• « Et puisqu'un homme peut être emporté en plein ouvrage à n'importe quel moment, le mieux qu'on puisse espérer est de laisser derrière soi une trace de son passage, que ce soit la carcasse d'un immeuble ou le cœur battant d'un enfant. S'il ne laisse rien, qui pourra dire qu'il a vécu ? »

     

     

     

         Publié en 2018 en Angleterre

      En 2022 en France (pour la présente édition)

      Titre original : The mermaid and Mrs Hancock

      Éditions 10/18 (collection Littérature étrangère)

      596 pages 

     

     

     

     

    Résumé :

    Un soir de septembre 1785, on frappe à la porte du marchand Hancock. Sur le seuil, le capitaine d'un de ses navires qui prétend avoir ramené une créature fabuleuse pêchée en mer de Chine. Une sirène. 
    Entre effroi et fascination, le Tout-Londres se presse immédiatement pour voir la chimère. Et ce trésor va permettre à Mr Hancock d'entrer dans un monde de faste et de mondanités, et de rencontrer la fascinante Angelica Neal. Entre le timide marchand et la belle scandaleuse se noue une relation complexe, qui va les précipiter l'un et l'autre dans une spirale dangereuse. Car les pouvoirs de la sirène ne sont pas que légende. Aveuglés par l'orgueil et la convoitise, tous ceux qui s'en approchent pourraient bien basculer dans la folie... 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Londres, 1785. Un soir brumeux de septembre, Jonah Hancock, négociant de Deptford, reçoit la visite du capitaine d'un de ses navires de commerce ayant sillonné le globe : quelle n'est pas sa surprise lorsque celui-ci lui avoue avoir cédé le bateau pour acheter une créature aussi fabuleuse que mystérieuse et monstrueuse : une véritable sirène pêchée en mer de Chine
    Si la créature, morte et momifiée n'a rien de séduisant, elle va pourtant créer un véritable engouement à Londres rendant son propriétaire célèbre...et c'est à l'occasion de la présentation officielle de la sirène dans une luxueuse maison de plaisirs londonienne que Jonah Hancock, veuf reclus et secret rencontre une femme, la séduisante et magnétique Angelica Neal, mondaine et courtisane, que l'on aurait appelée cent ans plus tard une cocotte : celle-ci vit des largesses des hommes qu'elle séduit et qui l'entretiennent. L'effrayante sirène rapproche ainsi deux êtres qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Et, poussé par la folie de plaire à la belle, Hancock lance son capitaine sur la piste d'une autre sirène, bien vivante cette fois. Il ne sait pas que cette quête effrénée et la trouvaille par le capitaine Jones d'une sirène en mer du Nord va bouleverser sa vie à jamais. Quel est donc le pouvoir néfaste de cette sirène prisonnière qui semble semer dans son sillage nostalgie, mélancolie et humeur noire ? 
    La sirène, le marchand et la courtisane est un ovni littéraire, un roman qui ne ressemble à rien de ce que l'on peut lire ordinairement. Pour un premier roman, c'est un coup de maître, pas exempt pour autant de défauts - nous y reviendrons dans cette chronique. 
    Si je devais d'abord lister ce qui m'a plu dans ce roman, c'est son ambiance (vous visualisez les séries Poldark, Harlots ou, en encore plus sombre, Taboo ? Eh bien, nous sommes totalement là-dedans) mais aussi son panel de personnages, des prostituées de luxe comme Angelica jusqu'aux négociants comme Jonah Hancock. Ils n'ont rien en commun, évoluant dans des modes concomitants et en même temps parallèles, dans une société si cloisonnée que l'on ne s'y croise pas ou alors de manière feutrée et anonyme et pourtant, seront un jour réunis par la même fièvre : celle de voir une sirène, créature fantasmagorique et porteuse de tous les fantasmes. Une véritable chimère et c'est bien de cela dont il s'agit : la sirène étant par essence un être imaginaire, qu'est-ce que la petite créature ramenée par le capitaine Jones de la lointaine et légendaire Asie ? Et quelle est la nature de la seconde créature capturée en mer du Nord ? Et si ces sirènes n'étaient rien d'autre que...du vent
    Si vous aimez les romans qui vont vite, un conseil : passez votre chemin, La sirène, le marchand et la courtisane risque de vous ennuyer. Non seulement le roman est lent et en même temps, il ne s'y passe pas grand chose : je vous vends du rêve, là non ? Sûrement pas. Et pourtant, ce n'est pas ici que réside la force de ce récit, à mon sens. Peu importe qu'il ne s'y passe grand chose parce que son intérêt se situe ailleurs. C'est l'originalité de l'intrigue, les personnages pleins de relief et de complexité qui sont, je pense, l'atout majeur de ce roman. Et le style de l'autrice également, qui écrit particulièrement bien : d'ailleurs, on peut aussi souligner le travail du traducteur qui a réussi à retranscrire en version française le sel de la plume d'Imogen Hermes Gowar, qui a réussi avec brio à décrire un siècle, une époque et à en retranscrire l'ambiance, des quartiers commerçants du Londres géorgien aux maisons closes de luxe, tenues par des « abbesses » dont l'influence n'était pas négligeable, dans une société où tout un chacun fréquente les prostituées, du plus simple des bourgeois à l'aristocrate proche du pouvoir. 
    Pour autant, ce roman m'a laissée sur ma faim parce que j'ai plein de questions qui me sont venues au cour de ma lecture et je l'ai terminée sans réponse, d'où un peu de frustration. Je me suis demandé tout au long de ma lecture ce que représentait cette sirène, d'autant plus que l'autrice lui a donné une voix propre, la rendant donc particulièrement vivante et palpable : lisais-je un simple roman historique ou bien, soudainement, avais-je basculé dans un roman teinté de fantastique où la sirène n'est qu'une créature parmi d'autres, un être doté de vie et non pas une simple légende ? Ou bien cette sirène n'est-elle qu'une chimère, une allégorie, symbole d'un siècle déjà cartésien et qui par là se rapproche de notre propre époque mais encore crédule malgré tout, gouverné par des croyances ancestrales que la science n'a pas encore déconstruites ? Peut-on aussi la rapprocher de ces femmes qui peuplent le récit à commencer par Angelica, courtisanes de haut vol, élevées dans un monde parfumé et secret où le plaisir est érigé véritablement au rang d'art ? Vénéneuses et dangereuses, opposées dans la société des année 1780 aux femmes vertueuses, mères et épouses honnêtes, ne peut-on pas y voir une corrélation avec la sirène, mi-femme mi-poisson, dont le pouvoir de séduction est aussi attrayant que destructeur ? 
    Ou alors, la sirène de Jonah Hancock est une mystification, mais suffisamment subtile pour passer pour une créature authentique (encore aujourd'hui, on peut voir par exemple au musée national du Danemark un squelette de « sirène » forgé de toutes pièces par la main de l'homme) ? 
    La fin se termine de manière un peu abrupte et sans avoir apporté forcément de réponses ce qui, en un sens, permet à chaque lecteur, selon sa propre sensibilité, d'interpréter le roman comme il le veut. 
    Je crois que je peux dire sans exagérer que La sirène, le marchand et la courtisane est le roman le plus surprenant, le plus imaginatif que j'aie pu lire cette année. En cela, il ne m'a pas déçue car c'est vraiment le sentiment que j'ai eu à la lecture du résumé. Je m'attendais à quelque chose d'atypique et, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce roman l'est mille fois ! 

