• « Nous allons survivre - nos chansons, nos histoires. Ils ne pourront jamais nous oublier. Plusieurs décennies après la mort du dernier homme qui s'est battu à Troie, ses fils se rappelleront les chansons que leur mère troyenne leur chantait. Nous serons dans leurs rêves - et aussi dans leurs pires cauchemars. »

    Couverture Le silence des vaincues

     

     

      Publié en 2018 en Angleterre

     En 2022 en France (pour la présente édition)

     Titre original : The Silence of the Girls

     Éditions Pocket

     447 pages

     Premier tome de la saga Les femmes de Troie

     

     

     

    Résumé :

    En quelques heures, la belle Briséis, reine de Lyrnessos, a vu sa vie s'effondrer en même temps que les murs de sa cité sous les assauts des Grecs. Son mari et ses frères ont été massacrés, et elle est devenue l'esclave, le trophée parmi d'autres, de l'homme qui l'a conquise : le divin Achille, dont les générations futures chanteront les exploits.

    Briséis doit alors choisir : se laisser mourir, ou survivre et raconter son histoire. L'histoire de la femme qui a fait basculer la guerre de Troie.

    Avec elle, après trois mille ans de silence, ce sont les voix de toutes les femmes rendues muettes par l'histoire qui s'élèvent. Esclaves, prostituées, guérisseuses, effacées au profit des faits d'armes des guerriers.

    Avec une précision remarquable et un style époustouflant, Pat Barker fait naître sous nos yeux une Iliade féminine magistrale.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quelques mois avant la chute définitive de Troie, la ville voisine de Lyrnessos tombe. Les hommes en âge de combattre et même les jeunes garçons, de potentiels futurs guerriers, sont méthodiquement passés au fil de l’épée par les vainqueurs, les Grecs. Du haut de la citadelle, la jeune reine Briséis et les autres femmes de la cité ne peuvent qu’assister impuissantes au massacre et se soumettre à leur futur destin, celui d’esclaves des vainqueurs. C’est cela, ou mourir.
    Briséis est attribuée à l’un des chefs de guerre les plus charismatiques de l’armée grecque, qui assiège Troie depuis près de dix ans : Achille, que l’on surnomme parfois le divin Achille, fils du roi de Phtie Pélée et de la néréide Thétis. Alors qu’elle a vu mourir son époux le roi de Lyrnessos et ses jeunes frères sous l’épée des Grecs, la voilà soudain obligée de se soumettre à son tour et de mettre à la disposition de l’un d’eux tout ce qu’elle possède encore, à savoir, son corps.
    Briséis est au centre des derniers événements tragiques qui précèdent la prise définitive de Troie. Trophée d’Achille, elle lui est ravie par Agamemnon, autre chef de guerre grec, avec lequel le fils du roi de Phtie et chef des Myrmidons est en conflit. Ecœuré, Achille décide de se retirer du combat, au risque de voir l’armée grecque le perdre. De là, l’idée de son ami Patrocle d’endosser son armure et de mener lui-même les Myrmidons sous les murs de Troie pour galvaniser les troupes. Touché par Hector, Patrocle meurt devant la ville assiégée. Sa mort provoquera un terrible chagrin chez Achille mais aussi un irrépressible désir de vengeance qui conduira à la mort d’Hector et à l’horrible châtiment que fera subir Achille – qui lui-même sait que son destin est scellé et que la mort le guette –  à son cadavre en le traînant derrière son char, désarticulé, autour des murs de Troie.

    Léon Cogniet, Briséis rendue à Achille découvre dans sa tente le corps de Patrocle (1815), musée des beaux-arts d'Orléans.

    Briséis rendue à Achille découvre dans sa tente le corps de Patrocle (peinture de Léon Cogniet, 1815)


