• « Un jour ou l'autre, chacun était mis en face de ses faiblesses et devait vivre avec ses fautes. »

    Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet, tome 13, L'Inconnu du Pont Notre-Dame ; Jean-François Parot 

    Publié en 2016

    Editions 10/18 (collection Grands Détectives)

    408 pages

    Treizième tome de la saga Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet 

     

    Résumé :

    Nicolas Le Floch est saisi par Le Noir, nouveau directeur de la Bibliothèque du roi, de la disparition d'un conservateur au cabinet des médailles. Quelle est l'identité du cadavre décapité découvert dans une maison démolie du pont Notre-Dame ? Q'augurent les informations transmises par Lady Charwel, alias La Satin, concernant un complot anglais visant Louis XVI ? Existe-t-il un lien entre les deux affaires ? D'autres meurtres suivront au cours d'une minutieuse enquête qui conduira le policier breton dans le Paris des receleurs et des maisons de jeu et jusqu'à la rade de Cherbourg. 

    Au milieu des intrigues de cour et des dangers de la ville, Nicolas Le Floch finira par résoudre cette sombre énigme en usant d'une découverte étonnante des Lumières. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Cette treizième enquête de Nicolas Le Floch, notre fameux commissaire en tricorne, s'ouvre au printemps 1786, alors que, depuis l'été précédent, la sordide Affaire du Collier ne cesse de créer remous et scandales. La reine est au centre de l'affaire et, bien que victime, elle est considérée par beaucoup comme une coupable, tandis que le cardinal de Rohan est plaint et l'objet de bien des sollicitudes. Les coteries s'opposent violemment dans cette affaire et se divisent, chacune soutenant une partie.
    C'est dans ce climat délétère et qui annonce déjà la Révolution, que Nicolas est choisi par le roi pour être plénipotentiaire auprès du Saint-Siège avant de retourner en France où il va devoir enquêter sur une affaire des plus emmêlées, comme c'est souvent le cas d'ailleurs. Nanti d'un nouveau chef, timoré et indécis, Nicolas se voit solliciter par Le Noir, l'ancien lieutenant de police, qui se concentre désormais sur sa tâche de bibliothécaire du roi. Or, l'un des employés de la Bibliothèque a mystérieusement disparu et des médailles qui y sont conservées sont retrouvées chez un receleur de Paris.
    Quand un corps est retrouvé dans les décombres des maisons du Pont Notre-Dame, en train d'être détruites, il n'en faut pas beaucoup à Nicolas et à son fidèle Bourdeau, pour en conclure que le cadavre est bien celui du conservateur de la Bibliothèque royale, étrangement disparu de la circulation. Mais est-ce bien lui ? Et l'affaire est-elle celle de simples vols et recels ? Et si cette petite criminalité ne se doublait pas d'un secret d'État, à quelques semaines du voyage officiel de Louis XVI à Cherbourg ?
    Entre son enquête pour meurtre et les limbes floues du Secret et de l'espionnage, Nicolas va devoir naviguer à vue dans une purée de pois de plus en plus opaque. Il va retrouver sur sa route l'intrigante Lady Charwel, qui n'est pas une inconnue, et, de façon très insistante, Sartine, son ancien chef, qui a cette fois la fâcheuse manie d'agir de son propre chef et de compliquer la tâche de la police. Quant à la sphère privée, Nicolas va devoir faire face à une importante révélation concernant son passé et sa filiation tandis que son fils, Louis, amoureux pour la première fois, songe déjà à se marier.
    Eh oui, le temps passe et elle est loin l'époque ou nous rencontrions Nicolas, jeune provincial fraîchement débarqué dans la capitale de sa Bretagne natale et embarqué, un peu par la force des choses, dans la police.
    Aujourd'hui, Nicolas n'a plus besoin de faire ses preuves et est l'un des meilleurs commissaires de police au Châtelet. Il est le père d'un jeune homme prometteur, Louis, qui fait sa fierté et s'apprête à passer du service du comte de Provence à celui de la reine. Quant à sa relation avec Aimée d'Arranet, elle continue, bon an mal an, malgré quelques houles.