    En Bref :

    Les + : un récit extraordinaire dans le sens où il ne ressemble à rien de ce que l'on peut lire généralement, entre historique pur et fantastique, un style incroyable, subtilement maîtrisé et qui sait se faire parfumé et ondulant comme une courtisane, sale et désordonné comme les docks de Londres...Imogen Hermes Gowar nous offre une plongée tête la première dans le Londres du XVIIIème siècle, dans tout ce qu'il a de trivial et de mystérieux.
    Les - : une fin un peu abrupte qui ne résout rien et n'apporte aucune réponse : mais peut-être est-ce fait exprès, tout compte fait.


    La sirène, le marchand et la courtisane ; Imogen Hermes Gowar 

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     


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  • «  Les suppôts du mal parvenaient toujours à leurs fins, semblait-il. Peut-être en irait-il toujours ainsi en ce bas monde. »

    Couverture Le crépuscule et l'aube

     

     

           Publié en 2020 en Angleterre

       En 2022 en France (pour la présente édition)

       Titre original : The Evening and the Morning

       Éditions Pocket

       1024 pages

     

     

     

     

    Résumé :

    997. Les Anglais font face à des attaques de Vikings qui menacent d'envahir le pays. En l'absence d'un État de droit, c'est le règne du chaos.
    Le jeune Edgar, constructeur de bateaux, voit son existence basculer quand sa maison est détruite au cours d'un raid viking.
    Ragna, jeune noble normande insoumise, épouse par amour un Anglais, mais sa désillusion sera grande face aux mœurs et aux mentalités d’outre-Manche.
    Aldred, moine idéaliste, rêve de transformer sa modeste abbaye en un centre d'érudition de renommée mondiale.
    Tous trois devront s’opposer à leurs risques et périls à l'évêque Wynstan, prêt à tout pour accroître sa richesse et renforcer sa domination.
    Dans cette extraordinaire épopée où se mêlent vie et mort, amour et ambition, violence, héroïsme et trahisons, Ken Follett revient à Kingsbridge et nous conduit aux portes des Piliers de la Terre.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    997, quelque part dans le sud-ouest de l’Angleterre. Le jour du solstice d’été, le jeune Edgar, fils d’un modeste charpentier de marine, a projeté de quitter discrètement sa ville de Combe avec la jeune femme qu’il aime, pour recommencer ailleurs une nouvelle vie.
    Mais à l’aube, Combe est victime d’une violente attaque des Vikings qui écument la Manche : la ville est incendiée et rasée et de nombreux habitants sont tués ou capturés pour devenir esclaves. La vie d’Edgar bascule et, avec les siens, doit trouver un nouveau logis. Sa mère, ses frères et lui vont alors se faire fermiers, dans un petit hameau non loin de Combe, Dreng’s Ferry.
    Au même moment en Normandie, Ragnhild de Cherbourg, la fille du seigneur local, que tout le monde appelle Ragna, s’apprête à contracter un mariage avec le fils du comte de Reims, Guillaume, qu’elle n’a jamais vu. Mais une rencontre inattendue bouleverse sa vie et c’est finalement outre-Manche que Ragna va élire domicile avec l’homme qu’elle a épousé par amour… mais la jeune femme va vite comprendre qu’un mariage d’amour ne garantit pas une union heureuse ni une vie calme et tranquille et va au-devant de bien des désillusions.
    En parallèle, nous suivons aussi le frère Aldred, prieur à l’abbaye de Shiring et esprit fort, dont l’ambition n’est rien de moins que de fonder un centre monastique de premier ordre dont l’érudition et le savoir rayonneraient dans toute la chrétienté.
    Ces trois personnages que rien, au départ, ne semble unir ni même rapprocher, vont se rencontrer, parfois s’unir et se séparer, dans une époque où l’Angleterre médiévale se défait peu à peu des limbes des Âges des Ténèbres (où Âges obscurs) pour tourner le regard vers la lumière du Moyen Âge central, marqué par un essor culturel, économique et bâtisseur sans pareil et qui fait suite à une longue période intermédiaire, suivant l’effondrement de l’Empire romain et marquée par une régression culturelle et économique (que les historiens tendent cependant à minorer depuis quelques temps mais qui caractérise néanmoins l’Antiquité tardive et les premiers siècles du Moyen Âge).
    Ragna, Edgar et Aldred, sont les « ancêtres » en quelque sorte des personnages que l’on a rencontrés dans Les Piliers de la Terre : ainsi chez Ragna, on retrouve la noble Aliena de Shiring, Edgar est en quelque sorte l’alter ego de Tom le bâtisseur mais surtout de Jack, élève de Tom le bâtisseur à Kingsbridge, exalté et porté par ses rêves. Aldred évoque le prieur Philipp et chez Wynstan, évêque bien peu préoccupé de religion mais beaucoup de pouvoir, d’argent et de femmes, j’ai retrouvé le personnage sournois de Waleran Bigod.
