• The Girls ; Emma Cline

    « La fille aux cheveux noirs se retourna et capta mon regard. Elle me sourit et mon ventre se noua. Quelque chose sembla passer entre nous, un transformation subtile de l'air. Cette manière directe, impénitente, de soutenir mon regard. »

    Couverture The girls

     

     

         Publié en 2016 aux Etats-Unis

      En 2017 en France (pour la présente édition)

      Titre original : The Girls

      Editions 10/18

      360 pages 

     

     

     

     

    Résumé :

    Californie, fin des années 1960. Evie Boyd, quatorze ans, vit seule avec sa mère. Lorsqu'elle se dispute avec sa seule amie, Evie se tourne vers un groupe de filles dont la liberté et l'atmosphère d'abandon qui les entoure la fascinent. Séduite par l'aînée, Suzanne, elle se laisse entraîner dans une secte au leader charismatique, Russell. Leur ranch est aussi étrange que délabré, mais, aux yeux de l'adolescente, il est exotique, électrique, et elle veut à tout prix s'intégrer. Son obsession pour Suzanne grandissant, Evie ne s'aperçoit pas qu'elle s'approche d'une violence impensable.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Durant l'été 1969, la jeune Evie Boyd se brouille avec son amie d'enfance, Connie. Solitaire, délaissée par sa mère, Evie rencontre un jour dans le parc trois jeunes femmes un peu plus âgées qu'elle et au magnétisme certain : surtout Suzanne, qui semble être la leader et attire singulièrement l'attention d'Evie.
    Le jour où Suzanne s'intéresse à elle et lui accorde un peu de place dans sa vie, lui faisant découvrir son lieu de vie, une communauté installée dans un vieux ranch en plein cœur des collines californiennes, Evie semble revivre et se révéler. Loin de son existence d'adolescente un peu seule, sans amis, elle découvre le mode de vie de ces hippies fascinants, se contentant de peu, drogués à la marijuana et au speed, à la vie sexuelle libérée et surtout, soudés autour d'une figure tutélaire, Russell, qui est en fait un gourou, ni plus ni moins et exerce une influence subtile mais néfaste sur sa communauté, la rendant dépendante de lui. Une influence telle qu'à force de paroles lénifiantes et de propos contestataires fustigeant la société américaine de cette fin des années 1960, la guerre au Vietnam etc... il parviendra à armer leurs bras et à leur faire commettre le pire...l'été se termine dans le pire des marasmes pour Evie, soudain mise brutalement face à la vraie personnalité de ceux qu'elle avait pris pour des amis, des frères et des soeurs.
    Plusieurs années plus tard, c'est une Evie devenue adulte qui raconte, qui se raconte. Hantée par les souvenirs de l'été de ses quatorze ans, elle a vécu toute sa vie avec l'ombre planante de la communauté à côté d'elle et celle de Suzanne, dont elle n'a jamais vraiment réussi à se défaire. Suzanne qu'elle n'a jamais revue mais qui continue d'exercer, de loin, à travers des lambeaux de souvenir, une influence sur Evie qui, à plus de cinquante ans, mène une vie peu satisfaisante, habitée par l'idée lancinante que, s'il n'a pas participé à l'horreur dont vont se rendre coupables les filles de la communauté, elle aurait pu. Elle aurait pu le faire et ce sentiment obsédant a fini par conditionner toute sa vie...
    En lisant The Girls, difficile de ne pas penser à ces meurtres qui se sont réellement produits au mois d'août 1969, en Californie. Difficile de ne pas penser à l'actrice Sharon Tate, âgée de vingt-six ans, alors jeune épouse de Roman Polanski et enceinte de leur premier enfant, qui sera assassinée dans sa maison d'Hollywood, le 9 août, Sharon Tate qui sera assassinée par une certaine...Susan Atkins. Difficile aussi de ne pas sentir l'ombre glaçante de Charles Manson et de sa secte, La Famille, en lisant ce roman. En tout cas, j'y ai pensé tout au long de ma lecture et je pense que c'est, évidemment, l'une des inspirations claires d'Emma Cline. La ressemblance n'est pas fortuite, c'est sûr.
    J'ai lu ce roman comme en apnée, en retenant mon souffle, la gorge souvent serrée par une angoisse latente, le ventre noué. En soi, il n'y a pas vraiment de suspense dans ce roman, on sait forcément ce qui va arriver...et pourtant on redoute, tout au long de la montée en puissance du récit, son point d'orgue. On redoute ce que l'on va lire, peut-être parce que, même si The Girls est une oeuvre de fiction, elle évoque une véritable affaire qui épouvante le Hollywood de la fin des années 1960.
    A part ça, Emma Cline décrit finement les mécanismes du sectarisme et le cercle vicieux insidieux qui se met en place. Surtout, elle démontre bien que chacun peut, un jour, être la victime d'une telle communauté. Evie, jeune fille de quatorze ans fragilisée par une brouille violente avec sa seule amie, délaissée par des parents qui se débattent chacun dans une vie sentimentale un peu compliquée, livrée à elle-même, tombe sous la coupe de Suzanne et de Russell, suffisamment manipulateurs et intelligents pour la faire se sentir à part, pour la faire se sentir confiante en elle-même, différente, unique. Parce qu'elle se sent vue, regardée, aimée aussi d'une certaine manière et surtout, estimée pour ce qu'elle est, Evie tombe toute entière dans le piège. Dans cette communauté qui prône des valeurs bien différentes de celles dans lesquelles elle a été élevée, Evie apprend à être quelqu'un, à se sentir révélée sous un regard positif et orienté, forcément appréciateur, elle apprend le désir sexuel et l'amour charnel mais surtout, elle apprend la soumission, l'impression de décider de sa vie quand on vous dicte en fait subtilement ce que vous voulez que vous fassiez. Elle devient un pion, un être malléable et manipulable à souhait, comme les autres membres de la communauté.
    The Girls nous fait découvrir la phase plus sombre du mouvement hippie, qui s'est développé à la fin des années 1960, en réaction au puritanisme, à la surconsommation des Trente Glorieuses et au capitalisme galopant, à la guerre du Vietnam qui renvoie chez eux de jeunes Américains meurtris et choqués à vie, tant physiquement que psychologiquement...si la non-violence a été prônée par beaucoup d'entre eux, on se rend compte que malheureusement, certains ont basculé dans la plus noire des barbaries, sans même s'en rendre compte, juste pour satisfaire un gourou qui, un jour, leur avait fait seulement sentir toute la puissance de leur être, son caractère unique et, par conséquent, sacré.
    Je pense que toute la puissance de ce roman réside dans le fait que ce n'est pas entièrement une oeuvre de fiction, comme je le disais plus haut. Je pense aussi qu'il est dérangeant pour cela. Ce roman est glaçant et savoir que les faits qu'Emma Cline décrit ont réellement eu lieu fait froid dans le dos.
    Pour autant, notamment pour la richesse de la plume de l'auteure, pour le récit aussi, qui est de qualité, quoique effroyable, ce roman est à lire. Il secoue, il vous assène un véritable coup de poing en pleine face, assurément, vous n'en sortirez pas indemne ! Vous prendrez aussi le risque de garder le récit longtemps en mémoire...je suis en train de lire un autre roman et, pourtant, l'intrigue de The Girls me tourne encore dans la tête. Je pense que je ne vais pas oublier de sitôt Evie Boyd et Suzanne Parker.

    En Bref :

    Les + : un récit qui accroche, qui percute, servi par une plume au style riche. L'intrigue de The Girls est d'autant plus glaçante qu'elle s'inspire de faits réels...
    Les - : Aucun, pour moi.


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