30 Mai 2015
«Une sorte de justice immanente semble donc présider au dénouement de cette histoire, chacun des trois protagonistes ayant été, à l'évidence, l'artisan de son destin. »
Publié en 1998
Editions Le Livre de Poche
640 pages
Premier tome de la saga Les Reines de France au Temps des Bourbons
Résumé :
Quel était le sort réservé aux reines dans l'ancienne France ? Simone Bertière poursuit ici une passionnante et originale enquête historique avec deux femmes qui ont marqué le XVIIe siècle : Marie de Médicis et Anne d'Autriche. Toutes deux ont joué un rôle politique considérable, puisque, respectivement mères de Louis XIII et de Louis XIV, elles seront durant de longues années régentes du royaume. C'est tout un siècle de notre histoire qui revit à travers ces deux biographies mêlées, où se conjuguent la rigueur de l'exposé historique et la finesse de l'analyse psychologique, au gré d'un récit vivant et animé. Une réussite couronnée par le prestigieux Grand Prix d'histoire Chateaubriand-La Vallée-aux-Loups 1996.
Ma Note : ★★★★★★★★★★
Mon Avis :
L'exceptionnelle longévité de Louis XIV, qui régna soixante-douze ans a fait que le XVIIème siècle fut très peu riche en figures féminines souveraines. Elles sont finalement trois à se partager, avec plus ou moins de bonheur, cet honneur : la grand-mère, la mère et l'épouse du Roi-Soleil.
La grand-mère, c'est Marie de Médicis, Florentine, cousine lointaine de la fameuse reine Catherine, qui gouverna la France au siècle précédent. La mère, c'est la flamboyante et très jolie Espagnole, Anne d'Autriche, descendante de Charles-Quint, épouse bafouée mais mère exceptionnelle. Enfin, l'épouse, dont le destin ne sera que survolé dans cet ouvrage, c'est Marie-Thérèse, espagnole aussi et par ailleurs nièce d'Anne d'Autriche. Effacée, parlant mal le français, elle sera confinée dans un rôle bien moins important que celui des deux précédentes, se contentant finalement d'aimer le roi de loin et de lui donner des enfants.
Marie de Médicis par Pourbus (début du XVIIème siècle)
Marie de Médicis et Anne d'Autriche se démarquent de cette figure traditionnelle de la reine, justement dévolue à la perpétuation de la race et à un rôle de figuration auprès de son époux, parce que le destin l'a voulu comme cela. Comme Blanche de Castille en son temps, comme Catherine de Médicis, elles ont perdu le roi, leur époux, alors que leur fils n'était pas en âge de s'acquitter seul de l'exercice du pouvoir. Elles occupèrent, chacune avec plus ou moins de succès, la place peu confortable de régente, le temps que leur enfant puisse enfin se passer de leur tutelle. Anne d'Autriche garda jusqu'au bout l'amour et l'affection d'un fils qu'elle avait eu sur le tard et qu'elle avait su s'attacher par des sentiments sincères ; Marie de Médicis, mère peu aimable et peu aimante, ne sut pas s'attirer l'affection de son fils, l'ombrageux Louis XIII, qui la laissa partir sans regrets.
Ce sont donc ces deux figures qui seront au centre du récit de ce premier tome des Reines de France au Temps des Bourbons et qui porte justement le titre plus que transparent des Deux Régentes. Après avoir brossé les grands destins d'Anne de Bretagne, de Marie Stuart et de Catherine de Médicis et ceux, plus effacés, des reines Claude de France, Elisabeth d'Autriche et Louise de Lorraine dans Les Reines de France au Temps des Valois, Simone Bertière s'attaque donc, avec beaucoup de succès, au récit des grands destins féminins sous les Bourbons, dont la dynastie régnera, en ligne directe, jusqu'en 1792.