    Chez Ken Follett rien ne finit trop mal mais pour atteindre le bonheur, les personnages vont passer par des tas de turpitudes et d’aventures, certaines heureuses et d’autres particulièrement désagréables. C’est finalement l’expérience de la vie que chacun fait, ici au sein d’une communauté ici en mutation, reflet de l’Angleterre aux tournants des Xème et XIème siècles. Ainsi, on découvre les origines de Kingsbridge, au départ petit hameau perdu mais qui va prospérer grâce à l’octroi d’une charte par le roi Ethelred et qui devient la ville florissante et en passe de se doter d’une cathédrale, dans Les Piliers de la Terre…
    Le crépuscule et l’aube, c’est Les Piliers sans être Les Piliers…évidemment, si vous avez lu le roman culte de Follett avant de vous tourner vers sa genèse, vous retrouverez des similitudes, l’impression de renouer avec un univers connu, familier, mais qui a un peu changé. Ici, tout est encore à faire et j’ai pris plaisir à rencontrer les prédécesseurs de ces personnages qui ont pu tant me marquer (Tom, Ellen, Jack, Aliena) à la lecture des Piliers de la terre.
    Pour autant – et de toute façon, il est difficile d’égaler Les Piliers de la terre, même pour Follett lui-même je pense -, Le crépuscule et l’aube m’a parfois moins captivée, j’y ai trouvé plus de longueurs. Alors, attention, ça reste passionnant et si vous aimez les romans historiques, vous aimerez sans nul doute celui-ci (et si vous aimez l’univers médiéval de Ken Follett, je pense que vous ne serez pas déçus par Le crépuscule et l’aube). Au moyen de la fiction, l’auteur dresse un portrait fidèle et bien documenté de la société médiévale en Angleterre et en Normandie : corruption des religieux, condition de la femme, esclavage, polygamie, la puissance de la noblesse qui est en train de s’installer durablement sur les territoires, à l’aube de l’époque féodale, prémices aussi de l’exaltation bâtisseuse qui caractérise le Moyen Âge central avec l’apparition du roman et du gothique… tout y est. Le Moyen Âge revit sous la plume alerte de Follett et s’incarne dans la multitude des personnages que l’on croise, de Wynstan l’évêque ambitieux et cupide, aux artisans et paysans en passant par les commerçants prospères, les bâtisseurs éclairés comme Edgar, les jeunes femmes soumises aux caprices et volontés des hommes, qu’elles soient nobles comme Ragna, de condition modeste comme Leaf et Ethel les deux épouses du batelier de Dreng’s Ferry ou esclaves comme la jeune galloise Blod, devenue servante et objet sexuel pour son maître, dont elle est la propriété exclusive.
    Un autre lecteur a fait une remarque assez juste à propos du roman : chez Follett, les gentils sont de vrais gentils et les méchants font le mal avec un plaisir non dissimulé et déploient des trésors d’imagination pour parvenir à leurs fins…malveillantes, évidemment. C’est vrai qu’il y a un certain manichéisme qu’on ne peut pas nier, un bien et un mal clairement définis s’affrontant tout au long du roman. Et, sans rien vous divulguer de véritablement important, on s’attend forcément à un happy end, c’est vrai. Mais si le bien triomphe de tout (alors c’est un peu convenu, je vous l’accorde), il n’en est pas moins souvent mis à l’épreuve et ce qui, au départ, pourrait être franchement cliché, ne l’est peut-être plus tout à fait à la fin…
    Je ressors donc de cette lecture bien moins exaltée que je ne pensais l’être en l’entamant : malgré mon intérêt pour le récit et son déroulement, je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir des longueurs et mon rythme de lecture s’en est ressenti. Je sais que de nombreux lecteurs ont été déçus par Le crépuscule et l’aube car ils n’y ont pas retrouvé ce qu’ils avaient tant aimé dans Les piliers de la terre…certes, je peux le comprendre. Personnellement, même si effectivement le roman ne m’a pas offert exactement ce que j’attendais en en démarrant la lecture, j’ai aimé suivre Ragna, Aldred et Edgar, nos trois personnages principaux auxquels je me suis vraiment attachée – et c’est très important pour moi, ça : mon intérêt pour un roman passe souvent par l’attachement que j’ai pu ressentir pour les personnages. J’ai frémi pour eux, j’ai souri, j’ai espéré qu’ils arrivent à leurs fins parce qu’au fond, même si on trouve souvent ennuyeux que les plus vertueux triomphent, on apprécie malgré tout que leurs ennemis soient châtiés – comme une sorte de parabole divine, qui viendrait punir ceux qui ont fait de la malveillance et de la violence leur fer de lance.
    Le crépuscule et l’aube est donc un roman historique cohérent et efficace, qui a les défauts de ses qualités : un roman aussi dense ne peut pas ne pas avoir quelques longueurs par moments et présente donc quelques inégalités. Il est malgré tout prenant et captivant et repartir à Kingsbridge (avant Kingsbridge) est forcément émouvant quand, comme moi, on a beaucoup aimé Les Piliers de la terre.

    En Bref :

    Les + : c'est une genèse agréable et réussie, une belle fresque médiévale et historique qui rappelle Vikings ou The Last Kingdom.
    Les - : un peu moins captivant que Les piliers de la terre ou Un monde sans fin...quelques longueurs. 


