30 Novembre 2018
« Le diable devrait-il s'emparer de son âme, ce qu'elle avait fait, elle le ferait encore. »
Publié en 2003
Editions Le Livre de Poche
538 pages
Résumé :
« D'un œil expert, Le Bel, premier valet de chambre du roi, avait examiné Jeanne de la tête aux pieds. Cette femme était d'une rare beauté. D'emblée on discernait sa force vive, son charme, son tempérament, une volonté de fer qui faisaient les grandes maîtresses royales. Et d'elle se dégageait une lumière presque soyeuse : " Sa Majesté va être satisfaite. ", pensa-t-il. »
Satisfaite, elle le fut au-delà de ses espérances. Car personne, en cette année 1769, n'aurait pu soupçonner l'amour fou qui allait bientôt unir Jeanne du Barry à Louis XV, le monarque libertin et tout-puissant qui un jour lui déclara : « C'est à moi de me mettre à vos pieds, et pour le reste de ma vie. »
Dans ce superbe roman d'amour, Catherine Hermary-Vieille ressuscite la figure controversée de cette femme qui a marqué l'Histoire et a régné sans partage à la cour et dans le cœur du roi. Avec la rigueur historique d'une biographe et le talent sensuel d'une grande romancière, elle rend à cette exquise comtesse, autrefois fille du peuple, la place qu'elle mérite : celle d'une femme exceptionnelle.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Qui est Jeanne Bécu, comtesse du Barry, dernière favorite de Louis XV ? Une intrigante calculatrice, une femme sotte et vulgaire ou bien une victime de circonstances, pas dénuée d'intelligence mais manipulée par les hommes de sa vie et par ses rêves de grandeur ?
Nuancée depuis quelques années par les historiens, l'image de Madame du Barry est plus positive... Pour moi, cette femme morte à cinquante ans sur l'échafaud, en pleine Terreur et qui demanda à son bourreau encore un petit moment, juste un petit moment, est immensément touchante. Touchante dans sa simplicité parfois naïve, touchante parce que manipulée par les hommes et les circonstances, victime d'une époque et de son sexe. Issue du peuple, née en 1743 à Vaucouleurs, en Lorraine, la future comtesse est la fille d'une simple couturière, Anne Bécu et d'un moine, frère Ange de Vaubernier. Elle passera les premières années de sa vie dans un petit village de province et y connaîtra une ancienne favorite de Louis XIV retirée là-bas, Madame de Ludres, avant d'aller à Paris avec sa mère. Jeune femme, elle exercera plusieurs professions, coiffeuse, vendeuse chez les Labille (les parents de la fameuse Adélaïde Labille-Giuard, peintre célèbre) puis elle rencontrera Jean-Baptiste du Barry, un aventurier toulousain surnommé « le roué » installé à Paris et proxénète sur les bords. Cette rencontre précipitera celle, décisive, qui va décider du reste de sa vie : sa rencontre avec Louis XV, dont elle sera la dernière favorite. Zoé du Cayla mise à part, on peut même considérer que Jeanne du Barry est la dernière favorite royale.
Sans cesse, Jeanne cherchera à s'extirper de sa condition et elle y arrivera au-delà de toute espérance. Certes, elle paiera le prix fort mais Jeanne Bécu s'est élevée à un rang auquel elle n'aurait jamais pu prétendre. Après Madame de Pompadour, issue de la bourgeoisie financière, c'est le peuple qui entre à Versailles, au travers de cette figure de femme. Jeanne est la représentante de cette majorité populeuse et laborieuse, loin des sphères dorées de Versailles ou Paris et que l'on oublie souvent. Elle n'en sera pas pour autant moins détestée, au contraire. Haïe et méprisée par les courtisans, détestée par le peuple parce que les favorites ont la réputation de dilapider l'argent du royaume, Madame du Barry est un ovni, un personnage qui n'appartient plus à aucune classe sociale ; ni bourgeoise, ni noble, ni populaire mais jouissant d'un train de vie insolent et luxueux, elle cristallise des haines qui la conduiront à sa perte.
