26 Mai 2025
« Ha, mon Pierre ! La religion n'est plus que haine devenue ! On croit ouïr les prêchereaux crier : donnez-nous ce jour d'hui votre sang quotidien ! Hors l'extermination des hérétiques, point de foi ! Point d'espoir ! Point de salut ! Mon frère, on en est là ! »
Publié en 1994
Le Livre de Poche
696 pages
Quatrième tome de Fortune de France
Résumé :
1572-1588 : années « venteuses et tracasseuses » où catholiques et protestants continuent de s'entre-déchirer. Quittant de nouveau son château périgourdin, le huguenot Pierre de Siorac retrouve Paris où il devient le médecin, puis l'agent secret d'Henri III. Mûri, mais non vieilli, Pierre va découvrir, au cours de périlleuses missions, les menaces qui guettent le royaume, à l'heure où l'ambitieux Philippe II d'Espagne, mettant à profit nos discordes, arme contre le roi de France le bras du duc de Guise, chef redouté de la Ligue...
Tableau saisissant d'un roi au milieu de ses grands féaux, des « quarante-cinq » qui le protègent contre les dagues, du Paris fanatique et rebelle qui le chassera du trône, Le Prince que voilà nous mène parmi les complots, les rivalités, les intrigues qui semblent bien devoir anéantir la « fortune de France ». Pourtant ni l'amitié ni le bonheur de vivre ne perdent leurs droits. Ni l'entrain inépuisable et fécond d'un romancier plus captivant que jamais.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
C’est déjà le quatrième tome de Fortune de France, la grande série historique de Robert Merle qui, en grand admirateur des Rois Maudits de Druon, avait souhaité leur donner une suite en quelque sorte. Avec Fortune de France, nous voici plongés dans le quotidien d’une baronnie du Périgord, Mespech : nous sommes dans la seconde moitié du XVIe siècle et le royaume de Franc est déchiré par les querelles religieuses entre huguenots et catholiques. A Mespech, les co-seigneurs Jean de Siorac et Jean de Sauveterre, sont des protestants convaincus et Jean de Siorac a souhaité que ses enfants soient élevés dans la religion réformée, malgré l’opposition de son épouse Isabelle, farouche catholique. C’est l’un d’eux, le cadet, Pierre de Siorac, qui se fait le narrateur de cette formidable épopée et qui nous a emmenés, en l’espace de quatre tomes, de la baronnie du Sarladais de son père jusqu’à Montpellier où Pierre a étudié la médecine et Paris, où on le retrouve plus âgé, marié, père de famille et proche du pouvoir royal.
Après un deuxième tome un peu trop romanesque et pas assez historique à mon goût, l’auteur nous a replongé sans ménagement dans les convulsions des Guerres de Religion puisque le troisième tome se situe essentiellement en 1572, date à laquelle a lieu le mariage entre le roi de Navarre, protestant et la princesse Marguerite de France, catholique. C’est surtout l’année où va se dérouler le terrible massacre des protestants, dans la nuit du 24 août : montés à Paris pour y obtenir une grâce royale après un duel non autorisé, Pierre de Siorac, son demi-frère Samson et leurs gens vont se retrouver au milieu de la tourmente.
Dans ce tome-ci, nous sommes juste après 1572. Un semblant de paix est revenu dans le royaume, mais c’est plus une paix armée qu’autre chose. A Mespech, la vie suit son cours, avec ses malheurs, ses drames mais aussi ses bonheurs. Une ellipse d’une dizaine d’années nous emmène ensuite dans les années 1580. Pierre est désormais parisien, proche du pouvoir et du roi, Henri III, qui a maille à partir avec la Sainte Ligue catholique menée par la famille de Guise et qui conteste la succession royale : en effet, en 1584, le frère cadet et héritier du roi est mort. Selon les lois de succession du royaume de France, la couronne ne peut se transmettre qu’au plus proche parent mâle du roi alors en exercice. Or, Henri III n’ayant pas d’enfants, son héritier le plus proche après la mort de son frère le duc d’Alençon est Henri de Navarre, protestant convaincu.
Médecin du roi, Pierre de Siorac va également pouvoir éprouver sa loyauté en se voyant confier des missions secrètes qui l’emmèneront jusqu’auprès de la reine Elizabeth Ière. Auprès de lui, on découvre un règne bien différent de ce que les libelles ultra-catholiques puis, plus tard, la légende noire des derniers Valois, ont véhiculé sur le dernier roi de la dynastie : non, Henri III n’était pas ce roi maniéré, quasi-efféminé, aimant se promener avec au cou un panier rempli de petits chiens et s’entourant de ses « mignons ». Le Prince que voilà nous montre au contraire le visage d’un roi plutôt charismatique, lucide mais tiraillé, trahi de toutes parts et même par ses plus proches conseillers. Le roman se termine en 1588, alors que la situation est presque désespérée : le roi est acculé et les Parisiens, échauffés par la famille de Guise, grondent. Pour la première fois dans l’Histoire de France, des barricades se dressent dans les rues de la capitale et le roi va devoir fuir à Blois, où un autre événement tragique va se jouer.
Pierre est aux premières loges de tous ces bouleversements et convulsions qui agitent le royaume. A travers ses écrits, car les romans sont écrits en forme de mémoires et Robert Merle prête avec générosité sa plume à son héros, on découvre la Cour de France depuis l’intérieur et on voisine avec les grands personnages de l’époque, du roi de France en passant par ses conseillers, la reine-mère, le duc de Guise, la duchesse de Montpensier (la fanatique sœur du duc de Guise qui proclamait partout vouloir tonsurer le roi Henri III avant de le jeter au fond d’un couvent) mais aussi la reine d’Angleterre et son redoutable agent, Francis Walsingham…j’ai trouvé à ce tome un petit air d’Une colonne de feu, le roman de Ken Follett qui se passe sensiblement à la même époque.
Encore une fois, ce tome m’a demandé pas mal de concentration et j’y ai passé exactement deux semaines. Fortune de France est une série dense et exigeante, qui ne se lit pas aussi facilement qu’on pourrait le croire, justement parce que l’auteur a fait l’effort de rédiger son roman avec un style au plus proche de la langue de la Renaissance, émaillée qui plus est de nombreux mots ou expressions occitans. Mais cela donne une véritable authenticité à la saga, même si cela peut parfois accroitre un peu la difficulté de lecture. Cette série me convainc donc de plus en plus et même si j’ai été un peu moins emballée par le tome 2, c’est toujours un plaisir de retrouver cet univers où l’Histoire n’a jamais semblé si vivante.
En Bref :
Les + : un roman dense, exigeant mais qui en vaut la peine ! C'est toujours très bien écrit, bien maîtrisé et passionnant.
Les - : peut-être quelques longueurs.
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