• Trilogie Tannhauser, tome 1, La Religion ; Tim Willocks

    « Il est dit que tous les hommes croient en Dieu sur le champ de bataille. »

    La Religion ; Tim Willocks

    Publié en 2006 en Angleterre ; en 2011 en France (pour la présente édition)

    Titre original : Tannhauser Trilogy, book 1, The religion

    Editions Pocket

    950 pages

    Premier tome de la saga Trilogie Tannhauser 

    Résumé : 

    « La Religion », c'est le nom que se donne l'ordre des Hospitaliers, mais c'est aussi la bannière sous laquelle se rallie parfois la folie des hommes. En 1565, claustrés sur leur petit archipel au sud de la Sicile, les chevaliers de Malte s'apprêtent à recevoir les furieux assauts de l'armée ottomane. A un contre cinq, les chrétiens tiennent le siège au prix de combats effroyables. Un déchaînement de violence dans lequel se trouve entraîné Mattias Tannhauser, un ancien janissaire qui a connu les deux camps. Pour les beaux yeux de la comtesse Carla La Penautier, le trafiquant d'armes et d'opium embarque pour l'enfer...

    Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

    Mon Avis :

    La Religion, c'est le titre sobre, épuré, percutant que le romancier britannique Tim Willocks a choisi pour le premier livre de sa trilogie en forme de fresque historique, Tannhauser Trilogy -ou Trilogie Tannhauser, en français. À ce jour, seuls le premier et le deuxième volume, Les Douze Enfants de Paris, qui se déroule à Paris pendant la Saint-Barthélémy, ont été publiés en France. La Religion, c'est aussi que le nom que les Hospitaliers se donnent. 
    Ce livre a créé beaucoup de remous dans la sphère littéraire à sa sortie, que ce soit chez les professionnels ou bien chez les blogueurs. Ce livre a été aimé, beaucoup ou détesté, vraiment. Quelques lecteurs se situent entre ces deux extrêmes, mais il y'en a peu... Apparemment, La Religion est de ces livres qui suscitent des réactions tranchées. On aime ou on aime pas.
    Personnellement, je ne savais pas vraiment quoi dire de ce livre, un bon pavé de près de mille pages, qui m'a fait passer un moment de lecture... intense, je dois dire. Intensité comme bien peu de romans m'en ont donnée, je dois l'avouer. Il y'a des millions de manières de vivre intensément une lecture : ici, le simple rythme de la fresque qui se déploie sous nos yeux nous promet une lecture forte et palpitante et cela, dès le départ. Je ne savais donc pas quoi en dire, jusqu'à refermer les dernières pages et me dire qu'au final, l'avis mitigé que je craignais avoir, n'a pas été. Je ressors de cette lecture avec, au contraire, un sentiment positif, un peu minoré par quelques défauts, certes, mais j'ai aimé ma lecture. 
    La Religion est pour moi un OVNI littéraire... je n'ai pas eu l'impression de lire un roman historique, même si le contexte est fortement présent. J'ai eu l'impression que les personnages étaient tous des sur-hommes, des super héros alors qu'ils ont tous des failles, des doutes et des blessures anciennes qui en cela, en font des êtres essentiellement humains.
    Pour essayer de se mettre un peu dans l'ambiance, revenons-en à ce fameux contexte sur lequel tout le reste du roman s'appuie, de bout en bout. L'ambiance, dès le départ, est très médiévale et pourtant, nous sommes en 1565, sur un petit rocher pelé en pleine Méditerranée, au sud de la Sicile : il s'agit de l'île de Malte, le repaire des Chevaliers Hospitaliers, depuis le Moyen Âge. C'est le dernier ordre chevaleresque existant, après l'élimination au début du XIVème siècle de l'Ordre des Templiers.
    En cette année 1565, les Hospitaliers et les habitants de Malte s'apprêtent à livrer une bataille désespérée contre la flotte du sultan de la Porte, le fameux Soliman, dont le règne, long et bien rempli, est émaillé de diverses conquêtes. Alors que l'Europe se déchire et que l'hérésie luthérienne gagne du terrain, provoquant un schisme en Angleterre et des guerres intestines en France tandis que les notables et nobles des Provinces-Unies et d'Allemagne se convertissent à tour de bras, à Malte, les défenseurs de la Chrétienté, eux, se préparent à affronter les Lions de l'Islam et à mourir pour la seule vraie foi.
    Au milieu de ce chaos, nous faisons connaissance avec le mystérieux Mattias Tannhauser, ancien janissaire devenu négociant en Sicile. Mattias, nous l'avons déjà rencontré, tout jeune alors, au début du roman. Dans les années 1540, le jeune adolescent a connu une tragédie qui a fait de lui ce qu'il est alors, un homme désabusé, qui n'a plus peur de rien. Formé parmi ce qu'on pourrait appeler la garde prétorienne du sultan, au milieu d'autres jeunes chrétiens progressivement transformés en soldats et convertis à l'Islam, il est donc devenu un janissaire mais les a quittés vraisemblablement sans que l'on sache pourquoi...
    À Messine, il fait la connaissance de la belle Carla, comtesse française mais née en Sicile, porteuse d'un secret et d'une quête qui la pousse à gagner Malte coûte que coûte, malgré la menace croissante de la flotte turque. Flanquée d'une étrange fille d'honneur, un peu devineresse, Carla de La Penautier va solliciter l'aide de Mattias et l'entraîner alors dans un tourbillon contre lequel ils ne peuvent rien et, bloqués dans Malte, assister à la lutte désespérée et sans merci des défenseurs du Christ et de ceux d'Allah.

