1 Juin 2025
« Son père allait sur ses soixante-dix ans. Lui-même en aurait bientôt trente-sept. Il était trop tard pour communiquer. Et puis, ce n'était pas comme si Paul et lui se disputaient. Ils ne se disputaient pas. Ils ne s'étaient jamais disputés. Il n'y avait jamais eu de conflit. Le conflit aurait peut-être facilité les choses. Oui, il y avait de l'amour. Mais il n'était pas exprimé. L'amour était rangé dans un coin, à l'écart. »
Publié en 2019
Titre original : The Rain Watcher
Editions Le Livre de Poche
384 pages
Résumé :
Pour fêter l'anniversaire de Paul et leurs quarante ans de mariage, Lauren réunit la famille à Paris. Linden, le fils, est venu de San Francisco pour l'occasion, et Tilia, la fille, de Londres. Mais depuis plusieurs jours des pluies diluviennes s'abattent sur la Ville Lumière, laissant présager le pire. Pourtant, ce n'est pas la crue de la Seine qui menace le plus la famille Malegarde. Comment se protéger lorsque toutes les digues cèdent et que l'on est submergé ? Face au péril, parents et enfants devront s'avouer ce qu'ils s'étaient toujours caché. Traumatismes, secrets, coming-out...Tandis qu'en miroir du fleuve les sentiments débordent, le drame monte en crescendo, démultipliant l'intensité des révélations.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
En janvier 2018, Lauren Malegarde réunit à Paris sa famille pour fêter les soixante-dix ans de son mari, Paul et leurs quarante ans de mariage. Pour l'événement, leurs deux enfants, Linden et Tilia font le déplacement depuis les Etats-Unis et Londres. Un beau weekend en famille a été organisé mais rien ne va se passer comme prévu. Tout d'abord, les Malegarde débarquent dans une ville plombée par des pluies diluviennes et par le niveau de la Seine qui monte dangereusement. Quant à Paul, le père, il ne semble pas en très bonne forme.
Ce qui devait être un weekend de célébration et de réjouissances se transforme en véritable marasme, dans une ville inondée où la pluie ne cesse pas, donnant une impression de fin du monde. Paris et sa région vont-elles de nouveau connaître une crue centennale à l'image de celle de 1910 ?
Bloqués à Paris, les Malegarde vont devoir se faire face les uns les autres, parfois exprimer des non-dits qui perdurent entre eux depuis longtemps...tout simplement, pour la première fois depuis longtemps, se parler ou se pardonner...avant qu'il ne soit peut-être trop tard.
En toute honnêteté, si je n'avais pas reçu ce livre glissé dans une commande l'an dernier (je remercie la personne qui me l'a aimablement offert), je pense que je ne l'aurai pas lu. Si j'ai par exemple beaucoup aimé Elle s'appelait Sarah de Tatiana de Rosnay, je n'ai pas par la suite eu très envie de découvrir le reste de son oeuvre. Celui-ci, ultra contemporain, ne m'aurait pas spontanément intéressée, je pense, mais vu que je l'avais dans ma PAL, je me suis dit : pourquoi pas ? Après tout, je n'avais rien à perdre.
Sentinelle de la pluie a recueilli des avis assez mitigés : si certains saluent le réalisme des descriptions de la crue de la Seine et des mesures prises pour essayer d'en préserver Paris et la tension dramatique bien maîtrisée, d'autres soulignent au contraire un manque de profondeur chez les personnages et des descriptions de la crue un peu trop présentes, engendrant quelques longueurs.
Pour ma part, je me situe dans un entre-deux : je n'ai ni été formidablement convaincue par ce récit, ni déçue. Et, quelque part, c'est une victoire, parce que je ne m'attendais pas à aimer et surtout, n'ayant pas du tout eu ce que le résumé me laissait entendre, je dois dire que j'ai plutôt été agréablement surprise.
A la lecture du résumé, je m'attendais à quelque chose de très parisien, de très bourgeois. Les enfants sont expatriés et mènent une vie facile de l'autre côté de l'Atlantique ou outre-Manche. J'imaginais les parents comme l'archétype du Parisien et de la Parisenne que l'on peut voir dans certains récits ou films. Finalement, absolument pas, ce qui m'a agréablement surprise car, en toute honnêteté, je ne pensais pas pouvoir m'attacher à ce type de personnages trop stéréotypés et trop éloignés de ce que je suis, moi.
En réalité, les Malegarde sont loin d'être une famille bourgeoise, bien au contraire et les vies respectives de Linden et Tilia (tous les deux portent ce prénom, faisant référence au tilleul, en référence à l'amour que leur père, célèbre arboriste mondialement reconnu, porte à la flore) ne sont pas exemptes de failles, de secrets, de non-dits, de regrets.
D'ailleurs, le roman aborde bien cela : quand est-il temps de regretter d'en avoir trop dit ou parfois pas assez, quand pardonner ? L'autrice nous montre avec habileté qu'aucune famille n'est complètement fonctionnelle et que beaucoup de choses peuvent venir, même incidemment, gangrener des relations, à commencer par les secrets, dont la révélation, si elle peut s'avérer douloureuse, sera aussi par certains aspects, libératrice et porteuse de paix. En somme, c'est aussi la fragilité des apparences que l'autrice explore, en nous montrant une famille au premier abord unie et complice mais dont les relations sont, bien évidemment, bien plus complexes et moins lisses.
En parallèle, l'ambiance hivernale et saturée d'humidité du récit apporte une tension supplémentaire. On se sent, comme les Malegarde, piégés dans une ville où la pluie ne cesse pas et qui se trouve soudain entourée par les eaux. Tatiana de Rosnay imagine une crue aussi violente et incontrôlable que celle de 1910, mais avec des répercussions bien plus vastes : en un peu plus d'un siècle, Paris s'est étendue, les infrastructures se sont développées et se trouvent menacées par la montée des eaux. Peu à peu, la capitale voit ses transports en commun paralysés, son système d'eau courante pollué, ses hôpitaux et ses immeubles inondés par une fange poisseuse faisant craindre des épidémies...le téléphone, internet, l'éléctricité, sont coupés, isolant Paris du reste du monde. Les Parisiens se connectent en masse, tant qu'ils le peuvent, à l'application Vigicrues ou viennent voir en direct monter les eaux, qui déferle sous les ponts et engloutit peu à peu le Zouave de l'Alma, devenu un véritable baromètre en temps de crue à Paris. A l'Elysée, c'est le plan Neptune qui est enclenché pour sauver la capitale menacée.
Dans un climat extrêmement tendu, où la nature reprend ses droits, même dans des zones fortement urbanisées, on découvre avec sidération comment une situation peut soudain basculer et combien nous sommes peu de chose face aux conditions climatiques extrêmes, combien nous sommes peu de choses face aussi aux aléas de la vie et que nous ne pouvons rien y faire.
Ce roman aura su me séduire pour sa fluidité et sa plume : Tatiana de Rosnay écrit bien tout en ayant un style accessible. Pour autant, j'ai trouvé la fin un peu précipitée et les personnages pas forcément attachants, même si j'ai aimé la sensibilité du personnage de Linden et, en même temps, sa force de caractère.
Une lecture plutôt bonne dans l'ensemble et qui, globablement, aura su me tenir en haleine.
En Bref :
Les + : un roman qui aborde avec habileté la fragilité de la condition humaine, un sujet intéressant et inédit, qui mêle drame familial et drame climatique.
Les - : un manque d'empathie pour les personnages, peut-être, même si Linden et Tilia ont su par moments me toucher malgré tout.
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