    À quarante-six ans, Nicolas s'achemine doucement vers la maturité et pour nous, lecteurs, qui le connaissons depuis longtemps, c'est assez étrange de ne plus avoir sous les yeux le fringant jeune homme, fidèle de Louis XV et de madame de Pompadour. Il est vrai que l'auteur, depuis quelques tomes déjà, nous habitue à ce changement et le glissement vers l'âge se fait doucement, nous avons donc largement le temps de nous y faire, mais quand même... avec la jeunesse de Nicolas, c'est aussi toute une époque qui disparaît et qui peut nous rendre nostalgique, quelque peu.
    Ceci étant dit, concernant l'enquête, c'est toujours aussi plaisant de replonger dans l'univers très personnel de Nicolas, mais aussi de Jean-François Parot, qui nous le mitonne depuis des années avec amour.
    Ce treizième tome est encore une fois un bon cru : l'enquête est embrouillée à souhait, mêlant hommes travestis en femmes, cercles de jeu mal famés, espionnage étranger et risques pour la sûreté du roi. L'intrigue policière s'appuie sur le contexte historique de l'époque, particulièrement agité, où chaque coterie, chaque partie, essaie de se tailler la part du lion, la fin justifiant les moyens. C'est dans un contexte de décadence grandissante que prend corps l'intrigue de L'Inconnu du Pont-Notre-Dame.
    J'ai beaucoup aimé cette enquête et ce fut un réel plaisir pour moi que de retrouver les personnages, abandonnés il y'a un peu plus d'un an, à l'issue de La Pyramide de Glace. Je ne sais pas si c'est cette attente qui m'a rendu cette treizième enquête encore plus savoureuse, mais il est clair que je me suis délectée à la lire, malgré des passages qui, parfois, me laissaient un peu perdue ou avec des questionnements. La lumière s'est faite et de manière très originale, cette fois, dans les toutes dernières pages du roman et tout, enfin, s'est dénoué et est devenu clair.
    Je n'aurais qu'un petit regret, concernant le roman : c'est qu'une erreur de chronologie s'y est glissée, erreur que, d'ailleurs, je n'ai pas remarquée tout de suite, trop concentrée que j'étais sur le déroulement de l'enquête policière et inquiète de manquer quelque chose. Il y est en effet question de la cérémonie de relevailles de la reine Marie-Antoinette, à la suite de la naissance de son second fils, le petit Louis-Charles, duc de Normandie. Or l'enfant étant né en mars 1785, cette cérémonie, qui voyait la reine venir dans la capitale, notamment à Notre-Dame ou à Sainte-Geneviève, logiquement, elle n'a pu avoir lieu en mai 1786 d'autant plus que, à cette date, la reine était près d'accoucher de Sophie, son dernier enfant.
    Après avoir cherché des éclaircissements, notamment sur le site officiel de la saga, je me suis rendu compte que je n'étais pas la première à avoir remarqué cette erreur, qui a d'ailleurs été signalée à l'auteur, qui s'en est excusé. Comme on dit, faute excusée à moitié pardonnée. On ne va donc pas en tenir rigueur à Jean-François Parot, qui nous régale depuis des années et, pour conclure, nous dirons que l'erreur est humaine, voilà. Une saga ne peut être parfaite, exempte parfois de petites incohérences ou d'erreurs, qui s'expliquent d'autant mieux que le reste de l'intrigue a dû demander un travail considérable de recherches et de préparation à l'auteur. Qu'il ait donc laissé passer une petite erreur n'est pas catastrophique en soi mais il est vrai qu'elle m'a surprise sur le moment.
    Bref, pour en revenir au fond après nous être intéressés à la forme, je dirais qu'encore une fois, Nicolas Le Floch tient ses promesses. La saga s'est étoffée, depuis L'Énigme des Blancs-Manteaux, sans perdre pourtant cette touche très personnelle qui en fait une saga assez unique dans toutes les productions de policier historique. Le personnage principal est toujours aussi attachant, comme tous ceux qui gravitent autour de lui et qui sont devenus des personnages récurrents et qu'on est toujours heureux, nous lecteurs, de retrouver à chaque tome. Les personnages sont une grande force du roman et participent pour beaucoup à l'intérêt très vif que les lecteurs nouent rapidement.
    Je ressors de cette lecture encore une fois époustouflée par le talent de conteur de Parot, sa capacité à imaginer des intrigues aussi emmêlées en apparence mais au final tellement limpides. Toujours sous le charme de Nicolas, également et certainement encore plus amoureuse du XVIIIème siècle, si tant est que ce soit possible.

     

    En Bref :

    Les + : une enquête très embrouillée au premier abord mais qui s'avère tellement limpide au final ; des personnages et une atmosphère qu'on ne présente plus mais qui font tout le sel de la saga. 
    Les - : 
    une petite erreur de chronologie, pas catastrophique, certes, mais qui aurait pu être évitée. 

     

     

     


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  • « En vérité, leurs idées sur la justice et l'équité rapprochaient beaucoup les deux avocats, mais alors que pour Portalis, le droit prônait sur la vérité, c'était l'inverse pour Pascalis. »

    Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal ; Jean d'Aillon

    Publié en 1999

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    440 pages 

    Résumé :

    En 1307, Charles le Boiteux, comte de Provence, fait arrêter le commandeur du Temple d'Aix dans l'espoir de faire main basse sur le trésor qui s'y trouverait... mais en vain ! Presque 500 ans plus tard, le Palais Comtal est démoli et le jeune Marius Granet découvre un secret redoutable dans les ruines romaines. Une série de disparitions et de meurtres terribles survient alors chez les puissants de la ville et nourrit encore le mystère autour du fameux trésor. L'avocat Pascalis, chargé de démêler toutes ces intrigues, sera assassiné à son tour alors que la tourmente révolutionnaire gronde et que la ville d'Aix est en proie à une violence sans précédent. Le jeune Marius Granet parviendra-t-il à aider dans son enquête l'avocat Portalis qui reprend les affaires de Pascalis ? Et ce trésor qui a déjà fait tant de victimes existe-t-il vraiment ?

