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Le salon des précieuses

Louis XIII et Richelieu : la Malentente ; Simone Bertière

« Richelieu n'était pas le ministre que Louis XIII aurait aimé avoir, Louis n'était pas le roi que Richelieu aurait aimé servir. Les circonstances les ont rapprochés, dans une commune volonté d'imposer à la France le respect d'une autorité royale désormais sans limites. »

  • Infos complémentaires :

2016

Editions De Fallois

462 pages

Résumé :

Louis XIII régnait, Richelieu gouvernait. Au sortir d'un demi-siècle de guerres de religion et après deux régicides, la France du début du XVIIe siècle, encore à demi-féodale, avait besoin d'une remise en ordre. Ils entreprirent, non sans rencontrer de violentes résistances, d'en faire un grand pays moderne à vocation européenne, gouverné par un monarque dit absolu. 
Bien qu'ils fussent d'accord sur les objectifs, leur collaboration, mal commencée, resta grevée de défiance. Ils ne se sont jamais aimés, ils ont fini par se haïr. Politiquement complémentaires, le roi et son génial serviteur ne pouvaient se passer l'un de l'autre. Mais ils supportaient mal cette dépendance, chacun s'efforçant de dominer l'autre - jusqu'au heurt frontal, tragique, autour d'un jeune ambitieux à qui il coûta la vie. 
Ce livre est une enquête sur la manière dont ils ont vécu concrètement cette relation tumultueuse. Elle épouse leur parcours au jour le jour, quand ils ne savaient pas ce que leur réservait le lendemain. Elle restitue à leur existence, riche en péripéties, épaisseur et ambiguïté. Des portraits croisés, ne privilégiant ni l'un ni l'autre, invitent à les comprendre, plutôt qu'à les juger selon nos critères actuels. 
Comme toute enquête, celle-ci pose des questions, propose des hypothèses, conclut quand elle le peut - pas toujours. Dépaysement garanti, dans une époque qui a ses valeurs propres, bien loin des nôtres. Mais c'est tout de même elle qui a mis en place la centralisation dont nous avons hérité. 
Le récit, solidement documenté, n'est pas un roman. Rien n'y est inventé. Mais la présence de Simone Bertière y est sensible parce qu'elle y tient le rôle d'enquêteur. On s'y associe avec d'autant plus de plaisir qu'elle n'a rien perdu de son talent de conteuse et son humour. 

Ma Note : ★★★★★★★★★

Mon Avis :

Si on vous demande de citer un couple politique de l’Histoire de France, assurément vous allez penser à Louis XIII et Richelieu, tant ces deux hommes si dissemblables sont pourtant devenus indissociables aux yeux de la postérité. C’est ce formidable duo pas exempt de failles que Simone Bertière, autrice d’une formidable anthologie sur les reines de France de la Renaissance au XVIIIe siècle, se propose de nous raconter ici.
Louis XIII et Richelieu ne sont pas de la même génération, ni ne viennent du même milieu. Le futur cardinal, né sous le règne d’Henri III à la fin du XVIe siècle, est issu de la petite noblesse poitevine. Cadet de famille, il est promis à la prêtrise comme c’est bien souvent le cas à l’époque et deviendra évêque de Luçon.

L’autre est le fils aîné du roi Henri IV et de sa deuxième épouse Marie de Médicis. Louis, qui naît en 1601, est promis au trône de France dès sa naissance. Il y accède prématurément l’année de ses neuf ans, après que son père est assassiné par Ravaillac. Jeune, Louis doit supporter la férule d’une mère toute-puissante et du favori de cette dernière, florentin comme elle et aux ambitions sans bornes, Concino Concini. Les premiers pas politiques du futur principal ministre se font d’ailleurs dans l’ombre de ce favori qui ne se refuse rien et dont l’influence ulcère de plus en plus le royaume.
De cette première allégeance malheureuse, Louis XIII gardera toujours rancune et une certaine méfiance envers le ministre que les circonstances lui ont imposé, ce qui donnera lieu à une relation tumultueuse. Et pourtant, paradoxalement, les deux hommes travailleront de concert pendant des années pour le bien de l’Etat et pour consolider la France après la tourmente des guerres de Religion : n’est-ce pas sous Louis XIII que sera signé le traité qui mettra véritablement fin aux guerres religieuses en France, en 1629 ? L’entente amicale qui leur est refusée se retrouve dans une entente politique hors du commun, qui leur permet de forger une nouvelle manière de gouverner : sous le règne de Louis XIII et le ministère de Richelieu, naît l’absolutisme, qui s’incarnera si bien dans le règne de ses successeurs, à commencer par celui de son fils, le roi Louis XIV.
Relique de ma PAL, Louis XIII et Richelieu : la Malentente attend dans mes bibliothèques depuis 2017. Je ne me décidais pas à le lire, je ne sais pas pourquoi… et résultat, en une semaine, je l’ai terminé. Comme à l’accoutumée avec Simone Bertière, le style chaleureux et facile à lire s’associe à un propos rigoureux.
On y retrouve tous les grands événements du règne, de la prise du pouvoir du jeune roi en 1617 avec l’assassinat de Concini dans la cour du Louvre, jusqu’aux ultimes jours de règne de Louis XIII, quand le nouvel homme fort du royaume commence à se faire sa place : Mazarin, « créature » de Richelieu, vu par lui comme son continuateur mais qui, en collaboration avec Anne d’Autriche, mènera une politique radicalement différente de celle poursuivie toute sa vie par son prédécesseur. 