     

    Le Grand Maître des Chevaliers de Saint-Jean en 1565 : le Français Jean Parisot de La Valette. Vue d'artiste, tableau d'Antoine Favray (XVIIIème siècle)


    Ce contexte est tout à fait authentique. Nous sommes alors dans une conjoncture assez particulière, d'expansion de la suprématie turque sur la Méditerranée. Après avoir chassé les Chevaliers de Saint-Jean de Rhodes, en 1522, ceux-ci ont trouvé refuge sur l'île de Malte en 1530. En 1565, c'est La Valette, un Français, qui est à la tête de l'ordre et doit de nouveau affronter les velléités de Soliman le Magnifique, sultan emblématique de la période. Le siège de Malte, de mai à septembre et la victoire de l'Ordre des Hospitaliers sont authentiques. Tim Willocks s'appuie donc sur un contexte riche et vrai, ce qui n'est pas négligeable.
    Alors, voilà... maintenant, le plus dur est arrivé, c'est-à-dire, parler de ce roman, qui ne m'a certes pas laissée indifférente mais... il est très difficile pour moi d'y mettre des mots qui puissent vraiment décrire mon ressenti. C'est surtout vrai en ce qui concerne les personnages...
    Commençons déjà par mon ressenti général... je n'ai pas détesté ce roman, au contraire, il fut une lecture prenante et que je n'oublierai sûrement pas de sitôt. La Religion est une grande saga historique : le roman serait situé en pleine Antiquité qu'on pourrait sans hésiter le qualifier de péplum !
    Grande fresque sale et poisseuse, noircie par la poudre des armes et salie du sang des morts, La Religion est assurément un livre qui fait mouche dans la vie d'un lecteur.
    Tout d'abord, dès les premières pages, j'ai été sidérée par le style, d'une poésie rare, au point que je me suis surprise à lire les premiers chapitres à mi-voix, pour savourer davantage les mots. J'avais presque l'impression de les psalmodier et de m'en imprégner complètement... mais très vite, ça se gâte... la violence arrive rapidement et, dès lors, ne nous quitte plus. Je n'ai rien contre, en soi... nous sommes dans un contexte de guerre et de grande instabilité, par toute l'Europe, qui induit la violence. C'est fatal. Seulement j'ai eu rapidement le sentiment que certains épisodes auraient pu être édulcorés voire carrément supprimés : à mon sens, l'auteur est tombé dans l'écueil de la violence pour la violence et du vulgaire pour le vulgaire. C'est dommage... pas catastrophique, mais j'aurais apprécié que le roman, parfois, soit moins détaillé et ne me donne pas autant la nausée. Au cours de ma lecture, je suis allée me renseigner sur l'auteur et j'ai découvert que Tim Willocks est en fait médecin de formation : j'ai alors mieux compris la profusion de détails corporels sanglants. On sent en effet toute la précision d'un homme qui a une profonde et parfaite connaissance du corps humain et de son fonctionnement, tant interne qu'externe. Personnellement, je n'aurais pas été fâchée d'en rester aux connaissances succinctes que j'ai en ce domaine et qui me suffisaient amplement !