    Le crépuscule et l'aube ; Ken Follett

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • «  La cire protège l'intimité. Elle scelle les lettres, conserve les mots du monde à leur bonne place, jusqu'à ce que de justes mains leur permettent de sortir. »

    Couverture Petite

     

     

      Publié en 2018 en Angleterre

        En 2022 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Little

      Editions Pocket

      560 pages  

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Marie Grosholtz est si petite qu'on l'appellera Petite. Née en Alsace en 1761, l'orpheline ne trouve sa place dans la vie qu'au service du Dr Curtius, sculpteur sur cire. On s'arrache alors, dans la bonne société, ces portraits confondants de ressemblance. La mode est telle que les petits pas de Marie la mèneront à Versailles, auprès d'Elisabeth, sœur du roi. Las, la Révolution, elle aussi, a ses têtes - et elle veut les faire tomber. Marie échappera à la guillotine en confectionnant les masques mortuaires des plus grands, Louis XVI, Marat, Robespierre... Le sang coule et Marie pétrit la cire : un destin qu'elle poursuivra jusqu'à Londres, sous le nom de... Mme Tussaud ! 

    Ma Note : ★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Petite, c’est l’histoire de Marie Grosholtz, plus connue sous son nom de Madame Tussaud, qu’elle laissera au célèbre musée londonien Madame Tussaud’s.
    On oublierait presque que Marie Grosholtz est en fait née à Strasbourg en 1761 et passera de longues années en France. A sa naissance, l’Alsace est alors terre d’Empire : son père, Joseph Grosholtz est un soldat originaire de Francfort et de sa mère, Anne Marie Walder, on ne sait rien ou presque. Dans le roman, Edward Carey la présente comme une jeune femme modeste de dix-huit ans à la naissance de sa fille, mariée à un homme beaucoup plus âgé. Une fois veuve, Anne Marie Walder doit quitter sa région pour Berne, où elle entre au service du docteur Philip Curtius, qui sera l’initiateur de Marie et lui apprendra à modeler la cire.
    En 1765, le docteur Curtius quitte Berne pour Paris, où il fera venir Marie et sa mère deux ans plus tard. En 1770, il expose pour la première fois ses statues de cire et enseigne en parallèle son savoir-faire à la jeune fille, faisant d’elle une sorte d’assistante. En 1776, l’exposition des personnages de cire de Curtius est déplacée au Palais-Royal. La première réalisation personnelle de Marie est le visage de Voltaire, en 1777. Elle modèle ensuite celui de Rousseau, l’année suivante et même, le portrait de Benjamin Franklin, alors en voyage en France.  L’hypothèse que Marie Grosholtz ait été pendant un temps professeur de Madame Elisabeth de 1780 à 1788, sœur de Louis XVI, lui enseignant l’art des moulages en cire et, en parallèle, un peu des rudiments d’anatomie acquis auprès de Curtius, n’est pas assurée (il se pourrait qu’elle ait enjolivé ses Mémoires et imaginé cet épisode de sa vie).
    Au début des années 1780, Philip Curtius expose des bustes de personnalités, boulevard du Temple et notamment les bustes de criminels, présentés dans une « Caverne des Grands Voleurs », qui inspirera par la suite Marie Tussaud pour sa Chambre des horreurs.

    Mais en ces dernières années de la monarchie, le tonnerre gronde et le royaume vacille sur ses bases : bientôt, Marie et Curtius sont emportés par la tourmente révolutionnaire et les torrents de sang qu’elle verse dans les rues de la capitale.
    Toujours selon ses Mémoires, probablement très romancés, Marie aurait été arrêtée sous la Terreur, peut-être dénoncée par un concurrent, Jacques Dutruy, aide du bourreau de Paris Samson. Jetée en prison, attendant son jugement, elle aurait partagé la cellule d’une certaine créole, Rose Tascher de La Pagerie, future impératrice Joséphine. Sauvée par l’intervention du peintre Jacques-Louis David, Marie reprend ses activités de sculptrice sur cire : elle réalise ainsi les masques mortuaires de Marat et de l’ancienne reine Marie-Antoinette, en juillet et octobre 1793 puis de Robespierre, après le 9-Thermidor.
    En 1794, Philip Curtius meurt, léguant toute sa collection à Marie. L’année suivante, alors que les horreurs de la Terreur ont laissé la place aux fastes extravagants du Directoire, Marie épouse François Tussaud, dont elle aura trois enfants : une fille, mort-née et deux garçons, Joseph et François.
    A la suite de la paix d’Amiens, en 1802, qui met fin à la Deuxième Coalition, Marie se voit invitée à Londres par le magicien Paul Philidor, qui lui fait signer un contrat d’association. Elle quitte alors son mari et la France pour la capitale britannique, en compagnie de son fils aîné Joseph, alors âgé de 4 ans. Elle ne rentrera jamais et entame alors une tournée dans toutes les îles britanniques avec son musée de cire itinérant, attirant notamment un public nombreux grâce à ses œuvres sur le thème de la Révolution française et plus particulièrement de la Terreur, pendant laquelle elle aurait d’ailleurs été emprisonnée et promise à la guillotine. Ce sont les prémices de ce que seront un jour les musées Madame Tussaud’s, que l’on retrouve encore aujourd’hui à Londres mais aussi aux Etats-Unis (New York, Las Vegas) ou encore, en Asie (Hong Kong). Le groupe Tussaud, racheté en 2007 par Merlin Entertainments est le second groupe de loisirs au monde après le groupe Disney.

