5 Mai 2025
« On l'avait contrainte à la prudence dans sa jeunesse ; elle apprenait le romanesque avec l'âge - suite naturelle d'un début artificiel. »
Publié en 1996
Editions 10/18 (collection Domaine étranger)
Titre original : Persuasion
Date de parution originale : 1818
295 pages
Résumé :
Sous le vernis d'un genre, chacune des phrases de Jane Austen attaque les conventions, traque les ridicules, et finit avec une grâce exquise par pulvériser la morale bourgeoise, sans avoir l'air d'y toucher. Les héroïnes de Jane Austen lui ressemblent, elles aiment les potins mais détestent bavardages, grossièreté et vulgarité. La pudeur, le tact, la discrétion, l'humour sont les seules convenances qu'elles reconnaissent...Et si Jane Austen mène les jeunes filles au mariage, c'est fortes d'une telle indépendance qu'il faut souhaiter au mari d'être à la hauteur ! A lire yeux baissés et genoux serrés pour goûter en secret le délicieux plaisir de la transgression des interdits.
Anne Barbe, Libération 1980
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Souvent, Persuasion est considéré comme le roman de la maturité et ce n’est pas une expression galvaudée. En effet, on peut considérer ce roman comme l’aboutissement de l’œuvre de Jane Austen, dont tout le talent se déploie ici, une dernière fois, puisqu’elle l’achève en 1816, soit l’année avant sa mort, qui surviendra en juillet 1817. D’ailleurs, Persuasion sera publié de manière posthume, en 1818.
Moi qui n’avais pas beaucoup de souvenirs de ma première lecture de Persuasion, hormis du déménagement des Elliot à Bath (c’est maigre) je dois dire que je l’ai vraiment beaucoup apprécié.
Le ton y est un peu plus grave, la plume plus riche, l’univers particulièrement développé, comme la psychologie des personnages. Persuasion nous raconte l’histoire de la fille d’un baronnet aussi imbu de lui-même que sot, sir Walter Elliot. Celui-ci vit au château de Kellynch avec ses deux filles non mariées, Elizabeth et Anne. Celle-ci, la cadette, sera notre héroïne : Persuasion raconte ses retrouvailles avec le capitaine Wentworth, dont elle avait repoussé la demande en mariage huit ans auparavant, se rendant aux arguments d’une amie de la famille, lady Russell, qu’elle considère presque comme une mère de substitution : celle-ci lui avait alors présenté une union avec un jeune officier de marine en début de carrière comme incertaine et persuadé Anne de rompre ses fiançailles. Mais alors que la guerre franco-anglaise s’achève et que Wentworth revient en Angleterre, leurs chemins risquent de se recroiser…mais si Anne est émue de revoir son ancien prétendant, celui-ci, encore sous le choc de leur rupture ancienne, a gardé la conviction que la jeune femme est facilement influençable et manque de caractère. Bientôt, il semble faire la cour à une autre jeune femme, tandis qu’un cousin des Elliot, Sir William, s’intéresse à Anne…
Le roman se passe dans la campagne anglaise mais aussi dans la bonne société de Bath, où se croisent tous nos personnages : Jane Austen, qui passa de longs moments sur la côte sud de l’Angleterre, à Lyme Regis ou à Bath, connaissait bien les us et coutumes de cette ville d’eau très fréquentée et s’amuse ici à en décrire la vie plutôt mondaine et superficielle.
Anne est un personnage agréable à suivre, un peu effacée en début de volume, semblant coincée entre une sœur aînée très vaniteuse, qui ne s’est pas mariée mais mène à la perfection la maison de son père et une benjamine un peu écervelée mais qui a fait un – relativement – bon mariage. Anne est encore belle, décrite comme ayant des traits fins et des yeux sombres. Elle est cultivée, intelligente et considérée quelques années auparavant comme une très belle jeune fille…mais, à 27 ans, elle est déjà comme fanée aux yeux de la société géorgienne où l’on se marie bien plus jeune. Différente de son père et de ses sœurs, ceux-ci font peu de cas d’elle, comme elle-même ne les estime pas beaucoup, en dehors des liens innés de la famille.
Quand elle apprend que son père, pour venir à bout de problèmes financiers, met en location Kellynch et que le château est loué par l’amiral Croft, beau-frère de Frederick Wentworth, qu’elle n’a jamais cessé d’aimer, elle comprend que leurs routes vont se recroiser. C’est là le point de départ du roman.
Plusieurs adaptations de Persuasion ont été réalisées, notamment une en 2007 par la BBC : l'actrice Sally Hawkins y interprète Anne Elliot
Assez court, il est pourtant efficace, décrivant sans circonlocutions inutiles le cheminement l’un vers l’autre de deux êtres séparés par les circonstances.
Contrairement à beaucoup d’autres lecteurs et lectrices qui vouent une véritable admiration à l’œuvre de Jane Austen, je ne me considère pas comme une janéite, même si j’ai pris plaisir à la fin de l’adolescence, à découvrir ses romans et c’est avec un enthousiasme renouvelé que je les relis cette année, presque quinze ans après ma première incursion dans l’univers de Jane Austen. Mais je dois dire qu’elle m’a vraiment emportée avec Persuasion : j’ai beaucoup aimé le personnage d’Anne, mais aussi celui de Wentworth. Quand on pense à l’œuvre de Jane Austen, c’est souvent l’univers d’Orgueil et Préjugés, le personnage masculin de Mr. Darcy, qui nous vient à l’esprit. Pourtant, c’est un personnage hautain et désagréable une bonne partie du roman, avant qu’il ne brise finalement cette carapace.
Frederick Wentworth est bien loin de cette image presque caricaturale : au contraire, il est l’archétype parfait du gentleman britannique du début du XIXe siècle. Capitaine de vaisseau monté rapidement en grade grâce à des actions brillantes en mer, il est revenu en ayant dans l’idée de s’établir enfin. Si recroiser Anne le trouble, il reste malgré tout blessé par la tournure de leurs fiançailles huit ans plus tôt. Mais quand il s’aperçoit de l’intérêt de Sir William Elliot, le cousin d’Anne, le sien se réveille à son tour…
Peut-être ce roman n’est-il pas aussi ironique que les autres, mais on y retrouve avec plaisir la plume inimitable de l’autrice et sa façon sans pareille de décortiquer et analyser la société dans laquelle elle vivait.
En Bref :
Les + : le roman de la maturité et cela se sent. Le style est riche et passionnant, Jane Austen se plaît à décortiquer et analyser son époque et nous emporte en pleine époque géorgienne.
Les - : pas vraiment de points négatifs.
LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle