• Voltaire mène l'Enquête, tome 3, Le Diable s'habille en Voltaire ; Frédéric Lenormand

    « C'était bien l'incohérence du monde moderne que de pourchasser les penseurs géniaux et de couver les exaltés. »

     

     

     

     

     Publié en 2014

     Editions du Masque (collection Poche)

     316 pages 

     Troisième tome de la saga Voltaire mène l'Enquête

     

     

     

     

     

     

    Résumé : 

    Voltaire a enfin trouvé un adversaire à sa mesure : le diable en personne ! Belzébuth sème des cadavres à travers Paris, au point que l’Église, soucieuse d’éviter tout scandale, fait appel au célèbre philosophe pour mener une enquête discrète en cachette de la police. Dans un Paris des Lumières encore très empreint de croyances irrationnelles, où vampires, démons et morts-vivants semblent se promener à leur gré, qui d’autre envoyer sur leurs traces qu’un philosophe connu pour ne croire à rien ? En échange, le cardinal de Fleury, qui gouverne la France, autorisera la publication des Lettres philosophiques, ce brûlot sulfureux. Il ne reste plus à Voltaire qu’à montrer ce que peut la philosophie contre la superstition. Et aussi à découvrir qui sème des morceaux de corps humains jusque dans le bain de l’écrivain, à percer le secret d’un mystérieux jupon convoité par un assassin, sans oublier de faire jouer sa nouvelle tragédie à la Comédie-Française, afin de révolutionner un art théâtral poussiéreux !
    À la fois roman policier historique et conte voltairien, Le diable s’habille en Voltaire est écrit dans un style jubilatoire aussi ciselé que l’était le langage des Lumières.

    Ma Note : ★★★★★★★★★★

    Mon Avis :

    Dans cette troisième enquête, le philosophe le plus insupportable de la Création nous entraîne dans une étrange sarabande -une véritable danse macabre, pourrait-on dire !
    En 1733 à Paris, on embastille les philosophes mais l'on croit encore au diable et autres démons et vampires. Alors quand le vicaire d'une vénérable institution parisienne sollicite notre cher Voltaire pour faire la lumière sur la mort mystérieuse de l'un de ses prêtres, vraisemblablement assassiné par un être démoniaque muni de pieds de bouc, cela ne choque personne : c'est bien connu après tout que le diable existe et il n'y a bien que les philosophes athées et les marquises scientifiques pour dire le contraire et opposer la Raison aux superstitions des prêtres et du peuple !!
    Le Diable s'habille en Voltaire, troisième tome de la série Voltaire mène l'Enquête et qui pastiche le titre d'un célèbre roman américain, nous emmène pour une course endiablée dans les rues de Paris où l'on croise pêle-mêle un carrosse tout de noir vêtu qui semble tout droit sorti des bouches de l'Enfer, une comtesse désœuvrée et un peu folle qui dépèce les cadavres du cimetière des Innocents, des comédiens exigeants et qui mettent peu de volonté à bien jouer du Voltaire, un nécromant venu d'outre-Rhin qui arrose les philosophes d'eau bénite et brandit des crucifix à tout bout de champ et enfin, un larron qui poursuit un but bien mystérieux en se cachant dans les anciennes carrières de Paris et se déplace sur deux pattes diaboliques...
    Le début du XVIIIème siècle n'est pas encore débarrassé de ces peurs irraisonnées héritées des temps les plus anciens : Voltaire dans sa correspondance au début des années 1730 parle même de cette psychose du vampire dont souffrent plusieurs pays européens à ce moment-là. En 1733 encore, partout en France et en Europe, on a peur du diable et des démons et il ne viendrait à l'esprit de personne de dire que cela n'est qu'une vaste machination, en un mot, une supercherie montée de toutes pièces par un esprit humain. Alors, derrière l'ironie et la truculence du propos, c'est un beau portrait que nous brosse Lenormand de cette époque si paradoxale, oscillant sans cesse entre le savoir et la raison d'un côté et la superstition et l’idolâtrie obscurantistes de l'autre.
    J'ai apprécié de retrouver notre philosophe enquêteur, dans une aventure pétillante et sautillante où se croisent tous les personnages qui font de cette saga une oeuvre littéraire à part : la marquise Emilie du Châtelet, mathématicienne et traductrice de Newton, qui eut effectivement une liaison avec Voltaire -qu'elle rencontre en réalité en 1734-, l'abbé Linant, qui fut le secrétaire du grand homme et qui, dans la saga, est aussi sot qu'un panier et donne lieu à tout un tas de situations cocasses.
    Ce qui fait la force de cette saga, où tout n'est pas vrai mais où l'époque est cependant très bien restituée par un auteur spécialiste du XVIIIème siècle et qui ne se prive pas d'en décrire les travers et les paradoxes, c'est bien la plume de Lenormand. Je l'ai découverte en ce qui me concerne dans un court roman centré sur la figure de Chon du Barry, la belle-sœur de la fameuse comtesse, intitulé Mademoiselle Chon du Barry ou les surprises du destin que j'avais beaucoup aimé. Et cela a bien fonctionné avec La Baronne meurt à Cinq Heures, premier opus des aventures de notre cher Voltaire, dépeint comme un petit gnome surmonté d'une perruque, bête noire de la police parisienne et du pouvoir en place, qui ne rêve que de l'embastiller ( « C'est que, mon cher, vos lettres ont du cachet » lui dit mine de rien le lieutenant de police Hérault, au détour d'un chapitre). Comme cette citation, le roman est truffé de petites références subtiles à l'époque, qui font sourire et qui sont toujours glissées là avec à-propos. Certains lecteurs ont déploré qu'il y'avait trop d'ironie...Certes, mais pour moi, c'est elle justement qui fait la force de cette saga décidément pas comme les autres. Lenormand prend le contre-pied d'auteurs comme Jean-François Parot, qui cisèle un portrait extrêmement précis et parfait autour de son enquêteur du Châtelet, Nicolas Le Floch, dans le respect des règles et des institutions des règnes de Louis XV et Louis XVI, ou Olivier Barde-Cabuçon, qui met en place dans ses Enquêtes du Commissaire aux Morts Étranges une ambiance noire et poisseuse, presque gothique, dans laquelle évolue son commissaire, Volnay, flanqué de son accolyte, le moine défroqué. Ce sont trois sagas, trois personnages liés cependant par une époque passionnante et dans laquelle je me retrouve parfaitement, que je lise Parot, Lenormand ou Barde-Cabuçon. C'est une autre manière d'envisager le roman policier, en y instillant un aspect un peu burlesque qui peut surprendre de prime abord mais au final fonctionne parfaitement. Après les libertins et les livres érotiques du second tome, ici l'auteur s'attaque à un autre sujet favori d'une époque qui se cherche : les sorciers et les démons et...c'est diablement réussi si je peux m'exprimer ainsi !


    Si je peux vous donner un conseil, c'est bien d'aller vous jeter sur cette saga truculente et pleine de vie et, comme le dit Gilbert Collard, c'est pétillant comme du champagne ! Même si vous n'aimez pas ce breuvage, nul doute que Lenormand vous réconciliera avec lui !

    En Bref : 

    Les + : Jubilatoire et sautillante, la plume de Lenormand me séduit de livres en livres ! Cette enquête policière burlesque distrait et fait rire sans oublier la description précise quoique ironique d'une époque. Sillonner le Paris superstitieux de 1733 dans les pas de Voltaire et Emilie de Châtelet m'a divertie comme jamais
    Les - : pour moi, il n'y en a pas, mais je ne suis pas objective !  


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