Eklablog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le salon des précieuses

L'air était tout en feu ; Camille Pascal

« Pour faire bonne mesure, quelques mois plus tard, le duc du Maine, tout atrophié qu'il était, épousait la petite-fille du Grand Condé, la naine la plus spirituelle et la plus méchante de tout l'univers. À ce niveau d'infirmité, ce n'était d'ailleurs plus un mariage mais une sorte de parabole, la vilenie donnant la main à la médisance. »

 

 

 

 

     Publié en 2023

  Éditions Pocket  

  352 pages

 

 

 

 

 

Résumé :

27 avril 1718. Un incendie ravage le Petit-Pont, menaçant Notre-Dame. Alors qu'à Paris l'air est tout en feu, au château de Sceaux, la duchesse du Maine souffle sur un autre brasier bien plus dangereux pour le Régent, celui du complot.
Mariée à l'aîné des bâtards de Louis XIV, haute comme trois pommes mais animée de l'orgueil d'une princesse du sang, cette précieuse règne sur sa petite cour de beaux esprits comme sur son mari. Soutenue en secret par le prince de Cellamare, ambassadeur du roi d'Espagne, et encouragée par les survivants de la vieille cour du Roi-Soleil, elle va intriguer avec passion.
Ainsi, en ce printemps 1718, un vent de fronde se lève sur la France et une véritable course-poursuite pour le pouvoir s'engage entre la duchesse d'un côté et le Régent de l'autre.

Ma Note : ★★★★★★★★★★ 

Mon Avis :

Un roman se passant durant l’époque de la Régence, c’est déjà suffisamment rare pour être mentionné mais quand, en plus, c’est Camille Pascal qui le signe, je ne pouvais que dire : « banco ! ». Maintenant, nous allons voir si j’ai bien fait d’y aller sans plus me poser de questions…Pour ne pas faire durer le suspense, la réponse est oui. Mais d’abord, de quoi parle L’air était tout en feu ? L’intrigue s’ouvre au printemps 1718, alors que les Parisiens médusés voient brûler le Pont Notre-Dame. Au même moment non loin d’ici, à Sceaux, l’air est aussi en ébullition, chez le duc et la duchesse du Maine, qui ont laissé libre cours à leur inimitié et leur rancœur envers le Régent : le fils légitimé de Louis XIV et son épouse – qui n’a jamais supporté d’avoir été contrainte d’épouser un bâtard, fût-ils fils de roi et légitimé – viennent de se lancer à corps perdu dans une conjuration pro-espagnole, alors que la France du Régent s’apprête à signer un traité avec l’Angleterre, les Provinces-Unies et d’autres royaumes européens, au détriment du voisin pyrénéen sur lequel règne le dernier petit-fils survivant du Roi-Soleil. Avec la complicité de l’ambassadeur du roi Philippe V, le prince de Cellamare, le duc et la duchesse vont se mouiller dans ce complot jusqu’au cou, laissant libre cours à leur haine, sans savoir que, derrière son paravent indolent et le bouclier que forment autour de lui ses roués et ses nombreuses maîtresses à la cuisse plus que légère, le Régent est parfaitement au fait de leurs visées et tractations. Et, comme Richelieu en son temps, le neveu de Louis XIV va patiemment défaire l’écheveau d’un complot malhabile mais qui vaudra à leurs auteurs honte, indignité et…exil (à Doullens pour le duc, à Dijon pour son épouse jusqu'au début de l'année 1720).
Car je ne vous divulgâche rien en vous disant tout net que la conspiration de Cellamare va rater et c’est l’histoire de ce ratage que se propose de nous raconter l’auteur, qui avait déjà fait revivre dans ses précédents romans la révolution des Trois-Glorieuses (L’été des quatre rois) et la faveur de la duchesse de Châteauroux (La chambre des dupes). Et pour s’attaquer à la Régence et à la conspiration de Cellamare, il n’y avait bien que Camille Pascal pour l’oser.

Illustration.

Philippe d'Orléans, neveu de Louis XIV et régent de France pendant la minorité de Louis XV


Avec une plume racée, tantôt violente, tantôt caressante, vivante et parfois frisant avec le vulgaire et la trivialité, l’auteur nous emmène dans les tréfonds du pouvoir à l’époque de la minorité de Louis XV, dans des luttes intestines, tortueuses et larvées mais qui n’en sont pas moins violentes, notamment parce qu’elles sont familiales (ainsi, l'un des ennemis les plus acharnés du duc et de la duchesse de Maine est...le duc de Bourbon, leur propre neveu).
Le roman est dense et, autant vous prévenir tout de suite, si vous voulez vous distraire avec une lecture légère, passez votre chemin car ce roman n’est absolument pas un divertissement, mais il est d’une richesse folle. Si vous aimez les romans historiques rigoureux, appuyés sur une bibliographie exhaustive, alors vous êtes au bon endroit. Avec peu de dialogues – les seuls sont tirés de mémoires ou de sources d’époque –, l’auteur parvient à faire revivre une époque, sur quelques mois à peine. La cour a quitté Versailles et le pouvoir est entre les mains d’un prince sur lequel on a beaucoup médit mais qui s’avère être un bon politicien : aujourd’hui, les historiens redorent le blason du Régent Philippe d’Orléans et rendent à César ce qui appartenait à César. Malgré une vie dissipée et dissolue, Philippe d’Orléans ne fut pas le père incestueux que ses ennemis se plaisaient à dépeindre, l’accusant par exemple d’être le père de l’enfant de sa propre fille, la duchesse de Berry…il ne fut pas non plus ce prince jaloux et ambitieux qui projetait d’empoisonner toute la famille royale pour se hisser sur le trône. Aujourd’hui, on considère plutôt Philippe d’Orléans comme celui qui a su maintenir, dans la tourmente d’une régence – une période toujours troublée – le pouvoir du jeune Louis XV qu’on lui avait confié. Le Régent n’a pas démérité et sut au contraire mener les affaires avec habileté, bien qu’il y eût des ratés (le système du papier-monnaie du financier écossais John Law, par exemple, qui se termina en faillite). Souvent étudiée à l’aune de la vie dissolue de ses protagonistes, le Régent et l’abbé Dubois en tête (l’abbé, dont le nom est encore, de nos jours, attaché à une savoureuse et subtile contrepèterie), la période de la minorité de Louis XV, entre 1715 et 1723 fit souvent l’objet d’opinions biaisées et fausses. En réalité, le Régent sut tirer parti avec intelligence tant des soutiens que des antagonistes.
L’air était tout en feu est relativement court : un peu plus de trois cents pages et pourtant, on a l’impression d’en lire le double. Mais cela n’est pas du tout désagréable, bien au contraire et pour peu qu’on aime l’Histoire, on se passionnera, on se délectera de ce récit haut en couleur et en verve.

Description de cette image, également commentée ci-après

Louise-Bénédicte de Bourbon-Condé, surnommée Ludovise, est l'une des principales instigatrices de la conjuration de Cellamare en 1718

En Bref :

Les + : la plume, la bibliographie solide et rigoureuse sur laquelle le roman s'appuie, le contexte, magnifiquement relaté par l'auteur.
Les - : pour moi, aucun point négatif à soulever.


L'air était tout en feu ; Camille Pascal

 Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle  

  • Envie de découvrir d'autres romans de Camille Pascal ? Voici mes billets sur ses deux précédents livres : 

L'été des quatre rois

La chambre des dupes

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
Je ne connais pas du tout cette affaire mais cela m'intrigue pas mal... Aimant les complots, je ne peux que noter ce titre :-)
Répondre