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    Marie Tussaud à l'âge de 42 ans : portrait par John Theodore Tussaud, daté de 1921


    Celle que l’on appellera plus que Madame Tussaud s’éteint dans son sommeil en avril 1850, à l’âge de 88 ans : née alors que les fastes de la monarchie française connaissent leur apogée et amorcent sans le savoir leur déclin, Marie Grosholtz meurt à l’ère de la révolution industrielle, alors que les cheminées d’usine barrent l’horizon et que les trains à vapeur sillonnent les territoires, appelés un jour à remplacer les berlines à cheval. Trait d’union entre les temps anciens et l’époque contemporaine, Marie Grosholtz a pourtant sombré dans l’oubli de l’Histoire. Car si le musée londonien Madame Tussaud’s évoque vaguement quelque chose, que sait-on de celle qui se cache derrière sa création ?
    Petite, d’Edward Carey, rend sa voix et son enveloppe humaine à un personnage historique mais aussi, à une femme, aucunement destinée lorsqu'elle vient au monde à devenir quelqu'un. C’est très romancé mais aussi, très plaisant à lire : et pourtant, lorsque j’ai commencé ma lecture, j’étais loin de le penser. Alors que j’attendais de lire ce roman depuis longtemps (j’avais déjà envisagé de le lire pour le Pumpkin Autumn Challenge l’année dernière mais au final, je ne me l’étais pas procuré à temps), voilà que les premiers chapitres me mettent mal à l’aise…très mal à l'aise. Littéralement, le livre me tombe presque des mains et je suis déçue de sentir que je passe à côté. Je me dis que c’est dommage, vu que j’attendais ce livre depuis longtemps.
    Et puis finalement, c’est juste que la rencontre a mis un peu de temps à se faire, voilà tout et je ne regrette pas d’avoir suivi les conseils d’une autre lectrice qui m’avait confié avoir ressenti la même chose que moi mais avait persévéré et beaucoup plus aimé par la suite. Effectivement, c’est aussi ce qu’il s’est passé pour moi et, pour mon plus grand plaisir, le reste du roman a su me convaincre et me captiver. Mais je tiens à vous prévenir : Petite n'est pas d'un abord facile et si vous aimez vous attacher, vous identifier aux personnages de vos lectures, ici, c'est relativement difficile.
    Toutes les rencontres ne sont pas des coups de foudre : il y a des romans qui vous happeront dès les premiers mots et c’est plaisant de pressentir le coup de cœur final dès les premières pages. Mais parfois, il faut un peu plus de temps pour apprivoiser un livre et c’est tant mieux, même si on ressent quelques sueurs froides.
    L’ambiance de Petite est vraiment particulière et nécessite un temps d’adaptation : je crois que c’est ça qui m’a fait penser que je n’aimerais pas. J’avoue que je ne sais pas trop où j’allais dans les premiers chapitres…certes, l’écriture est excellente, les personnages mystérieux et l’ambiance « cabinet de curiosités » interpelle…et en même temps, à mesure que j’enchaîne les pages, je ne me sens pas à l’aise. Puis petit à petit, ce sentiment s’est dissipé même si le roman devient violent et sanglant, notamment tous les chapitres traitant de la Révolution française. Edward Carey ne met pas les formes, c’est certain et c’est parfois sale, parfois grossier, parfois trivial à l’image d’un siècle où les plus grands raffinements côtoient la fange la plus grasse.
    Suivre Marie tout au long de son existence à l’incroyable longévité (pour l’époque) c’est découvrir un destin non conventionnel, hors des normes et surtout éloigné de ce qui est en général la destinée commune des femmes au XVIIIème siècle – même si elle sera mère et épouse. En devenant la jeune assistante du Dr Curtius, Marie se voit ouvrir les portes d’un monde insoupçonné : elle acquiert rapidement des notions d’anatomie, ce qui lui confère forcément une bonne connaissance du corps humain et de son fonctionnement. En parallèle, elle découvre aussi le métier de sculpteur sur cire, exerçant ses mains et son regard, car comme n’importe quelle activité artistique, celle-ci nécessite une grande sensibilité et un regard aiguisé. Mais ici l’art, souvent synonyme de raffinement et de beauté, s’associe à la laideur de la violence et du sang, dans une société qui convulse sous les assauts meurtriers d’une Révolution qui ne connaît plus de limites.
    Petite est un ovni littéraire. S’il est logique de le rattacher au genre historique, malgré tout, je ne sais pas exactement ce que j’ai lu. Une chose est sûre en tous cas, j’ai lu un livre à part, un roman qui n’est pas complètement différent mais pas tout à fait identique non plus à ce que j’ai l’habitude de lire. Petite me laisse un sentiment étrange, alors que je l’ai déjà terminé depuis plusieurs jours.
    Je ne peux que vous le conseiller… n’ayez surtout pas peur si le coup de cœur n’est pas au rendez-vous de suite, si vous peinez à entrer dans l’intrigue et que vous vous demandez où vous allez et ce que vous faites dans cette galère. Petit à petit, l’intrigue suivant son cours, tout devient plus fluide et on évite les écueils avec facilité. Il y a des romans qui nous attirent instantanément, parce que le résumé, parce que la couverture et on finit par être déçu. Et il y en a d’autres qui nous font peur, qu’on aurait presque envie de reposer et qui, pourtant, ne demandent qu’à être découverts. C’est le cas de Petite : laissez sa chance à Marie Grosholtz, comme je l’ai fait et comme d’autres lecteurs l’ont fait aussi et j’espère que vous serez tout aussi enchantés que moi en tournant la dernière page. Même si le coup de cœur n’a pas été au rendez-vous, j’ai terminé cette lecture enthousiaste et heureuse d’avoir fait une si jolie rencontre, d’autant plus belle qu’entre nous, ça partait mal.
    Petite est un roman idéal pour l’automne et la période d’Halloween : se balader dans le musée du Dr Curtius, c’est comme découvrir un musée « des horreurs » où l’on s’attend à chaque instant que les bustes en cire s’animent et reprennent vie. A la frontière du réel, ce roman s’accorde bien aux mystères de la saison.

    Madame Tussauds : le célèbre musée de cire de Londres - Bons Plans Londres

    Statue de cire et masque mortuaire de Marie Tussaud, au musée Madame Tussaud's de Londres

    En Bref :

    Les + : l'ambiance sombre et feutrée évoquant un cabinet de curiosités et le style de l'auteur, absolument excellent.
    Les - :
    de prime abord, un livre assez difficile d'accès (ceci est bien évidemment subjectif : je vous souhaite d'être happé dès les premières pages). 


