée assez objective de son oeuvre et là, c'est dommage, mais elle ne m'a pas transportée. Romance oblige, j'aurais aimé vibrer avec les personnages, me sentir proche d'eux et investie dans leur aventure mais non. Beaucoup de distance est instaurée entre le lecteur et les différents protagonistes et je n'ai vraiment pas réussi à les aimer. S'ils ont pu me toucher au départ, très vite, je me suis sentie vraiment étrangère à eux. Les choix d'Iseult parfois, m'ont surprise, quant au comportement de Tristan, je l'ai trouvé relativement capricieux. Constant, certes, dans l'amour sans borne qu'il porte à sa dame mais trop ombrageux et parfois imbuvable. Ce côté capricieux on le retrouve aussi chez Iseult : j'ai donc préféré, et de loin, son homonyme, la Bretonne Yseult aux Blanches Mains, dont j'avais complètement oublié l'existence ! L'épouse de Tristan est bien plus touchante que son amante, à mon sens, moins haute et plus dans le renoncement, ce qui la rend bien plus humaine que sa rivale, pourrie d'amour et devenue donc exigeante, trop peut-être, comme peuvent l'être qui ont tout et ne sont pas habitués à l'adversité. En un mot, les personnages principaux ne m'ont pas touchée et c'est dommage car, dans le cas contraire, je pense que j'aurais pu me sentir bien plus captivée. Ici l'histoire s'est déroulée sous mes yeux, point. Elle ne me marquera malheureusement pas.
    Ce roman n'est pas pour autant un calvaire à lire, que les choses soient bien claires ! Je ne regrette pas de l'avoir lu et j'ai découvert un roman historique efficace et qui peut sans doute plaire aux amateurs du genre. Le contexte historique n'est pas clairement défini, même si l'auteure explique avoir situé son intrigue au VIIIème siècle (ce qui est plausible puisqu'il est question de récentes incursions vikings et de monastères colombaniens, en référence au fameux moine irlandais Colomban, qui évangélisa l'Europe entre les VIème et VIIème siècles) : la présence d'une féodalité relativement bien implantée dans les esprits, avec ces notions de vassalité et suzeraineté sont postérieures au VIIIème siècle et s'inscrivent plutôt dans un Moyen Âge central voire tardif. Quant aux royaumes celtiques qui y sont décrits, on pourrait plus facilement les situer au tout début de l'ère médiévale, bien que la forte christianisation induise pourtant une période plus tardive...Bref, chaque lecteur est finalement libre de faire naître dans son imaginaire le Moyen Âge qu'il préfère.
    Ce roman reste une bonne expérience. J'aurais préféré être plus investie, ressentir un peu plus d'empathie envers les deux héros. Pour autant, je ne vous déconseille pas ce roman.

    La Mort de Tristan et Iseult par Rogelio de Egusquiza (1910)

    En Bref :

    Les + : une réécriture plutôt efficace et de qualité. Une bonne restitution du mythe originel, qui n'est pas dénaturé.
    Les - : les héros ne sont pas attachants, c'est dommage. 


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  • « La charité ne va pas toujours sans un prix à payer ou des faveurs à rendre. »

    Les Mots entre mes Mains ; Guinevere Glasfurd

     

    Publié en 2016 en Angleterre et en France

    Titre original : The Words in My Hands

    Editions Préludes

    448 pages

    Résumé :

    Helena Jans van der Strom n'est pas une servante comme les autres. Quand elle arrive à Amsterdam pour travailler chez un libraire anglais, la jeune femme, fascinée par les mots, a appris seule à lire et à écrire.
    Son indépendance et sa soif de savoir trouveront des échos dans le cœur et l'esprit du philosophe René Descartes. Mais dans ce XVIIe siècle d'ombres et de lumières, leur liaison pourrait les perdre.
    Descartes est catholique, Helena protestante. Il est philosophe, elle est servante. Quel peut être leur avenir ?