    Au milieu de cette atmosphère de fin du monde, les femmes sont les premières victimes et pourtant celles dont on ne parle pas. Si leurs noms ne sont pas absents de l’œuvre originelle d’Homère, en revanche, on les retient moins volontiers que ceux du rusé Ulysse, du divin Achille, du retors Agamemnon… et pourtant, ces femmes de Troie (Briséis, Chryséis, Polyxène, Cassandre, la reine Hécube et toutes les autres), si elles sont fictives, symbolisent toutes les horreurs de la guerre et les horreurs que l’on fait aux femmes en temps de conflit. Le silence des vaincues raconte la stupeur de la défaite et de la servilité, le stress traumatique d’avoir vu mourir les siens, comme Briséis qui revoit sans cesse la mort de ses jeunes frères défendant Lyrnessos. La souillure du viol aussi, car que devient une femme vaincue face à un homme vainqueur sinon un objet sexuel ?
    Et en même temps, de l’autre côté, le roman aborde assez habilement l’assimilation progressive de ces femmes…sans minimiser le choc de la capture et de l’esclavage, l’autrice nous décrit aussi les liens d’attachement qui peuvent se créer car, derrière les Troyens et les Grecs, au-delà du conflit armé, il y a parfois de simples humains qui se rencontrent et se trouvent, à l’image de Briséis et de Patrocle, l’ami de cœur d’Achille, dans lequel elle trouve une oreille attentive et une âme bonne sans méchanceté, à laquelle la jeune femme s’attache. Et la mort de Patrocle sur le champ de bataille sera pour elle tout autant une déchirure que la chute de Lyrnessos et le massacre de sa population masculine.
    Le silence des vaincues n’est pas un roman féministe mais un roman féminin. Il a le mérite de redonner une voix et une substance à des personnages qui, s’ils n’ont pas existé, ont façonné pourtant toute une culture littéraire et artistique. Quel Occidental n’a pas entendu parler de la guerre de Troie, au point parfois de ne plus savoir où s’arrête le mythe et où commence l’Histoire ? Quel Occidental, même sans avoir lu L’Iliade, n’a jamais entendu les noms d’Achille, Patrocle, Ajax, Agamemnon, Ménélas, Hélène, Priam, Hécube ou encore Cassandre ? Et à travers ces personnages, ce sont à toutes les femmes, réelles celles-là qui ont enduré depuis la nuit des temps les répercussions des conflits et toutes celles qui endurent encore les rapts, les viols, les déportations…Ce roman ne laisse pas indifférent, même si l’autrice ne tombe pas dans la surenchère. Non, les Troyens ne sont pas les gentils et les Grecs les méchants. Heureusement, la vision est un peu plus nuancée que cela et c’est ce que je loue dans ce roman, car il aurait pu être assez évident et finalement assez facile d’exploiter les vieux poncifs. Il est parfois très facile – et tentant – , d’exploiter une vision binaire et manichéenne avec d’un côté les héros et de l’autre les maudits, alors que tout n’est jamais aussi simple.
    Je crois que lorsqu’on lit Le silence des vaincues quand on est une femme, il y a forcément quelque chose qui résonne en nous et qui fait vibrer la corde de la sororité. C’est difficile de lire le récit de la captivité de Briséis et des autres femmes sans se sentir proches d’elles toutes. Certains lecteurs ont regretté la passivité de Briséis, son absence de révolte. Pour moi, au contraire, elle est légitime et l’héroïne en est d’autant plus touchante. Je ne crois pas que Briséis accepte sans se révolter de devenir l’esclave d’un homme, son vainqueur, mais quel autre choix a-t-elle ? Doit-on la considérer comme coupable ou manquant de courage, quand elle a fait le choix de la vie, à l’inverse d’autres femmes de Lyrnessos qui ont choisi la mort ? Que ferait-on à sa place ?
    Alors que les avis mitigés sur ce roman m’avaient incitée à le commencer sans trop en attendre, j’ai finalement été tout à fait captivée, du début à la fin. Non seulement c’est bien écrit mais j’ai aimé suivre Briséis. Son destin est terrible mais elle est attachante et se révèle finalement d’une force assez hors du commun dans l’adversité.
    Le silence des vaincues est un beau roman historique aux accents mythologiques et qui, prenant le contre-pied des textes anciens où la vision masculine primait, donne la parole aux femmes et pas à n’importe quelles femmes, celles pour qui le destin n’a pas été clément.
    Une chose est certaine, je lirai la suite avec beaucoup de plaisir et un véritable intérêt.

    Achille contraint de céder Briséis à Agamemnon (Ier siècle), fresque, musée archéologique national de Naples.

     Achille contraint de céder Briséis à Agamemnon (fresque du Ier siècle de notre ère, Naples)

    En Bref :

    Les + : la guerre est indéniablement une affaire de femmes, c'est bien ce que ce roman nous raconte, au-delà du mythe. Les femmes qui attendent, les femmes qui soignent et les femmes qui souffrent. Si la guerre de Troie est un récit mythique, ce que raconte ici Pat Barker est malheureusement et a été le lot de millions de femmes à travers le temps et le monde. Une belle découverte, tant d'un univers que d'une plume. 
    Les - :
     pas vraiment de points négatifs à soulever.


    Les femmes de Troie, tome 1, Le silence des vaincues ; Pat Barker

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « Toute ma vie, j'ai été un trophée. Les trophées sont là pour être exhibés, pour inspirer l'envie. Ou même le désir. Mais pas l'amour. »

    Couverture La concubine du Vatican

     

     

        Publié en 2014 aux Etats-Unis

      En 2018 en France (pour la présente édition)

      Titre original : The Lion and the Rose

      Éditions Pocket

      659 pages 

      Deuxième tome de la saga Borgia

     

     

     

    Résumé :

    De retour à Rome, Giulia Farnese, maîtresse officielle du pape et désormais mère d'une petite fille, doit face aux nouveaux dangers qui menacent son clan. Sa cuisinière et confidente, Carmelina, est rattrapée par son secret : les membres du couvent d'où elle s'est enfuie pourraient bientôt la retrouver...
    Son garde du corps, Leonello, est quant à lui bien décidé à mettre fin à la série de meurtres qui secoue la ville depuis le retour des Borgia, et à confondre l'assassin mystère qui a tué son amie Anna. 
    L'étau se resserre autour de Giulia et de ses compagnons, qui ne peuvent compter que les uns sur les autres...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    1494. L'ancien cardinal Rodrigo Borgia est parvenu à ses fins : depuis deux ans, c'est lui qui règne sur les destinées de la Sainte Eglise apostolique et romaine, sous le nom d'Alexandre VI. Mais saint, le nouveau souverain pontife est loin de l'être. Là où ses prédécesseurs cachaient pudiquement - mais sans tromper personne -, sous le nom de neveux et nièces les enfants qu'ils avaient engendré avec leurs maîtresses, le pape Borgia lui, exhibe fièrement sa portée de petits fauves prêts à s'entre-dévorer et à devenir tout puissants. Et tandis que les deux aînés, César et Juan luttent sans cacher leur animosité mutuelle pour passer l'un devant l'autre, les deux cadets, Lucrèce et Joffre sont des pions manipulables à l'envi par leur redoutable père ou leurs ambitieux frères, à commencer par le rusé mais foncièrement intelligent cardinal Borgia, César, bien décidé à devenir l'homme fort de la famille à la place de son frère le duc de Gandie, vautré dans la luxure, le stupre et la violence facile. 
    Dans cette Rome en proie à une corruption sans faille, où le poison et le sexe font la loi au Vatican, une jolie perle blonde se détache : en cette année 1494, jeune mère d'une petite fille, Laura, la maîtresse du pape n'a jamais été si belle, ni si puissante. Très épris de sa jeune amante qui pourrait être sa fille, Alexandre VI en a fait une presque reine. Cette jeune femme, c'est Giulia Farnese, sœur d'un futur pape (Paul III, Alessandro Farnese, qui restera pour toujours le pape du Concile du Trente et de la Contre-Réforme), épouse d'un parent des Borgia, le très beau mais très lâche Orsino Orsini, qui a accepté de jouer les paravents aux amours du pape et de sa jolie épouse. Maîtresse en titre, favorite comblée de bienfaits, Giulia est aussi un objet de scandale car si, sous Alexandre VI, l'Eglise n'a jamais été aussi décadente - ou du moins, ne l'a-t-elle jamais été si ouvertement depuis longtemps -, le peuple ne manque pas de regarder avec une certaine répulsion celle que l'on surnomme « la Bella » mais aussi, de manière moins respectueuse, « l'épouse du Christ », la mettant ainsi au même niveau que ces Borgia dont on se plaira, même au cours des siècles suivants, à véhiculer une légende noire qui les élèvera quasiment au rang de mythe : inceste, poison, enfants illégitimes, meurtres et violence émaillent ainsi la destinée fulgurante mais fugace de cette famille d'origine espagnole et dont le pouvoir sera aussi vaste et étendu que bref. Après la mort d'Alexandre VI au début des années 1500 et la disparition de son fils César, la famille Borgia disparaîtra progressivement dans les limbes de l'Histoire, mais pas sa réputation, qui ne cessera d'être enjolivée, à grand renfort de fausses informations et rumeurs mais qui, toutes, auraient pu être vraies tant le nom de Borgia est encore synonyme de licence, de corruption et de péchés

