4 Avril 2017
« Notre pauvre coeur est ainsi fait qu'il s'efforce de puiser la douleur au sein du bonheur même. »
Publié en 2005
Date de parution originale : 1846
Editions Folio (collection Classique)
602 pages
Résumé :
Le Chevalier de Maison-Rouge (1845) se consacre aux derniers mois de Marie-Antoinette. Dans l'ombre, un homme plein de passion tente de sauver celle qui fut la reine, en s'appuyant sur le dévouement d'une femme pure, Geneviève Dixmer ; un amour impossible se tisse entre cette femme et Maurice Lindey, l'un des républicains héroïques qui ont pour charge de garder la prisonnière.
Sur l'abîme creusé par la Révolution, il s'agit, pour Dumas romancier de toute l'Histoire de France, de jeter un pont vers ce temps disparu, la fin de la monarchie, ou des monarques. La Marie-Antoinette qu'il recrée dans ce roman, il la considère ainsi : « Reine, c'est une grande coupable ; femme, c'est une âme digne et grande. » Une grande et double figure, sur fond d'intrigues amoureuses et de réforme totalitaire. Personne n'a su, mieux que Dumas, peindre la passion dans l'Histoire.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
Si vous me suivez depuis un moment, vous savez que j'aime beaucoup Dumas et son univers très personnel.
J'ai découvert son oeuvre un peu par hasard avec La Reine Margot puis je ne l'ai plus jamais lâchée.
Si, l'an dernier, j'ai beaucoup aimé Le Comte de Monte-Cristo, ce que j'aime avant tout dans l'oeuvre de Dumas, c'est son aspect historique. Dumas n'écrit pas, ou si peu, sur son époque et, en amoureuse des romans historiques et de l'Histoire en général, je ne peux pas lui en tenir rigueur ! Cela dit, Dumas est un romancier historique particulier. N'a-t-il pas dit : « On peut violer l'Histoire, à condition de lui faire de beaux enfants. » ? Cela veut tout dire, n'est-ce pas ? Et Dumas a réussi à la perfection ce qu'il préconise. Il a certes violé l'Histoire à maintes reprises mais ses romans sont certainement ses plus beaux enfants et les plus beaux de notre littérature nationale, sans aucun doute.
Alors, de fait, l'indulgence que je suis peu encline à accorder aux romanciers contemporains, je la donne toute entière à Dumas parce que sa volonté de réécrire l'Histoire est assumée et revendiquée. Et il ne la réécrit de toute façon qu'en privilégiant la vraisemblance au maximum. Ce qui fait que, des erreurs qui peuvent apparaître impardonnables dans un roman censé se baser parfaitement sur un contexte et une chronologie -c'est aujourd'hui le cas de beaucoup de romans, les auteurs se renseignent beaucoup en amont et font un travail de recherches important, du coup j'ai tendance à juger sévèrement une petite erreur ou un anachronisme- deviennent comme une entorse quelque peu exotique et imaginative chez Dumas.
Est-ce que je suis paradoxale ? Oui, je pense que vous avez le droit de dire que oui.
Bref, pour en revenir à Dumas, j'ai un amour assez particulier pour son oeuvre, qui fait que j'y reviens toujours.
Et comme il s'était intéressé à la période si importante de la Révolution Française, donc à Marie-Antoinette, je ne pouvais assurément pas passer à côté de ce roman.
Le Chevalier de Maison-Rouge fait en réalité partie d'une grande saga mais dont les livres peuvent sans problème être lu indépendamment. Celui-ci m'a aussitôt attirée parce qu'il traite de la fameuse Conspiration de l’œillet, mise en place par un chevalier de Rougeville -devenu Maison-Rouge-, qui échoua mais qui avait eu pour but de délivrer Marie-Antoinette emprisonnée à la Conciergerie. À partir d’événements authentiques, Dumas va nous broder une de ces fameuses fictions historiques dont il a le secret, pleines d'aventures, de rebondissements et de personnages hauts en couleur et à la verve inimitable !
