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Le salon des précieuses

L'Amie Prodigieuse, tome 4, L'enfant perdue ; Elena Ferrante

« Contrairement aux récits, la vraie vie, une fois passée, tend non pas vers la clarté mais vers l'obscurité. Je me suis dit : Maintenant que Lila s'est montrée aussi nettement, il faut que je me résigne à ne plus la voir. »

Couverture L'Amie prodigieuse, tome 4 : L'Enfant perdue

 

 

       Publié en 2014 en Italie

   En 2019 en France (pour la présente édition)

   Titre original : Storia della bambina perduta

   Éditions Folio

   640 pages 

 

 

 

 

 

Résumé :

« Comme toujours, Lila s'attribuait le devoir de me planter une aiguille dans le cœur, non pour qu'il s'arrête mais pour qu'il batte plus fort. »

Elena, devenue auteure reconnue, vit au gré de ses escapades avec son amant entre Milan, Florence et Naples. Parce qu'elle s'est éloignée du quartier populaire où elle a grandi, Elena redoute les retrouvailles avec son amie d'enfance. Mais depuis quelques temps, Lila insiste pour la voir et lui parler...
La saga se conclut en apothéose après avoir embrassé soixante ans d'histoire des deux femmes et de l'Italie, des années 1950 à nos jours. 
L'enfant perdue est le dernier tome de la saga d'Elena Ferrante. Il succède à L'amie prodigieuse, Le nouveau nom et Celle qui fuit et celle qui reste

Ma Note : ★★★★★★★★★★

Mon Avis :

Voilà, c’est fini…en tournant la dernière page de L’enfant perdue, j’ai mis un point final, non sans tristesse, à la saga L’amie prodigieuse, qui m’accompagne maintenant depuis 2019.
Chaque année ensuite, comme un rituel, j’ai lu un tome de cette saga à la fin de l’été et, le temps d’un volume, je suis partie en Italie dans les pas des deux héroïnes, Lila et Lenù.
Si vous ne connaissez pas cette saga, pour vous remettre rapidement dans le contexte, il s’agit d’une saga historique dans l’Italie de la seconde moitié du XXème siècle. On y suit, dans la Naples de l’après-guerre et jusqu’aux années 2000, deux enfants, qui deviennent ensuite des adolescentes, puis des jeunes femmes et enfin, des femmes mûres : Raffaella Cerrullo et Elena Greco sont nées toutes deux en 1944, dans un quartier populaire de Naples où elles vont grandir, d'abord l'une à côté de l'autre, puis ensemble. Leurs familles ne sont ni plus riches ni plus pauvres que les autres (le père de Lenù est employé à la mairie, celui de Lila est cordonnier et les mères comme souvent à l'époque, s'occupent du foyer et des enfants), Elena et Raffaella vont grandir comme tous les enfants du quartier, entre les cris des mères depuis les fenêtres des immeubles miteux et la violence des rues, où il faut faire le coup de poing pour s'imposer et se faire respecter. Devenues amies à l’âge de six ans, elles ne se quitteront jamais vraiment même si, au fil du temps, les liens se distendent, surtout lorsque les deux jeunes femmes commencent à faire des choix d’avenir : Elena, poussée par ses professeurs, fera des études, quittera Naples et deviendra une écrivaine reconnue dans les années 1960 et 1970. Raffaella, dite Lila, se mariera très jeune et ne quittera jamais Naples.
Le point de départ de cette saga se situe en 2006 : Lila et Lenù sont alors âgées de soixante-deux ans quand Lila disparaît un jour sans laisser de traces. Pas de panique, si vous n’avez pas lu cette saga, je ne vous divulgue en aucun cas un événement majeur : la disparition de Lila est mentionnée dès les premières lignes du premier tome, L’amie prodigieuse. Vivant alors à Milan, Lenù la narratrice, va entreprendre de raconter son histoire et en parallèle celle de Lila, depuis les débuts, à la fin des années 1940 dans l’Italie de l’après-guerre et jusqu’à la fin, en cette fameuse année où son amie d’enfance quitte un jour son quartier sans dire où elle va et pour ne plus jamais y revenir.
Jamais saga n’aura fait une place aussi importante à l’amitié : on parle de roman d’amour, on met en scène des couples, on aborde dans des romans souvent mâtinés de philosophie l’amour filial, l’amour maternel…mais à quel moment parle-t-on de l’amitié ? Et pourtant, ce sentiment n’est-il pas aussi fort, si ce n’est plus, que l’amour qui unit un couple ? En entreprenant de raconter la longue histoire d’amitié de deux petites filles qui deviennent des femmes, toujours l’une dans le sillage de l’autre, Elena Ferrante a signé une formidable saga où l’amour occupe une place centrale et importante. Et l’amitié peut être aussi lumineuse et belle qu’elle peut être sale, violente ou toxique.
On aimera L’amie prodigieuse, ou pas. Cette saga suscite des avis tranchés, jamais tièdes : ou vous aimerez formidablement ou vous détesterez radicalement, parce qu’Elena Ferrante ne ménage ni ses personnages ni ses lecteurs.

