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Le salon des précieuses

Gabrielle ou les infortunes de la vertu ; Catherine Delors

« Ceux qui disent que le temps atténue la douleur du deuil ne connaissent rien du chagrin. »

  • Informations complémentaires :

Publié en 2023

Editions Pocket

Aussi publié sous le titre Mistress of the Revolution aux États-Unis (2009)

683 pages

Résumé :

Une enfance au couvent, un amour interdit, un vieux mari violent. Quand Gabrielle de Montserrat, charmante aristocrate auvergnate, découvre l'impitoyable cour de Louis XVI, c'est une jeune veuve, en quête d'un protecteur. Mais dehors, la rue gronde...
L'Histoire s'emballe, et la Révolution est en marche. Au cœur de la tourmente, Gabrielle retrouve son premier amour, Pierre-André Coffinhal, devenu juge au Tribunal révolutionnaire. Pourront-ils construire leur bonheur ? Tandis qu'un peuple opprimé brise ses chaînes, Gabrielle parviendra-t-elle à desserrer les siennes ?

Ma Note : ★★★★★★★★★★

Mon Avis :

En 1780, la jeune Gabrielle de Montserrat d’Espeils est retirée du couvent à l’âge de onze ans par son frère, qui est aussi son tuteur depuis la mort de leur père. Ramenée au château familial de Fontfreyde, confrontée à l’indifférence de sa mère, Gabrielle se réfugie auprès des servantes qui lui rendent son affection et lui apprennent à coudre ou à cuisiner…en grandissant, Gabrielle, qui mène une vie de sauvageonne dans les montagnes auvergnates, fait de longues promenades à cheval non loin du château. Là, sur les bords de la Cère, elle rencontre Pierre-André, un jeune homme natif de la région et qui est loin de la laisser indifférente. Très vite, leur amitié se transforme en doux sentiment…mais Gabrielle et Pierre-André ne sont pas du même monde : si les Montserrat d’Espeils sont désargentés, ils s’enorgueillissent pourtant d’une noblesse qui remonte à Charlemagne, tandis que Pierre-André est un roturier. Impensable pour le marquis d’Espeils de voir sa petite sœur épouser un homme du peuple ! Il préfère la marier à un lointain cousin de trente ans son aîné, le baron de Peyre. Devenue une femme mariée, à quinze ans, Gabrielle découvre le malheur de sa condition et sa soumission totale à un mari autoritaire et violent. Délivrée deux ans plus tard par la mort du baron, mère d’une petite fille, Gabrielle décide de partir à Paris chez une parente, la duchesse d’Arpajon, qui lui ouvre sa porte avec joie. Chaperonnée par la duchesse, la petite provinciale découvre la cour de Louis XVI et Marie-Antoinette, dans la gloire de ses feux finissants
Dans la capitale, Gabrielle doit se chercher un protecteur : laissée dans la gêne financière par son défunt mari, elle doit pouvoir subvenir à ses besoins et à ceux de sa petite Aimée. Fraîche, jeune et jolie, elle est remarquée par de nombreux hommes, à commencer par le duc d’Orléans, connu pour sa réputation de jouisseur mais aussi par Lauzun, ancien soupirant de la reine Marie-Antoinette. Mais c’est au marquis de Villers, de bonne noblesse normande, que Gabrielle offre ses faveurs, devenant sa protégée, mais aussi sa maîtresse. Surnommée Belle, désormais Gabrielle est une femme entretenue, vue par beaucoup comme une courtisane, à peine au-dessus des prostituées…mais, malgré sa honte, la jeune femme n'a pas d'autres choix.
Mais le compte à rebours est commencé. Bientôt, la révolte sourde se transforme en véritable Révolution, menaçant de tout emporter sur son passage. Bien qu’acquise aux nouvelles idées, Gabrielle devient suspecte : aristocrate de naissance, maîtresse d’un marquis, ancienne dame d’honneur de la comtesse de Provence, la ci-devant baronne de Peyre va connaître bien des aventures. Prise des Tuileries, massacres de septembre, prison, rien ne sera épargné à Gabrielle qui, dans la tourmente, retrouve Pierre-André…ce dernier, médecin devenu avocat, a embrassé tout entière la cause révolutionnaire : proche de Robespierre et de Fouquier-Tinville, il est juge au Tribunal révolutionnaire. Pour se protéger et protéger sa fille, Gabrielle ne va avoir d’autre choix que de s’adresser à son ancien amour de jeunesse…
Publié aux Etats-Unis en 2009 sous le titre Mistress of the Revolution, ce roman a été salué par la critique non seulement pour sa qualité d'écriture mais aussi sa richesse historique et la profondeur de ses personnages, à commencer par celui de Gabrielle, courageuse et attachante. En 2010, le prix Simone Veil lui a été attribué et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est amplement mérité !