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    Tableau La dame à la licorne de Luca Longhi, portrait probable de Giulia Farnese (début du XVIème siècle)


    Mais Giulia, comme Lucrèce, que son père manipule comme un pion mariable selon ses alliances du moment, se débarrassant de ses fiancés ou de ses époux dès lors qu'ils ne lui sont plus utiles, n'est que le jouet de plus grand qu'elle. Certes, elle a sur le pape vieillissant un ascendant certain, mais qui, elle le sait, ne sera pas éternel : la beauté est certes une carte maîtresse pour la favorite du pape mais, intelligente, Giulia sait qu'elle ne pourra pas toujours compter dessus. L'âge du pape qui ne sera pas éternel lui non plus, la pousse à assurer ses arrières. Mais rien n'est simple dans une ville où la mort rôde à chaque coin de rue, sous la forme de la lame affûtée d'un homme de main ou dans n'importe quelle coupe de vin servie par une main malintentionnée - si l'on pense souvent au sexe débridé quand on évoque les Borgia, à tel point que les élucubrations de certains auteurs ont fini par faire d'une vérité l'inceste de Lucrèce avec ses frères ou son père, la sulfureuse famille pontificale est aussi associée à un poison particulièrement violent et toxique, la cantarella -, et il faut savoir naviguer à vue dans ce nid de serpents où personne n'est à l'abri, même ceux qui semblent les plus intouchables. 
    Second volume de la série Borgia de Kate Quinn, La Concubine du Vatican conclue cette brève saga en apothéose. Déjà, l'étoile des Borgia commence à pâlir : l'insolent et effrayant Juan, duc de Gandie puis gonfalonier des armées pontificales, tout-puissant car se sachant soutenu par son père dont il est le fils préféré, croisera plus fort que lui en 1497 et sera repêché sans vie dans le Tibre, comme n'importe quel vulgaire prostituée ou homme du peuple, lardé de maints coups de couteau. La mort brutale de son fils préféré sera pour le pape une déchirure profonde et sincère qui le poussera à s'amender et à entamer des réformes. Il semblerait que sa séparation d'avec sa maîtresse officielle, Giulia Farnese, soit concomitante à peu de choses près, avec ce décès. La jeune femme, toujours mariée à Orsino Orsini, s'installera dans la petite cité de Carbognano, dont la fille Laura héritera à la mort d'Orsini, vers 1500. Il semble qu'après cette séparation, Giulia ne renouera jamais avec Alexandre VI et n'aura pas d'autres enfants, malgré un second mariage dont on sait peu de choses. Comme les Borgia, dont la destinée fut si proche de la sienne, son nom finira par disparaître progressivement. L'Histoire ne retient d'elle que sa beauté et les quelques années pendant lesquelles elle fut l'amante d'Alexandre VI, objet de convoitise pour les hommes et mariée à un lâche contre une belle somme d'argent pour devenir le jouet d'un pape à qui on ne refusait rien et qui ne se refusait rien. 
    Si vous vous souvenez des deux séries sur les Borgia qui sont sorties il y a une dizaine d'années chez Showtime (The Borgias) et Canal + (Borgia), vous en retrouverez un peu l'ambiance dans ces romans où les fleurets ne sont pas mouchetés, où les dames sont soit licencieuses, soit prudes soit jouets de plus puissants et plus ambitieux qu'elles, où les hommes s’entre-tuent pour le pouvoir et l'argent. La Rome de la fin du XVème siècle n'a rien à envier à la Rome Antique de Néron, de Commode ou de Septime Sévère et la Ville Sainte ne l'est qu'en apparence car même les couloirs du Vatican bruissent de complots en tous genres et sont parfois le théâtre de meurtres sanglants ou de sensuelles étreintes. 
    D'ailleurs, comme son prédécesseur Le Serpent et la Perle, La Concubine du Vatican se lit étonnamment vite et facilement. On croirait regarder un film ou une série : tout y est très visuel et j'ai vraiment, littéralement dévoré ce roman, à ma plus grande surprise d'ailleurs. Ma lecture du premier tome remontant à quelques années, j'en gardais un bon souvenir certes, mais je ne me souvenais pas d'avoir autant aimé. La Concubine du Vatican est un très bon roman historique, exploitant à merveille les filons du genre. Dosant savamment ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, dans une recette équilibrée et cohérente, l'autrice prend un plaisir évident à faire évoluer ses personnages et à jouer avec la chronologie. J'ai apprécié grandement d'avoir une postface où l'autrice explique ses choix et ses parti-pris, notamment lorsqu'il s'agit de distordre quelque peu l'Histoire établie ou de modifier ici ou là un nom ou une date. 
    Comme elle le souligne elle-même en fin de volume, les Borgia sont désormais devenus un mythe. On ne peut pas envisager l'histoire de la papauté et de la Rome du XVème siècle sans en passer par l'étude de cette sulfureuse famille qui, si l'on prend le temps de se documenter, ne le fut finalement pas plus qu'une autre à la même époque. Les Borgia ne furent ni les seuls assassins, ni les seuls empoisonneurs, encore moins les seuls ambitieux d'une époque foisonnante où tout devenait possible et où la frontière entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel du pape ne fut jamais aussi mince et poreuse. 
    On ne peut nier que, près de 530 ans après le règne d'Alexandre VI sur la papauté, le simple nom de Borgia aujourd'hui est vendeur. Mais tout dépend de ce que l'on en fait derrière. Et Kate Quinn a su s'en débrouiller admirablement, je dois dire. Récit nuancé et servi par des dialogues qui font mouche, par l'alternance de trois voix (celle de Giulia, de son garde du corps Leonello et de la cuisinière Carmelina) qui lui donnent un véritable rythme, La Concubine du Vatican est un roman historique visuel et enlevé comme je les aime, dans lesquels on peut se projeter sans peine. Alors que l'autrice avait peiné à me convaincre il y a dix ans avec La Maîtresse de Rome, roman certes divertissant mais aux inégalités et défauts évidents, je dois dire qu'elle démontre ici tout son talent. Bref, je regretterais presque qu'il n'y ait pas un troisième tome, car je l'aurais probablement lu avec un plaisir non dissimulé. 

