• «  Parmi toutes les abbayes ici ou sur le continent, c'est la plus sacrée, la plus révérée. Son air même est sanctifié et le culte qu'on lui rend remonte à l'aube de la chrétienté, peut-être même au-delà - cet endroit respire le mystère. Si Avalon existe quelque part, c'est là. Il y'a une vibration qui pousse à tomber à genoux. »

    Couverture Le secret des tombes

     

     

         Publié en 2009 en Angleterre 

      En 2017 en France (pour la présente édition)

      Titre original : Relics of the Dead / Grave Goods

      Editions 10/18 (collection Grands Détectives)

      402 pages

      Troisième tome de la saga Adelia Aguilar

     

     

     

    Résumé :

    Angleterre, 1176. La paisible abbaye de Glastonbury, site sacré associé à la légendaire Avalon du roi Arthur, a été détruite par un incendie criminel. La traque du coupable est vite abandonnée devant une découverte macabre : le feu a révélé la présence de deux squelettes. La taille et l'état des cadavres relancent la rumeur : s'agirait-il des dépouilles d'Arthur et Guenièvre ? Henri II, qui tente de mater un soulèvement au pays de Galles où la légende d'Arthur le Libérateur reste vivace, utiliserait bien la preuve de sa mort pour détruire tout espoir d'indépendance. Il fait appel à Adelia Aguilar, diplômée de la grande école de médecine de Salerne, pour examiner les corps. Mais certains sont prêts à tout pour que l'identité des morts reste secrète...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Quel plaisir de retrouver Adelia pour une troisième enquête ! Nous sommes en 1176 et l'enquêtrice spéciale du roi Henri II Plantagenêt est de nouveau réquisitionnée pour résoudre une nouvelle énigme. Alors que l'abbaye de Glastonbury vient d'être anéantie par un terrible incendie, deux corps viennent d'être mis au jour dans son cimetière : et tout porte à croire qu'il s'agirait de ceux d'Arthur et Guenièvre, les souverains légendaires, dont on dit que les corps reposent sur l'île d'Avalon (assimilée peu à peu à Glastonbury).
    Parce qu'Henri II se débat alors au Pays de Galles où les revendications sont fortes et où la rébellion couve, il voit dans cette découverte un bon moyen de mettre un terme aux croyances immémoriales qui imaginent qu'Arthur est simplement endormi à Avalon et va un jour revenir au monde ; comme par hasard, ces croyances sont particulièrement ancrées chez les gallois...
    Voilà donc qu'Adelia et Mansur, flanqués de Gyltha et de la petite Allie, qui quittent leur havre près de Cambridge pour s'engager dans une enquête à haut risque...D'autant plus qu'une bonne amie d'Adelia, dame Emma Wolvercote, a disparu sans laisser de traces près de Wells, ne laissant pas l'esprit de l'enquêtrice en repos. En plus de ça, il semblerait que dans cette ville ravagée par les flammes, on voie d'un mauvais œil l'enquête d'Adelia : qui donc n'a-t-il pas intérêt à ce que les squelettes attribués à Arthur et Guenièvre ne soient pas identifiés ? Que cache la poignée de moines qui continue à vivre dans les ruines de l'abbaye et à entretenir tant bien que mal son souvenir ? Et les deux taverniers de Glastonbury ont-il des intentions vraiment claires ? Cette enquête brouillera bien des pistes et fera tomber les masques, révélant derrière une façade des caractères bien plus complexes ou des blessures insoupçonnées.
    Comme dans La Confidente des Morts et La Morte dans le Labyrinthe, j'ai apprécié de suivre cette troisième enquête d'Adelia, dans un lieu comme l'abbaye de Glastonbury, qui a alors un rayonnement particulièrement important au sein de la chrétienté. On admire toujours autant les capacités de déduction et la perspicacité de la jeune médecin, qui ne recule devant rien pour faire la lumière sur les énigmes qu'on lui confie. Ancienne étudiante de la réputée école de Salerne, formée à ce que l'on pourrait appeler la médecine légale par son père adoptif, à Naples, Adelia est un personnage qui n'a rien à faire au XIIème siècle : elle exerce finalement une activité que l'on pourrait rapprocher de notre police scientifique contemporaine, ce qui est totalement anachronique et inconcevable au Moyen Âge et pourtant, ça fonctionne ! Forte d'une érudition que bien des hommes n'ont pas, Adelia a des compétences qui peuvent à l'époque paraître un peu surnaturelles mais qui, du coup, la servent tout particulièrement parce qu'elle ne trouve pas en face d'elle de compétiteur digne de ce nom. Et le roi Plantagenêt a bien compris ce qu'il pourrait en tirer, quitte à utiliser Adelia à sa guise (ou plutôt, officiellement, Mansur car tout Maure qu'il est, il est préférable d'utiliser les services d'un médecin infidèle plutôt que d'une femme chrétienne).
    J'avoue que cette enquête me tentait peut-être plus que les autres parce qu'il y est question de la légende arthurienne et de la supposée découverte des trombes d'Arthur et Guenièvre. Et, bien que déplacée dans le temps, cette découverte eut bien lieu : c'était en 1190, toujours à Glastonbury, où l'on exhuma deux corps que l'on identifia comme celui du roi breton légendaire et de son épouse. Mais finalement, cette histoire de tombes, bien que donnant son titre au roman, n'est pas omniprésente non plus et sert plus de trame de fond que de véritable fil rouge. A la lecture de ce roman, j'ai finalement plus eu l'impression que c'était le mystère de la disparition d'Emma Wolvercote et de sa mesnie, qui préoccupe le plus Adelia, même si elle continue d'enquêter discrètement à Glastonbury comme le lui a demandé Henri II. J'aurais pu être déçue de cela mais ce ne fut pas le cas.
    Cette troisième enquête de la confidente des morts se déroule sans heurts, elle est fluide, facile à lire, cohérente. Je n'aime pas les enquêtes trop embrouillées qui finissent par me perdre (la faute à mon esprit peu logique - je n'aurais pas fait un bon flic). Et l'humour de l'auteure, toujours bien présent, n'est pas non plus pour me déplaire (je crois que je ne me suis pas encore remise de l'expression imagée « cinglé comme un furet » !) : cela apporte une certaine authenticité au texte avec des dialogues très oraux et donc dynamiques.
    Bref, encore une fois, ce fut un bon cru et, pour rester dans le lexique du vin, je dirais même qu'Adelia se bonifie avec le temps. Elle qui était si brusque et pas forcément hyper accessible dans le premier tome craquelle un peu la coquille et apparaît plus humaine et attachante également. Une saga à découvrir ou à faire découvrir si vous aimez les enquêtes policières simples mais efficaces, avec un contexte historique intéressant en arrière-plan.