L'Amie prodigieuse : qu'est-ce qui attend les héroïnes dans la saison 3 ? |  myCANAL


Personnellement, j’ai vibré à l’unisson de cette saga dès les premières lignes… et le plaisir aura été au rendez-vous à chaque fois : j’ai lu les volumes suivants avec la même ferveur. Ce quatrième tome d’ailleurs, est tout à fait à la hauteur des précédents, il ne s’essouffle aucunement – ce qui peut parfois arriver, dans une saga qui traite un temps si long. Après un troisième tome que j’avais trouvé très politique et beaucoup centré sur les changements sociétaux de l’Italie des années 1960 et 1970 (le féminisme naissant, le syndicalisme...), impliqués par la croissance que connaît l’Europe de l’après-guerre, nous revenons ici à un récit plus intime et de nouveau plus orienté sur les personnages et leurs destinées : Lenù, que nous avions laissée mère de famille et jeune mariée à Florence, retrouvant soudain un amour de jeunesse en passe de lui faire remettre en question bien des choses, à commencer par sa vie de famille bien rangée, a fait des choix. Elle continue d’écrire, malgré sa vie bouleversée et choisit alors de revenir vivre à Naples avec ses deux filles, Dede et Elsa. Là, elle y retrouve tous ses camarades de jeunesse, à commencer par Lila qui, après s’être séparée de son mari et avoir connu une période de vaches maigres, s’est lancée passionnément dans un nouveau travail : avec son compagnon Enzo, Lila s’intéresse en effet à l’informatique, un domaine de compétences naissant et dans lequel elle s’avère exceller. Si la Naples de la seconde moitié des années 1970 ne semble pas bien différente de celle qu’elle a quittée plusieurs années auparavant, l’acclimatation est d’autant plus difficile pour Lenù qui a connu « autre chose », une vie bourgeoise et aisée loin de la modestie vulgaire et fruste du quartier, loin de la criminalité et de la violence…pour elle, revenir au quartier est donc aussi familier que brutal et dépaysant, car il lui faut retrouver des codes perdus et accepter de n’être plus vraiment « d’ici », tandis qu’elle suscite un certain respect mâtiné de condescendance (on admire ses grands discours tout en considérant qu'ils sont surtout les réflexions d'une bourgeoise gâtée loin des réalités d'une vie de quartier, où il faut travailler, se nourrir et assurer l'avenir de ses enfants), auprès de ses anciens camarades qui n’ont pas eu, comme elle, la chance de partir et de tenter leur chance ailleurs.
La relation avec Lila se renoue alors, plus forte, plus violente, plus malsaine aussi, faite de non-dits, de jalousie réciproque et d’une certaine admiration mutuelle. Lenù ne ménagera pas Lila et Lila, avec son franc-parler et son dialecte vulgaire, ne ménagera pas non plus Lenù. Elles se soutiendront autant qu’elles se feront du mal jusqu’à ce que Lenù, une fois ses filles élevées, décide de quitter enfin définitivement Naples dans les années 1990, tirant un trait sur son passé sans jamais pouvoir tourner irrémédiablement le dos à Lila.
Je sais que certains lecteurs n’ont pas aimé la description de la relation qui unit Lila et Lenù la qualifiant de toxique. Certes : tout n’est pas beau dans cette saga, tout est ombre et lumière mais c’est ça justement qui est assez passionnant dans L’amie prodigieuse. Et c’est pour ça que j’aurais tendance à dire que l’histoire de Lila et Lenù est finalement aussi belle qu’une grande histoire d’amour et que l’amitié, souvent mise de côté, donne lieu ici à de grands romans.