    Jean d'Aillon nous présente un nouveau héros, Marius Granet, aussi courageux, intelligent et intrépide que son célèbre Louis Fronsac. 
    Avec Marius Granet et le trésor du Palais Comtal, l'auteur nous fait vivre des aventures palpitantes à Aix à la veille de la Révolution. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

     En 1308, sous la pression du roi de France, le comte de Provence est contraint de faire arrêter et interroger les Templiers installés sur ses terres. Prévenus, les Templiers de la commanderie d'Aix, ont le temps de mettre à l'abri, dans une vieille tour du Palais Comtal, deux coffres : l'un contient des parchemins et l'autre, un véritable trésor composé de bijoux, de mobilier liturgique et de pièces arabes remontant à la troisième croisade.
    En 1784, à quelques années de la Révolution, le même palais est en train d'être détruit, sur ordre du Parlement. Sous les dalles d'une tour éventrée, sont alors retrouvés des coffres, intouchés depuis des siècles. Le contremaître du chantier, qui vient de découvrir le trésor , prévient son employeur, le président d'Entrecasteaux, scellant alors son destin et, sans le savoir, le sien propre et bien d'autres encore. Car le trésor des Templiers, retrouvé fortuitement, fait des envieux et attise les convoitises, à l'aube de la Révolution. Et cette découverte semble bien déterminée à semer des morts dans son sillage...
    Avec Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal, Jean d'Aillon nous offre de lire un roman d'aventures dans la veine du Duc d'Otrante et les Compagnons du Soleil. L'ambiance et le lieu sont les mêmes... les personnages, eux, diffèrent... dans ce roman, nous rencontrons, enfants, ceux qui seront nos héros : Marius Granet, Auguste de Forbin et Antoine de Puylaurens. On retrouvera toutefois les deux derniers dans Le Duc d'Otrante...
    Marius, Auguste et Antoine n'ont pas le même âge et ne viennent pas du même milieu mais ils sont liés par une amitié très forte et, alors qu'ils assistaient à la destruction du vieux palais médiéval, ils ont vu aussi le Trésor templier être retrouvé.
    Puis éclate la Révolution, qui va les embarquer dans un tourbillon insoupçonné... ! Tandis que Marius, proche par des idées de la Révolution jacobine, déplore cependant les violences aveugles, Auguste de Forbin et les siens sont confrontés à l'hostilité haineuse que les nouveaux maîtres de la France entretiennent contre l'aristocratie et Antoine, lui, continue tant bien que mal ses études pour devenir médecin comme son père.
    Ce roman, comme Le Duc d'Otrante et les Compagnons du Soleil, nous permet de voir la Révolution Française autrement qu'au travers du prisme parisien, en se concentrant surtout sur la province. Car si les troubles sont effectivement partis de Paris, toute la France fut touchée à des degrés divers certes, mais il est tout de même intéressant de voir comment le peuple, partout, a réagi. Et en Provence et notamment à Aix, la Révolution fut rapidement adoptée et des exactions et massacres y furent commis comme ailleurs.
    Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal est un roman d'aventures, mâtiné d'un soupçon d'enquête policière... mené d'une main de maître, haletant, ce roman historique est efficace et correspond vraiment à tout ce que j'aime !

    Portrait de François Marius Granet par Jean Auguste Dominique Ingres (1809)