    En dévoilant cette relation amoureuse avérée et méconnue, Guinevere Glasfurd dresse le portrait fascinant d'une femme lumineuse, en avance sur son temps, et révèle une autre facette du célèbre philosophe français. 
    Un roman de passion et de liberté qui nous plonge dans une fresque envoûtante des Pays-Bas au « siècle d'or », à la manière de La Jeune Fille à la Perle

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1634, René Descartes arrive à Amsterdam, après avoir séjourné à Leyde. Il loge au numéro 6, Westermarkt, chez un libraire anglais, Thomas Sergeant. Le célèbre philosophe travaille alors sur son Discours de la Méthode mais s'intéresse aussi à divers travaux scientifiques ou médicaux, en s'adonnant à de nombreuses expériences.
    Son logeur vit seul, aidé par une unique jeune servante, à son service depuis peu. Elle s'appelle Helena Jans et est originaire de Leyde : son père était un pêcheur -on apprend qu'il est mort au début de l'histoire et que c'est à cause de cela que sa mère est obligée de la placer comme servante. Son frère Thomas s'est engagé comme marin au sein de la VOC (Vereenigde Oostindische Compagnie), la Compagnie des Indes Orientales hollandaises. Amoureuse des mots, la jeune fille, issue d'un milieu modeste, a appris à lire et écrire toute seule. D'elle, on ne sait que peu de choses, si ce n'est qu'elle est originaire de Leyde, est née en 1618 et la servante de Thomas Sergeant depuis plus d'un an quand Descartes débarque à Amsterdam.
    Contre toute attente, Descartes, de vingt-deux ans l'aîné de la jeune Helena, s'éprend d'elle et elle de lui. Au mois de juillet 1635 naît leur fille Francine, unique enfant connu de Descartes et certainement le seul avéré.
    Cette liaison est authentique et assez bien documentée. Suffisamment en tous cas pour pouvoir la reconstruire et lui faire prendre corps. Guinevere Glasfurd nous livre ici une oeuvre de fiction assise cependant solidement sur des bases historiques tangibles. Helena et Francine ont bien existé et permettent de mieux connaître un personnage important de notre Histoire scientifique et philosophique. Descartes devient un peu plus humain grâce à ce roman et l’auteure nous permet de le voir autrement qu'à travers ses œuvres, car derrière l'intellectuel et le penseur, il y'a aussi un homme qui aspirait, au-delà des controverses et disputes théologiques ou scientifiques, à mener une existence comme les autres.
    Malgré tout, il ne trouvera pas la quiétude auprès d'Helena... la naissance de la petite Francine en juillet 1635 complique leur situation. Ils ne sont pas mariés et il n'en est pas question ; Helena se retrouve mère célibataire à une époque où l'on est pas tendre avec les femmes à plus forte raison si elles ont péché. Quant à Descartes, l'existence d'un enfant illégitime, si elle venait à se savoir, pourrait avoir des conséquences néfastes quant à sa carrière, car utilisée comme une arme contre lui par ses ennemis et adversaires : et ils sont nombreux. La différence de religion n'est pas non plus pour faciliter les choses.
    Descartes et Helena vivront pourtant quelques années sinon dans le bonheur du moins avec une certaine stabilité. Partageant le même foyer, le philosophe prendra le temps d'enseigner et instruire la petite Francine, qu'il prévoit d'ailleurs d'envoyer parfaire son éducation en France, projet brutalement arrêté par la mort de l'enfant en septembre 1640. Ils seront soumis aux jugements impitoyables de la société mais connaîtront somme toute quelques épisodes amoureux plutôt harmonieux. La mort de leur enfant les unira aussi dans une même détresse.
    Dans une ambiance feutrée et intimiste qui rappelle les tableaux de Vermeer mais aussi le fameux roman de Tracy Chevalier, La Jeune Fille à la Perle, Guinevere Glasfurd nous raconte une très belle histoire, qui prend une toute autre teneur quand on sait qu'elle est authentique !
    Rien à dire quant au style. Il est très poétique sans être ampoulé pour autant. On y ressent toute la fragilité d'Helena mais aussi la force du lien qui l'unit à Descartes. Pas beaucoup de descriptions ce qui nous permet de faire naître dans notre imagination de lecteur une atmosphère propre à chacun. Guinevere Glasfurd a su trouver les mots justes pour parler de l'amour, de la maternité, de la vie, de la mort.
    Son roman se savoure comme une douceur sucrée, du début jusqu'à la fin. J'ai été époustouflée par la qualité des recherches et de la langue, c'est un roman sans anachronisme, complètement inséré à son époque mais questionnant en même temps un aspect universel de l'être humain. Pas un coup de cœur mais on le frôle dangereusement ! Une lecture qui m'a en tous cas transportée. 

    En Bref :

    Les + : un roman savoureux et émouvant, qui apporte un éclairage nouveau sur l'un de nos plus grands penseurs. 
    Les - :
    Aucun ! ! 

     


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