14 Décembre 2014
« Mieux vaut pour certains une superstition d'espoir qu'une vérité désespérante. »
Publié en 2011
Editions Flammarion (collection Romans Historiques)
406 pages
Premier tome de la saga Les Enquêtes de M. de Mortagne, bourreau
Résumé :
XIVe siècle. Une province de France apeurée. Des enfants assassinés sans que nul ne parvienne à déjouer les manœuvres du meurtrier. Comment arrêter ces crimes abominables ? Qui osera s'atteler à cette tâche abominable ?
Hardouin cadet-Venelle, un être différent au masque de cuir noir, dont la mort est le métier, s'y risquera-t-il ? Qu'il soit bourreau l'aidera-t-il pour mener l'enquête ?
Comment concilier cette soif de vérité et le fait qu'il torture et tue au nom de la loi ? Les voix qui le hantent proviennent-elles des ténèbres où errent ses victimes ? L'une d'elles, Marie de Salvin, jeune femme éblouissante qu'il a brûlée vive, ne le quitte plus. Quant à Evangeline exécutée pour meurtre, découvrira-t-il la preuve de son innocence ?
Des interrogations auxquelles il devra répondre dans un face-à-face de feu et de sang. Une quête qui le conduit à perdre son âme en tentant d'obtenir justice pour celle des autres.
Le Brasier de Justice est la première aventure de cadet-Venelle, bourreau du Moyen Âge cherchant à rétablir la justice des Dieu quand celle des hommes vacille.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
1305, dans le Perche. Le bourreau de Mortagne, Hardouin cadet-Venelle, conduit à la mort une jeune femme jugée coupable par ordalie. Par la suite obsédé par la souvenir de cette morte, M. Justice de Mortagne, comme on l'appelle, n'aura de cesse de chercher la vérité et de rétablir dans leur dignité ceux qui ont été injustement condamnés.
Il se trouve que, non loin de Mortagne, dans la ville de Nogent-le-Rotrou, enclave bretonne dans les comtés de Perche et d'Alençon, appartenant au frère du roi, Charles de Valois, se perpètrent depuis quelques mois des meurtres horribles que le bailli de la cité, Guy de Trais, ne parvient manifestement pas à élucider. De jeunes enfants des rues sont retrouvés sauvagement assassinés dans les ruelles de la ville et il semblerait que les pires outrages leur aient été infligés avant que mort ne s'ensuive. Dépêché sur place par messire Arnaud de Tisans, le bailli de Mortagne, Hardouin, homme d'honneur mais sans scrupules, est mandaté par lui pour faire la lumière sur ces atroces assassinats tout en enquêtant sur une ancienne condamnation, celle d'une simple, Evangeline Caquet, condamnée à être enterrée vive pour avoir assassiné sa maîtresse, une bourgeoise de Mortagne. Le bourreau de Mortagne est bien décidé à démêler ces deux enquêtes qu'il mène de front. Et si l'une -l'enquête sur la simple- s'avère finalement relativement rapide il va, avec celle menée sur les petits saute-ruisseaux, mettre le doigt dans des rouages qui le dépassent et pourraient bien toucher de près au trône et aux sordides menées politiques des grands. Au même moment, une jeune baronne des alentours de Nogent, Mahaut de Vingonrin, est accusée d'enherbements sur plusieurs membres de sa famille et notamment son jeune fils de cinq ans, Guillaume...
Voici donc, résumée en quelques lignes, la teneur du premier tome des Enquêtes de M. de Mortagne, bourreau, saga d'Andrea H. Japp qui, chronologiquement, ferait suite à La Dame sans Terre, se passant aussi dans le Perche mais cette fois, en 1304. Si, dans cette dernière série, le policier le dispute à l'ésotérisme, nous sommes ici ancrés et bien ancrés sur la terre ferme, en ce début de XIVème siècle. Nous suivons donc Hardouin cadet-Venelle dans ses différentes pérégrinations entre Mortagne-du-Perche et Nogent-le-Rotrou, où il mène ses enquêtes pour le compte d'Arnaud de Tisans. Au Moyen Âge, et même après, le bourreau est un personnage qui fait partie de la société et a sa propre place dans la hiérarchie de la justice, procédant aux tortures -la Question- et, ensuite, le cas échéant, aux différentes exécutions en vigueur. Pour autant, il reste un personnage craint, un personnage qui traîne la mort après lui et, en général, les bourreaux se recrutent dans les mêmes familles, les fils succédant aux pères. De même pour les unions : pas question pour un bourreau, bien que richement établi comme peut l'être Hardouin, par exemple, dans la série, ne se marie ne serait-ce avec une petite bourgeoise. Les bourreaux épouseront les filles ou sœurs des autres bourreaux et de véritables dynasties dont la mort est le métier verront ainsi le jour -énormément de famille « bourrelières » se trouvaient ainsi unies par des liens de consanguinité plus ou moins importants. Pour résumer, le bourreau est en quelque sorte un paria résidant hors des villes et, bien que bénéficiant d'avantages dus à sa fonction, comme le havage par exemple -le droit de prendre gratuitement sur les étaux des marchands la quantité de nourriture tenant dans la paume de la main-, il est, pour une grande partie de la population, un personnage qui fait peur et, donc, par là même, évité et peu apprécié. Le bourreau est condamné à mener une vie en dehors de cette société, en exclu alors même que, paradoxalement, il reste un membre indispensable pour la justice de l'époque.