    En Bref :

    Les + : cette enquête qui nous emmène à la rencontre d'un personnage certes fictif mais fondateur de l'Histoire anglaise (le Roi Arthur) est bien menée et j'avoue que l'humour corrosif d'Ariana Franklin marche toujours très bien avec moi (j'avoue que j'ai souvent ri, amusée par telle ou telle expression). 
    Les - :
    pour moi, aucun point négatif à soulever.


    Adelia Aguilar, tome 3, Le Secret des Tombes ; Ariana Franklin

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « Notre vie n'est faite que du hasard et de nos choix, ou encore du hasard de nos choix. »

    Couverture Le commissaire aux morts étranges, tome 4 : Humeur noire à Venise

     

     

     Publié en 2017

     Editions Babel (collection Noir)

     332 pages 

     Quatrième tome de la saga Une Enquête du Commissaire   aux Morts Étranges

     

     

     

     

     

    Résumé :

    A Venise, le comte de Trissano est terrifié : des pendus se balancent sous les ponts comme autant de fleurs au vent et le voilà menacé de mort dans son palazzio. Répondant à l'appel au secours d'une ancienne amante, Volnay, commissaire aux morts étranges, se rend sur place accompagné de son assistant, le moine hérétique. 
    Dans la Venise du XVIIIe siècle qui agonise lentement en s'oubliant dans de splendides fêtes, il est difficile de prévoir les rencontres et les événements. Une jeune fille travestie en garçon, un auteur de théâtre, un procurateur de Saint-Marc manipulateur et son énigmatique fille entament le plus sombre des bals masqués. 
    Entre rêve et réalité, tragédie et comédie, Volnay et le moine se retrouvent confrontés à des assassins non moins qu'à leurs démons. Olivier Barde-Cabuçon dévoile dans cette nouvelle enquête la noirceur de la ville des masques avec poésie et délectation. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En ce début d'année 1760, le printemps à Venise est aussi humide que l'humeur est noire et tourmentée. Des pendus se balancent sous les ponts de la ville tandis que le comte de Trissano se barricade chez lui, terrifié par des menaces de mort que l'on ose venir placarder jusque sur la porte de son palais. Parce qu'il est le cousin de la jolie Chiara, ancienne amante de Volnay à Paris, celle-ci appelle le commissaire aux morts étranges au secours. Et c'est donc en plein coeur des ruelles sombres de la Sérénissime que le chevalier de Volnay et son acolyte, le fameux moine hérétique, vont mener cette quatrième enquête qui risque de bouleverser bien des choses, tant pour l'un que pour l'autre.
    Ça fait trois ans que j'ai découvert l'univers du commissaire aux morts étranges, l'enquêteur imaginé par Olivier Barde-Cabuçon. Je venais à peine de terminer une autre saga policière que j'aime particulièrement : Nicolas Le Floch, du regretté Jean-François Parot. Les lieux sont les mêmes (Paris et Versailles) et l'époque est identique aussi puisque nous sommes entre la fin des années 1750 et les années 1760. Evidemment, je savais que je ne pourrais pas m'empêcher de comparer mais ce sont deux univers radicalement différents malgré des points communs au départ. Ici, on est loin du XVIIIème siècle policé de notre cher Nicolas Le Floch. L'univers de Volnay est sombre et les personnages, s'ils tout autant représentatifs que chez Le Floch, valent leur pesant de secrets ou de noirs desseins. Contre toute attente, j'ai été séduite par les deux sagas, que j'aime chacune pour des raisons différentes. Depuis l'automne 2018 donc, je lis chaque année une enquête du commissaire aux morts étranges et c'est toujours avec un grand plaisir que je le retrouve.
    Humeur noire à Venise n'a pas dérogé à la règle et je crois même pouvoir dire que c'est le tome que j'ai le plus aimé pour le moment, même si les trois précédents sont très bons aussi. J'avais un peu peur, au départ, de quitter l'univers familier de Paris mais cette enquête à Venise est dépaysante et intéressante parce qu'en même temps que Volnay et le moine, on découvre une ville-république où les usages n'en sont pas moins compliqués que dans la plus ancienne des cours européennes. Le paraître est évidemment primordial, le jugement, omniprésent. Les grandes familles tirent un orgueil incommensurable d'un nom ou d'une fortune tandis que l'ancienne puissance de l'Adriatique commence à amorcer un déclin qu'elle cherche à oublier en s'étourdissant de fêtes splendides et de carnavals en tous genres. Mais gare à Volnay, qui ne se laisse pas avoir par les sirènes vénitiennes (quoique) et qui prendra un malin plaisir à faire tomber les masques.
    Humeur Noire à Venise apporte un souffle nouveau, dépaysant et salin à une saga qui jusque là, se focalisait surtout sur les venelles noires et pleines de secrets de la grouillante capitale française. On sillonne la cité lacustre encore grandiose mais dont le coeur a déjà commencé à cesser de battre...
    L'enquête est cohérente et bien maîtrisée, on la suit sans peine mais sans forcément deviner le dénouement : après, je ne suis pas forcément une référence, il est quand même très rare que je découvre les ficelles d'une enquête policière (je pense que je n'ai pas un esprit de déduction forcément hyper développé...la logique et moi, ça fait deux !).
    J'ai apprécié de découvrir la Venise du XVIIIème siècle mais aussi d'en savoir plus sur Volnay qui tombe un peu le masque dans ce quatrième tome et se dévoile : ainsi, on en apprend un peu plus sur son enfance et ses origines tandis que l'impénétrable jeune homme ne semble pas indifférent à la beauté glaciale d'une sculpturale patricienne, la troublante Flavia...Un aspect plus humain du personnage est développé ici tandis que le moine, lui, reste égal à lui-même tout en ne cessant de nous étonner (et évidemment, la question revient à nouveau : qui est-il vraiment, ce moine qui se targue d'être hérétique et de ne pas croire en Dieu et qui, dans cet opus, semble revenu de tout ?).
    Bref, je crois que pour conclure cette chronique, je n'ai qu'une chose à vous dire. C'est : lancez-vous ! Si vous aimez les polars à tendance historique, vous aimerez certainement cet univers qui s'installe en quelques pages dès le premier tome et que l'on prend ensuite plaisir à voir se développer au fil des intrigues. Je n'ai plus qu'une hâte maintenant : lire le tome 5 qui m'a l'air très, très intéressant lui aussi. 

