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Le salon des précieuses

La chambre des diablesses ; Isabelle Duquesnoy

« À cinq heures du matin, le jour anormalement doux peine à se lever en ce mois de février. Trente-quatre exécutions annoncées par l’aboyeur public, mais les spectateurs se sont déplacés pour n’en contempler qu’une ; ils piaffent d’impatience de voir crever Maman. Accusée d’ivrognerie et de sorcellerie, elle va leur fournir avec son supplice le divertissement à ne pas manquer. Ce sera sa dernière représentation, et ses adorateurs s’appliquent à masquer leur trouble au milieu de la foule épouvantée. »

Couverture La Chambre des diablesses

 

 

 

    Publié en 2024

   Éditions Pocket

   448 pages 

 

 

 

 

 

 

Résumé :

Ce jour de février 1680, on brûle en place de Grève. Trente-six condamnés sont menés au bûcher, mais la foule n'a d'yeux que pour une seule : la Voisin. Accusée de diablerie, l'empoisonneuse préférée de la Cour expie là l'affaire des poisons, qui fit trembler jusqu'au Roi-Soleil. « Allez tous vous faire foutre ! » sera son dernier mot, hurlé entre les flammes...
Combien de secrets emporte-t-elle ? Seule sa fille, Marie-Marguerite, pourrait les révéler pour sauver sa tête. Des philtres d'amour, des sortilèges et des messes noires, elle a tout vu, tout su - à commencer par les noms de ses très nobles clients. Mais qui l'écoutera ? 

Ma Note : ★★★★★★★★★

Mon Avis : 

Février 1680 : Marie-Marguerite Monvoisin, vingt-et-un ans, est tirée de sa cellule de Vincennes pour assister à l'exécution à Paris des derniers accusés de l'Affaire des Poisons. Parmi eux, on brûle sa mère, Catherine Monvoisin, dite la Voisin, envoûteuse, devineresse, sorcière, qui a notamment vendu des poudres et des philtres à la favorite de Louis XIV, Madame de Montespan. Avec son compère l'abbé défroqué Guibourg, elle avait également pratiqué des messes noires pour le compte de l'ambitieuse marquise qui, après sa disgrâce, avait eu comme projet de faire mourir son ancien et royal amant.
Pendant plus de dix ans, la Voisin a tenu le haut du pavé des empoisonneuses et autres sorcières parisiennes, chez lesquelles se bousculaient des membres éminents de la Cour : le duc de Luxembourg, la duchesse de Bouillon, la comtesse de Soissons, la marquise de Montespan... Jusqu'à son arrestation au début de l'année 1679, la Voisin a fait la pluie et le beau temps dans le monde souterrain des sciences occultes. Mais la mère de Marie-Marguerite ne s'était pas contentée de duper ses riches et vindicatives clientes, grâce à des tours dignes de la prestidigitation : peu à peu, la Voisin a versé dans le crime pur, se muant en avorteuse et en criminelle, tuant de sang-froid de jeunes enfants dont elle se servait des corps pour ses philtres et autres potions, avant d'en enterrer les petits cadavres devenus inutiles dans le jardin de sa maison de la rue de Beauregard.
Née en 1669 (du moins c'est ce que l'on peut en conclure au vu des informations dispensées par Marie-Marguerite elle-même), Marie-Marguerite Monvoisin est l'unique fille de Catherine Deshayes et d'Antoine Monvoisin. On parle aujourd'hui beaucoup de familles dysfonctionnelles et de parents toxiques mais le moins que l'on puisse dire, c'est que cela existait aussi au XVIIe siècle : l'enfant grandit auprès d'un couple parental peu conventionnel. La mère s'occupe de faire bouillir la marmite et de nourrir la famille, tandis que le père est un ivrogne patenté - mais qui est peut-être le seul à avoir un sentiment d'affection à peu près sincère pour la petite, qu'il surnomme sa « Guiguite ». L'enfant est très tôt témoin des disputes et affrontements de ses parents. Sa mère, qui n'a pas sa langue dans sa poche, n'hésite pas à traiter son mari de tous les noms et même, lorsqu'elle considère qu'il est allé trop loin, à payer des sbires pour le faire bastonner.
Marie-Marguerite grandit au plus près du commerce de sa mère, qui permet à la famille de vivre relativement bien : d'abord préposée à l'ouverture de la porte aux clientes de Catherine, Marie-Marguerite ne comprend pas exactement quelles sont les activités maternelles et ce qu'elles recèlent de duplicité et de crime.

