19 Juin 2023
« C’est un curieux sujet d’observations et d’études que la question de savoir si la haine et l’amour ne seraient pas une seule et même chose au fond. Chacun des deux sentiments parvenu à son point extrême suppose un degré très élevé d’intimité entre deux êtres, la connaissance approfondie d’un autre cœur. »
Publié en 2020 en France (pour la présente édition)
Éditions RBA (collection Romans Éternels)
Date de publication originale : 1850
Titre original : The Scarlet Letter
296 pages
Résumé :
Sur la place publique de Boston, les honorables paroissiens estiment qu’il aurait fallu, au moins, marquer le front d’Hester Prynne au fer rouge. Au lieu de quoi, elle ne devra porter sur sa poitrine qu’une lettre écarlate, afin de rappeler à tous son crime odieux : l’adultère et le bébé qui en est né. Comble de scandale, la lettre qu’elle a brodée, exubérante, la pare comme un bijou. Dans la Nouvelle-Angleterre du XVIIe siècle, forgée par le puritanisme, la jeune femme est mise au ban de la société. Mais l’humiliation publique n’est qu’un aspect de la peine : la colère du mari trahi et la culpabilité qui ronge le père de l’enfant vont se révéler des poisons bien plus terribles.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Dans le cadre de mon challenge perso cette année qui est de lire plus de classiques (et surtout plus régulièrement), j’ai choisi ce mois-ci de lire La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne. Autant vous dire tout de suite que ce ne fut pas une (entière) réussite. Pour quelles raisons ? Je ne sais pas. Je pense que ce n’était peut-être pas le bon moment mais aussi peut-être, tout simplement, parce que ce roman n’était pas pour moi. Honnêtement, je n’ai pas vraiment d’explications mais je vais essayer de poser des mots sur mon ressenti.
La lettre écarlate est un roman historique de l’auteur américain Nathaniel Hawthorne publié en 1851. Le narrateur est un inspecteur des douanes de Boston qui, au XIXème siècle, découvre dans les vieux bâtiments des douanes de la ville des documents anciens qui traitent d’une affaire judiciaire ayant eu lieu dans les années 1640. Cet homme, qui se pique d’écrire, décide alors de raconter l’histoire de cette affaire dans un roman, qui sera La lettre écarlate.
Nous découvrons donc, dans la toute jeune colonie de la Nouvelle-Angleterre, en 1642, l’histoire d’Hester Prynne, une jeune femme qui s’est rendue coupable d’adultère et doit porter sur la poitrine l’infamante lettre « A », censée rappeler à tous son péché. A sa sortie de prison, la jeune Hester porte aussi dans les bras la preuve plus tangible encore que la lettre écarlate de son adultère : un bébé de quelques mois, sa fille Pearl qui manifestement n’est pas née de son époux mais bien de son amant.
La lettre écarlate est donc le récit sur sept années de la vie d’Hester Prynne et de sa petite Pearl, enfant étrange, mystérieuse et quelque peu inquiétante. Installée aux marges de la société de Boston sans en être totalement ostracisée non plus, Hester mène une vie retirée et simple, élevant sa fille seule et les nourrissant en se procurant un peu d’ouvrage de couture et de tissage auprès des habitants de la ville qui, au fil du temps, semblent oublier la condamnation d’Hester, son péché et le scandale qu’il a causé. Mais pour la jeune femme, un mystérieux personnage revenu à Boston après sa sortie de prison n’est pas sans lui rappeler ses actes et semble d’ailleurs bien déterminé à ce qu’elle n’oublie rien.
Roman d’une surprenante modernité et magnifique portrait de femme – certaines analyses pointent même une vision quasi féministe chez Hawthorne dans le traitement du personnage d’Hester Prynne –, La lettre écarlate avait sur le papier tout pour me plaire. Ce qui a retenu mon attention en premier lieu c’est le contexte spatio-temporel : les années 1640, la nouvelle Angleterre…vraiment, j’étais très tentée et je m’y suis lancée sans trop d’attentes je l’avoue mais sans appréhension malgré les avis assez réservés voire mitigés que j’avais pu lire ici ou là.