    En Bref :

    Les + : une enquête cohérente et bien menée, qui se lit sans effort ! Un vrai bon polar historique, comme je les aime.
    Les - : Aucun !


    Une Enquête du Commissaire aux Morts Étranges, tome 4, Humeur Noire à Venise ; Olivier Barde-Cabuçon

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     


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  • «  Un homme est prêt à s’attaquer à la capitale comtale et à la saisir. S’il y parvient, la ville sera un gage formidable pour la suite. »

     

    Couverture L'archiprêtre et la cité des Tours

     

     

     

        Publié en 2008

       Editions du Masque (collection Labyrinthes)

       417 pages 

     

     

     

     

     

    Résumé :

     En Provence durant la guerre de Cent Ans, la capitale du comté cherche à se libérer de trois autorités : celle de la reine Jeanne, celle du pape Innocent VI et celle de Charles IV, empereur d'Allemagne, qui, pour soumettre les Provençaux à son pouvoir, n'hésite pas à envoyer une compagnie de pillards saccager le pays sous la houlette d'Arnaud de Cervole, dit l'Archiprêtre. 
    Le prévôt de Saint-Sauveur, Raimond Aldebert ainsi que Fouques d'Agout, le sénéchal de Provence, décident de réunir leurs trois cités, pour créer Aguensi - Aix - et ainsi gagner en autonomie et en résistance. Pietro da Sangallo, jeune ambassadeur de Florence, a pour mission d'apporter une importante somme d'argent au sénéchal afin de financer la lutte contre les pillards. Mais à peine arrivé dans le comté, il apprend que plusieurs personnes de haut rang ont été assassinées. Dans ce climat de conspiration, le jeune homme va tout mettre en oeuvre pour démasquer les instigateurs d'un tel complot, avec l'aide de la jeune et belle veuve Sance Béranger. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    En 1358, le sort de la Provence semble bien incertain : alors que la ville d’Aix-en-Provence, qui n’existe pas encore telle qu’on la connaît est sur le point de voir le jour, avec la réunification des trois bourgs qui la composent alors, un jeu de conflits d’intérêt et d’influence, qui dépasse les habitants de la région, anime les grands de ce monde : dans ce petit bout de terre qui n’appartient pas encore à la France mais au Saint-Empire, tout en étant gouverné par la famille d’Anjou, dont deux branches, les Tarente et les Duras, se vouent une guerre fratricide, les ambitions larvées se dévoilent au grand jour et la Provence est mise dans la balance. Qui tirera son épingle du jeu ? Là-bas, plus prosaïquement, on se demande avec inquiétude ce que fait aux pieds des remparts l’un des pires routiers du Moyen Âge, Arnaud de Cervole dit L’Archiprêtre, qui n’est probablement pas venu jusqu’en Provence pour un voyage d’agrément. Et quand, en plus, des notables aixois favorables à la fusion des trois villes sont assassinés dans des circonstances plutôt troubles, il n’en faut pas plus pour que la cité s’enflamme, dans une angoisse plus que palpable.
    Jean d’Aillon, qui nous a souvent habitués à de conséquentes séries dans lesquelles il prend le temps de faire évoluer ses personnages, s’est contenté ici d’un roman unique, pour raconter un pan de l’histoire de la ville où il vit : Aix-en-Provence, comme il l’a déjà fait dans Le trésor du palais comtal ou encore Marius Granet et les compagnons du Soleil.