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Une messe noire dite par l'abbé Guibourg sur le corps nu de la marquise de Montespan


Arrêtée peu après sa mère, Marie-Marguerite sauve sa tête, notamment grâce à la confession écrite qu'elle rédige à l'intention du lieutenant de police de Paris, La Reynie. La jeune femme participe ainsi directement à l'arrestation du sinistre abbé Guibourg, personnage central de ce que l'Histoire a retenu comme l'Affaire des Poisons, la dernière affaire de sorcellerie du royaume de France. Elle communique également les noms des clientes de sa mère et parmi elles, on retrouve de nombreuses femmes de la Cour, notamment des proches du roi comme les soeurs Mancini (Olympe Mancini, comtesse de Soissons, qui fut un temps sa maîtresse, sa soeur Marie-Anne, duchesse de Bouillon) ou encore la mère de ses enfants légitimés, Athénaïs de Montespan qui, ne supportant pas de se voir supplantée dans le coeur du roi, projette en 1679 de le faire mourir, ainsi que sa nouvelle amante, la jeune Marie-Angélique de Scorailles, future marquise de Fontanges.
La coopération de Marie-Marguerite va lui permettre de rester en vie mais à quel prix ? D'abord incarcérée à Vincennes où elle doit subir la curiosité malsaine de ses geôliers, elle est finalement déportée à Belle-Île-en-Mer avec d'autres accusées, où elle doit supporter des conditions de vie particulièrement pénibles. Nous ne savons pas quand Marie-Marguerite Monvoisin, fille de la plus célèbre empoisonneuse de Paris, est morte : les textes mentionnent que cinq détenues sur douze sont encore en vie en 1706 mais sans autre précision. La jeune femme a disparu dans les limbes de l'Histoire.
Elle est l'une des narratrices de ce récit, qui alterne entre la confession écrite de la jeune femme et des chapitres racontés par un narrateur extérieur, qui nous font découvrir le Paris des années 1670, où une véritable pègre des devineresses, des avorteuses, des envoûteuses, se met en place. Si la Voisin est encore aujourd'hui la plus connue de tous les protagonistes de l'Affaire des Poisons, elle n'est pas la seule. On peut ainsi mentionner Marie Bosse, la Filastre, la Vigoureux, l'abbé Guibourg, Adam Lesage, acolyte de la Voisin, Romani, celui de Marie Bosse...tout ce petit monde se cotoie, s'entraide ou rivalise selon les circonstances.
Au milieu, Marie-Marguerite semble le dernier îlot d'innocence et en même temps, la jeune fille, qui n'est pas sotte, est parfaitement au fait des activités de sa mère. Est-elle coupable ? Certes, elle n'a jamais dénoncé le réseau, alors qu'elle savait parfaitement que les poudres vendues par la Voisin étaient bien souvent destinées à se débarrasser d'un mari devenu gênant ou d'un parent qui ne mourrait pas assez vite et dont on avait besoin de l'héritage. Et, en même temps, sans sa mère, Marie-Marguerite est seule au monde. Pourtant, elle sera broyée malgré tout par l'instruction judiciaire et paiera au centuple les crimes de sa mère, qu'elle n'avait pas dénoncés et dont on lui fera porter la charge, après la mort de la Voisin en février 1680.
On m'avait beaucoup vanté ce roman d'Isabelle Duquesnoy. Certes, il est très bien écrit, parfaitement documenté mais ça reste un bon roman historique comme j'ai déjà pu en lire. Pour moi, ce roman ne se distingue pas particulièrement, or c'est vraiment ce que les différents avis que j'ai pu lire ici ou là me laissaient entendre. Pour autant, j'ai apprécié cette plongée dans un Paris sombre, sale, interlope, sous le règne de Louis XIV, que l'on considère souvent comme flamboyant mais qui n'en eut pas moins ses zones d'ombre. L'Affaire des Poisons et les crimes dont se rendirent coupables les très nombreux accusés, en sont la preuve. Le langage est souvent cru, certaines images peuvent susciter le dégoût du lecteur. Même si les textes mentionnent effectivement le langage fleuri et le comportement peu bienséant de la Voisin - qui savait pourtant faire preuve d'un véritable raffinement commercial face à ses clientes de la noblesse -, peut-être était-ce parfois un peu trop trivial, un peu trop grossier et pas forcément nécessaire...et je me rends compte que, moi qui n'ai jamais adhéré à l'univers de Jean Teulé par exemple, je n'y adhère toujours pas plus aujourd'hui. Par chance, la confession écrite de Marie-Marguerite vient un peu contrebalançer cet aspect du roman, avec un langage un peu plus agréable à l'oeil.
Si je devais comparer ce roman à un autre que j'ai lu, il y'a presque quatre ans et qui s'intitulait Une sorcière à la cour, je pense que ma préférence irait à ce dernier. J'avais aimé notamment la vision de l'auteur, qui nous amenait à nous interroger sur le prisme déformant par lequel une société patriarcale et relativement misogyne regardait une affaire criminelle comme celle-ci, où les coupables sont principalement des femmes, qu'elles soient envoûteuses et sorcières ou clientes. Car finalement, l'Affaire des Poisons n'est-elle pas aussi, en quelque sorte, un procès d'intentions basé sur un déterminisme biaisé ?
Cela dit, La chambre des diablesses se lit bien, ça reste une lecture sympathique et si vous aimez les romans historiques, pourquoi pas ? Mais il est clair qu'il ne plaira pas à tout le monde. Pour ma part, j'en ressors cependant assez agréablement surprise car j'avais peur justement que l'aspect trivial du roman ne me rebute et même si je l'ai trouvé par moments un peu trop présent, il ne m'a pas trop gênée non plus. 