    La prise du fort Saint-Elme lors du siège de Malte : fresque de Matteo Perez d'Aleccio (XVIème siècle)


    Heureusement que beaucoup d'aspects positifs viennent ensuite contrebalancer ces ressentis plutôt mitigés... car oui, j'ai aimé La Religion et pour plusieurs raisons.
    D'abord je dois dire que, même s'ils m'ont laissée relativement indifférente, les personnages sont une grande force du récit.
    Pourtant, je ne les ai pas ressentis comme très humains, pas dans le sens où ils n'ont aucun sentiment ou sont cruels, non, mais plus dans le sens où j'ai eu le sentiment qu'ils étaient un peu en dehors de la norme, en marge, un peu au-dessus. D'ailleurs, le nom de guerre de Mattias n'est sûrement pas anodin, Tannhauser étant celui d'un héros de la mythologie germanique. Voilà comment j'ai envisagé les personnages : comme des êtres un peu héroïques et différents, vraiment romanesques en somme, humains certes, émouvants parfois mais peut-être pas vraiment de notre monde, peut-être pas vraiment de notre trempe. J'ai été intriguée par Mattias, le premier personnage que l'on rencontre et qui nous est donc très familier, dès le départ. Il a une aura mystérieuse et un aspect physique qui force le respect. Il représente un vrai socle pour le roman. J'ai aimé le triangle amoureux qui s'instaure peu à peu et rend donc les personnages plus humains, au-delà de leurs considérations parfois un peu triviales et crues, qui m'ont dérangée parfois.
    Des passages très poignants et presque philosophiques, un peu transcendants, viennent adoucir les chapitres plus violents et apportent un vrai relief au roman, avec des considérations justes sur l'humain, la religion, l'amour, l'amitié, la mort, les souvenirs et le passé.
    La Religion est un roman historique intéressant, fort et intense. On est immergé dans une ambiance très glauque et assez collante, dont on a du mal à se dépêtrer. Il a quelques inégalités, des longueurs parfois, des chapitres violents ou crus un peu superflus. Mais l'histoire est prenante et bien menée et le contexte historique est bien étudié et relaté. Ce contexte post Concile de Trente, en pleine Contre-Réforme est riche mais peu souvent exploité de cette manière.

    En Bref :

    Les + : une histoire intéressante, pleine d'aventures, basée sur un contexte historique authentique et bien maîtrisé par l'auteur ; des personnages qui font tout le sel du récit.
    Les - : beaucoup de violence, des épisodes vraiment insoutenables et, à mon sens, superflus. Le roman aurait pu être très bon sans autant de détails crus. 

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Licorne
    Lundi 27 Mars 2017 à 08:58

    Ce livre est dans ma pal ! et j'avoue que je redoute un peu cette lecture que je sens complexe et fastidieuse mais il semble que beaucoup le conseille et qu'il faut passer outre les petites longueurs ... Ton avis me décidera sans doute à me l'approprier d'ici peu !

     

      • Lundi 27 Mars 2017 à 10:54

        Je l'avais depuis longtemps moi aussi, et comme toi, je redoutais vraiment de m'y mettre et je repoussais sans cesse ma lecture. Puis finalement en décembre dernier, j'ai acheté directement le deuxième tome, je me suis dit que ça me motiverait à lire le premier ! sarcastic 

        Au final, je ne regrette pas cette lecture. J'avoue qu'elle est parfois très violente et oui, il y'a des longueurs. Mais sur un pavé tel que celui-là, il est difficile de n'en ressentir aucune. Finalement, ce qui m'a le plus gênée, c'est la profusion de violence. Pour le reste, c'est un très bon roman historique, bien documenté et avec des personnages, sinon attachants, du moins assez mystérieux pour susciter un intérêt. ^^ J'espère que tu aimeras lorsque tu te lanceras et je serais ravie d'en discuter avec toi ! cool

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    2
    Licorne
    Lundi 27 Mars 2017 à 14:08

    Je lis beaucoup de thrillers, je suis donc un peu plus "habituée" à la violence, ( si on peut vraiment s'habituer à une chose pareille), enfin on va dire plus hâte à la supporter dans une lecture, et si l'histoire est intéressante, je pourrai passer outre et apprécier le reste, je pense  ! ;) En tous les cas , Merci de ces précisions.

    Je reviens t'en parler des que le courage m'aura pris pour attaquer ce pavé ! ;) Bonne journée

      • Lundi 27 Mars 2017 à 15:24

        Oui, je comprends ce que tu veux dire, j'ai le même ressenti. On ne peut pas s'habituer vraiment à la violence mais on peut plus ou moins bien la supporter. cool

        Je t'en prie ! J'espère que tu aimeras ce roman et que ma chronique t'aura donné envie de t'y plonger ! sarcastic Bonne journée à toi et merci pour ton passage par ici. 

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