    En ce XIVème siècle, la ville d’Aix connaît des bouleversements d’ampleur : sa population a été décimée une dizaine d’années plus tôt par la violente épidémie de peste qui déferle sur l’Europe en 1348 et dure plusieurs années, réduisant parfois à néant les populations des villages ou des villes et la Provence, bien que ne faisant pas partie du royaume de France, se retrouve parfois assaillie par les bandes de routiers qui sillonnent le territoire. Alors quand, en plus, on devient l’objet des appétits des plus grands, du pape en passant par le roi de France, l’Empereur et la reine Jeanne de Naples, à la réputation exécrable, le moins que l’on puisse dire, c’est que le quotidien n’est pas de tout repos !
    C’est dans ce contexte que le jeune florentin Pietro da Sangallo (qui serait un ancêtre de Giuliano da Sangallo) arrive à Aix, dans une ville en alerte et qui s’attend à tout moment à être prise et pillée par Arnaud de Cervole et ses troupes de mercenaires. Chargé d’apporter de l’argent prêté par la cité italienne, lui-même ancien routier, Pietro va se retrouver enquêteur bien malgré lui.
    L’Archiprêtre et la Cité des Tours est un roman historique et policier à la fois, qui s’inscrit parfaitement dans l’œuvre de Jean d’Aillon. Très riche, il aborde un pan très précis de l’Histoire et dans un territoire donné. La Provence du XIVème siècle est une terre à part et on comprend qu’elle soit sujet de bien des convoitises à commencer par celles du royaume de France qui a pourtant bien des chats à fouetter avec le conflit qui, depuis 1337, l’oppose à son cousin le royaume d’Angleterre.
    Assez facile et agréable à lire, j’ai trouvé cependant que les liens familiaux décrits au début du roman ne sont pas forcément super évidents à suivre et si vous vous lancez dans la lecture de ce roman, un conseil : prenez un stylo, une feuille de papier et Wikipédia pas loin pour vous situer dans la généalogie de la famille d’Anjou de l’époque (d’autant plus qu’il m’a semblé, après recherches, que quelques petites confusions entre les personnages ont parfois eu lieu au cours du récit). Une fois ces premiers chapitres passés, on entre dans le vif du sujet : le Moyen Âge de Jean d’Aillon n’est pas celui de l’amour courtois et chevaliers et gentes dames laissent place à des personnages ambitieux voire des soudards qui ne reculent devant rien. Les villes sont sales et dangereuses, les épidémies comme les guerres et les pillards vous font craindre pour votre vie quotidiennement. En somme, ce n’est pas une balade de santé que vous propose l’auteur. Le roman est malgré tout assez fluide et captive, par l’instauration d’un certain suspense, inhérent à tout roman policier qui se respecte.
    Ceci dit, ce n’est pas le meilleur Jean d’Aillon que j’ai lu. Il m’a manqué quelque chose pour être pleinement captivée par ce roman. Je l’ai trouvé très agréable à lire, ce n’est pas une déception mais je m’attendais à autre chose peut-être, très honnêtement, je ne sais pas. Tout ce que je peux vous dire, c’est que je ne le classerai pas dans mes préférés de l’auteur, tout en ne le déconseillant pas, parce qu’il a le mérite d’aborder un épisode plutôt méconnu de l’Histoire médiévale.
    Pour conclure, je dirais que L’Archiprêtre et la Cité des Tours est un bon roman parce qu’il est efficace et qu’il « fait son job » mais, en comparaison, j’avais bien mieux apprécié Marius Granet et les compagnons du Soleil ainsi que Le Trésor du Palais Comtal qui, eux aussi, prenaient corps à Aix-en-Provence. Une lecture que je ne regrette donc pas mais qui ne m’a pas enthousiasmée outre mesure malgré tout ! Cela ne m’empêchera pas de continuer à lire du Jean d’Aillon pour autant.

    En Bref :

    Les + : un roman qui s'inscrit parfaitement dans l'univers historique et policier de Jean d'Aillon et qui met en avant un pan bien précis de la ville d'Aix, où vit l'auteur. 
    Les - :
    sans pouvoir mettre le doigt précisément sur ce qui me chagrine, je dois dire qu'il m'a manqué quelque chose pour apprécier pleinement ce roman.