     Petite ; Edward Carey

       Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « La seule chose qui compte, c'est la liberté. »

    Couverture Le tournesol suit toujours la lumière du soleil

     

     

           Publié en 2021 aux Etats-Unis

       En 2022 en France (pour la présente édition)

       Titre original : Sunflower sisters

       Éditions Pocket

       696 pages

     

     

     

     

     

    Résumé :

    Etats-Unis, printemps 1861, en pleine guerre de Sécession. 
    A New-York, Georgeanna Woolsey va à l'encontre de toutes les attentes de la société mondaine et s'engage comme infirmière sur les champs de bataille. Jemma, jeune esclave d'une propriété du Maryland, se retrouve face à un choix cruel : saisir l'occasion inespérée de s'échapper ou demeurer auprès des siens. Quant à Anne-May, qui mène d'une main de fer la plantation familiale depuis que les hommes ont rejoint les troupes confédérées, son ambition dévorante ne tarde pas à l'exposer à un terrible sort...En ces temps troubles où chacun joue sa liberté dans un pays sur le point de s'effondrer, ces trois femmes vont décider de défier les règles que le monde leur impose. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    1861 : la guerre de Sécession démarre, plongeant les Etats-Unis dans les affres de la guerre civile, le Nord abolitionniste (l’Union) s’opposant au Sud esclavagiste (la Confédération). Dans ce contexte trouble et violent, des destins se révèlent, notamment celui de femmes…ici, nous en suivrons trois : Georgeanna Woolsey, jeune new-yorkaise fortunée qui décide, ainsi que sa mère et ses sœurs, de faire sa part en devenant infirmière. Elle devra supporter stoïquement le mépris des médecins masculins et fera son baptême du feu sur le champ de bataille peut-être le plus célèbre de la guerre de Sécession, Gettysburg (1er - 3 juillet 1863). Nous suivrons également Jemma, une jeune esclave dans une plantation de tabac du Maryland, qui ne cherche que la liberté et la reconnaissance et sa maîtresse, Anne-May, originaire de Louisiane, esclavagiste convaincue et dont l’ambition dévorante la fera flirter avec les eaux troubles de l’espionnage, au risque de tout perdre.
    Suivant le schéma qui a fait son succès dans Le lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux (Seconde guerre mondiale) et Un parfum de rose et d’oubli (Première guerre mondiale et Révolution russe), Martha Hall Kelly nous offre un roman historique et rythmé, dans lequel trois femmes se retrouvent sur le devant de la scène au milieu d’un contexte complexe et éprouvant. A nouveau, la romancière fait la part belle à une figure un peu plus sombre, ici l’esclavagiste Anne-May, que l’on peut rapprocher de Herta, la médecin nazie du Lilas… et de Varinka, la jeune paysanne russe de Un parfum de rose… qui fera de mauvais choix pour se protéger, au risque de plonger dans l’illégalité. Née en Louisiane où l’esclavage est fortement implanté et absolument pas remis en question (l’Etat de Louisiane est d’ailleurs réputé pour le traitement violent que les planteurs infligent à leurs esclaves dans les plantations de coton), Anne-May hérite d’une belle propriété dans le Maryland qui, au moment où la guerre civile éclate, se trouve un pied dans l’Union et un autre dans la Confédération…redoutant de perdre son train de vie et la main d’œuvre gratuite offerte par les esclaves, Anne-May fera les mauvais choix tandis que, en parallèle, nous suivons la famille Woolsey fermement abolitionniste et la jeune Jemma, qui offre le point de vue de l’esclave ne souhaitant qu’une chose : la liberté pour elle et pour les siens, après avoir souffert dans l’enfer d’une plantation sous la férule d’une maîtresse brutale et d’un contremaître sadique.
    J’ai lu les deux précédents tomes en décembre 2021 et en mai dernier : si j’avais raisonnablement aimé Un parfum de rose et d’oubli, qui n’a cependant pas été un coup de cœur, j’ai frôlé ce dernier avec Le lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux, qui nous emmène en plein cœur de la Seconde guerre mondiale, entre les Etats-Unis, la Pologne et le camp de concentration féminin de Ravensbrück.
    Des trois, je dirais que Le tournesol suit toujours la lumière du soleil est celui qui m’a le moins plu…je n’ai pas été déçue mais de nombreuses longueurs dans la dernière partie du roman ont un peu, je l’avoue, parasité mon rythme de lecture : alors que j’ai trouvé les trois cents premières pages rythmées et assez haletantes, j’ai eu l’impression que le rythme retombait un peu après, le roman se perdant alors dans des longueurs un peu superflues… je m’attendais aussi à ce que le conflit soit bien plus au centre du récit : alors certes, on suit brièvement Georgy et d’autres personnages à Gettysburg ou dans des hôpitaux militaires où l’on découvre, grâce à des descriptions assez fines, l’exercice de la médecine dans des conditions de guerre et le quotidien des infirmières, souvent soumises au mépris et à la condescendance des médecins et de leurs homologues masculins, qui les considèrent plus comme des cailloux dans leur chaussure que de véritables professionnelles, mais j’avoue être restée un peu sur ma faim.