Pourtant, ce qui caractérise aussi Madame du Barry, c'est sa sincérité. Elle a certainement aimé le roi et a entouré les dernières années d'un homme timide, manquant de confiance en lui et sans cesse en quête d'amour et de reconnaissance, d'une affection véritable, loin de la déférence obséquieuse des courtisans.
L'un des plus célèbres portraits de Madame du Barry, par Elisabeth Vigée-Lebrun, en 1781.
Aujourd'hui, l'image de Jeanne du Barry se nuance un peu. Les historiens actuels tendent à la voir de manière plus positive, tout comme Louis XV d'ailleurs, qui n'a peut-être pas été un grand roi mais pas non plus le monstre que certains ont pu dépeindre et qui fut un homme fragile, doutant beaucoup de lui, en recherche constante d'une figure maternelle réconfortante dans les femmes de sa vie.
Ce qui est intéressant avec ce genre de romans, c'est aussi que les auteurs livrent leur propre ressenti sur leur objet d'étude ; l'année dernière j'ai lu le roman Mademoiselle Chon du Barry ou les surprises du destin, de Frédéric Lenormand, court roman où le destin flamboyant et tragique de Jeanne est traité à travers les yeux de sa belle-sœur, Françoise-Claire, qui lui servira de confidente et de suivante à Versailles. Dans ce roman, l'auteur qui est aussi historien, livre une vision certes plus positive de la favorite mais Jeanne n'y est pas dénuée non plus d'une certaine sottise voire d'une certaine naïveté.
Chez Catherine Hermary-Vieille, peut-être par une chaleur instinctive de femme à femme, la comtesse du Barry devient un véritable produit de ce XVIIIème siècle des auteurs, des scientifiques et des encyclopédistes, cultivée et lettrée, pleine d'esprit en plus d'être belle. Surtout, la relation qui l'unit au roi est dépeinte comme une véritable histoire d'amour, un attachement sincère unissant Jeanne et Louis XV, en dépit des manœuvres savamment préméditées qui ont amené Madame du Barry dans le lit du roi.
Peut-être la vraie Madame du Barry se situe-t-elle entre ces deux images contemporaines que l'on a d'elle... Sûrement pas aussi vulgaire qu'on a bien voulu le dire (elle n'a jamais prononcé le peu distingué « Eh, la France ! Ton café fout le camp » comme Marie-Antoinette n'a jamais prononcé « Ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche »... Certains feraient bien de s'en souvenir, soit dit en passant, avant de s'en servir à tort et à travers) mais peut-être pas aussi cultivée ni aussi érudite que Madame de Pompadour, Madame du Barry reste malgré tout, à mon sens, une femme sincère, vive et amoureuse de la vie, qui la rend très authentique et proche de nous, moins figée dans une histoire raide et froide.
J'ai apprécié de relire ce roman, qui a été plus une découverte au final qu'une redécouverte car je me suis aperçue que je ne me souvenais pas de tout... Et d'ailleurs certaines petites maladresses m'étaient passées sous le nez lorsque j'ai lu ce roman la première fois, peut-être tout simplement parce que je ne connaissais pas la période aussi bien qu'aujourd'hui : les filles de Louis XV qui sont appelées Mesdames tantes tout au long du roman par exemple, alors qu'elles ne seront surnommées comme cela qu'à partir du règne de Louis XVI... Une ou deux petites approximations qui pourraient être évitées, une chronologie qui pourrait être un peu plus précise... Mais dans l'ensemble La Bourbonnaise est un roman historique cohérent, qui se tient et se déroule avec logique et de façon très fluide, où l'on croise de grands personnages, de Choiseul à Marie-Antoinette, en passant par Voltaire mais aussi toutes les grandes figures de la Révolution...
C'est aussi et enfin un bon moyen de découvrir un destin hors du commun, celui d'une femme qui s'est élevée très haut avant de retomber très bas mais a marqué l'Histoire d'une trace indélébile.
En Bref :
Les + : le texte est chaleureux et livre une image vive et touchante d'une femme sincère, un peu enfant, grande amoureuse de la vie...
Les - : quelques approximations un peu trop récurrentes qui auraient pu être évitées.
Thème de novembre, « On se connaît déjà », 11/12