    L'Archiprêtre et la Cité des Tours ; Jean d'Aillon

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

     

     


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  • « C'était le destin des philosophes que d'être pendus puis célébrés le moment suivant, avant d'être pendus de nouveau, peut-être, le lendemain. Cet ensemble d'effets et de causes avait de quoi les pousser à chercher la sécurité au coeur du péril, à se constituer des rentes pour l'avenir, et à prendre la vie avec la sérénité qu'apporte la pratique de la raison. »

    Couverture Crimes et condiments

     

     

          Publié en 2016

      Editions Le Livre de Poche

      288 pages

      Quatrième tome de la saga Voltaire mène l'Enquête

     

     

     

     

     

    Résumé :

    En pleine révolution culinaire, Voltaire enquête sur les traces d'un assassin qui sème derrière lui tartes au cyanure et ragoûts à l'arsenic. L'aide de la brillante marquise du Châtelet, experte en recherches scientifiques, et de l'abbé Linant, fin gourmet, ne sera pas de trop pour l'appétit aux gastronomes ! 
    Après La baronne meurt à cinq heures (prix Historia, prix Arsène-Lupin et prix du Zinc de Montmorillon), Meurtre dans le boudoir et Le diable s'habille en Voltaire, une nouvelle aventure du philosophe truffée d'humour. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Ce quatrième tome de notre cher ami Voltaire démarre en 1734, alors que l’ombre de la Bastille n’a jamais été aussi menaçante au-dessus de l’auteur des Lettres philosophiquesVoltaire a quarante ans mais ne s’est pas assagi pour autant. Sa plume de philosophe continue d’irriter le pouvoir et la police parisienne, qui le tient à l’œil. Alors, le jour où on lui propose de résoudre une énigme, contre sa liberté, difficile de refuser sa requête à Hérault, le lieutenant de police. Donnant, donnant : Voltaire enquête discrètement et en échange se voit lâcher un peu la bride sur le cou par les séides du politiquement correct. D’autant plus que le philosophe à perruque Régence s’est lancé dans un fructueux commerce quelque peu illicite et qui pourrait fort fâcher l’Espagne de Philippe V si l’on venait à apprendre qu’un écrivain français quelque peu contestataire marche sur les plates-bandes des commerçants espagnols : autrement dit, le commerce avec la riche Amérique.
    Voilà donc Voltaire, toujours flanqué de sa marquise du Châtelet (Emilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet a réellement existé ; mathématicienne et physicienne de talent, elle est connue pour avoir été la traductrice, en France, des travaux de Newton) et de son inénarrable abbé Linant (lui aussi est un personnage authentique) qui enquête sur la disparition de bijoux de la princesse de Lixen… Régalé par elle d’un banquet digne de Lucullus ou de Gargantua, Voltaire n’est pourtant pas au bout de ses peines et son enquête risque de prendre un tour aussi inattendu qu’indigeste.
    De la couverture au titre du roman, tout nous indique rapidement le contenu du livre : on va parler nourriture, eh oui. Mais ne salivez pas trop : au XVIIIème siècle, la haute cuisine n’est pas celle que l’on connaît et si cette époque nous a donné les bouchées à la reine ou encore les madeleines de Commercy, il ne faut pas oublier que l’on y mange encore des plats aux saveurs plutôt surprenantes. Alors que le peuple crève souvent de faim, dans les hautes sphères on se repaît de repas particulièrement longs, où les plats se suivent sans se ressembler. On mange du sucré, du salé, parfois les deux ensemble. La viande est évidemment un mets très recherché et l’estomac fragile de notre héros, qui ne s’accommode jamais mieux que d’un bon plat de lentilles, va être mis à rude épreuve lors de cette enquête qui va l’emmener de Paris en Bourgogne, en passant par Cirey en Lorraine et même jusqu’au champ de bataille de Philipsburg en Allemagne.
    Dans ce quatrième tome, l’enquête policière, qui sert toujours de trame aux aventures de notre cher philosophe emperruqué, se déroule de manière si subtile qu’on ne la distingue presque pas. Pour utiliser une métaphore culinaire (on est dans le thème), on peut imaginer un ingrédient mélangé à d’autres, qui semble disparaître mais ressort subtilement lorsque l’on goûte le plat et libère alors sa saveur. Il s’en passe, des choses, dans ce tome-ci, depuis que Voltaire reçoit sur la tête, dans le parc des Lixen, un pigeonnier qui semble avoir été légèrement poussé pour tomber droit sur la tête des philosophes un peu fouineurs ! Notre ami quitte ainsi son cher Paris pour aller assister en Bourgogne aux noces de son ancien camarade de collège le duc de Richelieu qui, en 1734, épouse Elisabeth Sophie de Lorraine. Entre-temps, la parution inopinée de ses Lettres philosophiques, qui donnent des envies de meurtre au lieutenant de police, le pousse à aller se réfugier au fin fond de la campagne de Lorraine, au château de Cirey…propriété du marquis du Châtelet, autrement dit le mari d’Emilie, sa coéquipière et surtout, sa maîtresse depuis 1733 ! Enfin, parce que Voltaire a eu vent d’un complot familial qui vise la personne de Richelieu, le voilà qui n’écoutant que son courage (et son intérêt) galope jusqu’aux tranchées inhospitalières de la guerre de Succession de Pologne pour sauver le duc.