    LA BATAILLE DE GETTYSBURG | Le site de l'Histoire | Historyweb

    La bataille de Gettysburg oppose les troupes de l'Union et celle de la Confédération en Pennsylvanie, au début du mois de juillet 1863


    Ces longueurs m’ont donné un sentiment d’inégalité, d’autant plus que le rythme monte crescendo et redescend brutalement. En soi, ce n’est pas dramatique car j’ai passé un bon moment avec cette lecture qui aborde plein de sujets intéressants et importants (notamment la maltraitance subie par les esclaves dans les plantations qui, à l’instar des expérimentations médicales dans les camps nazis ne devraient pas sombrer dans l’oubli – par son œuvre, Martha Hall Kelly participe ainsi au devoir de mémoire et c’est tout à son honneur) mais j’aurais aimé rester captivée jusqu’à la fin, d’autant plus que le roman, comme ses deux prédécesseurs, est basé sur des événements authentiques et met en scène des personnages ayant existé (notamment les sœurs Woolsey, dont la cadette, Caroline, sera la mère et la grand-mère des héroïnes d’Un parfum de rose et d’oubli du Lilas ne refleurit qu’après un hiver rigoureux).
    Bref, je ressors de cette lecture malheureusement pas pleinement convaincue mais pas déçue pour autant, ce qui est l’essentiel. Cette trilogie centrée sur les femmes Ferriday et Woolsey, connues pour leurs engagements philanthropiques tout au long du XIXème siècle et de la première moitié du XXème, mérite d’être connue et c’était vraiment une bonne idée de la romancière de les mettre ainsi en avant, dans une saga historique mêlant habilement faits historiques authentiques et épisodes imaginaires. Les amoureux de sagas historiques et féminines y trouveront probablement leur compte.

     

     

    Photographie d'infirmières et de responsables de la U.S Sanitary Commission en 1864 en Virginie

    En Bref :

    Les + : une saga historique, féminine et familiale captivante, mettant en scène des personnages contrastés et bien traités, avec une psychologie fine et personnelle... 
    Les - :
    beaucoup trop de longueurs dans la dernière partie du roman, c'est dommage car cela casse le rythme qui s'était instauré au départ.

     


    Le tournesol suit toujours la lumière du soleil ; Martha Hall Kelly 

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

    • Envie d'en savoir plus sur les romans de Martha Hall Kelly ?

    Découvrez mon avis sur Un parfum de rose et d'oubli juste là.

    Et mon billet sur Le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux, qui fut presque un coup de cœur, juste ici.

     

     


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  • «  J'avais appris ça en emmenant avec moi des touristes curieux. Ils voulaient découvrir des trésors sur la plage, ils voulaient voir des monstres, mais ils ne voulaient pas réfléchir à la façon dont ces monstres avaient vécu ni à quelle époque. Ça allait trop à l'encontre de l'idée qu'ils se faisaient du monde. »

    Couverture Prodigieuses créatures

     

     

         Publié en 2009 en Angleterre

      En 2011 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Remarkable Creatures

      Éditions Folio

      413 pages

     

     

     

     

     

     

    Résumé :

    « La foudre m'a frappée toute ma vie. Mais une seule fois pour de vrai. »

    Dans les années 1810, à Lyme Regis, sur la côte du Dorset battue par les vents, Mary Anning découvre ses premiers fossiles et se passionne pour ces « prodigieuses créatures » dont l’existence remet en question toutes les théories sur la création du monde. Très vite, la jeune fille issue d’un milieu modeste se heurte à la communauté scientifique exclusivement composée d'hommes. Elle trouve une alliée en Elizabeth Philpot, vieille fille intelligente et acerbe qui l'accompagne dans ses explorations. Si leur amitié se double de rivalité, elle reste, face à l'hostilité générale, leur meilleure arme.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Au début du XIXème siècle, Elizabeth Philpot et ses sœurs Louise et Margaret quittent Londres pour s’installer à Lyme Regis, petite ville de la côte sud de l’Angleterre. Bien loin de Bath ou Brighton, qui sont alors des stations balnéaires courues, Lyme est une petite ville qui vit essentiellement de la pêche et…de la chasse aux fossiles, appelés « curios ». En particulier, une famille, les Anning, dont la fille adolescente, Mary est en passe, en ces années 1810, de faire une découverte qui changera à jamais la manière d’appréhender le monde et son apparition.
    Prodigieuses créatures n’est pas une découverte pour moi puisque j’ai lu ce roman il y a déjà plus de dix ans. Mais cette année j’ai eu envie de relire ce roman qui m’avait fait une très bonne impression à la première lecture.
    Tracy Chevalier fait partie de mes autrices contemporaines préférées et ce, depuis longtemps : elle a un univers riche et très personnel qui me plaît beaucoup. Qu’elle invente la destinée de la jeune modèle du célèbre portrait La jeune fille à la perle, qu’elle parte à la rencontre de la famille commanditaire, au XVème siècle, de la tenture La dame à la licorne, des familles protestantes dans les Cévennes au moment des violentes répressions au XVIIème siècle ou encore qu’elle nous raconte le chemin de fer clandestin (dans La fugitive) ou la chasse aux séquoias en Californie au XIXème siècle (dans A l’orée du verger), elle déniche toujours un sujet qui fait mouche et qui sort de l’ordinaire. C’est ce que j’avais aimé dans Prodigieuses créatures et que j’avais envie de retrouver.
    Une relecture est toujours un moment particulier : va-t-on aimer à nouveau et confirmer le premier ressenti positif ou, au contraire – parce que si nos goûts changent en permanence dans la vie, il en est de même pour nos lectures et un livre qu’on a pu aimer il y a dix ans ne va plus forcément nous correspondre – va-t-on être déçu ?  J’avoue que, même si je n’ai jamais réellement été déçue avec Tracy Chevalier (hormis Le récital des Anges, qui ne m’avait pas emballée), j’avais une légère appréhension en démarrant cette lecture. Et puis…celle-ci s’est dissipée rapidement. Je me suis replongée dans ce roman comme si je ne l’avais jamais lu : c’était familier et, en même temps, je redécouvrais plein de passages que j’avais oubliés et que je retrouvais avec plaisir.
    Prodigieuses créatures nous emmène en Angleterre au début du XIXème siècle : imaginez, les paysages des adaptations de Jane Austen, en pleine époque géorgienne. Nous sommes au bord de la Manche et les immenses falaises du Dorset surplombent les plages. Lyme Regis est une petite ville modeste où certaines familles arrondissent leurs fins de mois en revendant les fossiles retrouvés sur les plages ou dans les falaises : ammonites et autres animaux fossilisés refont surface et attisent la convoitise des collectionneurs.