    Borgia, tome 2, La concubine du Vatican ; Kate Quinn

    Giulia Farnese (Lotte Verbeek) et Lucrèce Borgia (Holliday Grainger) dans la série The Borgias

    En Bref :

    Les + : tout y est : la réputation sulfureuse des Borgia, l'ambiance pleine de soufre et de sang de la Rome des années 1490. J'ai passé un excellent moment avec cette lecture, qui m'a très agréablement surprise. Le livre se lit comme on regarderait un film ou un épisode de série.
    Les - : la fin, peut-être un peu trop romancée et pas forcément nécessaire mais qui en soi ne m'a pas déplu pour autant.


    Borgia, tome 2, La concubine du Vatican ; Kate Quinn

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

    • Vous voulez découvrir la destinée de Giulia Farnese en long, en large et en travers ? Commencez par Le Serpent et la Perle, qui relate sa rencontre avec le sulfureux pape Borgia. Mon avis juste ici.

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  • « Pourquoi la vie quotidienne est-elle aussi bourrée d’activités routinières sans intérêt ?
    Est-ce obligatoire ? Est-ce la guerre qui colore tout en gris ? Qu’est-ce qui va bien pouvoir changer ? »

     

     

         Publié en 2013 en Angleterre 

      En 2022 en France (pour la présente édition)

      Titre original : The Cazalet chronicles, book 2,      Marking Time

      Editions Folio

      720 pages 

      Deuxième tome de La Saga des Cazalet

     

     

     

     

    Résumé :

    Septembre 1939. La Pologne est envahie et la famille Cazalet apprend l’entrée en guerre de l’Angleterre. À Home Place, la routine est régulièrement bousculée par les raids allemands. Louise rêve toujours de jouer Hamlet mais doit d’abord passer par une école de cuisine. Au grand dam de sa famille, elle fume, porte des pantalons, découvre la sexualité et fait ses débuts en tant qu’actrice dans un sinistre théâtre de province. Clary, dont le père, Rupert, est porté disparu sur les côtes françaises, renseigne scrupuleusement chaque parcelle de sa vie dans des carnets. Polly, inquiète de la mystérieuse maladie de sa mère, se lie d’amitié avec le cousin de Louise, Christopher, dont les discours pacifistes ont de plus en plus de mal à convaincre. Zoë, la femme de Rupert, a donné naissance à une fille et connu un profond bouleversement. Le volume se clôt sur l’attaque de Pearl Harbor : de Home Place à Londres, la guerre et la terreur d’une possible défaite ne semblent jamais très loin.

