8 Novembre 2020
« A quoi bon reconnaître le Bien si c'est pour l'ignorer ? »
Publié en 2008 en Angleterre
En 2016 en France
Titre original : The Death Maze
Editions 10/18 (collection Grands détectives)
Deuxième tom de la saga Adelia Aguilar
Résumé :
La maîtresse favorite d'Henri II, Rosemonde Clifford, aurait été empoisonnée au moyen de champignons vénéneux. Aliénor d'Aquitaine aurait-elle pu commanditer son assassinat ? Si Henri croyait à ces rumeurs, l'Angleterre serait déchirée par une lutte meurtrière entre le Roi et sa Reine. Chargée de prouver l'innocence d'Aliénor, Adelia Aguilar, médecin spécialisé dans l'étude des cadavres, devra percer le mystère du labyrinthe enserrant la tour où repose Rosemonde...
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
La maîtresse du roi d'Angleterre, Rosemonde Clifford, vient de mourir dans sa tour d'argent de Wormhold, protégée par un labyrinthe et cette mort n'est pas loin de déclencher une véritable guerre civile quand des lettres trouvées dans la chambre de la défunte pourraient bien accuser la reine Aliénor d'avoir commis le crime !
Adelia Aguilar, enquêtrice de choc qui a déjà résolu une enquête compliquée lorsque des meurtres d'enfants ont eu lieu à Cambridge est alors mandatée par le roi pour faire la lumière sur la mort de sa maîtresse favorite.
Adelia, si vous n'avez pas lu La Confidente des morts, est un personnage assez atypique, d'autant plus quand on connaît l'époque dans laquelle elle vit : le XIIème siècle. Adelia est un médecin légiste, elle fait, comme elle le dit elle-même, parler les morts pour découvrir ce qui a causé le trépas, une notion extrêmement contemporaine et qui évoque immanquablement pour nous la police scientifique, qui ne se développera réellement qu'à partir de la fin du XIXème siècle, sous l'impulsion d'un Français, Alphonse Bertillon.
Originaire de Sicile, formée à l'école de médecine de Tarente qui, au Moyen Âge, accepte les femmes, ce qui n'est pas le cas dans les autres facultés de médecine en Occident, Adelia est donc un personnage assez étrange et très moderne dans ses réflexions et ses cheminements de pensée, un médecin spécialisé dans l'étude des cadavres et notamment des personnes décédées dans des conditions criminelles.
S'il y'eut des femmes médecins au Moyen Âge, elles ne sont pas ou peu connues (hormis la fameuse Trotula de Tarente ou encore dame Hersent, médecin à la cour de Louis IX) et à mon avis, il n'y avait pas vraiment de médecins légistes à l'époque mais nous sommes dans un roman, alors pourquoi pas ? Et il y'eut certainement des scientifiques médiévaux en avance sur leur temps donc, pourquoi pas des médecins qui auraient compris que l'étude des corps pouvaient non seulement guérir les vivants mais aussi aider à élucider des crimes ?
Donc, comme dans le premier tome, nous suivons Adelia et ses acolytes, notamment Mansur et Gyltha, dans l'enquête qu'elle mène sur la mort de la pauvre Rosemonde, vraisemblablement empoisonnée par des champignons. Une enquête sous haute tension quand on sait qu'elle se déroule dans un contexte déjà tendu entre le couple royal, Henri II Plantagenêt devant faire aux rébellions de son épouse qui pousse leurs fils contre lui. Si en plus Aliénor s'est rendue coupable de la mort de la maîtresse préférée du roi, c'est un coup à lancer l'une contre l'autre les factions de la reine et du roi et c'est le spectre de la guerre civile entre le roi Stephen de Blois et Mathilde l'Emperesse qui se profile de nouveau sur l'Angleterre. Autant dire que la tâche d'Adelia ne s'avère pas aisée et qu'elle marche sur des œufs, à plus forte raison quand la neige l'isole des jours entiers dans un prospère couvent des bords de la Tamise !!
Fair Rosamund (la belle Rosemonde) représentée par John William Waterhouse (1916)
L'enquête de ce deuxième volume est peut-être moins enlevée que la première, mais Adelia y est un peu accessible et attachante (plus humaine) et c'est un bon point. Disons que l'enquête se dilue dans des considérations plus vastes notamment politiques et je peux comprendre que des lecteurs qui s'attendaient à une intrigue purement policière aient pu se sentir un peu déçus. Pour ma part, j'ai trouvé cette lecture agréable, même si Adelia y fait moins preuve de son art et que j'ai eu l'impression qu'elle tâtonnait plus que dans le premier tome (mais les circonstances peuvent l'expliquer). Et en même temps cela lui donne un côté plus humble, moins sûr d'elle...
La Morte dans le Labyrinthe met en lumière le contexte compliqué des années 1170, quand la reine Aliénor d'Aquitaine entre ouvertement en révolte contre son mari et y entraîne successivement ses fils, notamment Henri le jeune et plus tard, Richard Cœur-de-Lion.
Selon les informations que l'on a, Rosemonde Clifford (surnommée Fair Rosamund par les Anglais, la Belle Rosemonde) devient maîtresse officielle du roi vers 1174, après que la reine soit entrée en rébellion contre lui. Toutefois elle ne profitera pas beaucoup de la situation puisqu'elle meurt l'année suivante ou en 1176. Elle sera inhumée dans l'enceinte du couvent de Godstow, non loin d'Oxford. Rien ne nous laisse penser que sa mort fut criminelle, imputable à la reine et ses partisans (hormis les légendes du folklore anglais), ni même que ce décès menaça l'Angleterre d'une guerre civile (les soulèvements d'Aliénor et ses fils touchèrent finalement peu l'Angleterre et se concentrèrent surtout dans leurs possessions continentales). Mais parce que Ariana Franklin est une romancière, elle a brodé autour de ce que l'on sait et utilisé les lacunes des sources médiévales et cela donne un bon roman, peut-être pas totalement policier mais qui fait aussi la part belle à l'Histoire et j'ai trouvé ça bien sympathique ! Un contenu cohérent et efficace se cache sous la magnifique couverture des éditions 10/18 et si comme moi vous aimez les enquêtes policières fortement imprégnées d'histoire, vous risquez d'aimer l'univers d'Ariana Franklin.
En Bref :
Les + : au-delà de l'enquête policière, ce roman est aussi une bonne description des années troubles qui ont opposé Henri II Plantagenêt à son épouse et leurs fils... le style d'Ariana Franklin et son humour font le reste.
Les - : quelques longueurs à la moitié du roman...