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Le salon des précieuses

Le Grand Siècle au féminin : femmes de foi, de culture et de gouvernement ; Marie-Joëlle Guillaume

« D'un bout à l'autre de sa course, le Grand Siècle a vibré de l'engagement des grandes âmes. Cet engagement prit des formes diverses, à la mesure des talents, des ancrages sociaux, des circonstances et des appels reçus, s'inscrivant aussi dans différents domaines de la vie, qu'il s'agisse de spiritualité et d'action chrétienne dans la cité, de littérature et de culture, de vie en société ou de politique. »

 

 

 

    Publié en 2022

  Éditions Perrin

  382 pages

 

 

 

 

 

Résumé :

Alors que l'histoire des femmes est aujourd'hui largement abordée et débattue sous l'angle de la condition féminine - souvent pour en dénoncer les carences -, le point de vue du présent ouvrage renverse les perspectives, en mettant en valeur la force singulière de l'empreinte féminine sur la société du Grand Siècle.
Certes, il existe de nombreuses biographies de femmes célèbres de cette époque, mais une galerie de portraits rassemblant, dans leur thématique propre, de grandes dames de la spiritualité, de la vie culturelle et littéraire ainsi que de la vie politique relève d'une démarche originale et inattendue.
Barbe Acarie, Louise de Marillac, Marie de l'Incarnation, Angélique Arnauld, Catherine de Rambouillet, Madeleine de Scudéry, Mme de Sévigné, Mme de La Fayette, la duchesse de Longueville, Anne d'Autriche et Mme de Maintenon : les onze portraits brossés avec autant de rigueur que de conviction par Marie-Joëlle Guillaume frappent par la puissance civilisatrice et l'intensité d'âme et d'esprit de leurs modèles, qui n'ont rien à envier aux héroïnes du théâtre classique. Ils offrent une plongée concrète et très vivante dans les mentalités du XVIIe siècle, de Corneille à Port-Royal. Ils font surtout apparaître que l'excellence de la civilisation française, de Louis XIII à Louis XIV, est directement liée aux femmes d’élite qui en furent les actrices.

Ma Note : ★★★★★★★★★ 

Mon Avis :

Lorsqu’on pense au XVIIème siècle, on songe facilement au règne de Louis XIV, aux Mousquetaires, à Richelieu ou à de grands militaires comme Turenne ou le Grand Condé. On convoque moins spontanément les figures féminines et pourtant, le Grand Siècle en recèle un nombre important.
Femmes de foi, de gouvernement, de lettres, héroïnes de théâtre : les années 1600 sont remplies, pour peu qu’on veuille se donner la peine de les chercher, de figures féminines phares, indissociables d’une époque mais aussi d’une grande modernité pour certaines.
Ce sont ces destins féminins, très connus ou plus confidentiels que l’autrice Marie-Joëlle Guillaume se propose de nous raconter ici. D’Anne d’Autriche en passant par Madame de Sévigné ou encore Madame de Maintenon, on découvre un XVIIème siècle marqué par une influence féminine forte : qu’auraient été les lettres françaises sans les femmes qu’il ne faut pas réduire simplement à de ridicules précieuses ? Quel a été leur apport à la foi catholique et à sa fortification, dans le contexte de la Contre-Réforme ? Et en ce qui concerne l’État, les femmes ne sont pas en reste, que ce soit Anne d’Autriche, régente du royaume pendant la minorité de son fils ou encore, la duchesse de Longueville, qui se soulève pendant la Fronde, bercée d’un idéal aristocratique qu’elle entend défendre coûte que coûte, même contre le pouvoir royal.
Divisé en trois parties, le livre aborde comme dit plus haut les femmes de foi, les femmes politiques et les écrivaines, les autrices. Certains destins nous sont plus familiers que d’autres : ainsi, on redécouvre plutôt que l’on découvre l’histoire de Madame de Sévigné, la célèbre épistolière ou encore, celle d’Anne d’Autriche, la reine espagnole devenue viscéralement française dès lors qu’il s’est agi de défendre les intérêts de son fils mineur. On en apprend un peu plus sur Mademoiselle de Scudéry, la fameuse inventrice de la Carte du Tendre, à laquelle on l’a trop souvent réduite alors que son œuvre est bien plus riche et bien plus vaste, on découvre aussi avec intérêt tant la psychologie que le quotidien de Madame de La Fayette, qui nourrit son œuvre et a fait traverser le temps à ses romans, La princesse de Montpensier ou encore, le célébrissime La princesse de Clèves.