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    1939. La guerre européenne tant redoutée a éclaté et Home Place, la maison familiale des Cazalet dans le Sussex, n’a jamais aussi bien porté son nom. Alors que les trois fils, Edward, Hugh et Rupert, sont mobilisés, les belles-filles et les enfants s’installent tant bien que mal dans un nouveau quotidien, entre le Sussex et Londres. Bientôt, chacun se coule dans une nouvelle existence, un peu bancale certes et bouleversée par le conflit, mais qui continue vaille que vaille… Louise, l’une des aînées des enfants, poursuit son rêve de devenir actrice tandis que ses cousines Polly et Clary, encore jeunes, ne quittent plus Home Place et suivent les cours de leur gouvernante Miss Milliment. Et tandis que Polly s’inquiète de la santé soudain chancelante de sa mère Sybil, Clary quant à elle, doit faire face à la soudaine disparition de son père Rupert, engagé dans la marine. Rachel, la sœur d’Edward, Hugh et Rupert, a du pain sur la planche entre la gestion de la maison de ses parents, ses nombreux séjours à Londres où elle participe à sa manière à l’effort de guerre, en permettant à l’entreprise familiale de continuer à tourner sans trop d’encombres, alors que la capitale du Royaume-Uni, à partir de 1940, est la victime du « Blitz », ses bombardements violents qui détruisirent une partie de la ville et poussèrent nombre de ses habitants à se terrer dans des abris souterrains.
    A rude épreuve, suite d’Étés anglais, couvre les deux premières années de la Seconde guerre mondiale, de 1939 à l’hiver 1941. Après l’onde de choc de la déclaration de guerre à l’Allemagne nazie et la mobilisation, la vie s’organise comme elle le peut. Ici, pas de descriptions du conflit, pas de Résistance, pas de démonstrations d’héroïsme, pas de camps de concentrationjuste la vie « à l’arrière », quand il ne reste plus dans les villes et les villages que les femmes, les enfants et les hommes, trop vieux, trop jeunes ou malades pour être mobilisés. A Home Place, la maison pleine à craquer devient comme un petit microcosme à elle toute seule, un petit hameau grouillant de vie où le quotidien continue. Malgré le conflit, les enfants restent des enfants et déploient toujours des trésors d’imagination pour faire des bêtises ou échapper à la surveillance des adultes. Malgré le conflit, les adolescents s’ouvrent aux premiers émois amoureux, aux premiers doutes, aux premières projections vers l’avenir, même si celui-ci est des plus incertains, en ce début de conflit qui, personne encore ne le sait, va durer cinq ans et demi. Et les adultes continuent de porter le poids de leur existence, un mariage qui bat de l’aile, les soucis générés par les enfants, la maladie, l’incertitude, l’inquiétude pour les maris mobilisés ou pour les fils…car la vie ne s’arrête pas parce que c’est la guerre : on continue de vivre, de naître, de mourir, de pleurer, de se réjouir, de faire l’amour et des enfants…
    A l’image de son prédécesseur, Étés anglais, A rude épreuve est lent et assez contemplatif. La guerre est ici racontée comme une chronique, comme dans un journal intime. Bien plus que la guerre d’ailleurs, ce dont parle Elizabeth Jane Howard ici, c’est plutôt l’impact du conflit sur la vie de chacun et plus particulièrement d’une famille de la gentry britannique des années 1930-1940, pas exceptionnellement riche mais pas non plus indigente. Dans l’opulence verdoyante de la campagne anglaise, Home Place ressemble à un radeau de sécurité au milieu d’un monde qui tangue et qui coule.
    On retrouve tous les personnages rencontrés dans le premier tome, un peu vieillis ou grandis, pour ce qui est des enfants. Je suis d’ailleurs toujours aussi agréablement surprise par les descriptions nuancées de l’enfance par l’autrice, sa capacité à saisir ce qui fait l’essence d’un enfant, de son imagination prolixe à ses fragilités et ses contradictions – comme celles des adolescents aussi, d’ailleurs. Ici, ils sont un peu moins présents cela dit : par exemple, les cousins Teddy et Simon, que l’on avait suivis dans Etés anglais, sont plutôt absents de ce tome, étant en pension. A rude épreuve est un roman assez féminin, faisant la part belle aux trois belles-filles du Brig et de La Duche, les parents Cazalet : Sybil, Villy et Zoë. Si la troisième, bien plus jeune, découvre la maternité, Villy elle, doit composer avec un mariage qui n’a jamais semblé aussi peu solide et Sybil se découvre malade. Mais nous suivons aussi beaucoup les autres « femmes » de la famille, de Louise, jeune adulte au tournant de sa vie, en passant par Polly et Clary mais aussi Rachel ou encore Angela, la nièce de Villy. Si les femmes n’étaient pas à proprement mobilisées, elles participaient à leur manière à l’effort de guerre en exerçant des professions comme speakerine à la radio, infirmière, dactylo et secrétaire ou en continuant tout simplement de soutenir à bout de bras la vie de famille et les enfants, qui ne cessent pas de grandir parce que c’est la guerre, ni même d’être scolarisés et dont il faut s’occuper des bobos, des rentrées scolaires, des pantalons trop courts qu’il faut remplacer ou des accrocs qu’il faut raccommoder.
    Si j’ai eu un peu plus de mal à entrer dans ce deuxième volume, malgré le fait que le contexte y soit plus riche et que le quotidien des Cazalet soit rattaché à des événements historiques de plus grande ampleur et qui font partie de l’histoire mondiale (la mobilisation, le Blitz, l’entrée en guerre des Etats-Unis après l’attaque de Pearl Harbor en décembre 1941) et que j’ai mis quelques chapitres avant de retrouver qui était qui (ce qui, étrangement, ne m’est pas forcément arrivé avec Etés anglais), je me suis plongée dans cette lecture avec grand plaisir et ce fut encore une fois avec joie que j’ai retrouvé les Cazalet, que j’avais quittés à regret après avoir refermé le premier volume. Une chose est certaine, c’est qu’après la lecture de ce deuxième volume, qui n’a fait finalement que confirmer le très bon sentiment que j’avais eu à la lecture d’Etés anglais, je ne vais probablement pas attendre bien longtemps pour lire la suite ! Je pense que je suis partie pour un long moment avec les Cazalet, mais cela n’est pas pour me déplaire, bien au contraire.

    En Bref :

    Les + : un deuxième volume digne du premier. La chronique est toujours lente et contemplative, pour un lecteur qui aime les livres allant vite, forcément, ce peut être lassant...mais Elizabeth Jane Howard, sans surenchère, sans rien de spectaculaire, raconte la guerre dans l'intimité et le quotidien et cela, d'une main de maître. 
    Les - :
    peut-être quelques longueurs en milieu de roman, qui ne m'ont pas gênée plus que ça pour autant.


     La saga des Cazalet, tome 2, A rude épreuve ; Elizabeth Jane Howard

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

    • Envie d'en savoir plus sur les Cazalet ? Découvrez mon billet sur sur le premier tome, juste ici.