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Gravure du XVIIe siècle représentant Catherine Deshayes, épouse Monvoisin, dite la Voisin, peut-être la plus célèbre des accusées de l'Affaire des Poisons

En Bref :

Les + : un roman solide historiquement, avec des notes de bas de page éclairantes et des informations en fin de volume qui permettent d'en savoir plus. C'est une vraie plus value pour moi.
Les - : peut-être une surenchère dans la grossièreté et la trivialité qui, si elle correspond à l'image que les textes nous permettent de nous faire de la Voisin, n'était peut-être pas toujours nécessaire...Le roman est un peu cru par moments et ne plaira peut-être pas à tout le monde.


La chambre des diablesses ; Isabelle Duquesnoy

 

 Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle

  • Découvrez juste ici mon avis sur un autre roman parlant de l'Affaire des Poisons : Une sorcière à la Cour de Philippe Madral
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K
J'ai lu Une sorcière à la cour ,que j'avais bien aimé ,c'est pourquoi je me suis abstenue pour celui-ci,apparemment j'ai bien fais .
Répondre
A
Bonjour Katia, et merci pour ton passage ici ! <br /> Je ne peux vraiment pas te déconseiller La chambre des diablesses, d'autant plus que beaucoup d'autres lecteurs ont été tout à fait convaincus par l'univers d'Isabelle Duquesnoy. En tout cas, je dois avouer que, me concernant, j'ai préféré Une sorcière à la cour également. :)