5 Mars 2020
« Le train, comme la vie, doit continuer d'avancer jusqu'à son terminus. Peut-être les paysages traversés ne seront-ils pas toujours très beaux mais, si on baisse le store, la beauté comme la laideur vont nous manquer. »
Publié en 2016 en Angleterre
En 2020 en France (pour la présente édition)
Titre original : The Woman on the Orient-Express
Editions de l'Archipel
396 pages
Résumé :
Octobre 1928. Son divorce lui a laissé un goût amer. Partout, Agatha Christie croit voir le fantôme d'Archie, son ex-mari. Jusque dans les couloirs de l'Orient-Express, où elle vient de prendre place sous une fausse identité.
Elle se sait pourtant privilégiée. Le Meurtre de Roger Ackroyd l'a rendue célèbre. Et rien ne l'oblige à rester en Angleterre pour écrire son dixième roman.
Elle a trente-huit ans. À bord de ce train mythique qui doit la mener à Istanbul, elle fait la connaissance de deux femmes, Nancy et Katharine. Elles aussi cachent leur passé.
La première fuit un mari violent. La seconde part rejoindre son futur époux sur un site de recherches archéologiques. Et c'est à Ur, en Mésopotamie, qu'un drame se noue... aux répercussions inattendues.
Inspiré d'un épisode méconnu de la vie d'Agatha Christie, La Dame de l'Orient-Express explore l'amitié féminine forgée par les épreuves partagées et le pouvoir des secrets.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
En 1928, fragilisée par un divorce douloureux qu'elle voit comme un échec personnel, Agatha Christie, déjà célèbre pour ses romans policiers qui rencontrent un grand succès, décide de laisser l'Angleterre derrière elle et de voyager. Elle embarque dans le mythique Orient-Express, qui lui inspirera un roman, direction la Mésopotamie, où les archéologues européens s'activent dans les ruines des temples, villes et palais sumériens engloutis dans les sables du désert.
Dans le train qui l'emmène vers le Moyen-Orient à travers l'Europe, de l'Angleterre à Venise en passant par Paris, Agatha rencontre deux autres femmes qui semblent cacher ou fuir quelque chose : la belle Katharine, qui regagne le chantier de fouilles de la ville d'Ur et cache un secret intime sous des airs de guerrière et de femme fatale ; et la fragile et jeune Nancy qui dit fuir un mari violent mais qui a aussi bien des non-dits sur le cœur. Les trois femmes, très différentes les unes des autres vont pourtant se lier d'amitié, se découvrir et ce voyage va changer leur vie à jamais.
En prenant pour base de son roman un véritable voyage de la romancière à Bagdad, l'auteure Lindsay Ashford a brodé un récit mêlant fiction et réalité. Des personnages fictifs en côtoient d'autres qui ont existé, comme Agatha ou encore Katharine. Et son récit fonctionne ! Bien écrit, intéressant, ce roman fait la part belle aux recherches scientifiques qui, en ce début de XXème siècle, permettent de redécouvrir les civilisations et les richesses du Croissant Fertile. On découvre aussi un pays où l'influence britannique est forte, qu'on appelle encore la Mésopotamie mais qui va un jour devenir l'Irak : blotti aux confins de l'Orient et de l'Occident, le pays oscille entre les deux et on y voit autant de mosquées que de terrains de golf.
Et le roman tourne autour de cette amitié féminine qui naît entre trois personnes qui se trouvent à des tournants de leurs vies et chacune à leur manière acculées, au pied du mur et devant réagir coûte que coûte : on a l'impression que ces trois femmes, dans les épreuves qu'elles traversent, se reconnaissent et une certaine sororité instinctive se met en place. Les secrets se dévoilent petit à petit, à mesure que leur amitié et leur confiance grandissent. On découvre les épreuves que Nancy, toute jeune encore, a déjà dû traverser et ses désillusions sur la vie, même si celles-ci ne l'empêchent pas de croire encore un peu en l'avenir. Pour Katharine, pas forcément très attachante au départ parce que trop sûre d'elle, on se surprend à l'apprécier quand la carapace se fissure et qu'on comprend ce qu'elle cache sous des airs bravaches et combatifs. Quant à Agatha, ce voyage décidé sur un coup de tête, qui a tout l'apparence d'une fuite mais qui la fait aussi culpabiliser parce qu'elle a laissé en Angleterre sa fille unique, Rosalind, aura au moins le mérite de remplir ses objectifs : la guérir de ce mariage raté qui lui laisse un goût amer d'inachevé et d'échec personnel et la faire s'interroger sur ce qui est vraiment important pour elle.
Je ne sais pas si on peut qualifier La Dame de l'Orient-Express de roman d'évasion mais, si une chose est sûre, c'est qu'il nous fait voyager et nous dépayse ! Le Moyen-Orient de cette époque est une région du monde très exotique pour les Occidentaux, pour moi un peu semblable à l'Inde, où le mode de vie britannique côtoie des croyances et des coutumes ancestrales. J'ai senti les odeurs épicées du souk, les vapeurs saturées de parfums des hammams, les senteurs minérales du désert, à perte de vue, où poussent les camps nomades des archéologues et scientifiques. Je suis ressortie de ce roman en ayant eu l'impression, moi aussi, de traverser l'Europe et la Turquie de 1928 à bord de l'emblématique Orient-Express ! Ce périple, je l'ai fait aux côtés de nos trois héroïnes et je ne les ai quittées qu'à regret.
Oui, je crois que je peux dire que ce roman m'a surprise, parce qu'il m'a offert quelque chose auquel je ne m'attendais pas. Parfois, on est déçu et parfois, on se dit que le livre est allé au-delà de nos espérances et c'est effectivement ce qu'il s'est passé avec La Dame de l'Orient-Express. Je ne pensais pas aimer autant et finalement, ce voyage au Moyen-Orient m'a entièrement convaincue et enthousiasmée ! ! Ne connaissant, en plus, que très succinctement Agatha Christie, que je n'ai encore jamais lue, j'ai aimé découvrir la femme derrière l'auteure, une femme encore jeune, qui vient de se prendre une belle claque mais cherche à rebondir et à faire de cette épreuve personnelle une force. Ancienne infirmière pendant la guerre de 14-18, romancière reconnue, Agatha Christie, en 1928, n'en est pas moins, comme bon nombre de ses consœurs, encore enfermée dans un carcan de moralité et de bonnes mœurs dont elle essaie tant bien que mal de sortir.
La Dame de l'Orient-Express est un roman comme je les aime, qui mêle habilement fiction et réalité, dans un cadre historique captivant : je me suis prise de passion, au cours de ma lecture, pour le travail des archéologues qui, en exhumant les trésors enfouis d'une civilisation disparue, tentent de comprendre ses modes de vie et de fonctionnement. Enfin, la figure tutélaire d'une légende de la littérature, mais ramenée ici à son simple rôle de femme comme les autres, pas à l'abri des épreuves et des embûches, domine La Dame de l'Orient-Express et j'ai trouvé très judicieuse l'idée de Lindsay Ashford de faire d'Agatha Christie l'héroïne de son roman, comme une savoureuse mise en abyme particulièrement réussie et efficace ! Un roman à conseiller, sans aucun doute.
Merci à Mylène et aux éditions de l'Archipel qui m'ont permis de lire ce livre en avant-première !
En Bref :
Les + : roman efficace et réussi, qui mêle habilement fiction et réalité et se passe dans un cadre habituellement absent de la littérature : la Mésopotamie, futur Irak, terre exotique, fertile et à l'Histoire très riche.
Les - : Aucun point négatif à soulever en ce qui me concerne.