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  • «  L'homme est un animal malchanceux, au fond - toujours victime du contretemps-, il ne peut jamais jouir simultanément et pleinement des bienfaits que devrait lui procurer chaque âge de la vie. »

     

     

         Publié en 2011

      Éditions Points

      800 pages

      Deuxième tome de la saga Les couleurs du feu

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Lorsqu'Anselme Masson, spécialiste de la porcelaine, se rend à Naples sur les ordres de Marie-Antoinette pour refonder la manufacture de Capodimonte, il n'a pas idée des difficultés qui l'attendent. Mais comment s'opposer aux volontés d'une reine ? Entre machinations politiques et jalousies royales, Anselme devra faire appel à toutes les ressources de la raison pour tenir sa promesse...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    1770. Fraîchement arrivée en France pour épouser le dauphin Louis-Auguste, la petite archiduchesse Marie-Antoinette découvre avec émerveillement la Manufacture de Sèvres. Grand oeuvre de Mme de Pompadour et de Louis XV, la Manufacture royale connaît un nouveau souffle depuis qu’elle est détentrice, à l’instar de sa grande concurrente saxonne, Meissen, du secret de la porcelaine dure. Depuis dix ans et son arrivée à Paris, fraîchement débarqué de son Limousin natal avec son frère cadet Mathieu, Anselme Masson, premier chimiste de Sèvres, est devenu la pierre angulaire de la manufacture. Désormais âgé de trente ans et père de l’attachante petite Adèle, parisien jusqu’au bout des ongles, Anselme rencontre à Sèvres sa future souveraine et se voit chargé de lui faire les honneurs du lieu…
    Au même moment, dans le royaume des Deux-Siciles, l’aînée de Marie-Antoinette, qui a épousé le roi Ferdinand IV, s’ennuie. La jeune reine Marie-Caroline est mal mariée et mène une vie monotone auprès d’un mari qui préfère la chasse et la compagnie des lazzaroni dont il se plaît à parler la langue et adopter les coutumes. Elle se met alors en tête de relancer l’ancienne manufacture de porcelaine de Capodimonte, démantelée par le roi Charles à son départ pour l’Espagne : en effet, le souverain, en ceignant la couronne d’Espagne, a pris soin de faire détruire les infrastructures napolitaines et d’emmener avec lui les terres, le matériel et le personnel, pour les transplanter à Buen Retiro, non loin de Madrid. Surtout, Charles III d’Espagne a bien pris soin d’interdire à son fils Ferdinand de relancer la porcelaine dans son royaume des Deux-Siciles. Mais l’impérieuse fille de Marie-Thérèse s’en moque et demande l’aide de sa petite soeur de France pour lancer son grand rêve et produire à nouveau de la porcelaine dans son royaume italien. La dauphine charge alors Anselme de partir à Naples, pour aider Marie-Caroline à mener à bien son grand dessein.
    Mais c’est sans compter sur l’Espagne, qui voit d’un bien mauvais œil cette nouvelle activité se profiler à l’horizon. Et il se pourrait bien que la mission d’Anselme à Naples ne soit pas de tout repos et qu’il en revienne changé à jamais.
    Jaune de Naples est le deuxième tome de la trilogie porcelainière de Jean-Paul Desprat. Après Bleu de Sèvres, qui racontait les prémices de la Manufacture royale telle que Mme de Pompadour et le roi Louis XV l’avaient voulue et la grande découverte du kaolin de Saint-Yrieix qui, à la fin des années 1760, permit à la porcelaine française de devenir une porcelaine dure, comme celle de Chine ou de Saxe, Jaune de Naples raconte une nouvelle aventure exaltante quoique périlleuse : la remise sur pied de la Manufacture napolitaine de Capodimonte.
    Tous les personnages que nous avions découverts dans Bleu de Sèvres ont grandi et gagné en maturité : beaucoup sont mariés et sont devenus parents, à l’instar d’Anselme et de son frère Mathieu, qui continue quant à lui son existence de musicien à Paris et son oeuvre auprès des jeunes aveugles de l’abbé de l’Epée. Quant à Eustache, le dernier de la fratrie Masson, il semble bien parti pour suivre les traces de son aîné à Sèvres…si le tourbillon diabolique de Naples ne vient pas lui tourner les sangs à jamais.

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    Groupe sculpté en porcelaine représentant le Jugement de Pâris (Capodimonte, vers 1801)


    Ce deuxième volume, s’il est étayé tout au long du récit par la nouvelle vie de la manufacture de Capodimonte, est aussi plus politique : jeux d’influence et autres complots, dans les couloirs des palais royaux napolitains ou les couloirs feutrés d’ambassades sont au coeur du récit de Jaune de Naples. On y fréquente ainsi les sbires de l’Espagne, missionnés par le roi Charles III pour protéger sa fragile manufacture de Buen Retiro du mirage ô combien dangereux de sa belle-fille Marie-Caroline… on y croise aussi le cardinal de Bernis, très galant et très mondain ami de Mme de Pompadour, devenu ambassadeur de France à Rome, les souverains de Naples, si différents l’un de l’autre et qui semblent, comme les futurs Louis XVI et Marie-Antoinette, voués à ne se retrouver jamais sur rien de commun. Enfin, la seconde partie du roman nous raconte avec beaucoup de justesse la chute progressive de Marie-Antoinette qui, de dauphine, est devenue une reine dissipée et dépensière, s’étourdissant dans de trop nombreuses fêtes pour oublier son malheureux mariage et l’absence cruelle d’enfants. Anselme, revenu de Naples en y ayant perdu bien plus qu’il n’y a gagné, est aux premières loges de ce lent « suicide social » de la reine de France qui, d’abord adulée des masses, devient un objet de haine à mesure que son comportement se fait de plus en plus frivole et dispendieux, alors que la jeune femme ne cherche qu’à oublier dans des plaisirs fugaces les déconvenues qui sont les siennes, sa solitude et la mélancolie insidieuse qui la guette. Assujettie à ses favoris et à ses caprices, Marie-Antoinette devient progressivement l’Autrichienne honnie, cause des malheurs du peuple de France et dont on se souviendra, le temps venu, de ses péchés de jeunesse. Moins technique que Bleu de Sèvres, Jaune de Naples s’attardera peut-être un peu trop, au goût de certains, sur la chronique du temps : alors que Louis XV, sa famille, Mme de Pompadour étaient présents dans le premier tome mais plutôt en arrière-plan, laissant le devant de la scène à la découverte industrielle inégalée que sera celle du kaolin, dont découlera l’élaboration de la première porcelaine dure française, ici, nous passons beaucoup de temps dans les petits appartements de Versailles, au plus près de la jeune reine Marie-Antoinette. Je ne me souvenais pas de cet aspect du roman mais cela ne m’a pas déplu même si certains personnages m’ont un peu manqué : par exemple, j’aurais aimé voir un peu plus Mathieu et sa famille dans ce tome-ci.
    Pour autant, j’ai passé un agréable moment avec cette relecture qui – sans surprise –, ne m’a pas déçue. Encore une fois, ma lecture a été longue (une quinzaine de jours) parce que le roman est dense, très riche. Il requiert un minimum de concentration pour bien tout assimiler et je ne regrette pas, d’ailleurs, d’y avoir consacré le temps nécessaire.
    Toujours bien écrit et finement appuyé par les connaissances historiques de l’auteur qui, d’historien se fait ici romancier, Jaune de Naples est un grand roman, porté par le souffle de l’authentique Histoire – qui a dit que la fiction dépassait la réalité ? Pas moi, en tout cas. Et l’amoureuse du XVIIIème que je suis a trouvé parfaitement son compte là encore. Je n’ai plus qu’une hâte : lire le troisième tome, qui nous emmènera en pleine tourmente révolutionnaire.