    J'ai vraiment passé un bon moment avec cette lecture et je n'aurais finalement qu'un regret : le roman était trop court ! J'aurais apprécié de lire cent ou deux cents pages de plus, franchement, même si un bon auteur doit aussi savoir s'arrêter au bon moment.
    C'est avec plaisir que j'ai retrouvé l' ambiance du Duc d'Otrante... et des personnages que j'y avais déjà croisés. J'ai aimé l'intrigue tournant autour de la découverte des documents du Temple et surtout, qu'elle se situe dans un contexte aussi riche, quoique troublé. Au final, la Révolution provinciale est aussi intéressante, historiquement parlant, que la Révolution parisienne.
    J'ai aussi aimé le flou dans lequel l'auteur nous promène tout au long de la lecture, grâce à des notes de bas de page habiles ou, parfois, des tournures presque impersonnelles, évoquant une biographie et non plus un roman. De là découle alors une question que l'on va se poser, du moins ce fut mon cas, à plusieurs reprises, au cours de la lecture du roman : les personnages sont-ils véridiques ? Les événements le sont-ils aussi ? La réponse nous est apportée dans l'épilogue : oui, les personnages le sont et, d'ailleurs, si vous tapez Marius Granet sur Internet vous trouverez des notices biographiques du personnage ainsi que ses tableaux ! Marius Granet (1775-1849), peintre néo-classique, sera d'ailleurs l'élève du fameux Jacques-Louis David. Granet, au cours de sa carrière, a représenté surtout des paysages et des monuments, comme, à la même époque, le peintre anglais Constable, par exemple, même si ce dernier appartient au courant romantique tandis que Granet, de part ses influences, est considéré comme peintre néo-classique. Ses œuvres sont aujourd'hui exposées en France, au Louvre, mais aussi à Grasse ou Aix -où un musée Granet lui rend hommage- et on retrouve certains de ses tableaux en Italie ou en Russie, au musée Pouchkine, notamment. Quant à l'avocat Portalis, on le retrouvera ensuite, âgé et presque aveugle, sous l'Empire, rédacteur du code civil pour Napoléon puis ministre des Cultes et de l'Instruction. Si, pour ce dernier, je n'avais aucun doute, j'avoue que, pour les autres, j'ai balançé tout au long de ma lecture pour, au final, après quelques recherches, être assurée que, oui, tous les héros de Jean d'Aillon dans ce roman ont bien existé. Mais l'auteur nous ayant habitué à du faux ressemblant tellement au vrai, notamment dans sa saga Louis Fronsac, que le doute était permis !
    Les événements décrits dans le roman, eux, sont imaginaires mais prennent appui sur un contexte historique riche, juste et vraiment bien restitué. Jean d'Aillon est un romancier rigoureux, comme il y'en a peu... rédiger des romans historiques doit être passionnant, sans nul doute. Mais écrire ce genre de romans implique de se documenter beaucoup et malheureusement, beaucoup de romans historiques contiennent des lacunes et des erreurs. En général ce n'est pas le cas des romans de Jean d'Aillon et c'est vraiment ce que j'apprécie chez lui : sa documentation est digne de celle d'un historien et on ne peut qu'être admiratif quand on sait que l'auteur se concentre en général non pas sur les faits principaux et bien connus mais sur des événements plus locaux ou sur des anecdotes lues ici ou là dans des textes d'époque. C'est encore le cas dans Marius Granet et le Trésor du Palais Comtal.
    J'ai vraiment été enthousiasmée et vous conseille donc chaudement ce roman ! Si vous aimez les romans historiques et les aventures, vous serez conquis j'en suis sûre !

    En Bref :

    Les + : un récit d'aventures sur fond d'Histoire, une intrigue ébouriffante et bien menée...tout ce que j'aime ! 
    Les - : un seul regret...que le roman n'ait pas été un peu plus long.

     


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  • « Nombre de gens gardent les informations pour eux. Un meurtre, ils trouvent ça scabreux et pensent que le simple fait de savoir quelque chose fait rejaillir le scandale sur eux. Ils se sentent coupables par association. »

    Charlotte et Thomas Pitt, tome 1, L'Etrangleur de Cater Street ; Anne Perry

    Publié en 1979 en Angleterre ; en 2012 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Cater Street Hangman

    Editions 10/18 (Collection Grands Détectives)

    382 pages

    Premier tome de la série Charlotte et Thomas Pitt

    Résumé :

    Suffragette avant l'heure, la téméraire Charlotte Ellison n'aime ni l'étiquette ni le badinage des jeunes filles bien nées. Dévorant en cachette les faits divers des journaux, sa curiosité la mêlera à une affaire des plus périlleuses, aux côtés du séduisant inspecteur Pitt de Scotland Yard. Dans le Londres des années 1880, le danger guette et les femmes en sont souvent la proie... 