Un duo indissociable et pourtant larvé par une mésentente chronique qui trouvera son point d'orgue dans la dernière conspiration du favori Cinq-Mars en 1642
 

A Richelieu comme à Louis XIII, la vie n’épargne aucune épreuve, à commencer par une santé chancelante : Richelieu est affligé de maux douloureux et invalidants mais qui ne sont pas mortels. Quant à Louis XIII, il souffre de ce que la médecine actuelle appelle une entérocolite chronique, autrement dit, la maladie de Crohn, affection intestinale chronique qui se manifeste par des troubles digestifs douloureux et handicapants. Si aujourd’hui la médecine prend en charge cette maladie, ce n’était pas le cas au XVIIe siècle et Louis XIII manquera en mourir plusieurs fois avant de s’en relever. Leur règne conjoint est cependant marqué par une grande force de caractère de part et d’autre. On a souvent dépeint le règne de Louis XIII comme celui d’un roi faible, inféodé à un ministre plus intelligent et ambitieux qui aurait manipulé le souverain en coulisse, alors que rien n’est moins faux. Certes, Louis XIII avait certainement un caractère moins sûr de lui que Richelieu, mais le roi a eu le malheur de régner entre deux grands rois aux destins extraordinaires : son père Henri IV, le roi protestant devenu catholique par obligation et qui signa l’Édit de Nantes et son fils Louis XIV, au règne particulièrement long, guerrier et flamboyant. Pourtant, le règne de Louis XIII est un règne charnière et d’importance, trait d’union entre la Renaissance et l’époque classique : comme on l’a déjà dit plus haut, c’est sous son règne que se développe véritablement l’absolutisme que l’on associe aux derniers rois Bourbons.
Figé dans une somme de clichés notamment véhiculés par les auteurs du XIXe siècle comme Dumas dans Les Trois Mousquetaires et Vigny dans Cins-Mars, le règne de Louis XIII se révèle dans toute sa puissance historique, débarrassé de ces histoires plus ou moins enjolivées et qui, souvent, ne lui rendent pas service. Simone Bertière réhabilite un souverain tout en nuançant l’influence d’un ministre qui ne fut pas si puissant qu’on veut bien le dire, sans pour autant oublier de rendre à César ce qui appartient à César : Richelieu fut un véritable animal politique comme il y en a peu, un homme à l’intelligence certaine et qui consacra quasiment toute sa vie non pas à une ambition personnelle mais à la santé d’un Etat, quitte à mettre la sienne en danger. Honni par ses contemporains et mal jugé par les siècles suivants, Richelieu mérite, comme son maître, cette réhabilitation de l’historiographie actuelle car il ne fut pas exactement celui qu’on a voulu dépeindre, souvent pour flétrir sa mémoire.

Conjurations, réformes et campagnes militaires se développent ici sous nos yeux comme dans un véritable roman de cape et d’épée. Sauf que tout est vrai. Etayé par une solide bibliographie, Simone Bertière nous offre un essai historique dense mais facile d’accès, une véritable fresque historique servi par une plume alerte et vivante, qui nous rend tout de suite plus proche ces personnages de roman, Anne d’Autriche, Louis XIII, Richelieu, Gaston d’Orléans etc. A lire si on aime l’Histoire avec un grand H et des intrigues à la Dumas : le livre vous plongera dans le contexte politique et social de l'époque, particulièrement riche, et vous permettra de mieux comprendre les enjeux de cette relation, finalement pas si faciles que cela à appréhender.

En Bref :

Les + : un très bon essai historique qui a le mérite de mettre en avant la relation conflictuelle qui unit Richelieu et Louis XIII : ils formèrent un duo efficace mais dans lequel les deux parties ne s'entendaient guère. Une fresque vivante, portée par la plume alerte de Simone Bertière.
Les - : beaucoup trop de coquilles d'impression, notamment de nombreux mots de liaisons manquants, c'est dommage.

 Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

  • Envie de découvrir d'autres livres de Simone Bertière ? Retrouvez mes billets sur ses biographies et essais historiques juste ici : 

Mazarin, le maître du jeu

- Marie-Antoinette l'insoumise

- La reine et la favorite 

- Les femmes du Roi-Soleil

- Les deux régentes

 

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