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    Portrait de la famille royale des Deux-Siciles par Angelica Kauffmann (1782)

    En Bref :

    Les + : cette relecture a été aussi passionnante que la découverte, il y a dix ans, de cette saga porcelainière hors du commun. On a le sentiment de retrouver une famille et le contexte historique (fin du règne de Louis XV puis celui de Louis XVI et Marie-Antoinette) à l'aube de la Révolution est captivant. Bref, pour moi, toujours une réussite.
    Les - : quelques longueurs. 

     


     

    Jaune de Naples ; Jean-Paul Desprat

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

    • Envie d'en savoir plus sur le premier tome ? Retrouvez mon avis juste ci-dessous :

    Bleu de Sèvres, ou le début de l'aventure porcelainière en France


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  • « Le bonheur n'est pas éternel. Dès que vous commencez à vous y habituer, que vous le considérez comme naturel, prenez garde : il vous échappe déjà. »

    Couverture La maîtresse du peintre

     

     

         Publié en 2019 aux Pays-Bas

      En 2021 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Schilderslief

      Éditions 10/18

      312 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Juillet 1650. Geertje Dircx est arrêtée et conduite dans une maison de correction, condamnée à y passer douze ans. A l'origine de cette peine, le peintre Rembrandt. De sa cellule, la prisonnière revient sur les années qui ont précédé et sur son idylle avec le peintre. De milieu modeste, Geertje entre à tout juste trente ans au service de Rembrandt, en tant que nourrice de son fils. La mort de la femme de l'artiste fait de Geertje la maîtresse de maison, et la cohabitation laisse vite place à l'amour. Les deux amants vivent une relation scandaleuse, hors mariage, jusqu'à la terrible trahison de Rembrandt...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Un jour de juillet, alors qu’elle rentre tranquillement chez elle, Geertje Dircx est brutalement arrêtée et conduite à la maison d’arrêt pour femmes de Gouda. Là, elle apprend qu’elle a été condamnée à douze ans de réclusion, une peine exceptionnelle, dont elle ne purgera finalement que quatre ans. Très vite, Geertje soupçonne celui qu’elle a aimé follement d’être à l’origine de son arrestation. Celui qu’elle a aimé et avec lequel elle s’est déchirée. Désespérée, Geertje entreprend de raconter son histoire.
    Née à Edam dans un milieu modeste et sans perspective, Geertje a très vite des envies d’ailleurs. D’abord, elle quitte son village natal pour la proche ville de Hoorn, où elle va trouver une place de servante d’auberge. Là, elle rencontre un marin qui deviendra son époux. Mais il disparaît en mer quelques mois après leur mariage et Geertje va devoir trouver un nouveau travail : elle entre au service d’une famille aisée de la ville, les Beets, dont elle devient la gouvernante, s'occupant de la gestion de la maisonnée et surtout, des soins quotidiens apportés aux nombreux enfants. Se faisant au fil des ans une place au sein de la famille, Geertje doit pourtant quitter ses employeurs lorsque les enfants ont grandi et que leur situation financière se dégrade.
    Mais sa bonne réputation la précède et, alors que Geertje se trouve sans emploi, on lui parle d’un couple d’Amsterdam ayant besoin d’une nourrice pour leur petit garçon d’à peine un an. La mère est malade et moribonde, il ne lui reste plus longtemps à vivre et le père, peintre réputé, ne peut s’occuper seul de l’enfant. C’est ainsi que Geertje va faire la connaissance de Rembrandt van Rijn, l’un des peintres hollandais du XVIIème siècle les plus connus. D’abord, c’est auprès de son épouse, la jolie mais faible Saskia, rongée par la phtisie, que Geertje travaille, prenant soin de la jeune femme et surtout de son bébé, le petit Titus. Comme chez les Beets, Geertje devient presque indispensable au ménage et plus encore quand Saskia disparaît : elle prend alors le rôle de mère de substitution auprès de l’enfant et dirige la maison pendant que la maître peint pour gagner sa vie.
    Au départ, leur relation est distante, celle d’un maître et de sa gouvernante, une relation certes de confiance mais qui s’arrête là. Et puis, petit à petit, elle va évoluer : après avoir progressivement pris la place de sa mère auprès du petit Titus, veillant sur lui avec dévouement, c’est aussi la place de Saskia dans le lit de Rembrandt que Geertje va occuper. Ils vivront ainsi plusieurs années, comme mari et femme : mais dans la société conservatrice et protestante des Pays-Bas du XVIIème siècle, leur relation fait scandale et seule la renommée de Rembrandt les protège un peu de l’hostilité croissante qui les entoure.