    Sherlock Holmes en jupons, la divine Charlotte dénoue son premier crime et inaugure une longue série d'enquêtes haletantes, dévoilant une Angleterre victorienne pleine de secrets. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    Enfin ! Après des années à avoir vu des chroniques sur les blogs et laissé dormir le premier volume de cette longue série sur les rayonnages de ma bibliothèque, je me suis enfin lancée dans la découverte des fameuses enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt. D'Anne Perry, je ne connaissais que Du Sang sur la Soie, un roman policier médiéval situé dans la Byzance du XIIIème siècle et porté par une héroïne charismatique qui m'avait plu. Ce roman avait été une découverte enthousiasmante pour moi, alors même que je ne lisais pas de polars. Il n'y avait donc aucune raison pour que cette saga victorienne, découverte alors que je connais bien maintenant les codes du policier historique, ne me plaise pas.
    En 1881, la jeune Charlotte Ellison, qui habite Londres, est une belle jeune femme de vingt-trois ans, aux folles boucles auburn et aux yeux gris. Tandis que sa sœur aînée, Sarah, a fait un mariage convenable, la cadette désespère ses parents : en effet, à cause de son franc-parler et de son honnêteté qui frôle parfois l'impertinence, Charlotte heurte cette société petite-bourgeoise de l'époque victorienne, bien-pensante et compassée.
    La jeune femme essaie tant bien que mal de s'émanciper de ses codes et d'échapper à ses lois trop patriarcales, qui enferment les femmes dans des carcans de bonne conduite un peu faux et chacun dans une hypocrisie portée au rang de vertu afin de respecter les convenances, hypocrisie parfois entretenues par les pasteurs aux idées étriquées et surannées.
    Mais voilà que, très vite, le petit monde des Ellison et de leurs voisins va être endeuillé par une série de meurtres perpétrés non loin de chez eux, dans Cater Street. C'est d'abord une jeune fille de leur connaissance qui est retrouvée sans vie, puis l'assassin s'attaque aux jeunes servantes du quartier. Sa méthode est toujours la même : il étrangle ses victimes avec un fil de fer et les abandonne dans la rue.
    Parce que cette sordide affaire va les toucher de près, Charlotte se retrouve, d'abord un peu malgré elle, puis avec de plus en plus d'intérêt, au cœur même de l'enquête de l’agaçant et débraillé mais non moins attirant inspecteur de Scotland Yard, Thomas Pitt.
    L'enquête ne s'annonce pas de tout repos pour Thomas Pitt, confronté au mépris des habitants de Cater Street qui le prennent de haut parce qu'il n'est pas de leur milieu ou à leurs phrases péremptoires de petit-bourgeois suffisants qui insinuent que les victimes étaient immorales et, en cela, ont payé leur péché.
    Je m'attendais à une vraie enquête policière et au final, ce n'est pas ce que j'ai eu. Alors oui, j'ai été étonnée bien sûr, mais une fois passée la première surprise, je dois dire que je n'ai pas été déçue. Anne Perry prend justement le contre-pied d'une enquête lambda, avec ses codes et ses déroulements et rebondissements toujours à peu près semblables. Là, l' héroïne est une jeune femme de la gentry londonienne, à mille lieues bien sûr, de résoudre des enquêtes criminelles. Et le roman est essentiellement raconté à travers le regard de Charlotte, donc à travers celui que portent les civils en général sur une enquête. Et quand ces civils vivent dans une époque aussi guindée et codifiée que les années 1880 en Angleterre, cela donne lieu alors à des situations ou très drôles ou tellement étonnantes qu'elles nous font, à nous lecteurs du XXIème, ouvrir de grands yeux !
    L'intrigue se resserre donc autour de la famille Ellison : Charlotte, ses deux sœurs, ses parents, son beau-frère, sa grand-mère et les domestiques mais on peut supposer avec raison que le climat est le même pour toutes les familles de Cater Street, un climat qui devient de plus en plus insupportable à mesure que les meurtres sr multiplient sans que la police parvienne à mettre la main sur l'assassin. Et c'est une spirale infernale qui se met en place : la peur, la psychose, l'impuissance, l'inquiétude pour soi-même et pour ses proches, le quotidien bouleversé et la suspicion, qui pousse à soupçonner sa famille, ses voisins, ses amis, suspicion qui s'installe insidieusement chez les Ellison en amenant dans ses bagages une atmosphère délétère.
    Cette enquête sera aussi pour Charlotte l'occasion de se rendre compte que le monde dans lequel elle vit est bien petit et qu'à sa porte, un autre univers gravite sans même qu'elle le voie. Ses conversations avec Pitt vont également lui faire comprendre que le crime n'est pas inhérent à la pauvreté et apporter à la jeune femme un autre éclairage sur la société dans laquelle elle vit.
    S'il y'a bien une époque où les inégalités furent les plus flagrantes c'est justement pendant cette époque d'industrialisation intensive et de croissance positive. Certains s'enrichirent et d'autres restèrent sur le pavé, dans une misère noire et endémique. Ce ne fut pas propre à l'Angleterre victorienne puisque toute l'Europe, à cette époque, connut une paupérisation à divers degrés. Mais parce que le Royaume-Uni était très industrialisé, peut-être les inégalités y étaient plus visibles, comme elles le seront plus en France dans le bassin houiller du Nord que dans les campagnes.
    Charlotte, en contact avec Pitt, issu d'un milieu modeste et qui côtoie la misère au travers de son métier, va ouvrir les yeux et se rendre compte que la société dans laquelle elle vit, faite de codes et de convenances qu'on ne doit pas outrepasser est vaine et très en dehors des réalités, ce qui ne sera pas, bien sûr, pour refréner ses désirs d'émancipation et de mettre les siens, avec une franchise un peu brutale, devant leurs contradictions en faisant sauter leurs préjugés et leurs idées reçues. En cela, Charlotte m'a beaucoup plu et j'ai aussi apprécié le personnage de Pitt.
    Quant au dénouement il est vraiment mené d'une main de maître par l'auteure parce que lorsque l'identité de l'assassin est enfin dévoilée, on ne s'y attend pas et on tombe des nues ! Le suspense est vraiment ménagé jusque dans les dernières pages.
    Ce premier tome des enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt m'a bien plu. J'ai aimé l'approche de l'auteure et même si le style m'a peut-être un peu moins accrochée que dans Du Sang sur la Soie, certains dialogues font mouche. Cette saga démarre doucement, avec une enquête somme toute pas exceptionnelle ni très romanesque parce qu'elle tourne autour d'un schéma vu et revu, celui du tueur en série, mais ça marche bien quand même. Le fait que l'auteure se place du côté de ceux qui assistent, impuissants, aux meurtres commis dans leur rue sans qu'ils puissent rien faire ni savoir d'où vient le danger, est intéressant parce que le lecteur peut mieux s'identifier et comprendre les personnages. On a nos préférences cependant et certains sont même carrément antipathiques, tellement imbuvables qu'on aurait envie de leur mettre des baffes !
    Je ressors de cette lecture satisfaite et avec une grande curiosité pour la suite ! 