Louise de Marillac fonde les Filles de la Charité et se met toute sa vie au service des pauvres et des nécessiteux


En revanche, c’est avec un certain intérêt que j’ai découvert les femmes de foi, ces femmes qui s’inscrivent avec ferveur dans la mystique complexe et exaltée du XVIIème siècle : Barbe Acarie, née en pleine Contre-Réforme et soutenue par une foi indéfectible qui la conduira à une vie religieuse exemplaire après une vie dans le siècle où elle fut épouse et mère (ce fut elle qui introduisit le Carmel en France). Quant à la tourangelle Marie de l’Incarnation, c’est aussi avec souffle et avec ferveur qu’elle s’engage dans l’aventure de sa vie : s’embarquer pour la Nouvelle-France afin d’y apporter la foi catholique, dans une volonté missionnaire que l’on comprend mal aujourd’hui et qui ne se justifie plus mais qui était alors d’une importance certaine. Arrêtons-nous également un instant sur la battante Louise de Marillac, restée longuement en marge de sa famille car née bâtarde, fondatrice avec Vincent de Paul des Filles de la Charité, qui existent encore de nos jours et œuvrent partout dans le monde, notamment en Afrique auprès des plus déshérités, leur apportant un secours non seulement matériel mais aussi religieux ou encore sur Angélique Arnauld, abbesse de Port-Royal à 18 ans et devenue, à l’instar des membres masculins de sa famille, une figure de proue du jansénisme naissant.
N'étant pas croyante et pas forcément très à l’aise avec les notions de doctrine, de mystique, de dogme, j’avoue que certains concepts m’ont paru un peu obscurs mais dans l’ensemble, cela ne m’a pas gênée plus que cela pour la compréhension même si, évidemment, mon rythme de lecture s’en ressenti car il m’a fallu plus de temps pour tout bien assimiler. J’ai bien évidemment préféré les chapitres consacrés aux femmes d’État, qu’elles aient tenu le pouvoir effectif entre leurs mains contre Anne d’Autriche ou qu’elles l’aient approché de près, comme Madame de Maintenon après son mariage morganatique avec Louis XIV en 1683 et ceux consacrés aux femmes de lettres. J’ai apprécié également que tous ces portraits de femmes ayant existé et compté soient étoffés d’un chapitre plus court mais tout aussi éclairant, sur les femmes du théâtre, que ce soit celles du théâtre racinien, les héroïnes de Corneille ou encore celles de Molière, car elles nous apprennent beaucoup, à leur manière, sur une époque bien plus riche et bien plus complexe que les images d’Épinal que nous convoquons spontanément ne veulent bien nous le laisser penser. Le XVIIème siècle fut peut-être un siècle misogyne et paradoxalement, une époque où les femmes ne furent jamais si fortes, ni si représentées dans toutes les strates de la société, capables de faire entendre leur voix et de s’imposer.
Pour autant, ce livre est exigeant et dense et ne se lit pas comme un roman loin s'en faut. Il peut même être nécessaire de faire quelques pauses voire quelques recherches en cours mais ça reste une lecture passionnante pour peu qu’on soit intéressé par l’Histoire en général et par l’Histoire des femmes – les grandes oubliées, malheureusement de l’historiographie pendant des siècles – en particulier.

 

Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, sœur du Grand Condé, est l'une des égéries de la Fronde

En Bref :

Les + : il ne s'agit pas ici de récrire l'Histoire mais bien de replacer les femmes dans un contexte où elles ont été partie prenante avant que l'historiographie ne les efface. Ces femmes de foi, de gouvernement, de culture, ont toute leur place dans un siècle que l'on voit volontiers comme très masculin. Une lecture dense et exigeante mais passionnante
Les - : quelques notions, notamment religieuses, un peu complexes à comprendre pour un esprit du XXIème siècle.

 


 

Le Grand Siècle au féminin : femmes de foi, de culture et de gouvernement ; Marie-Joëlle Guillaume

 Mémoires de la baronne d'Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 ; Henriette Louise de Waldner de Freundstein, baronne d'Oberkirch LE SALON DES PRÉCIEUSES EST AUSSI SUR INSTAGRAM @lesbooksdalittle 

 

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L
Voilà un livre qui me tente énormément ! Comme toi, je pense que la partie religion ne sera pas facile à comprendre mais j'aime énormément l'idée de ce livre, même si en tant que passionnée du XVIIe siècle il y a pas mal de figures que tu cites que je connais ou pense connaître :-)
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