• Voltaire mène l'Enquête, tome 2, Meurtre dans le Boudoir ; Frédéric Lenormand

    «  Pendant qu'un philosophe s'occupait des crimes commis aux portes de Paris, le lieutenant général de police réglait le sort de la philosophie. »

    Voltaire mène l'Enquête, tome 2, Meurtre dans le Boudoir ; Frédéric Lenormand

    Publié en 2013

    Editions du Masque (collection Poche)

    295 pages 

    Deuxième tome de la saga Voltaire mène l'Enquête 

     

    Résumé :

    Alors que la publication de ses Lettres philosophiques s'annonce fracassante, Voltaire jure ses grands dieux qu'il ne les a pas écrites -et s'empêtre à nouveau dans des affaires criminelles. 
    Un assassin débordant d'imagination s'inspire d'un roman licencieux qui circule sous le manteau pour éliminer ses victimes dans la soie orientale et les loukoums. Soucieux d'amadouer le lieutenant de police Hérault, voilà Voltaire contraint de hanter les maisons de passe, les librairies clandestines, les bureaux de la censure et les parties fines, sur les traces d'un illuminé qui n'a guère plus de pitié pour les philosophes que pour les libertins. 
    L'aide du bon abbé Linant et de la brillante Emilie du Châtelet ne sera pas de trop pour tenter de garder en vie l'esprit le plus pétulant de son siècle. 

