22 Juillet 2022
« Il ne va pas y avoir de guerre. Et si elle a lieu, rappelle-toi ce que l'on a appris en histoire...on gagne à chaque fois. »
Publié en 1990 en Angleterre
En 2021 en France (pour la présente édition)
Titre original : The Cazalet Chronicles, Vol I, The Light Years
Éditions Folio
608 pages
Premier tome de la saga La saga des Cazalet
Résumé :
Juillet 1937, Sussex. Dans la propriété de Home Place, la Duche, affairée avec ses domestiques, prépare l'arrivée de la famille au grand complet : ses trois fils, Hugh, Edward et Rupert Cazalet, sont en chemin depuis Londres avec épouses, enfants et gouvernantes. Entre pique-niques sur la plage et soirée auprès du gramophone, les intrigues familiales se succèdent. Aux préoccupations des adultes font écho les inquiétudes des enfants, et à la résilience des femmes répond la toute-puissance - ou l'impuissance - des hommes. L'été regorge d'incertitudes mais, sans l'ombre d'un doute, une nouvelle guerre approche.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Voilà, je viens enfin de découvrir les Cazalet…encore une fois après tout le monde, mais vous le savez, c’est un peu ma marque de fabrique. Mais quelle rencontre ! Je vous préviens, ma chronique va être très, très élogieuse. Je n’ai pas eu de coup de cœur mais je me suis vraiment délectée de cette lecture, dans laquelle je suis restée près de dix jours. Je me suis voluptueusement, délicieusement plongée, comme dans un bon bain bien tiède.
Eté 1937, dans le Sussex. La maison de Home Place, propriété de William Cazalet (surnommé le Brig) et de son épouse Kitty (la Duche), s’apprête à recevoir les enfants du couple et leurs petits-enfants pour la saison estivale. Dans l’écrin de verdure campagnard où vivent leurs parents et leur sœur célibataire Rachel, Rupert, Edward et Hugh, vivant à Londres, viennent se délasser quelques semaines au vert et la maison de Home Place revit : parties de squash et de tennis, discussions à bâtons rompus à l’ombre des arbres ou sur les grasses pelouses, promenades pour les enfants dans la campagne opulente anglaise, pique-niques, excursions à la mer, toute proche…un bel été qui se profile donc pour les Cazalet, toutes générations confondues.
Chronique familiale lente et contemplative, Étés anglais ravira certains lecteurs et en décevra d’autres, c’est certain. Autant vous le dire tout de suite, je fais partie de la première catégorie et je ressors vraiment enchantée de cette lecture. J’avoue que, après pas mal de lectures en demi-teinte au printemps, j’ai été vraiment contente de pouvoir me plonger à nouveau dans un livre plaisant, bien écrit, que je prenais énormément de plaisir à retrouver à chaque séance de lecture. Alors certes, au départ, je me suis un peu perdue dans les personnages, ne saisissant pas forcément tous les liens familiaux (je confondais par exemple les nombreux enfants). Mais une fois ce petit écueil surmonté (et je tiens à préciser que chacun des personnages est suffisamment unique et bien traité pour être attachant à sa manière) franchement c’était parfait. Scindé en deux parties, Étés anglais couvre en fait deux étés : 1937 et 1938. Les Cazalet font partie de cette haute société britannique très à l’aise du début du XXème siècle, partageant leur vie entre la ville (en l’occurrence Londres, où deux des frères s’occupent, avec le patriarche, de l’entreprise familiale) et la campagne, où ils se retrouvent tous les étés pour passer quelques semaines au calme, loin de la frénésie de la vie quotidienne. Le choix de l’époque n’est pas innocent : en effet, alors que le rythme de vie semble immuable, on a aussi l’impression que les Cazalet, comme tous leurs contemporains, vivent et dansent sur un volcan. Sous leurs pieds, une catastrophe bouillonne doucement et menace de faire voler en éclats le monde et la société. Est-ce les dernières années d’insouciance et de bonheur que sont en train de vivre les humains de cette fin de décennie 1930 ? Bien sûr, près de cent ans plus tard nous savons qu’en effet, la guerre n’a jamais été aussi proche qu’en ces années 1937/1938 et que toutes les tentatives des dirigeants européens (Chamberlain, Daladier…) resteront vaines : Hitler veut la guerre et il l’aura. Alors, toujours en toile de fond, on retrouve ce contexte historique anxiogène, que chacun des personnages gère à sa manière…il y a le Brig, qui décide de transformer Home Place en place fortifiée, refuge et dispensaire, la Duche, qui accepte ce que l’on appelle pudiquement « la Situation » avec flegme, les fils, pour qui cette hypothétique guerre qui se rapproche fait remonter des souvenirs de la Grande Guerre, les épouses, qui voient avec effroi la probabilité d’une mobilisation se rapprocher, les enfants, que la situation angoisse franchement ou excite.
Mais cette chronique familiale et estivale, souvent gorgée de soleil, n’est pas pour autant dramatique. Certes, le contexte politique et mondial n’est pas simple, mais les humains ont toujours fait preuve de beaucoup d’imagination quand il s’est agi de s’étourdir, de s’amuser, comme si c’était la dernière fois. Les enfants conspirent et commettent des bêtises, se fâchent, se battent et se rabibochent tandis que les adultes affrontent leurs propres problèmes mais aussi des joies simples comme celles de se retrouver un moment loin de Londres et des tracas du quotidien.
Comme je le disais plus haut, je me suis délectée de cette lecture. Certes, il y a parfois des longueurs mais ces petites inégalités ne m’ont pas gênée, bien au contraire. C’est bien écrit, cohérent, fluide… la simplicité de l’intrigue m’a, paradoxalement, beaucoup plu. Il n’y a rien de romanesque ni de très enlevé dans ce roman et pourtant, c’est passionnant. Elizabeth Jane Howard fait la part belle à chacun des personnages, que l’on découvre un peu mieux à chaque chapitre. Mention spéciale à la description des nombreux enfants : c’est souvent un exercice difficile pour les romanciers de retranscrire les réflexions des enfants et rien ne m’horripile plus que lorsque des enfants très jeunes s’expriment ou agissent comme des adultes, ce qui rend la chose totalement invraisemblable. Rien de tout cela ici et j’avoue que j’ai pris un grand plaisir à suivre tous ces petits personnages dans leur quotidien, leurs préoccupations d’enfants ou d’adolescents. Ils apportent tous beaucoup de fraîcheur et de candeur au récit.
Et enfin, je tenais à souligner que, pour une fois, alors qu’on m’a vendu une intrigue à la Downton Abbey eh bien…je l’ai effectivement trouvée, même si c’est assez différent bien évidemment. Mais c’est vrai que les Cazalet ont quelques traits en commun avec les Crawley : d’ailleurs, pour l’anecdote, dans l’adaptation des romans d’Elizabeth Jane Howard par la BBC en 2001 (la série The Cazalets), c’est Hugh Bonneville (le vicomte Grantham de Downton Abbey) qui joue l’un des frères ! Alors qu’on évoque un peu à tort et à travers Downton Abbey, j’avoue que là j’ai retrouvé une ambiance tout aussi plaisante (alors que pas du tout dans La villa aux étoffes, souvent considéré comme un Downton à l’allemande). Je n’ai maintenant plus qu’une envie : lire la suite et retrouver tous nos personnages alors qu’un nouveau conflit mondial plane au-dessus de l’Angleterre. Rendez-vous bientôt en 1939 dans A rude épreuve, suite d’Étés anglais. Je croise fort les doigts pour aimer tout autant la suite, après cette parenthèse vraiment savoureuse et estivale.
En Bref :
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