Jusqu’au bout, jusqu’à la dernière ligne, jusqu’au point final, L’amie prodigieuse aura été une lecture extraordinaire, qui ne laisse pas indifférent. Dans la chaleur moite de la Naples de la seconde moitié du XXème siècle, débarrassée des fascistes mais aux mains des petits camorristes de quartier, comme les Solara, Elena Ferrante fait évoluer des personnages imparfaits mais d’une humanité profonde, ce qui m’a fait me dire, tout au long de ma lecture, qu’il ne serait pas impossible qu’il y ait un peu de souvenirs personnels là-dedans. Elena Greco serait-elle un peu Elena Ferrante, dont on ne sait rien ? Les personnages que l’on croise dans ses pages ont-ils existé ? J’avoue que c’est là un questionnement qui est régulièrement revenu au cours de ma lecture, même si je savais que je n’aurais jamais de réponse…pour moi, en tout cas, le fait que L’amie prodigieuse ait un aspect autobiographique, voire cathartique, n’est pas impossible…Et même si ce n'est pas le cas, la romancière est parvenue à donner à sa saga une portée tout autant personnelle qu’universelle qui ne laisse personne indifférent.
Je termine donc L’enfant perdue avec le cœur un peu serré, d’une part, par la portée émotionnelle des derniers chapitres de cette saga – jusqu’au bout l’autrice aura réussi à nous tourner et nous retourner – mais aussi parce que j’ai l’impression d’avoir lu une grande saga vouée à devenir un classique et qu'il est difficile de s'arracher à cette ambiance. Comme je le disais, on aime ou pas : si on n’aime pas, cela ne sert à rien de se forcer à aller au bout car vous risquez de ressortir de là dégoûté, surtout si la relation amicale vous met mal à l’aise, mais si vous êtes attrapés par le premier tome, un conseil : continuez, lisez la suite. Elle est à la hauteur du premier tome et je crois même que chaque tome est meilleur que le précédent. Pour moi, un grand moment, passé avec le sentiment de tenir entre les mains un monument de la littérature contemporaine. J’ai adoré cette saga et elle restera longtemps gravé dans mon esprit, c’est certain.

L'Amie prodigieuse : une première bande-annonce pour l'adaptation en série  du roman d'Elena Ferrante - News Séries à la TV - AlloCiné

En Bref :

Les + : il est rare que l'amitié fasse l'objet d'une saga entière, dans toute sa complexité : ce n'est pas toujours très beau ni très propre, c'est violent aussi par moments mais cette saga nous offre une expérience de lecture extraordinaire.
Les - :
pour moi, aucun point négatif. Cette saga se conclut aussi bien qu'elle a commencé.


L'Amie Prodigieuse, tome 4, L'enfant perdue ; Elena Ferrante

 Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

 

  • Découvrez mes billets sur les précédents tomes de L'Amie Prodigieuse :

 

Mon avis sur le tome 1, centré sur l'enfance des deux héroïnes dans la Naples de l'après-guerre

Mon avis sur le tome 2 : Lila et Lenù grandissent et deviennent jeunes femmes 

Mon avis sur le tome 3, peut-être le plus politique et le plus social, dans la ferveur de la fin des années 60 et les années 70

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