Grande fresque historique et immersive, Gabrielle ou les infortunes de la vertu (dont le titre français n’est pas sans rappeler celui du sulfureux roman du marquis de Sade Justine ou les malheurs de la vertu) décrit avec précision la société française de la fin du XVIIIe siècle, dans les années qui précèdent la Révolution, des provinces les plus reculées du royaume, en passant par Paris et Versailles, centre du pouvoir où vit comme en vase clos une cour honnie et sur lesquelles courent les pires rumeurs, notamment sur Marie-Antoinette, que l’on accuse de dilapider l’argent public et d’entretenir amants et maîtresses, tandis que son entourage est vu comme un ramassis de vampires méprisables et vénaux, pour lequel le roi nourrit une coupable faiblesse.
Puis vient la tourmente de la Révolution, violente et sanglante. Car c’est dans la douleur et même l’horreur que le peuple français va se délier d’une monarchie vieille de plusieurs siècles. Le roman aborde bien ce moment de bascule, quand l’Ancien Régime est sur le point de laisser sa place à un ordre totalement nouveau fait – du moins en théorie – de liberté, d’égalité et de fraternité. Le roman aborde de très nombreux thèmes, historiques ou même plus larges, tels que les inégalités sociales, la condition féminine ou encore, la violence de la période révolutionnaire, où les émeutes succèdent à des condamnations arbitraires.
Au milieu de ce monde bouleversé, Gabrielle se débat, non plus pour sauvegarder ses privilèges mais bien pour sauver sa vie. Rédigé sous forme de mémoires, le roman est écrit à la première personne : datés de 1815, les feuillets de Gabrielle nous font comprendre qu’elle a survécu à la Révolution, mais à quel prix ?
Née en 1969 dans le Cantal, Catherine Delors est franco-américaine. Avocate de formation, elle a exercé aux barreaux de Paris et de Californie avant de se consacrer à l’écriture : passionnée d’histoire depuis l’enfance, elle s’est donc naturellement tournée vers les romans historiques. Elle a écrit deux autres romans historiques mettant en scène des héroïnes auvergnates à la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle : Blanche ou la bonne étoile et La danse des fauves.
Véritable déclaration d’amour à sa région natale, Gabrielle ou les infortunes de la vertu est un roman historique basé sur des recherches solides. De nombreuses influencent s’y croisent, des romans libertins du XVIIIe siècle en passant par Diderot. On se croirait par moments dans La Religieuse, à d’autres dans Les Liaisons dangereuses.
Je suis une grande amoureuse du XVIIIe siècle, dans toutes ses richesses et ses paradoxes. Autant dire que je me suis absolument délectée de ce roman, mêlant habilement récit romancé et faits historiques avérés – ainsi, si Gabrielle de Montserrat est un personnage fictif, Pierre-André Coffinhal est un personnage historique réel. Pourtant, Gabrielle ou les infortunes de la vertu m’a remuée, bouleversée, bousculée aussi par moments. L’autrice ne nous épargne rien, à commencer par les violences conjugales dont Gabrielle est victime chez son mari, le baron de Peyre. Avec un style net, incisif, l’autrice décrit sans concession la condition des femmes au siècle des Lumières et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y avait encore bien du chemin à faire à une époque qui se targuait d’être éclairée et pendant laquelle, pour la première fois, on parlait d’égalité et de liberté.
Gabrielle m’a touchée, d’abord pour sa grande jeunesse et son inexpérience. Mais les épreuves vont s’occuper de la mûrir rapidement. Véritable roman d’apprentissage, Gabrielle ou les infortunes de la vertu a été une formidable lecture. Encensé par la critique, les libraires et les lecteurs, le roman mérite amplement ce succès car il est d’une force rare. Je ne sais pas à quoi je m’attendais en le commençant : probablement pas à ça. Et pourtant, ce roman a été plus qu’à la hauteur de mes attentes et les a même dépassées.  Une excellente lecture, qui me marquera probablement pendant longtemps : n'est-ce pas là la définition d'un coup de cœur ? Je crois bien que si.

En Bref :

Les + : un roman dense, rythmé et bien documenté, qui offre de fait un récit solide et un vivant portrait d'une société finissante.
Les - :  quelques longueurs, mais rien de grave.

 Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

 

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