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    Jeune femme nue dans un lit (1645) : ce tableau de Rembrandt pourrait être un portrait de Geertje Dircx


    Mais très vite, leurs relations se dégradent : en embauchant une nouvelle servante, Geertje fait entrer le loup dans la bergerie. Rembrandt s’éloigne d’elle mais Geertje se raccroche aux promesses de mariage que le peintre lui a faites. Pourtant, la séparation est inéluctable et, bientôt, le couple se déchire avec violence. Aucune solution ne sera jamais trouvée, conduisant à la séparation pure et simple, au départ de Geertje d’Amsterdam puis, quelques années plus tard, à son arrestation et à son incarcération à la Spinhuis (la prison pour femmes) de Gouda.
    Dans une ambiance feutrée et en clair-obscur qui rappellent les glorieuses heures du Siècle d’or hollandais, Simone van der Vlugt, romancière néerlandaise dont la renommée internationale est grandissante, nous raconte ici le destin authentique de Geertje Dircx, une jeune néerlandaise devenue maîtresse de Rembrandt et pour lequel elle aurait servi de modèle (ainsi, les spécialistes émettent l’hypothèse que Geertje aurait prêté son visage à la Danaé de Rembrandt, qui remplacera la figure de sa défunte épouse Saskia après son décès ; elle aurait été aussi le modèle de jeune femme nue du tableau Jeune femme au lit, datant de 1645). Si elle est relativement méconnue aujourd’hui hors des frontières néerlandaises, une légende noire tenace la poursuit, faisant d’elle le mauvais ange de Rembrandt, une femme intéressée, vénale et antipathique, qu’elle n’est probablement pas.
    Partant en quête d’archives, Simone van der Vlugt a fait un formidable travail de recherches pour étayer son roman et essayer de brosser un portrait nuancé de Geertje. Elle ne cherche pas à la réhabiliter ni même à prendre un contre-pied absolu de ce qui a pu être dit ou écrit précédemment, au risque de tomber à son tour dans l’écueil du contre-sens. La motivation de l’autrice ici est d’apporter une nuance à la mauvaise réputation forgée post-mortem à Geertje qui est, en face de Rembrandt, bien peu de chose et dont on ternira l’image pour que celle du maître en sorte grandie et sans taches. Et parce que, pendant longtemps, les historiens ont été des hommes, Simone van der Vlugt cherche aussi à opposer à des poncifs misogynes qui ont la vie dure un portrait un peu moins négatif de Geertje dont, au fond, on ne sait pas grand-chose, les textes étant lacunaires ou se contredisant.
    On ne sait pas et on ne saura probablement jamais si les accusations de Rembrandt envers son ancienne maîtresse sont vraies ou fausses. L’incarcération de Geertje a-t-elle été abusive ? Rembrandt a-t-il menti ou bien Geertje s’est-elle en effet rendue coupable de mensonges et de chantage ? Tout cela, nous ne le saurons probablement jamais. Pour autant, le destin de cette femme, qui fut très certainement une victime d’une société profondément inégalitaire et phallocrate, est édifiant. Quels qu’aient été les agissements de Geertje au sein du couple qu’elle forma avec Rembrandt, méritait-elle pour autant une peine aussi lourde, souvent même pas prononcée pour un crime plus grave ?
    J’ai vraiment apprécié cette lecture, malgré les réserves de certains autres lecteurs, que j’avais en tête au moment de commencer la lecture de ce roman : au final, les quelques bémols soulevés par certains ne m’ont pas gênée et j’ai trouvé que cette lecture se déroulait avec fluidité. Le récit se lit avec aisance et l’on suit avec beaucoup d’intérêt le destin de Geertje, de sa jeunesse modeste dans un village de pêcheur jusqu’à son arrivée à Amsterdam. Je regrette juste que l’accent n’ait pas plus été mis, par moments, sur la peinture de Rembrandt, comme Tracy Chevalier avait pu le faire par exemple dans La jeune fille à la perle, donnant certes la parole à la petite Griet, servante des Vermeer mais orientant aussi le regard du lecteur vers l’activité du peintre, son atelier, sa façon de travailler – quand on a lu La jeune fille à la perle, difficile par exemple d’oublier l’initiation au mélange des pigments dispensé par Vermeer à une Griet timide et impressionnée. Ici, hormis quelques allusions à la peinture de La Ronde de Nuit, probablement l’un des tableaux les plus connus du XVIIème siècle néerlandais, à l’atelier du peintre où apprennent de jeunes garçons de tous horizons et au tableau Jeune femme nue dans un lit, qui serait un portrait de Geertje, l’activité de peintre de Rembrandt est absente. Peut-être à dessein, pour laisser la part belle de Geertje, mais malgré tout j’ai été un peu frustrée de ne pas avoir aussi cet angle de vue dans le roman ou disons, pas assez.
    La maîtresse du peintre n’est malgré tout pas une mauvaise découverte et c’est un roman historique efficace. J’ai passé un bon moment et la plume de l’autrice n’est pas désagréable. J’ai maintenant bien envie de découvrir d’autres romans de Simone van der Vlugt et de continuer ainsi mon incursion dans la littérature néerlandaise contemporaine que je connais très mal.  

    Amsterdam au XVIIème siècle est une ville commerciale mais aussi considérée comme capitale de la peinture

    En Bref :

    Les + : bien écrit et bien documenté ce roman redonne une voix à un personnage oublié ou maltraité par l'histoire, Geertje, maîtresse de Rembrandt et qui fut condamné à plusieurs années de prison à l'instigation du peintre. Une plongée feutrée et en clair-obscur dans le Siècle d'or hollandais dont Rembrandt est l'un des fers de lance
    Les - : j'ai été un peu frustrée que le roman n'aborde pas plus la peinture de Rembrandt, mais ceci n'est qu'un ressenti personnel.


    La maîtresse du peintre ; Simone van der Vlugt

       Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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