On découvre ou on redécouvre donc dans cet ouvrage deux figures incontournables de l'Histoire Moderne : Marie de Médicis, l'épouse d'Henri IV et Anne d'Autriche, leur belle-fille, qui reste bien plus connue comme la mère de Louis XIV que comme l'épouse de Louis XIII, finalement. Elles furent deux souveraines différentes, de part leurs origines, déjà, de part leur caractère plus intime également, car il ne faut pas oublier qu'au-delà de la figure souveraine et figée dans le temps, elles furent aussi deux femmes, avec leur humanité, leurs sentiments, leurs qualités, leurs défauts et leurs failles. Mais un point commun les relie cependant : elles eurent à assumer la régence, à assurer la position d'un petit roi mineur pas encore capable de régner. Elles eurent la rude tâche de diriger le royaume durant une période troublée, pas forcément encore complètement émancipée des troubles religieux et sanglants du siècle précédent et dont on vit encore, parfois, des recrudescences. Si l'une, Marie de Médicis, appelait de ses vœux une responsabilité qu'elle considérait comme exaltante mais qu'on lui refusait du vivant de son époux et qu'elle assuma finalement en demi-teinte, Anne d'Autriche, elle, ne souhaitait pas que le pouvoir lui tombe entre les mains. Elle s'en acquitta cependant bien mieux que sa belle-mère, même si elle commit, comme tout le monde, des erreurs que ses contemporains et, plus tard, les historiens, furent enclins à juger parfois un peu trop sévèrement. L'erreur est humaine, il est vrai mais nous sommes toujours moins disposés à la supporter chez ceux qui, un jour, durent présider à la destinée d'un peuple. Ce fut le cas de ces deux femmes qui n'avaient pas été préparées au gouvernement d'un pays mais que l'assassinat ou la mort naturelle et prématurée de leurs époux respectifs précipita dans un rôle difficile où il n'y a que peu de place pour l'improvisation.
Anne d'Autriche par Rubens (XVIIème siècle)
Il est plaisant de retrouver sous un coup de projecteur différent les deux existences archi-connues de ces deux reines. Sans les excuser, sans les dédouaner, sans minimiser leurs erreurs ou les décisions malheureuses qu'elles ont pu prendre et qui ont ensuite influencé les rois et les reines qui les ont suivies, Simone Bertière essaie de livrer une image humaine, objective, peut-être aussi un peu plus féminine, dans sa façon de les considérer. Avec, parfois, une psychologie contemporaine, une vision des choses plus prompte aux concessions que celle des contemporains, notamment les mémorialistes, qui jugeaient à chaud de leurs actes, mais sans pour autant tomber dans l'hagiographie, l'auteure nous permet de ressortir de son livre avec une opinion certainement nuancée sur ces deux reines et une certaine indulgence pour elles. Certes, elles prirent parfois de mauvaises décisions mais qui n'en prendra aucune dans sa vie ? Seulement il est toujours plus facile de critiquer celles des gens publics comme pouvaient l'être les souverains à l'époque. Marie de Médicis a à souffrir, depuis le XVIIème siècle, d'une affligeante réputation de sottise et de balourdise et, même si elle s'avère effectivement d'un caractère jaloux et emporté, il semblerait qu'elle n'ait pas été aussi bête que l'on veut bien le faire croire. Quant à Anne d'Autriche, qui, cent-cinquante ans avant Marie-Antoinette, fut accusée de frivolité, de coquetterie et de collectionner les amants, elle fut certes une reine énergique mais qui ne manœuvra pas toujours de façon toujours pertinente, animée qu'elle était par son amour maternel bien plus que par un sentiment national qui, de toute façon, à l'époque restait une notion assez vague.
Récit riche et accessible, l'ouvrage de Simone Bertière ravira autant ceux qui veulent découvrir cette période pleine de rebondissements, d'événements et de personnages hauts en couleur que ceux la connaissant déjà mais voulant s'y replonger. Avec un propos loin du pompeux et du barbant, elle parvient à captiver son public.
En Bref :
Les + : un récit riche, rigoureux mais accessible.
Les - : rien de grave, une seule petite erreur sur la reine Marie-Thérèse que l'auteure fait naître en 1639 !