    Mary Anning painting.jpg

    Tableau représentant Mary Anning et son chien Tray


    La jeune Mary Anning, douze ans, fille d’un modeste menuisier de Lyme Regis, a fait de cette chasse au trésor une véritable passion. Par tous les temps, elle écume les plages à la recherche du fossile qui changera sa vie. Elle ignore alors que celui-ci n’est pas loin. Un jour d’hiver, après une tempête, un pan de falaise se détache, libérant alors de sa gangue de pierre le museau d’un animal inconnu, que la jeune fille prendra dans un premier temps pour un crocodile…Ce que les scientifiques appelleront quelques années plus tard un ichtyosaure (le « poisson-lézard ») va révolutionner la paléontologie du XIXème siècle mais aussi remettre en cause et, après lui, les autres découvertes majeures, la conception très biblique et empreinte de religiosité que l’on a encore de la naissance du monde : si Dieu est à l’origine de tout, pourquoi a-t-il délibérément laissé mourir et disparaître des espèces créées par lui ? Et si le monde était bien plus vieux que ce que l’on pense et que l’Homme n'était pas si central que ça dans la vaste Histoire naturelle ? Aidée d’Elizabeth Philpot, elle aussi passionnée, Mary Anning entrera dans l’Histoire, non sans mal cela dit car elle cumule les « handicaps » : elle est une fille, de modeste extraction qui plus est et n’a aucune caution scientifique, malgré les connaissances solides que l’expérience lui a apportées. Aujourd’hui, Mary pourrait faire des études, aller à l’université, suivre des cours d’histoire naturelle, de paléontologie ou d’archéologie, elle serait forte aussi d’une connaissance scientifique antérieure qui a pris le pas sur la superstition religieuse et que l’on ne songe pas forcément à remettre en cause et soutenue par l’enseignement de professeurs spécialisés. Mais au XIXème siècle, la jeune fille n’est pas la mieux placée pour parler de science et, très vite, on va chercher à la déposséder de ses découvertes. Les hommes, parce qu’elle n’est qu’une femme ; les plus riches, parce qu’elle est pauvre et a besoin d’argent pour faire subsister sa famille ; les scientifiques parce qu’imbus de leurs connaissances, ils ne sont pas prêts à laisser une découverte d’une telle ampleur entre les mains d’une simple femme sans éducation ; les religieux, parce que les fossiles mis au jour par Mary représentent un danger pour les discours qu’ils défendent. Et pourtant, à force de ténacité et parce que certains spécialistes, moins bornés et plus ouverts l’ont soutenue (notamment William Buckland), Mary sera admise comme membre honoraire de la Société géologique de Londres en 1846.
    Aujourd’hui considérée comme une spécialiste incontournable de la paléontologie des vertébrés, Mary Anning a eu la chance de ne pas disparaître des livres d’Histoire et son nom a traversé le temps pour nous parvenir : née vers 1800, morte en 1847, son nom est encore attaché aujourd’hui à la découverte de l’ichtyosaure, un vertébré tétrapode qui a vécu au Trias inférieur et au Crétacé supérieur avant de disparaître il y a environ 90 millions d’années. Mais Mary est aussi à l’origine de la mise au jour du plésiosaure, grand vertébré aquatique qui vivait au Mésozoïque et trouvera en 1828 le fossile bien conservé d’un dinosaure volant, un ptérodactyle. Quant à Elizabeth Philpot, si un musée porte encore son nom en Angleterre, sa renommée n’a pas traversé la Manche et elle est peu connue en France.
    Pourtant, tous les personnages – ou presque – qui jalonnent ce roman ont existé, même le chien Tray qui accompagnait fidèlement Mary dans ses expéditions et disparaîtra dans l’éboulement soudain d’une falaise. Cela donne à Prodigieuses créatures une véritable authenticité, sublimée qui plus est par le style inimitable de l’autrice, qui nous fait ressentir subtilement l’ambiance de Lyme Regis (vraiment, j’ai eu souvent l’impression de me retrouver dans un Jane Austen), le froid ou la chaleur sur les plages quand, courbée toute une journée, le nez au sol ou sondant les falaises, Mary travaille d’arrache-pied, toujours mue par l’envie de trouver quelque chose de mieux, de plus beau, de plus gigantesque. Alternant le récit entre Elizabeth et Mary, l’autrice nous donne à lire un roman rythmé, dense sans être une brique, dans lequel elle a pris des libertés historiques sans que cela ne soit pour autant incohérent ou illogique.
    Je me suis délectée de cette relecture et je me demande même si elle ne fut pas meilleure que la première lecture, qui avait déjà été excellente. Une chose est sûre, c’est qu’elle aura conforté le sentiment que je nourris pour l’œuvre de Tracy Chevalier. J’espère qu’elle nous régalera encore de nombreuses années de ces récits romanesques empreints d’Histoire et qui nous font toujours découvrir des univers originaux loin des sujets convenus et rebattus.
    Un conseil : lisez ou relisez Tracy Chevalier. C’est la promesse d’un moment suspendu dans le temps et d’un vrai voyage.

    Mary Anning's Ichthyosaur | Oxford University Museum of Natural History

    Le fossile d'ichtyosaure découvert par Mary Anning au début des années 1810

    En Bref :

    Les + : un roman subtilement écrit, dense, riche et cohérent. On voyage dans le temps et on a l'impression de toucher du doigt les falaises déchiquetées du Dorset, dans le sillage de Mary Anning.
    Les - :
     
    aucun point négatif à soulever.


    Prodigieuses créatures ; Tracy Chevalier

    Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

    Découvrez mon avis sur d'autres romans de Tracy Chevalier : 

     

    - La dernière fugitive, qui nous emmène dans les étendues sauvages de l'Amérique du XIXème... La jeune Honor va devoir se battre contre les opinions rigoristes de sa belle-famille afin de sauver des vies.  

    - A l'orée du verger, peut-être le roman le plus étrange de l'autrice...


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