• Un Aussi Long Chemin ; Juliette Benzoni

    « On ne craint pas ce que l'on ignore. »

    Un Aussi Long Chemin ; Juliette Benzoni

    Publié en 2015

    Editions Pocket

    459 pages

    Résumé : 

    Son visage est voilé. On ne voit que ses yeux, les plus beaux yeux qu'il ait jamais été donné de contempler. Personne ne sait rien d'elle et, depuis ce jour de Pâques de l'an 1143 où elle a rejoint les pèlerins qui font route vers Saint-Jacques de Compostelle, les langues vont bon train. On murmure qu'elle entreprend ce long et périlleux voyage pour sauver la vie et l'âme d'un innocent. On chuchote aussi qu'elle s'est défigurée pour ne plus avoir à souffrir des hommes...
    Le baron Hughes de Fresnoy est batailleur, débauché et bravache. Aussi pour conquérir la mystérieuse inconnue est-il prêt à tout, même à suivre les pèlerins en Galice...

    Ma Note : ★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Un Aussi Long Chemin n'est pas le livre le plus connu de Juliette Benzoni et j'ai d'ailleurs pensé, en l'achetant, que ce roman n'était vieux que de quelques années et faisait partie de ses dernières productions. En fait, pas du tout : ce roman qui se déroule au cœur du Moyen Âge a une trentaine d'années puisqu'il a été publié dans les années 1980 ! Mais, effectivement, il a eu un succès moins retentissant que les fameuses sagas de Benzoni, telles que la série des Marianne, du Gerfaut des Brumes, de La Florentine, des Aldo Morosini et on en passe... !
    J'ai pourtant trouvé ce roman intéressant et très palpitant...il a également eu un aspect particulier pour moi car ma dernière lecture de Benzoni remonte à quelques mois et l'auteure était alors encore de ce monde. Entre temps, Juliette Benzoni est décédée, en février dernier, à l'âge respectable de 95 ans, à quelques jours de distance d'une autre grande dame, l'auteure américaine Harper Lee. Du coup, c'était une lecture étrange pour moi que celle d'Un Aussi Long Chemin car elle était donc la première que j'effectuais depuis le décès de l'auteure et cette chronique sera donc aussi un moyen de rendre un hommage à cette dame et à son oeuvre que j'ai découverte il y'a plusieurs années déjà et que, comme beaucoup de lectrices, je n'ai plus lâchée ensuite. Je n'ai pas été passionnée par tous ces romans, il y'a du bon et du moins bon dans son immense production littéraire mais, il faut bien l'avouer, il y'a quand même bien plus de bon que de mauvais ! Juliette Benzoni a le don, avec un style simple et efficace, de nous faire voyager...en général, les contextes historiques qu'elle choisit sont toujours bien restitués, documentés et deviennent ainsi, pour les intrigues, des assises solides et sûres. Et ces personnages sont toujours captivants à suivre, pas toujours attachants mais assurément intéressants parce qu'aboutis et ciselés.
    Un Aussi Long Chemin ne déroge pas à la règle et, même si les différents protagonistes sont stéréotypés -attention, rien de péjoratif dans cette constatation, au contraire !- et quelque peu manichéens, cette différenciation assez marquée et assumée entre le bien et le mal colle parfaitement à cette intrigue. Le roman d'aventures, un peu comme les romances ou les romans de cape et d'épées, est un genre très codifié, qui doit sauter immédiatement aux yeux du lecteur et cela passe justement par la réutilisation de codes vus et revus mais qui fonctionnent cependant. En général, les romans de Juliette Benzoni sont peuplés d'héroïnes intrépides et charismatiques et ce, qu'elles soient des figures historiques authentiques -Marie de Rohan, duchesse de Chreveuse ou Aurore de Königsmark- ou pas -on peut penser ainsi à Fiora, la belle Italienne de La Florentine ou encore Sylvie de Valaines, l'héroïne du Temps des Poisons- et on en retrouve une dans ce roman médiéval : Marjolaine, fille de la noblesse laonnaise désargentée, mariée puis veuve d'un riche bourgeois de Paris, qui entreprend le pèlerinage de Compostelle avec un mystérieux voile sur le visage -qui rappelle d'ailleurs un peu une légende merveilleuse de ce XIIème siècle, celui de la fée Mélusine, qui trouverait son origine dans la présence, à Lusignan, en Poitou, d'une mystérieuse femme voilée, ramenée, dit-on, par un des seigneurs de Lusignan de cet Orient mystérieux découvert pendant les Croisades.
    Tous les auteurs ont leur manière de faire découvrir et renaître le Moyen Âge, une longue période de notre Histoire et qui fascinera certainement toujours. Sujette aux stéréotypes et aux préjugés, c'est une période difficile à retranscrire fidèlement dans un roman et pourtant...dernièrement, nos auteurs s'y essaient de façon assez heureuse, débarrassés que nous sommes aujourd'hui de la vision carrément négative des historiens du XIXème siècle. Il y'a ceux qui vont produire des romans poisseux et à l'atmosphère tendue, penchant vers les superstitions, les intolérances religieuses, les enquêtes policières, la sorcellerie et il y'a ceux qui vont plutôt se concentrer sur les facettes positives de l'époque médiévale : c'est le cas de Jeanne Bourin et c'est le cas aussi de Juliette Benzoni dans Un Aussi Long Chemin. Il est vrai que son histoire se situe à une époque charnière, entre la violence du Haut Moyen Âge et celle, guerrière, qui caractérisera les derniers siècles du Bas Moyen Âge, avant la Renaissance...le XIIème siècle n'est pas exempt d'horreurs et de violence mais c'est aussi l'époque des troubadours, des cours d'amour, du règne d'Aliénor d'Aquitaine la fameuse, une époque où arts et littérature connaissent un essor certain. Et on retrouve cette émulation-là dans le roman de Juliette Benzoni où le personnage masculin principal, soudard amateur de femmes devient peu à peu à l'image de ces chevaliers des romans courtois qui furent si à la mode à l'époque, se montrant capable de tomber amoureux sincèrement d'une femme et d'en faire sa dame, celle pour qui il donnerait sa vie. Certes, le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle n'est pas dépeint comme une promenade de santé, il ne faut pas exagérer non plus, mais cette vision presque enjouée du Moyen Âge et surtout cette romance, sont rafraîchissantes et vident la tête. Un Aussi Long Chemin n'est pas un roman léger car il est plein de péripéties et de rebondissements mais c'est le genre de petit roman que l'on peut lire tranquillement à la plage et sous un beau soleil de printemps. C'est le genre de romance aventureuse efficace, qui, sans jamais tomber dans la mièvrerie, nous captive et nous donne envie d'aller au bout du roman pour savoir enfin -même si on l'entrevoit très vite- ce qui va advenir de nos personnages. Ceux-ci ne sont pas toujours lisses et parfois, la sympathie que l'on peut nourrir pour eux flanche un peu...mais dans l'ensemble, ils sont sympathiques et Marjolaine mérite amplement sa place dans le panthéon des héroïnes féminines de l'oeuvre de Benzoni : elle a ce petit truc savamment dosé que l'auteure a toujours su donner avec beaucoup de brio à ses personnages féminins.
    Bref, je ressors de cette lecture satisfaite : Un Aussi Long Chemin m'a donné ce que j'attendais de lui et, après avoir lu beaucoup de romans médiévaux noirs ces derniers temps -je pense notamment aux productions d'Andrea H. Japp ou encore celles de Serge Brussolo, dernièrement-, cela m'a fait du bien de retrouver une petite histoire haletante, certes, mais moins violente et pleine de romance : je n'aime pourtant pas beaucoup ce genre-là, qui a trop souvent tendance à glisser vers le roman mièvre à l'eau de rose mais cet écueil est toujours subtilement évité par Benzoni. Il y'a quelque chose des Pérégrines, la fameuse duologie de Jeanne Bourin, dans ce roman-là. Il y'a quelque chose aussi de La Chambre des Dames et c'est assurément grâce à de tels romans que le Moyen Âge reste encore si vivant dans notre imaginaire contemporain. 
    Et cette lecture-là, comme je le disais en début de chronique, a été différente du fait que j'ai effectué cette lecture quelques mois seulement après la mort de l'auteure...Juliette Benzoni n'écrira plus jamais, elle ne nous livrera plus d'inédits, nous n'aurons plus la surprise et la joie, en fouinant sur internet ou ailleurs, de tomber sur un nouveau titre, mais son oeuvre est cependant suffisamment fournie pour qu'elle fasse notre bonheur pendant encore beaucoup d'années. Juliette Benzoni nous a laissé une somme folle de romans en tous genre et c'est maintenant en eux, en nos chroniques et en nos lectures qu'elle continuera de survivre, parce qu'un bon auteur est immortel et que son aura est éternelle. Juliette Benzoni fait partie de ceux-là et si c'est avec un pincement au cœur que j'ai commencé les premières pages d'Un Aussi Long Chemin, elle est assurément parvenue, au fil des pages, à me faire oublier sa disparition. Juliette Benzoni n'est pas vraiment morte parce qu'elle sera toujours là avec nous, comme une grand-mère bienveillante, à travers ses romans.