    En Bref : 

    Les + : une enquête intéressante, vue plutôt au travers des yeux des civils, des personnages intéressants, une atmosphère qui est, sans doute, l'un des atouts majeurs du roman. 
    Les - : peut-être quelques longueurs au début...rien de grave toutefois. 

     

     


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  • « Satan nous ressemble, madame. Il prend toujours notre apparence pour nous séduire ou nous tromper. »

    Les Enquêtes de Louis Fronsac, tome 5, L'Homme aux Rubans Noirs ; Jean d'Aillon

    Publié en 2012

    Editions du Masque (collection Labyrinthes)

    450 pages

    Cinquième tome de la saga Les Enquêtes de Louis Fronsac

    Résumé : 

    Avec L'Homme aux Rubans Noirs, Jean d'Aillon nous entraîne au côté de son célèbre héros Louis Fronsac lors de cinq enquêtes sous la régence d'Anne d'Autriche. D'un atelier d'alchimiste à la cour des miracles, des coulisses du théâtre du Marais au coeur secret du Pont-Neuf, le notaire Louis Fronsac percera d'étonnants mystères dans une ville qui gronde contre Mazarin.

    Sous la plume savante et précise de Jean d'Aillon, on découvre la belle Roxane de Cyrano sous un jour nouveau et les tours de passe-passe d'un descendant de Nicolas Flamel ou encore les inspirations d'un jeune dramaturge qui deviendra Molière.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Dans ce cinquième tome, nous retrouvons Louis Fronsac quelques mois seulement après la résolution de l'enquête au centre de La Conjecture de Fermat mais aussi après l'enquête du sixième tome et même celle du septième, L’Exécuteur de la Haute Justice et L'Énigme du Clos Mazarin. Vous suivez ? La chronologie de cette saga est un peu étrange mais l'avantage est finalement qu'on peut assez facilement la lire dans le désordre ! Moi j'ai décidé d’être disciplinée et de suivre les conseils de l'auteur et L'Homme aux Rubans Noirs arrivant en cinquième position, je le lis donc en cinquième position ! Il était aussi possible de lire les tomes 6 et 7 et de revenir en arrière mais bon, c'était un peu laborieux et je n'ai pas retenu cette option.
    Quoi qu'il en soit, j'avais quand même la sensation, notamment dans la seconde partie du livre d'avoir vraiment loupé quelque chose car de fréquentes allusions à L’Exécuteur de la Haute Justice, notamment, ont été faites et j' avais vraiment l'impression d'avoir raté totalement un épisode ! C'est donc en essayant de faire abstraction de tout ça que je me suis concentrée avant tout sur le propos de L'Homme aux Rubans Noirs, dont nous allons parler maintenant puisqu'on est là pour ça !
    Avec ce cinquième volume des aventures de son notaire gentilhomme, Jean d'Aillon nous offre ici cinq enquêtes pour le prix d'une ! Pas mal, non ? J'ai d'ailleurs aimé cette découpe originale qui nous fait découvrir cinq univers en un seul et même roman. Là où une seule intrigue aurait été peut-être un peu longuette, cinq enquêtes donnent du dynamisme au livre.
    Elles se déroulent entre 1644 et 1647 et ont chacune une trame différente même si on retrouve ce qui fait le sel des romans de l'auteur en général : des personnages hauts en couleur, qu'ils soient fictifs ou non, un contexte historique ultra riche -et très très bien maîtrisé par l'auteur ce qui, vraiment, ne gâche rien- et des intrigues toujours prenantes. La Cour est presque pas ou peu présente, souvent uniquement mentionnée par les différents protagonistes sans être pour autant sur le devant de la scène et c'est ça aussi que j'aime dans cette saga : Aillon ne va jamais à la facilité, au plus documenté et il semble qu'il préfère et de loin la Ville et les humbles à la Cour et aux Grands -même s'il ne faut pas oublier que Louis Fronsac est un fidèle de Mazarin et du roi !
    On découvre en plus l'administration de l'époque, l'organisation de la police, institutions qui ont bien changé depuis et demandent donc une bonne maîtrise de la part de l'auteur : et c'est le cas !
    En compagnie de son ami Gaston de Tilly, commissaire de police au Châtelet, puis procureur du roi, Louis est toujours sollicité pour démêler les intrigues qui ne manquent pas de se tisser en ce début de régence. Et que se soient des enquêtes criminelles en plein cœur de Paris ou bien des intrigues plus scandaleuses -voire scabreuses- concernant la Cour, Louis est toujours aussi perspicace et efficace !

    L'Homme aux Rubans Noirs (tableau du XVIIème siècle) : le personnage aurait inspiré Louis Fronsac à l'auteur ! 