La lettre écarlate, tableau de Hugues Merle datant de 1861. Hester et sa fille Pearl apparaissent au premier plan tandis que l'on aperçoit deux personnages masculins en arrière-plan, qui sont les deux autres héros du roman...
Et, finalement, comme pour beaucoup d’autres lecteurs, je crois que le prologue aura eu raison de moi. Récit à la première personne, ce prologue est censé nous remettre dans le contexte et nous aider à comprendre comment le narrateur en est arrivé à décider de raconter l’histoire d’Hester Prynne. Certes, ce n’est pas une mauvaise idée mais j’avoue que c’était passablement long et pas toujours passionnant. Certainement même que ce prologue aurait pu être légèrement élagué sans que cela ne gêne en rien la lecture.
Puis j’ai finalement eu du mal avec le style, vraiment. Cela ne m’arrive pas souvent mais là je l’ai trouvé passablement soutenu et ampoulé. Peut-être aussi n’ai-je pas choisi le bon moment pour lire ce roman qui est somme toute assez exigeant – et loin de moi l’idée de dire que cela est un défaut : pas assez de disponibilité, pas assez de concentration, peut-être ce ressenti mitigé vient aussi de moi.
Je suis cela dit allée jusqu’au bout de cette lecture et je ne regrette pas. Comme je le disais, La lettre écarlate est un très beau portrait de femme, d’autant plus qu’il prend vie sous la plume d’un auteur masculin, à une époque où le féminisme n’existe pas encore tout à fait. Jamais Hester Prynne, malgré l’infamante lettre qu’elle porte sur son corsage au vu et au su de tous n’est jugée par l’auteur et surtout, c’est l’image d’une femme moderne et émancipée (émancipée certes par le péché mais émancipée tout de même) qu’il nous donne à voir, d’autant plus forte qu’elle évolue dans une société extrêmement puritaine et religieuse : la Nouvelle-Angleterre des années 1640 est une toute jeune colonie empreinte d’une forte religiosité et de beaucoup d’intolérance, dont les femmes qui s’écartent du droit de chemin font les frais. Porter la marque de son péché sur ses vêtements est certes moins violent qu’une flétrissure cutanée, qui consiste à marquer un condamné au fer rouge. Pour autant, c’est une assimilation éternelle du pécheur et de son péché car Hester ne peut se libérer de cette lettre, qui est sa condamnation.
Pourtant, en parallèle, la jeune femme mène une vie simple et élève seule sa fille Pearl, une enfant étrange et qui serait même parfois un peu inquiétante – d’où la qualification de la petite fille d’enfant-lutin ou de petite sorcière, comme si le fruit d’une pécheresse ne pouvait pas être simplement une enfant comme les autres.
L’histoire d’Hester Prynne évoque beaucoup de choses : la puissance souvent néfaste du patriarcat dans une société et le poids de la religion qui en est souvent l’une des causes, la marque infamante qui, dans une moindre mesure, peut rappeler l’étoile jaune de sinistre mémoire.
Il y a quelque chose d’assez intemporel aussi dans ce roman : la justice souvent moins complaisante pour les femmes, la honte des mères dont l’enfant né en dehors des liens du mariage ou d’un adultère comme ici qui doivent élever un enfant synonyme de péché pour la société…on ne peut s’empêcher d’ailleurs de se demander ce qu’il est arrivé à l’amant d’Hester et si lui continue de couler des jours heureux tandis que la jeune femme porte tout le poids de leur faute qui est finalement commune. Je n’en dirai pas plus mais la punition, dans La lettre écarlate, n’est pas à sens unique…
Bref, il y a énormément de points positifs dans ce roman. Mais c’est aussi extrêmement dense et nécessite beaucoup de concentration. Peut-être que, maintenant que je connais un peu mieux ce roman, je lui laisserai une deuxième chance, à un moment où je serai plus disponible et peut-être plus à même de l’apprécier.
Hester sur le pilori de Boston, avec Pearl dans les bras (gravure de 1878)
En Bref :
Les + : un sujet traité avec beaucoup de modernité, une ambiance particulière et parfois même un peu inquiétante qui m'a beaucoup plu.
Les - : j'ai trouvé ce roman long et passablement laborieux. Le prologue m'a lassée et j'ai donc commencé ce roman pas forcément sous les meilleurs auspices. Dommage.
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