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Avec Meurtre dans le Boudoir, je retrouve Voltaire et son acolyte, Émilie du Châtelet, pour une nouvelle enquête rocambolesque !
    Comme le premier tome, La Baronne meurt à cinq heures, c'est frais, léger, décalé et ce pastiche de roman policier historique fonctionne à merveille, certainement grâce à la plume sautillante et pétillante de l'auteur, Frédéric Lenormand : pour moi, d'ailleurs, c'est l'un des gros points forts de ses romans, cette écriture particulière et personnelle, que l'on reconnaît au premier coup d'oeil.
    Nous sommes en 1733 et Voltaire est en train de finaliser ses Lettres Anglaises, ce qui le met dans une position fâcheuse auprès des autorités françaises qui refusent de voir publier cet ouvrage et le menacent de censure. Qu'à cela ne tienne, Voltaire va s'aliter et crier à qui mieux mieux qu'il est à l'agonie, sous son bonnet de nuit et trois couches de couvertures !
    Au même moment sont perpétrés dans Paris des crimes assez étranges : amateurs de parties fines, clients réguliers des nombreux bordels de la capitale sont soudain assassinés et leurs meurtres sont mis en scène de manière assez particulière puisqu'il apparaît que leur assassin s'est inspiré d'un roman érotique -voire pornographique- se passant dans le décor exotique de l'Orient fantasmé par l'Occident du XVIIIème siècle.
    La police approche alors Voltaire et lui propose un marché : s'il se tient tranquille et l'aide à trouver ce mystérieux meurtrier, peut-être les autorités de Louis XV pourraient-elles se montrer un peu plus clémentes avec lui...
    Flanqué de l'inévitable Emilie, qui fait des équations comme on respire et de l'empoté abbé Linant, qui ne sert pas à grand chose mais à qui Voltaire essaie de dispenser une éducation philosophique, ce dernier, diablotin sautillant et insupportable va se lancer aux trousses de cet assassin aux idées mal placées et qui jette méthodiquement et froidement la honte sur des familles froides et compassées, prêtes à tout pour étouffer le scandale.
    Frédéric Lenormand nous entraîne dans le Paris du début des années 1730. Louis XV règne à Versailles, toujours sous l'égide de l'abbé de Fleury, son mentor et le moins que l'on puisse dire, c'est que Voltaire n'est pas en odeur de sainteté. Aimant provoquer, le philosophe ne s'est pas fait que des amis, à commencer par la police du Châtelet qui n'hésite pas, dans cette enquête, à l'utiliser et à lui faire du chantage. Mais Voltaire a plus d'un tour dans son sac et, c'est toujours aussi truculent, sans gêne et avec un sens de l'à-propos qui stupéfie qu'il va s'insinuer, telle une couleuvre, dans les intérieurs nobles et bourgeois de Paris et jusque dans les maisons closes de la capitale pour tenter de démasquer enfin cet assassin qui n'est peut-être pas le pervers que l'on pourrait croire au premier abord. Et s'il cherchait seulement à punir ses victimes par là où elles ont péché ? Mystère...
    Pour le découvrir, il faut lire Meurtre dans le Boudoir, pastiche efficace et rondement mené qui, comme le disait une lectrice dont j'ai lu l'avis dernièrement, pourrait sans peine être adapté en pièce de théâtre. C'est effectivement très burlesque et pourrait être joué sur scène avec, je pense, beaucoup de succès ! On retrouve un Voltaire au mieux de sa forme, même s'il meurt au moins trente fois au cours du roman -quel meilleur moyen, finalement, que de se dire à l'agonie, pour échapper aux foudres de la censure royale, décidément bien timorée ? On retrouve une Emilie à l'esprit toujours acéré, ce qui ne l'empêche pas de donner de sa personne pour aider son ami à résoudre cette enquête au départ bien emmêlée. Et enfin, on découvre Linant, un petit abbé de vingt ans, venu de Rouen, dont la naïveté crasse prête à sourire et l'entraîne dans des situations parfois bien compliquées.
    Quand j'avais lu La Baronne meurt à cinq heures, j'avais été agréablement surprise par ce qu'en avait fait Lenormand. Plutôt que de partir dans le roman policier historique traditionnel, il y ajoute une petite dose de comédie bienvenue, qui dédramatise un peu le tout. Là où Jean-François Parot ou encore Olivier Barde-Cabuçon nous auraient donné un portrait impeccable et soigné, voire un peu torturé pour le second, du XVIIIème siècle -et ce n'est pas pour me déplaire, bien au contraire-, Lenormand, lui, en prend le contre pied et nous écrit des farces décalées et qui, je l'avoue, font bien rire. Ce Voltaire qui ne doute de rien et qui ressemble un peu à ces diablotins qui sortent soudain de leur boîte sans crier gare est à mille lieues de l'image de l'écrivain sérieux et engagé que l'on peut avoir à l'esprit quand on pense aux philosophes des Lumières. Le chapitre où il parle un franglais de son cru à deux représentants de Sa Très Gracieuse Majesté est à mourir de rire ! Et finalement, si on a gardé de Voltaire une image de philosophe engagé, aimant défier le pouvoir -ce qui va lui valoir d'ailleurs quelques séjours à la Bastille-, défenseur du chevalier de La Barre ou plus tard de Calas, le portrait qu'en fait Lenormand n'est peut-être pas si éloigné de la réalité. Voltaire était capable d'autodérision et d'humour, ses lettres sont pleines de pétulance et de légèreté.
    En revanche, cela m'étonnerait qu'il ait un jour prêté main forte à la police, mais ce qui est intéressant, c'est que ça marche !! En partant d'une base de départ authentique -et une restitution assez fine de l'époque-, Frédéric Lenormand tisse ensuite une fiction efficace et un peu décadente, un beau portrait de ce XVIIIème siècle français plein d'ambivalence, qui se déchire entre jansénisme et libertinage, qui peut aussi bien lire des livres pieux que les romans scandaleux de Crébillon et commence à se passionner, justement, pour la vision novatrice et éclairée des écrivains des Lumières, dont Voltaire est l'un des fers de lance.
    C'est frais et surprenant, pour un roman policier. On rit souvent, on sourit aussi et parfois on feint d'être choqué par un passage un peu leste ou politiquement incorrect. Dans l'ensemble, on passe un très bon moment et on referme le roman à regret, en se disant qu'on n'a désormais qu'une envie : découvrir les autres aventures de Voltaire et d'Emilie du Châtelet. Si vous aimez les romans qui ne se prennent pas au sérieux mais dans lesquels vous apprenez malgré tout quelque chose, si vous aimez le XVIIIème siècle et les romans historiques, cette saga est faite pour vous. Pour moi, ce fut une bonne surprise en 2017, à la lecture de La Baronne meurt à cinq heures et elle s'est confirmée ici. 

    En Bref :

    Les + : une enquête décalée et pleine d'humour, des personnages pleins d'esprit, d'à-propos et d'ironique. Parfois, c'est un peu leste, parfois, c'est gai et léger. La plume alerte de l'auteur sert parfaitement bien son intrigue, pastiche réussi des romans policiers historiques.
    Les - : vraiment aucun. J'ai encore une fois passé un très bon moment et j'ai bien ri. 

     

     


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