Nous sommes donc en 1793, c'est l'époque de la Terreur, les Montagnards, emmenés par Robespierre et Marat, ont pris le pouvoir : la phase la plus répressive de la Révolution, avec ses listes de suspects et de proscription, commence. Louis XVI vient d'être guillotiné, Marie-Antoinette, sa belle-sœur et ses enfants sont enfermés au Temple, ignorants du sort qu'on leur réserve. Mais, dans l'ombre, les royalistes -dédaigneusement appelés aristocrates par les révolutionnaires-, guettent et fomentent complot sur complot pour délivrer et sauver la dernière de France. Ils sont emmenés par le chevalier de Maison-Rouge, un jeune aristocrate intrépide qui, dit-on, est amoureux de la reine et donnerait sa vie pour la sauver.
Marie-Antoinette quittant la Conciergerie pour l'échafaud, tableau de Georges Cain (XIXème siècle)
En parallèle, nous faisons la connaissance avec deux jeunes révolutionnaires plutôt attachants, Maurice Lindey et son ami Lorin, qui a la fâcheuse tendance de versifier toutes les deux phrases ! Pas extrémistes du tout -eh oui, on peut être révolutionnaire et attachant, quand on est loin du fanatisme des Robespierre et consorts-, Maurice et Lorin sont acquis aux nouvelles idées mais n'ont aucune haine pour la reine et ceux que la Révolution appelle les aristocrates d'autant plus que l'une d'entre elles, une mystérieuse beauté sauvée un jour d'une arrestation par Maurice, a fait chavirer le cœur du jeune homme et l'entraîne sur une pente très glissante, celle de la trahison à la patrie. Et cette jeune femme deviendra l'instrument du destin qui scellera celui de nos héros...parce que, finalement, si le roman porte le nom du chevalier qui, en sous-main, commande les royalistes de Paris, Maurice et Lorin sont nos héros et ceux que nous apprenons à connaître et à affectionner.
Dumas écrit seulement cinquante ans après la Révolution... c'est donc une époque relativement proche et que bon nombre de ses contemporains ont connue. Il parvient donc à la rendre extrêmement vivante et extrêmement proche tout en mettant largement en oeuvre sa marque de fabrique : les grandes libertés prises avec la chronologie et l'Histoire établies.
Dumas pratique à la perfection la fiction historique et c'est pour cette raison que ça marche bien. Son roman est crédible et, si on le lit sans forcément tout connaître du contexte, on peut sans aucun doute croire que tout ce que l'auteur rapporte ici est avéré et non pas à moitié avéré et à moitié sorti de son imagination foisonnante !
Le Chevalier de Maison-Rouge est sans nul doute l'un des meilleurs romans sur la Révolution que j'aie pu lire. Du début à la fin j'ai été captivée, j'ai pris fait et cause pour les personnages principaux dès les premières pages et mon intérêt pour eux n'a cessé de croître à mesure que j'ai avancé dans ma lecture. Le style de Dumas est toujours extraordinaire, poétique dans les parties narratives, chantant, très oral et truculent dans les parties dialoguées : et cette façon d'écrire et de parler, si truculente et surtout, si caractéristique de l'époque, a quelque chose d'infiniment et délicieusement suranné pour nous, lecteurs du XXIème siècle.
J'ai passé un moment de lecture absolument formidable avec ce roman, j'en ai vraiment presque tout aimé, jusqu'au petite aspérités ou imperfections qui donnent tout son sel et tout son relief au roman. Servi par le talent de romancier de Dumas et des personnages finement ciselé, Le Chevalier de Maison-Rouge est un très bon classique et un très bon roman. Attention toutefois à le prendre pour ce qu'il est, c'est-à-dire, une fiction. Dumas réinvente l'époque en lui apportant sa touche personnelle et le contexte historique devient en quelque sorte un prétexte, une base pour dérouler ensuite une intrigue d'une qualité narrative certaine.
Se replonger dans un classique a quelque chose de vraiment extraordinaire. Courez vous plonger dans ces pages qui sentent bon la poussière de l'Histoire.
En Bref :
Les + : une fiction historique efficace et cohérente, un roman captivant de bout en bout
Les - : mais aucun bien sûr !
Thème d'avril, « Plume d'oie et cire à cacheter », 4/12