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    Le déjeuner d'huîtres deFrançois de Troy (XVIIIème siècle)

    Dans Crimes et Condiments, Voltaire voyage et nous avec. Voltaire mange et parfois un peu trop richement car il finit par souffrir d’indigestion… et nous avec ! Ah non, pardon. Là, pour le coup, ce n’est pas le cas. Léger et aérien comme une crème chantilly, Crimes et Condiments se déguste comme un bonbon. On ouvre parfois de grands yeux devant les recettes qui étaient prisées au XVIIIème siècle, on se dit que celle-ci ne devait pas être trop mal tout compte fait, tandis que celle-ci dégoûte carrément les palais très XXIème que nous sommes ! Mais surtout, qu’est-ce qu’on rit ! Quand je parle de bonbon, c’est vraiment cela que je veux dire : on lit une petite merveille de roman historique acidulé et tendre à souhait. A dessein, je ne parle pas vraiment de roman policier ici : de toute façon, si vous aimez les bons polars ou les thrillers, il vaut mieux que vous passiez votre chemin. Ce n’est pas cela que vous trouverez ici, l’enquête policière étant finalement assez anecdotique. Mais la forme ne cesse de me séduire : une lectrice a écrit que l’univers de Frédéric Lenormand est inclassable et c’est bien vrai. C’est un savant mélange de diverses influences et je pense que c’est ça qui me plaît, dans cette saga comme dans Au service secret de Marie-Antoinette, sa saga de cosy mystery que j’ai découverte en janvier dernier. Les romans de Lenormand sont légers, très drôles, bourrés de références et parfois même d’anachronismes qui nous font sourire quand on tient la référence et qui donnent ainsi à ses romans ce je-ne-sais-quoi qui a quand même un bon petit goût de reviens-y.
    Surtout, il ne faut pas oublier que derrière des romans que l’on pourrait qualifier de « faciles » au premier abord, se cachent les solides connaissances d’un auteur qui maîtrise son sujet à la perfection et ne manque pas de pointer tous les petits travers de cette époque si passionnante à bien des égards : on pourrait presque considérer que le XVIIIème siècle est une époque qui se cherche, une époque dont les deux bras sont tirés à gauche et à droite par, d’un côté le XVIIème siècle flamboyant de Louis XIV et de l’autre, par un XIXème qui annonce notre propre époque. Le XVIIIème siècle est une époque double, une époque de libertinage physique et intellectuel mais aussi de raidissement religieux, de recherche de la connaissance mais aussi de crainte face à elle, qui se manifeste alors par la censure des œuvres philosophiques. Alors que l’on croit moins, que pour certains les loges de la franc-maçonnerie remplacent la religion, l’Eglise n’a pourtant jamais été aussi puissante ni aussi corrompue et pétrie de paradoxes (elle qui prêche la continence voire l’abstinence et cache des cochonnailles dans ses placards en pleine période maigre par exemple). Le pouvoir royal, quant à lui est, en ces années 1730, un pouvoir presque fantoche, abandonné entre les mains d’un ex-mentor de jeunesse devenu principal ministre, l’abbé de Fleury. C’est subtil mais la dénonciation est là : évidemment, dans l’article, je force le trait mais pour peu que l’on connaisse assez bien l’époque, on percevra ce que l’auteur veut discrètement pointer du doigt. Travers d’une époque certes mais aussi travers humains qui, eux, ne changent pas vraiment en 250 ans. Voilà pourquoi Voltaire mène l’enquête n’est pas (ou n’est pas que) une saga de feel-good historique qui fait juste rire. Le propos va quand même un peu plus loin.
    Cela dit, il est vrai que je retrouve cette saga toujours avec plaisir parce que je sais que je vais passer un bon moment et que la plume incisive de l’auteur va toujours faire mouche : je sais que je vais forcément rire en lisant une enquête de Voltaire et cela tient autant au style, vraiment très agréable à lire, qu’aux personnages et surtout Voltaire, dont les défauts sont poussés à l’extrême ! Si le vrai Voltaire était comme cela, on comprend que ses contemporains aient voulu s’en débarrasser en le flanquant de temps en temps à la Bastille, ne serait-ce que pour respirer un peu ! Hypocondriaque, parfois légèrement hystérique, sans aucun goût pour la mode ni la bonne chère (ce qui en fait un OVNI dans ces cercles où le paraître et la bonne bouffe sont deux piliers essentiels), mourant au moins dix fois par an (voire plus), sans-gêne, il est un concentré des défauts humains mais tournés en ridicule, ce qui les rend finalement assez attachants. On a de l’indulgence pour ce Voltaire de théâtre, de vaudeville, qui nous ravit à chaque fois. On a de l’indulgence pour ses tours pendables.
    Ce quatrième tome était à l’image des précédents. J’imagine que les suivants seront à son image…est-ce que je m’en lasse ? Absolument pas, c’est bien trop jubilatoire.