    La Lettre Volée, la première des enquêtes, concernant un pli du coadjuteur de Paris, Paul de Gondi, ayant mystérieusement disparu dans sa chambre et susceptible de faire des dégâts si elle était rendue publique ne m'a pas complètement convaincue et je ne sais même pas si on peut réellement parler d'enquête ! La nouvelle est très courte et ne laisse pas le temps à l'auteur de partir dans de grands développements. Celle-ci ne me laissera pas un souvenir impérissable, mais j'ai bien plus apprécié les suivantes qui, tout en étant plus synthétiques que les enquêtes précédentes, s'en rapprochent par la forme. J'ai beaucoup aimé l'enquête qui, au début de janvier 1646, conduit Louis à s'intéresser aux abandons d'enfants à Paris (L'Enfançon de Saint-Landry). Chroniques depuis le Moyen Âge, les abandons et ventes d'enfants étaient encadrés par des institutions parfois dépassées et qui ne pouvaient malheureusement accueillir tous les petits laissés pour compte. Cette enquête nous fait aussi visiter la Cour des Miracles, ces zones de non-droit en plein coeur du Paris de l'Ancien Régime et on est bien loin de l'image romantique des auteurs du XIXème siècle avec ses truands et sa pègre interne qui faisait régner une loi impitoyable.
    Louis Fronsac enquête aussi sur une mystérieuse confrérie religieuse qui s'attaque aux auteurs par trop audacieux comme le fameux Cyrano de Bergerac -à cette occasion on fait connaissance d'une Roxanne bien différente de celle d'Edmond Rostand- et sur une dame un peu illuminée qui exorcise ses victimes à coup de fouet (La Confrérie de l'Index et Le Maléfice qui tourmentait M. d'Emery) !
    Bref, il y'a beaucoup de diversité dans ce roman ce qui, comme je le mentionne déjà plus haut, donne un réel dynamisme à L'Homme aux Rubans Noirs. On ne s'ennuie pas une seule seconde !
    Je n'ai absolument aucun reproche à faire à ce cinquième opus ! Hormis la chronologie un peu fantaisiste qui m'a parfois un peu perturbée notamment en ce qui concerne les enquêtes se déroulant en 1646 et 1647... beaucoup d'événements et de faits sont très liés à ceux se passant dans les sixième et septième volumes... je ne comprends donc pas vraiment pourquoi elles ont été insérées dans le cinquième tome mais il s'agit d'un parti-pris de l'auteur que je ne contesterai pas. Je vais peut-être, du coup, découvrir avec un intérêt redoublé, les prochaines intrigues entrevues lors de cette lecture !
    Bref pour en revenir à ce que je disais un instant plus tôt, je n'ai vraiment pas grand chose à reprocher à ce livre, j'ai été captivée du début à la fin. Il m'est arrivé parfois de ressentir quelques lourdeurs dans les romans de Jean d'Aillon mais il n'en est rien ici ! J'ai trouvé son écriture fluide et très agréable ! Le roman est toujours assis sur des bases historiques solides qui feront toujours mon admiration ! L'auteur a le don pour nous dénicher des infos et des anecdotes géniales !
    Encore une fois une bonne découverte : Les Enquêtes de Louis Fronsac est une saga vaste, mais prometteuse

     

    En Bref :

    Les + : des enquêtes enlevées et toujours aussi captivantes ; un style fluide.
    Les - : 
    quelques coquilles d'impression. 


    2 commentaires
  • « On ne remarque que ce que l'on cherche. »

    Lizzie Martin, tome 5, Le Témoignage du Pendu ; Ann Granger

    Publié en 2014 en Angleterre ; en 2016 en France (pour la présente édition)

    Titre original : The Testimony of the Hanged Man

    Editions 10/18 (Collection Grands Détectives)

    336 pages

    Cinquième tome de la saga Lizzie Martin

     

    Résumé :

