2 Mars 2021
« C'est un miracle que même dans les pires moments, le cœur humain continue ainsi de battre. »
Publié en 2020 en Angleterre
En 2021 en France (pour la présente édition)
Titre original : The City of Tears
Editions Sonatine
542 pages
Résumé :
Une famille plongée dans l'enfer de la Saint-Barthélemy : l'Histoire de France comme vous ne l'avez jamais lue !
1572. Depuis dix ans, les guerres de Religion ravagent la France. Aujourd'hui, enfin, un fragile espoir de paix renaît : Catherine de Médicis a manœuvré dans l'ombre et le royaume s'apprête à célébrer le mariage de la future reine Margot et d'Henri, le roi protestant de Navarre.
Minou Joubert et son époux Piet quittent le Languedoc pour assister à la cérémonie. Alors que la tension est déjà à son comble dans les rues de Paris, on attente à la vie de l'amiral de Coligny. C'est le début du massacre de la Saint-Barthélemy. Précipités dans les chaos de l'Histoire, Minou et Piet sont sur le point de prendre la fuite quand ils découvrent la disparition de Marta, leur fillette de sept ans...
Après La Cité de feu, Kate Mosse nous propose une nouvelle fresque historique et familiale pleine de rebondissements. Du Paris de la Saint-Barthélemy à Amsterdam en passant par Chartres, elle tisse sa toile et le lecteur, captivé, regarde s'écrire l'Histoire.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Dix ans ont passé depuis que Minou Joubert a appris le secret entourant sa filiation et sa rencontre avec Piet Reydon, un jeune huguenot franco-hollandais. Installés à Puivert, un écrin préservé des Pyrénées, ils coulent des jours paisibles au milieu de leur famille et avec leurs deux enfants, Marta et son jeune frère, Jean-Jacques.
Mais en cette année 1572, un événement de taille se prépare : pour sceller la fragile paix de Saint-Germain, ratifiée en 1570, la reine-mère Catherine de Médicis a eu l'idée de marier sa fille de dix-neuf ans, Marguerite de Valois, avec Henri de Navarre. Ce mariage princier est mixte, puisque la jeune Marguerite est catholique tandis que son promis a été élevé dans les austères montagnes béarnaises dans la foi calviniste de sa mère, la reine Jeanne d'Albret. Invités au mariage royal, Minou et Piet ainsi que leur famille, se préparent donc à voyager jusqu'à Paris pour assister aux festivités prévues la semaine du 18 août 1572.
C'est dans une ville pleine à craquer et dans une atmosphère électrique, pas seulement due à la canicule, que la famille Reydon arrive aux derniers jours de juillet. La reine Jeanne d'Albret est morte quelques semaines plus tôt d'une fièvre aussi mystérieuse que subite et l'on murmure déjà, chez les protestants comme chez les catholiques, que Catherine de Médicis l'aurait peut-être fait assassiner au moyen de gants empoisonnés...Henri de Navarre, désormais roi, est arrivé à Paris flanquer de nombreux gentilshommes réformés et l'on ne sait pas bien quelles sont ses intentions : cherchera-t-il à venger sa mère ou non ? Malgré une promesse de réconciliation officielle, dont le mariage princier est le garant, la guerre n'a jamais été aussi proche à Paris qu'en cet été 1572...
C'est dans ce contexte que Minou, Piet et leurs enfants s'installent tant bien que mal à Paris, bien déterminée à y rester le moins de temps possible. Le 18 août, la princesse Marguerite consent du bout des lèvres à épouser Henri de Navarre. Paris s'étourdit de fêtes et de réjouissances mais ce n'est que façade. Le 22, dans la rue de Béthisy, alors qu'il regagne son hôtel particulier, l'amiral Gaspard de Coligny, protestant mais conseiller très écouté du roi Charles IX, faveur qu'il dispute à la famille de Guise, est blessé par balles et ne s'en sort que miraculeusement avec une blessure à la main et au bras. L'attentat, perpétré probablement par un homme de main des Guise depuis une maison leur appartenant, met le feu aux poudres. Dans la nuit du 23 au 24 août, Paris s'embrase : commence ce que l'Histoire retiendra comme le Massacre de la Saint-Barthélémy, l'horreur d'une ville en proie à ses démons, une simple décision politique se transformant soudain en une boucherie et un déchaînement de violence d'une frange de la population contre une autre.
Minou et Piet doivent fuir dans une ville devenue franchement hostile aux protestants. Pourtant, ils laissent derrière eux leur petite Marta, âgée de sept ans qui, dans le courant de la journée du 22 août, est sortie discrètement pour ne jamais revenir. C'est déchirés que Minou et Piet laissent derrière eux la capitale du royaume de France, sans savoir si leur petite fille est encore vivante ou non...
