5 Septembre 2020
« Peut-être devrais-je lui dire que les choses qui n'ont pas de sens sont les plus belles. C'est une belle phrase, ça lui plaira. »
Publié en 2012 en Italie
En 2017 en France (pour la présente édition)
Titre original : L'Amica Geniale : Una storia del nuovo cognome
Editions Folio
623 pages
Deuxième tome de la saga L'Amie Prodigieuse
Résumé :
« Si rien ne pouvait nous sauver, ni l'argent, ni le corps d'un homme, ni même les études, autant tout détruire immédiatement. »
Le soir de son mariage, Lila, seize ans, comprend que son mari Stefano l'a trahie en s'associant aux frères Solara, les camorristes qu'elle déteste. De son coté, Elena, la narratrice, poursuit ses études au lycée. Quand l'été arrive, les deux amies partent pour Ischia. L'air de la mer doit aider Lila à prendre des forces afin de donner un fils à Stefano.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
L'Amie prodigieuse fait partie des phénomènes littéraires dont je me suis longtemps méfiée. Il y'a encore un peu plus d'un an, le tome un dormait dans ma PAL depuis un moment... je l'ai sorti parce que, quand même, depuis le temps que je l'avais...
Finalement, ce fut une révélation !! Comme beaucoup de lecteurs, j'ai été profondément enthousiasmée par l'univers comme la plume d'Elena Ferrante, auteure mystérieuse dont on ne sait rien et qui aime brouiller les pistes. D'ailleurs, sa série de romans, qui démarre avec L'Amie prodigieuse et se termine avec L'Enfant perdue est-elle autobiographique ou semi-autobiographique ? C'est la question que je me pose depuis que j'ai lu le premier tome l'an dernier, tout en sachant que, finalement, cela importe peu. Qu'il soit totalement imaginaire ou inspiré par une véritable expérience, l'univers de Ferrante est de ceux qui, clairement, marquent la littérature.
Ce deuxième tome démarre immédiatement après la fin du premier : Lila vient d'épouser Stefano Caracci et découvre qu'il est partie liée avec Marcello et Michele Solara, les deux camorristes du quartier, qu'elle déteste.
Nous sommes dans les années 1960 et Lila bascule en quelques heures de l'adolescence à l'âge adulte, tandis que Lenú, encore célibataire, vit une adolescence plus linéaire... tandis que l'une devient une épouse et une future mère, Elena poursuit sans sa vie comme avant, en allant au lycée puis, ensuite, à l'université.
Ce tome qui, après le premier qui était consacré à l'enfance, est lui centré sur la jeunesse, est violent, bouleversant, dérangeant aussi parfois... ceci dit, si vous cherchez un récit enlevé avec des rebondissements et des aventures à toutes les pages, sans nul doute, cette saga n'est pas faite pour vous. Sa force réside, plus que dans les événements, dans la manière dont l'auteure les restitue et les analyse. Elena Ferrante écrit très bien et c'est évidemment une grande force de ses romans. La plume est percutante et les mots justes.
Dans ce deuxième tome, on perçoit le décalage qui s'instaure petit à petit entre Lila et Lenú qui ont, certes, un passé commun mais dont l'avenir est entièrement différent. Tandis que l'une se dirige vers la vie de femme au foyer, entretenue par son mari, seulement destinée à prendre soin de lui, de son intérieur et, plus tard, de ses enfants, l'autre renonce à l'argent facile pour continuer ses études, quitte à accepter des petits boulots. Lila s'est extirpée de la misère du quartier qui était le sien jusqu'à son mariage et connaît une aisance financière inédite, mais à quel prix, car elle n'en est pas heureuse pour autant, tandis que Lenú tourne le dos à ces avantages matériels mais suit une voie qui lui apportera un jour une réelle stabilité.
Gaia Girace et Margherita Mazzucco interprètent Lila et Lenù adolescentes, dans la série L'Amie Prodigieuse
On perçoit l'incompréhension qui s'installe entre elles, qui gangrène leur amitié sans la détruire pour autant : et pourtant, ce qui les avait rapprochées n'existe plus et leurs nouvelles vies et leurs nouveaux choix tendent à les éloigner encore un peu plus l'une de l'autre. Mais cette amitié née de l'enfance semble être si forte qu'elle ne disparaît pas et Lila et Lenù ne cessent de se chercher, constamment.
Leurs destins sont plus parallèles et on découvre en alternance les années qui vont de leur seize ans à leur vingt-deux, vingt-trois ans, entre la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte. Lenú, pour la première fois, s'éloigne de Naples et va étudier à Pise tandis que Lila, restée à Naples se débat avec une vie conjugale décevante. Pour la première fois, le quartier populaire de Naples où elles ont grandi n'est plus le seul à être au centre du récit. Les personnages grandissent, s'émancipent, font des choix, souvent dans l'idée de se sortir de la précarité voire de la misère qui marquent leur vie depuis l'enfance : des choix qui s’avéreront bons ou mauvais et aux conséquences parfois amères.
Le roman a beau se passer dans les années 1960, il est facilement transposable à d'autres époques. Les personnages nous parlent, font écho en nous, comme j'ai pu m'identifier à Lenù, dans laquelle j'ai retrouvé certains de mes propres traits de caractère. Certes, la société profondément machiste et patriarcale est bien celle d'avant les années 70 mais, pour autant, on s'y sent très investi. Plus que la description de la société dans laquelle évolue cette jeunesse née à la toute fin de la Seconde guerre mondiale, la fin des années 50 et les années 60, ce que j'apprécie dans cette saga, c'est la diversité des personnages et des caractères, c'est cette analyse fine de la psychologie et des comportements. Pour moi, Elena Ferrante est une très bonne écrivaine, une très bonne romancière mais aussi une excellente analyste, apte à poser des mots justes sur la vie. Voilà pourquoi, pour moi, cette saga est aussi puissante et percutante ! Le premier tome avait déjà su me séduire et me faire comprendre que, si L'Amie prodigieuse est devenue un phénomène littéraire, ce n'est pas qu'une lubie des réseaux sociaux, c'est, au contraire, grandement mérité. Le deuxième tome ne m'a donné qu'une envie : lire les deux autres dans la foulée, sans même reprendre mon souffle ! Mais je vais être raisonnable et attendre un peu, ne serait-ce que pour le plaisir de rester encore un petit peu dans cette saga qui fait assurément partie de mes livres préférés.
En Bref :
Les + : s'il est beaucoup question dans ce roman de plage, de soleil, de bains de mer et de bronzage, il ne faut pas s'arrêter à cela. Car derrière le côté estival et insouciant, se cache une réalité plus sombre, parfaitement bien décrite par Elena Ferrante. Ces jeunes filles qui ne sont pas encore des femmes mais plus des enfants font l'expérience de la maturité avec amertume et désillusion.
Les - : pour moi, aucun.