    Un homme destiné à la corde dirait n'importe quoi pour sauver sa vie. Mais que faire si son témoignage était vrai ? Lorsque l'inspecteur Ben Ross est appelé à la prison de Newgate par un homme condamné à mort, il ne s'attend pas à accorder le moindre crédit à sa parole. Mais le récit d'un assassinat dont il a été témoin il y'a plus de dix-sept ans est si convaincant que Ben ne peut s'empêcher de se demander si ce qu'il a entendu est vrai. S'il est trop tard pour sauver la vie de l'homme, peut-il encore enquêter sur un crime passé inaperçu pendant toutes ces années ? 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Un soir de septembre 1868, l'inspecteur Ben Ross de Scotland Yard est appelé à la prison de Newgate pour prendre la déposition d'un condamné à mort. Mr Mills a été condamné à être pendu pour le meurtre de son associé et doit monter sur l'échafaud le lendemain mais prétend avoir, auparavant, des révélations à faire à la police concernant un assassinat perpétré dans une maison tranquille de Putney en 1852 à savoir... seize ans plus tôt ! L'homme n'avait jamais jugé bon en informer les autorités mais Ben Ross prend cependant au sérieux ce qui pourrait bien n'être pourtant que les élucubrations d'un homme promis à une mort certaine et qui cherche à y échapper.
    Pour couronner le tout, une respectable londonienne disparaît subitement avec sa petite fille de trois ans et le mari et père, riche négociant en vins et phobique du scandale ne cesse d'entraver l'enquête des policiers avec ses exigences et sautes d'humeur ! Une enquête qui pourrait bien faire oublier à Ben la malheureuse affaire de Putney si celle-ci ne venait pas, malheureusement, se rappeler à lui de la plus funeste manière...mais c'est sans compter sur la perspicacité de son épouse, Lizzie et de la curiosité maladive de leur bonne, Bessie ! Et les deux femmes vont alors, avec plus de succès, tenter de prêter main forte à Ben et enquêter sur le mystérieux défunt de Putney qui, comme l'avait affirmé Mills, n'est pas mort de sa belle mort. Et si effectivement, le futur pendu, n'avait pas menti ?
    Avec ce cinquième tome de la saga Lizzie Martin, nous retrouvons l'atmosphère si particulière du Londres victorien et des personnages que l'on apprend à connaître depuis cinq intrigues maintenant.
    Celle-ci diffère d'ailleurs très légèrement de ce qu'Ann Granger nous a habitués à lire depuis Un Intérêt Particulier pour les Morts. Certes, l'intrigue policière est toujours au centre du récit. Évidemment, me direz-vous, cela va de soi... mais cette fois nous ne nous concentrons pas sur une seule et même affaire mais bien sur deux, menées de front par Ben et le sergent Morris, son efficace bras droit. J'ai trouvé cette idée assez sympa même si, du coup, les deux enquêtes sont moins développées que si elles avaient été uniques. J'ai même pensé pendant un temps qu'elles étaient liées toutes deux pour me rendre compte que non, au final. Elles seront cependant élucidées toutes les deux grâce à l'efficacité de Ross et Morris et la logique impitoyable de Lizzie, qui a toujours le don d'aller se fourrer dans des affaires délicates, qui ne résistent cependant jamais à son flair de fin limier. Ceci dit en passant, j'ai encore une fois apprécié de la retrouver ! Lizzie se bonifie avec le temps et si elle m'avait un peu tapé sur les nerfs dans les premiers tomes, je la trouve de plus en plus digne d'intérêt ! ! 
    Au-delà de ça, l'auteure nous décrit toujours aussi bien cette période victorienne si riche en bouleversements et en inégalités. Lizzie et Ben, au cours de leurs pérégrinations et enquêtes sont souvent confrontés à des bourgeois aux revenus et aux demeures plus qu'enviables mais cette opulence assez ostentatoire côtoie également la misère la plus noire... à Londres par exemple, les quartiers de l'East End et des Docks sont majoritairement pauvres voire indigents, soumis à une forte natalité, une criminalité de plus en plus importante, un manque d'hygiène chronique, vecteur de maladies en tous genres et d'épidémies mortelles. C'est un immense fossé qui séparent alors les couches de la population, mais aussi les hommes et les femmes, les différences de traitement selon que l'on appartienne à un sexe ou à l'autre étant flagrantes. Le XIXème siècle reste donc une époque d'émulation et un siècle charnière, tant en Angleterre que certainement partout ailleurs en Occident au même moment, mais aussi une période extrêmement compliquée, l'essor industriel s'accompagnant d'un appauvrissement systématique des classes défavorisées. Ben Ross en est lui-même un bon exemple, étant un ancien enfant mineur du Derbyshire. 
    La société reste aussi extrêmement codifiée et pleine de conventions qu'il est scandaleux d'outrepasser. Ainsi la police se trouve parfois entravée par le souci de ne pas faire de vagues au risque, alors, de ne pas parvenir à faire toute la lumière sur les affaires qui lui sont confiées : l'affaire de disparition qui se trouve au centre de ce tome-là, et qui touche une famille respectable de la bourgeoisie londonienne, en est un bon exemple !
    Un peu moins palpitant que ses prédécesseurs, parce qu'on sent que les intrigues ont été moins fouillées et restent plus en surface, j'ai cependant trouvé l'idée de départ intéressante : enquêter sur un meurtre non élucidé depuis près de vingt ans en prenant le risque de s'appuyer sur le témoignage d'un criminel promis à la corde, voilà qui n'est pas commun ! Quant à L'intrigue parallèle, qui se concentre sur la disparition de l'épouse d'un riche négociant en vins et de leur fille, elle permet de mieux comprendre les codes de l'époque et d'en arriver à la conclusion que ceux-ci n'étaient alors vraiment pas tendres pour les femmes... ! En cela, notre héroïne Lizzie peut finalement se considérer comme relativement chanceuse !
    Bien qu'un peu moins enlevé que les précédents, Le Témoignage du Pendu reste un bon roman policier et il me donne envie de poursuivre ma découverte de cette saga prometteuse et aux qualités indéniables.

    En Bref :

    Les + : une bonne idée de départ, une ambiance toujours aussi ciselée et bien présente, une intrigue représentant objectivement une époque intéressante et riche. 
    Les - : un tome peut-être un peu plus lent et moins fouillé que les précédents. 

     


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