    En Bref :


    Voltaire mène l'Enquête, tome 4, Crimes et Condiments ; Frédéric Lenormand

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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  • « Simon de Montfort s'interrogeait sur Guilhem d'Ussel, et la façon dont il pourrait l'éloigner du roi. Les révélations de son cousin lui avaient apporté des informations confirmant combien cet individu était dangereux, bien plus qu'il ne l'avait imaginé. »

    Couverture Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour : Béziers, 1209

     

     

       Publié en 2017

       Editions J'ai Lu

       608 pages

       Septième tome de la saga Les Aventures de Guilhem     d'Ussel, chevalier troubadour

     

     

     

     

     

    Résumé :

    1208 : Guilhem d'Ussel a laissé son fief de Lamaguère sous tutelle pour venir s'installer à Paris. Devenu prévôt de l'Hôtel de Philippe Auguste, il est chargé de découvrir les meurtriers d'une prostituée égorgée dans l'église Saint-Gervais. 

    Mais qui tente de l'éloigner du roi alors que le pape Innocent III exerce une pression de plus en plus forte sur le royaume afin que ses barons se rassemblent dans une croisade contre les hérétiques albigeois ? Guilhem parviendra-t-il à identifier ses ennemis et à préserver Lamaguère ? 

    Entre fidèles amitiés et trahisons, pièges et coups du sort, il traversera la France pour élucider un mystère plus obscur qu'il n'y paraît. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

     Hier soir, avant de rédiger cette chronique, je me demandais depuis quand je n'avais pas lu un Guilhem d'Ussel et je ne m'en souvenais pas ! Vraiment pas. Ensuite, j'ai réfléchi que je n'en avais jamais parlé sur mon compte Instagram que j'ai commencé en février 2016...ma dernière lecture de l'une de ses aventures remontait donc à avant février 2016 et effectivement : j'ai lu Rouen, 1203, en janvier 2016 et rien depuis. Entre temps, j'ai continué la saga Louis Fronsac, que j'ai aussi mise en pause depuis quelques temps maintenant et surtout, découvert les nouveaux héros médiévaux de Jean d'Aillon, Gower Watson et Edward Holmes. Guilhem d'Ussel est donc un peu passé à la trappe et c'est avec d'abord, je dois bien l'avouer, un sentiment d'obligation que j'ai sorti ce livre de ma PAL (parce que quand même, plus de cinq ans à dormir dans la PAL, c'est un peu exagéré) puis avec un grand plaisir quand j'ai eu lu les premiers chapitres. 
    Oui, j'ai été très heureuse retrouver Guilhem en 1208, soit cinq ans après la fin de la précédente aventure. Des tomes hors-série viennent parfois s'intercaler, chronologiquement, entre les tomes de la saga proprement dite mais je ne les ai pas lus. Cela dit, cela ne m'a pas gênée, même s'il est fait référence ici au roman (la nouvelle ?) Le Grand Arcane des Rois de France.
    Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre, nous ne retrouvons pas Guilhem dans le Midi mais bien à Paris, en 1208. Alors titulaire d'une charge royale relativement importante, proche du roi Philippe II Auguste et du fils de celui-ci, le prince Louis, Guilhem est chargé de résoudre une enquête particulièrement délicate : le corps sans vie d'une prostituée a été retrouvé dans une église de Paris et le roi lui demande de faire la lumière sur cette affaire, surtout quand il s'avère que la victime fréquentait un cercle qui ressemble fortement à une secte religieuse et semble réunir de nombreux adeptes dans la capitale autour d'un prédicateur appelé Guillaume d'Aire ou Guillaume l'Orfèvre. 
    Mais si ce meurtre faisait partie d'une machination plus vaste visant en fait Ussel, le trop écouté prévôt de l'Hôtel du roi ? Car en ce début de XIIIème siècle, certains barons français, appuyant les supplications du pape Innocent III, poussent le roi à participer à une grande croisade destinée à aller châtier les hérétiques du Midi, les cathares mais aussi les seigneurs occitans et languedociens un peu trop laxistes envers l'hérésie, à commencer par le plus puissant d'entre eux, le comte Raymond de Toulouse.
    Envoyé sur de fausses pistes, retenu séquestré de longs mois puis échouant dans une ville de Béziers en alerte, après être passé par son fief de Lamaguère cible des croisés et d'une bande de ribauds dont les intentions sont plus vengeresses que véritablement religieuses, Guilhem d'Ussel va connaître, entre le mois d'avril 1208 et la fin du mois de juillet 1209, tout un tas d'aventures dont il ne va pas sortir indemne. Mais cela va lui permettre de faire la lumière sur une vaste machination bien plus motivée par l'appât du gain et l'ambition que par une quelconque ferveur religieuse et qui dépasse même le roi de France ou le pape. Et tandis que la France sombre dans une guerre civile déguisée en guerre sainte, Guilhem d'Ussel, qui n'a pas été épargné par la vie et a même connu de douloureuses épreuves privées, se remet en question ainsi que ses choix...
    Si seule la fin du roman se situe à Béziers en 1209, tout le roman ne tourne finalement qu'autour de cela : la fameuse croisade contre les Albigeois, prêchée par le pape pour éliminer l'hérésie cathare, particulièrement puissante dans le Midi depuis le XIIème siècle. Surtout, le catharisme s'est développé à l'ombre bienveillante et protectrice des seigneurs méridionaux, à commencer par le comte de Toulouse ou le vicomte Raymond-Roger Trencavel. Lointains parents des vaudois, des bogomiles ou des manichéens, les cathares défendent la thèse que le monde matériel est le fruit de Satan donc, par essence, mauvais, tandis que le royaume du Bien se trouve auprès de Dieu. Les hauts dignitaires du catharisme sont appelés Parfais, Bonshommes ou Bonnes Femmes et reçoivent le sacrement du consolamentum. Vivant dans une relative austérité et même pauvreté, réfutant l'Ancien Testament mais révérant les Evangiles, les cathares sont donc des chrétiens contre lesquels la papauté enverra d'autres chrétiens. La reddition des hérétiques du Sud aura lieu réellement en 1244, sous le règne de Louis IX, quand tombe la forteresse de Montségur, où les derniers cathares du Midi s'étaient réfugiés. Refusant la conversion, ils se jettèrent dans un immense bûcher dressé dans une prairie au pied du château, qui porte encore aujourd'hui le nom occitan de Prat del Cramats.