Plusieurs années passent... Minou et Piet ont tant bien que mal refait leur vie à Amsterdam, la ville natale de Piet, sans jamais oublier pour autant Marta, dont le souvenir au fil du temps, s'est adouci sans jamais disparaître. Dans les années 1580, la Hollande est en passe de basculer dans les bras des calvinistes, après avoir trop longtemps supporté l'ingérence espagnole. Emmenés par le prince d'Orange, les réformés de Hollande vont s'emparer d'Amsterdam encore aux mains des catholiques... Minou et Piet sont encore une fois aux premières loges pour assister à cette convulsion de l'Histoire, mâtinée de religion et de sédition, comme c'est souvent le cas au XVIème siècle. Et nous, lecteurs, nous changeons d'angle de vue et découvrons une République du Nord un peu à part dans cette Europe du XVIème siècle, ces futurs Pays-Bas dont l'économie repose entièrement sur le commerce et sur la mer et qui sont en passe de laisser derrière eux leur passé pour embrasser leur avenir : celui d'un pays protestant, émancipé de la mainmise de la puissante et très catholique Espagne des Habsbourg. Parce que je n'ai pas eu souvent l'occasion de lire des romans se passant aux Pays-Bas ou Provinces-Unies (à l'exception de La Jeune Fille à la Perle ou encore Les Mots entre mes Mains), j'ai apprécié de me transporter ailleurs qu'à Paris ou dans le Languedoc.
Estampe représentant le mariage d'Henri de Navarre et Marguerite de Valois le 18 août 1572
C'est alors que les Reydon vont recevoir une nouvelle bouleversante venue de France... Et si Marta était encore vivante ? Quant à Vidal, l'ancien ami de Piet devenu son ennemi juré, il semblerait que l'on ait enfin retrouvé sa trace après des années de disparition.
Entremêlant la grande Histoire et la petite, de rebondissements en rebondissements, Kate Mosse tisse un roman dans la droite ligne du précédent, La Cité de Feu, mais sur un temps bien plus long puisque le roman court sur plus de vingt ans.
Abordant des sujets inhérents à l'époque (les conflits religieux, le contexte politique, une Europe en pleine mutation, souvent déchirée entre catholiques et protestants) La Cité de Larmes a aussi une dimension plus universelle : le drame que traversent Minou et Piet au moment de la Saint-Barthélémy n'est malheureusement pas à reléguer dans les tréfonds d'une Histoire lointaine. De nombreux enfants disparaissent chaque année, laissant des familles plongées dans l'incertitude et dans la souffrance d'un deuil impossible, l'espoir sans cesse ravivé et souvent déçu.
Globalement, le roman est réussi. Très dense, j'ai eu l'impression qu'il faisait plus que ces cinq-cents et quelques pages. Si j'ai eu la sensation d'un début peut-être un peu lent à démarrer, je crois surtout que cette impression et ce que j'ai pris pour un manque d'intérêt était peut-être plutôt dû à mon propre rythme de lecture qu'au roman en lui-même. Lorsque j'ai pris un rythme de croisière me convenant mieux, je suis totalement entrée dans l'intrigue pour ne plus en sortir. J'ai pris un grand plaisir à découvrir ce roman, qui peut se lire indépendamment du premier mais que j'ai apprécié de découvrir dans le sillage de La Cité de Feu, lu il y'a quelques semaines. C'est avec un peu de nostalgie que je laisse derrière moi la famille Reydon-Joubert, avec presque l'espérance de les retrouver pour un troisième tome. Qui sait ?
Je soulèverai toutefois deux bémols : au-delà de deux ou trois anachronismes facilement pardonnables (Marguerite de Valois est souvent appelée Margot, un surnom qui ne lui a été donné que bien après sa mort, par les auteurs du XIXème siècle ; les jardins à la française n'existaient pas encore dans les année 1580), je voudrais surtout revenir sur cette double temporalité, qui ouvre le roman. Si vous avez lu La Cité de Feu, vous savez que les deux romans s'ouvrent à une autre époque que celle qui sera ensuite traitée tout au long de l'intrigue. Au départ, je m'attendais à retrouver cette double temporalité aussi à la fin du roman. Ce ne fut pas le cas dans La Cité de Feu...pas grave, me dis-je, puisque le roman a une suite. Seulement, je suis bien embêtée parce que la même chose se produit dans La Cité de Larmes : le roman ne s'ouvre pas en 1572, ni en France...et puis ça s'arrête là. Cette double temporalité n'est pas forcément expliquée ni exploitée et je n'ai pas forcément compris, du coup, son intérêt. Est-ce qu'elle était réellement utile pour la compréhension de l'intrigue ? Est-ce qu'il fallait absolument cette double temporalité ? Pour ma part, je n'en suis pas persuadée.
Je n'ai pas non plus été forcément convaincue par les derniers chapitres que j'ai trouvé légèrement trop...romanesques. Ou disons, un peu trop romanesques pour moi. J'avoue ne pas avoir été spécialement convaincue par cette fin qui me laisse perplexe. C'est un peu dommage parce que je ne ressors pas de ma lecture pleinement convaincue, du coup, mais l'essentiel est malgré tout de refermer le roman avec le sentiment d'avoir fait une bonne découverte et ce fut le cas.
Une scène du Massacre de la Saint-Barthélémy : l'assassinat de Briou, gouverneur du prince de Conti le 24 août 1572 (Joseph Nicolas Robert-Fleury, XIXème siècle)
En Bref :
Les + : l'histoire d'une famille emportée dans les tourbillons de l'Histoire et un drame intime, un voyage entre la France des Valois et les Provinces-Unies qui s'apprêtent à faire un choix crucial... sillonner l'Europe du XVIème siècle dans les pas de Minou et Piet était bien sympa.
Les - : la fin m'a laissée perplexe et a peiné à me convaincre parce qu'un peu trop romanesque. Enfin, cette double temporalité du départ ne cesse de me questionner : pourquoi ? Je n'ai pas eu de réponse et malheureusement n'en comprends pas spécialement l'intérêt. Pour moi, elle est superflue, le reste de l'intrigue se suffisant amplement à lui-même.
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