    En Bref :

    Les + : une histoire dynamique et aventureuse comme Juliette Benzoni a le don d'en inventer
    Les - : des petites inégalités ; et des coquilles 

     

    Chronique hommage à Juliette Benzoni, décédée en février 2016. 

     


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  • Commentaires

    1
    Mardi 17 Mai 2016 à 10:16

    J'avais lu ce roman du temps de mes années étudiantes et j'avais beaucoup aimé... même si certains passages un peu trop rocambolesques m'avaient laissé un peu dubitatives... ^^

    Mais comme tu le soulignes, Benzoni utilise ses connaissances historiques pour nous immerger totalement dans son récit, ce qui change avec pas mal de romances historiques où l'épouqe n'est qu'un prétexte et où les normes sociales ne sont pas du tout respectées (rhooo que ça m'énerve ça !!)... Et en plus dans Un aussi long chemin, j'avais beaucoup aimé les petites touches humoristiques... Enfin, bref, un très bon souvenir de lecture...

      • Mardi 17 Mai 2016 à 19:22

        Oh, oui, je n'en ai pas parlé dans ma critique mais comme toi , les touches d'humour m'ont beaucoup plu, je me suis surprise à sourire assez souvent ! cool

    2
    Jeudi 9 Juin 2016 à 17:26

    Oh non, je ne savais pas qu'elle était décédée en février ! Voilà un bon moment que je veux découvrir la plume de cette auteure et que je ne l'ai toujours pas fait ! Je suis triste de l'apprendre mais elle a laissé une bibliographie importante à laquelle je me consacrerai dès que possible ! C'est gentil de ta part de lui rendre un hommage.

      • Jeudi 9 Juin 2016 à 20:04

        Juliette Benzoni fait partie depuis longtemps de mes auteurs préférés, il était donc normal que je lui rende hommage et puis j'en avais envie, de toute façon ! cool J'ai passé de bons moments avec ses romans donc c'était logique que la première chronique que je consacrerai à l'un de ses livres après sa mort soit aussi un moyen pour moi de lui rendre hommage ! 

         

        Je te conseille vraiment de découvrir son univers ! ! Tout n'est pas parfait, il y'a du bon et parfois du moins bon mais dans l'ensemble, ses romans historiques sont très plaisants ! 

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