    22 juillet 1209 : siège et massacre de Béziers - France Focus

    Les croisés devant Béziers, juillet 1209

    En 1208, alors qu'il sillonne les terres du Toulousain et du Languedoc, le légat du pape Pierre de Castelnau est assassiné, ce qui provoque l'ire d'Innocent III et le pousse à harceler le roi de France afin de lever l'ost. Des barons du royaume orientent alors Philippe Auguste en ce sens car derrière l'écran de la croisade, c'est surtout des terres riches et fertiles qui s'offrent à eux et peut-être le moyen de se tailler un fief à l'épée sous couvert d'aller extirper une horrible hérésie. A cette époque-là, la France n'existe pas encore comme aujourd'hui et le Nord et le Sud du royaume sont radiclalement différents l'un de l'autre : les barons d'Île-de-France, de Bourgogne et de Picardie se bercent alors d'illusions sur les richesses dignes du royaume de Saba qu'ils trouveront en allant piller les terres des seigneurs occitans.
    La Croisade contre les Albigeois se signale par des épisodes particulièrement sanglants et notamment le sac de la ville de Béziers, en juillet 1209 : le 22, jour de la sainte Madeleine, les croisés penètrent dans la ville pourtant réputée imprenable, bien protégée derrière ses immenses murailles. De nombreux habitants furent passés au fil de l'épée tandis que femmes, enfants et vieillards, enfermés en l'église Sainte-Madeleine, y furent brûlés vifs. Encore aujourd'hui, les chiffres précis des victimes n'est pas connu : le pape lui-même parle d'environ 20 000 victimes, d'autres contemporains de 60 000 personnes exterminées ce jour-là par les armées croisées menées par Simon de Montfort, l'archevêque de Bordeaux, les ducs de Bourgogne et de Nevers et le légat et abbé de Cîteaux, Arnaud Amaury. C'est lors de cette prise de la ville de Béziers, qui s'achève en une véritable boucherie que le légat aurait prononcé cette terrible sentence : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les Siens ! » condamnant ainsi toute la population bitteroise, qu'elle soit catholique ou cathare.
    Dans ce tome-ci des Aventures de Guilhem d'Ussel, la grande Histoire et la petite se rencontrent et s'entremêlent étroitement. Même si Guilhem n'arrive à Béziers que quelques jours avant le siège fatal, on le vit de l'intérieur et on asiste avec horreur aux exactions dont vont se rendre coupables les croisés et on ne peut s'empêcher de se demander si la croisade ne fut pas finalement plus motivée par l'appât du gain, l'or et les terres que par une véritable ferveur religieuse ? Mais celle-ci est bien commode quand elle permet de couvrir les pires agissements commis au nom de Dieu.
    Guilhem d'Ussel est un personnage assez intemporel et appartenant à toutes les époques à la fois : incroyant à une époque où la religiosité confine à la superstition et au fanatisme, il a aussi une incroyable capacité de jugement et un cynisme qui lui permettent de survivre dans un monde gangréné et corrompu, jusqu'à l'Eglise qui n'hésite pas à se montrer d'une froideur, d'un calcul et d'un machiavélisme absolument assumé.
    Ce tome est relativement conséquent (un peu plus de 600 pages) mais j'ai pris plaisir à retrouver les personnages, à les suivre dans leurs pérégrinations qui finissent par nous emmener vers le dénouement fatal et ce fameux siège de Béziers, événement historique avéré et qui marque l'Histoire du Midi.
    Une bonne lecture pour l'amoureuse des romans historiques que je suis, notamment pour la qualité des recherches de Jean d'Aillon. Il n'est pas historien de formation et il y'a d'ailleurs quelques petites erreurs ou approximations mais, dans l'ensemble, on ne peut que louer le travail solide réalisé en amont et qui donne lieu à des romans efficaces, divertissants mais riches également de nombreuses informations historiques et sur la vie quotidienne. Il m'aura fallu du temps mais je ne suis pas mécontente d'avoir renoué avec Guilhem d'Ussel ! 

    En Bref :

    Les + : un roman historique contemporain qui s'inspire autant de Walter Scott que des romans de chevalerie et mêle habilement aventures, enquête policière et événements historiques authentiques. 
    Les - :
    quelques petites erreurs et des approximations historiques. 


    Les Aventures de Guilhem d'Ussel, chevalier troubadour, tome 7, Béziers 1209 ; Jean d'Aillon

      Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle


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