Hardouin n'est donc pas devenu bourreau de sa volonté mais parce que le hasard a fait de lui l'héritier de son père, après la mort de ce dernier et de son frère aîné, destiné à reprendre la charge de leur géniteur. Ainsi, il se trouve devenir M. Justice de Mortagne, bras armé de la justice, celui qui tue au nom de la loi. Mais, pour autant, il n'en est pas moins un homme juste et bon, chrétien fervent, pour qui la justice ne se bafoue pas et bien déterminé, après avoir pris conscience qu'il a envoyé au bûcher une jeune femme innocente et, de plus, déshonorée de son vivant par un vaurien sans foi ni loi, à punir ceux qui ne respectent ni la justice des hommes ni celle de Dieu. Et, bien que touchant parfois à des arcanes qui lui sont bien étrangères, il n'hésitera pas à punir les coupables, faisant fi de leur appartenance sociale et de leur fortune.
Après un début assez poussif, je dois dire, l'intrigue se met en place. Les cent premières pages servent à poser l'intrigue et, même si elles ne sont pas des plus palpitantes, elles permettent en quelque sorte de faire connaissance avec les personnages du roman et notamment notre héros, Hardouin mais aussi avec l'ambiance du livre. On se retrouve cette atmosphère tendue, poisseuse, que j'avais déjà pu déceler dans La Dame sans Terre, un formidable thriller en quatre tomes. Les enquêtes menées par les héros d'Andrea H. Japp sont en général très emmêlées, complexes et surtout, très noires, voire sordides, comme ici, avec des meurtres d'enfants -même si l'enfant n'était pas, au Moyen Âge, considéré comme de nos jours. Premier tome relativement court, Le Brasier de Justice se laisse très bien lire et, lorsque l'intrigue policière se met réellement en place, il est parfois difficile de poser le livre. J'avais lu pas mal d'avis relativement mitigés mais, pour ma part, je dois dire que le charme a opéré et que c'est avec grand plaisir que j'ai découvert cette première enquête d'Hardouin cadet-Venelle, aussi noire soit-elle. Le style, bien que relativement simple, est dynamique et rythmé. Beaucoup de notes de bas de page qui peuvent finir par lasser, il est vrai, mais apportent cela dit pas mal de compléments au récit. Un glossaire très détaillé se trouve également en fin d'ouvrage, avec des notices biographiques des personnages historiques présents dans le roman -comme le roi Philippe le Bel, son conseiller Guillaume de Nogaret, son frère, Charles de Valois-, mais aussi des informations plus pratiques comme le renseignement des heures canoniales, très importantes au Moyen Âge puisqu'elles permettaient à la population de savoir quelle heure il était ou bien, des correspondances entre les unités de mesure actuelles et celles de l'époque, très fluctuantes d'une province à une autre -cela va d'ailleurs perdurer durant l'Ancien Régime et jusqu'à la Révolution. Les livres historiques d'Andrea H. Japp sont toujours très bien documentés et on ressent bien sa volonté de nous livrer des récits, certes romancés, mais qui tiennent la route, étayés par des recherches historiques sérieuses.
Bref, ce premier tome est, pour moi, particulièrement convaincant et m'a donné très envie de découvrir les autres enquêtes de M. Justice de Mortagne, un personnage profond et complexe, mais, au demeurant, attachant.
En Bref :
Les + : une enquête sombre, un contexte historique bien restitué, des personnages percutants et travaillés.
Les - : des longueurs au début, des notes de bas de page très nombreuses, utiles certes, mais qui peuvent parfois lasser.